L'un bleu et l'autre rouge
Nemerys
Je suis tiré de mon sommeil par des bruits de pas au-dessus de moi, comme si des dizaines de personnes marchaient sur le toit. Les vampires en sont capables? J'ouvre les yeux et ils rencontrent les aveuglants rayons du soleil. Aie!
Je me tourne et tente de cacher ma tête sous la montagne d'oreilles mais n'en trouve qu'un seul et unique. Étonnée, je me redresse et me rend compte que je ne suis pas au palais, mais bien sur le bateau. Je comprends plus facilement l'absence de rideau et les bruits de pas. Je n'ai donc pas rêvé, je me suis bien enfuie avec Ilda. Un soupir de soulagement s'échappe de ma poitrine, je suis en sécurité.
Je m'extirpe du lit et me prépare rapidement pour partir en quête de nourriture. Je m'attarde sur la fenêtre de ma chambre. En me penchant suffisamment, je vois la coque avant du bateau fendre en deux la mer. Notre voyage à donc débuté. Parfait.
Bon maintenant, il faut que je me nourrisse et pour ce faire je dois descendre à la cuisine. Pourtant, c'est avec surprise que je trouve devant ma porte un panier garni de fruits et que je constate qu'Ilda a le même dépôt devant sa porte. Le capitaine est décidément très attentionné avec nous, à moins que cela ne soit d'Arcon. Qu'importe en vérité, les deux prennent soin de nous comme promis et nous nourrissent. Je viens déposer le panier repas sur ma table et sortir sur le pont accompagné uniquement d'une pomme. Cela fera l'affaire, d'accord je suis affamé mais il est hors de question que je me jette comme un animal sur la nourriture. En montant les marches de l'étroit escaliers, je me surprends à me remémorer mon premier voyage sur ce navire. Cela paraît si près et si loin à la fois... La nostalgie s'empare de moi une nouvelle fois en avançant vers l'avant du navire. Sur mon chemin, les hommes du capitaine me jettent un drôle de regard. Je ne peux que les comprendre au vu de mon accoutrement. Je n'ai pu emporter aucun corset pour ne pas m'encombrer et ma robe vole légèrement à cause de la vitesse du navire. En dépit du vent, je continue à progresser parmi les marins, atteignant enfin ma destination. Des tonneaux se trouvent dans un coin, ils forment une table d'opportunité et ses deux sièges. Assise sur l'un des tonneaux, je profite des arômes de la pomme tout en regardant l'horizon. J'ignore depuis combien de temps nous avons quitté le port mais, Nolambur n'est déjà plus visible. Perdue au loin sur la rive.
- Vous appréciez vraiment la mer, Majesté, souffle une voix derrière moi.
L'entente de mon titre provoque chez moi un sursaut. Dès lors que je me retourne, je tombe sur deux yeux vairons. L'un est bleu et l'autre rouge. Je me rappelle parfaitement du blond qui possède ses yeux.
- Albin.
Je ne crache pas son nom mais le souvenir de la manière dont il m'a traité lors de notre rencontre aurait pu me donner ce droit. Il lève les deux mains en l'air, comme pour signifier qu'il n'est pas venu avec de mauvaise intention cette fois. Je reste toutefois sur mes gardes. La première fois, j'étais bien trop gentille pour me méfier de lui mais à présent je sais ce qu'il est.
- Dans mon souvenir, votre regard n'était pas aussi perçant, petite reine.
- Dans le mien, votre œil était marron et pas rouge.
Une sorte de grimace se répand sur son visage comme pour dire "bien joué, bonne mémoire".
- Vous avez une très bonne mémoire votre Majesté, il appuie exprès sur le dernier mot.
Il sait. Je pourrais lui poser l'idiote question qu'il désire sûrement que je prononce mais je n'en ferai rien, je sais très bien comment il est au courant. Anticipant sa question je répond:
- Vous êtes un bâtard vampire.
- Et perspicace! Vous semblez avoir potassé votre sujet depuis la première fois que nous nous sommes vus.
Il franchit les derniers mètres qui nous séparent avant de se pencher légèrement sur moi.
- Que fait la précieuse reine sorcière aussi loin du palais et sans escorte?
Merde. Il sait comment cela se passe là-bas, c'est certain. Il a beau n'être qu'à demi-vampire, il reste un sujet potentiel de Calix... et le mien par extension. Je me redresse fièrement sur ma chaise de fortune et le regarde dans les yeux. Je n'ai pas peur de l'affronter cette fois. Même en l'absence de ma magie, je reste puissante.
- Qui vous dit que je suis sans escorte? Peut-être que parmi les marins présents sur le pont un, deux ou trois sont des vampires de mon escorte personnel.
Ma voix se veut confiante lorsque les mensonges quittent ma bouche. C'est comme ça que nos mensonges peuvent prendre vie dans l'esprit des autres. Malencontreusement, Albin ne semble pas de cet avis.
- Je connais l'uniforme des gardes vampires et de plus, entre nous, nous sentons l'odeur des autres espèces je vous rappelle. Si un vampire avait mis le pied sur ce navire, je l'aurai immédiatement identifié. De plus, j'espère pour vous que vos gardes vous protègent mieux d'habitude.
Lui aussi est perspicace. Cela ne servirait à rien de m'enfoncer dans mon mensonge avec lui.
- Que voulez-vous?, soufflé-je.
- Savoir pourquoi vous fuyez Hallow. Même si j'ai ma petite idée, après tout, je vous ai mise en garde contre les vampires dans le passé.
- Vous n'avez pas l'air d'avoir besoin de ma réponse alors. Laissez-moi maintenant, ordonné-je.
Mon ton est sans appel pourtant, il persévère.
- Je suis peut-être sur ce navire le seul à comprendre vos motivations. J'ai moi même fui ce royaume pour son étroitesse d'esprit.
Ses paroles atteignent mes oreilles mais je me force à ne pas réagir. Pourquoi me dire ça à moi? Il pense qu'on vit une situation similaire? Pourtant ce n'est en rien comparable.
- Je ne le fuit pas par peur ou pour son étroitesse d'esprit comme vous semblez le penser. Je pars parce que j'ai besoin d'air frais.
- Vous désirez déjà une pause à peine quelques semaines après votre mariage? Oh que vous a fait le grand méchant vampire pour vous étouffer?
Si j'avais ma magie, j'aurais volontiers provoquer une décharge électrique lorsque sa main se pose sur la mienne. Hélas, à cause du bracelet que Calix m'a forcé à mettre, c'est impossible. Je me soustrait à son emprise et me lève. Surpris, il recule de deux, trois pas puis me fixe. Mes iris verts entrent en contact avec ses yeux hétérochromes. Notre duel de regard se poursuit tandis que j'ouvre la bouche et laisse des mots s'échapper.
- Je n'ai nul besoin de vous répondre. Comme vous l'avez dit, je suis la reine malgré le fait est que nous ne sommes plus à Hallow, dis-je d'un ton ferme.
J'espère qu'en paraissant fermé à la discussion, il arrêtera de me poser des questions. Cela commence réellement à m'agacer.
- Cette fausse assurance que vous semblez avoir, fonctionnait-elle avec votre mari? me nargue-t-il. Dans ma mémoire, il n'était pas quelqu'un de doux alors, peut-être, je dis bien peut-être, qu'il l'est resté même avec vous?
Je détourne mon regard du sien comme si ces propos me touchaient. C'est le cas mais il est hors de question qu'il voit l'effet profond qu'on ses mots sur moi.
- Oh c'est bien ça, l'effrayant roi de Hallow vous a maltraité et vous vous enfuyez en lâche.
- Il n'y a eu aucune violence et je ne suis pas lâche, répond-je en tournant ma tête dans sa direction. Vous ignorez de quoi vous parlez mais sachez une chose. Vous feriez mieux de vous taire plutôt que de calomnier quelqu'un qui pourrait vous faire énormément de mal, même si vous êtes hors de sa portée pour le moment.
Il me détaille avant de sourire et d'acquiescer.
- Je me suis peut-être trompé en réalité. Vous avez vraiment confiance en vous et devez avoir des sentiments forts pour le défendre ainsi. Je l'envie presque.
Le sourire malin sur son visage ne me plait guère mais, le voir s'éloigner de moi me rassure. Il a finalement décidé d'abandonner.
- Seulement Majesté, si vous pouvez le défendre de cette manière, je n'imagine pas ce qu'il fera pour vous retrouvez et ramenez dans son palais. Cachez-vous bien, me conseille-t-il.
Et sur ces mots, Albin se détourne de moi et retourne à des occupations qui me sont inconnues. Je me retrouve à nouveau seule et reprend ma place sur le tonneau en bois. Ma pomme entamée n'attend plus que moi pour être mangée. J'ignore pourquoi mais cet hybride semble prendre du plaisir à me torturer à chaque fois qu'il me voit. Deux rencontres, deux altercations mais au moins cette fois-ci, j'ai pu m'en sortir seule sans l'aide du capitaine.
Cependant, comme il y a des mois, ce qu'il m'a dit n'est pas anodin. Albin connaît visiblement bien les actions et le tempérament de Calix. Il sait, tout comme moi, que lorsque Calix apprendra ma disparition, il se lancera à ma poursuite. Je pris seulement Éione qu'il soit bien loin du château et que la poudre d'Ilda fasse effet encore un moment. Il faut que l'on s'éloigne le plus possible du port pour retarder des potentielles retrouvailles.
Je finis mon fruit lorsque j'aperçois Ilda qui sort du pont inférieur et me cherche. J'agite mon bras droit pour lui signaler ma présence et rapidement, la sorcière se retrouve avec moi.
- Tu as pu dormir?, lui demandé-je alors qu'elle prend place en face moi.
Je remarque que son teint est bien pâle et qu'elle évite de regarder le trognon de ma pomme.
- Je dois t'avouer que j'ai le mal de mer...
Mes yeux s'écarquillent de surprise en entendant sa confession. Je m'attendais pas à ce qu'elle soit naupathique.
- C'est drôle toi la femme d'un être de l'eau, ne supporte pas d'être sur un navire.
- La déesse est capricieuse. Je pense qu'elle fait tout ce qu'elle peut pour nous séparer, rétorque-t-elle en se penchant par-dessus la rambarde pour y relâcher ce que contient son estomac.
L'odeur du vomis provoque chez moi une réaction instinctive et j'ai presque envie d'en faire de même. Il en est hors de question! Je me recule un peu en me bouchant le nez. Beurk! L'odeur est vraiment nauséabonde. La pauvre Ilda se redresse et heureusement pour nous deux, rien de ce qu'elle a rendu ne figure sur son visage.
- Je vais chercher de l'eau et une tisane, ça peut calmer tes vomissements.
- De l'eau suffira, merci, me sourit-elle tandis que je m'éloigne.
Je reviens vers elle quelques minutes plus tard, deux verres d'eau dans mes mains. Je reprend ma place et regarde à nouveau l'horizon.
- Tu comptes te cacher pour toujours chez nos sœurs?
- Non. Seulement le temps qu'il faudra.
- Et tu penses qu'il faudra combien de temps?, se renseigne-t-elle.
- Si j'en avais une idée, tu le saurais. J'imagine que je peux me cacher le temps qu'il m'oublie et m'abandonne...
Cela sera plus facile à envisager si je n'avais pas une mission à accomplir. Mes proches risquent de perdre la vie si le Conseil apprend ma fuite. Je compte sur l'amertume qui existe entre Calix et le Conseil pour qu'il garde aussi longtemps mon secret. Hélas, ils pourraient s'en apercevoir d'une autre manière...Je n'ai pas prévu cette fuite.
- Calixte n'abandonnera pas aussi rapidement que tu ose l'espérer. Il te traquera toi et tous ceux qui, à ses yeux, pourraient t'avoir aider à fuir.
- C'est une bonne chose alors que la seule personne qui m'ait aidé soit avec moi, cacher.
Je suis bien consciente des risques qu'elle et moi prenons. Je ne doute pas que les ressources qu'il emploiera pour me faire revenir seront colossales. Tout dépend de la puissance de ses sentiments à mon égard. Ce que j'ai cru voir et ressentir lorsque nous étions à Périsonne m'avait l'air intense et vrai, mais qu'en sais-je? Calix peut très bien avoir feint son attachement et ne vouloir rien de réel auprès de moi. J'ignore depuis combien de temps il douter de moi et sur quoi d'autres il pouvait contester ma fiabilité. Malheureusement, avec ma fuite je dois avoir confirmer les soupçons qu'il avait sur moi.
- Je crains qu'il ne veuille me retrouver que pour prendre sa revanche sur moi. Je l'ai trahie bien plus qu'il ne le pense déjà, confessé-je. Je ne suis pas seulement une sorcière rouge mais aussi une femme envoyée pour le trahir lui et son peuple. Pour briser leur croyance.
- Mais tu ne l'as pas fait. Thalia ne m'a jamais parlé de tes croyances lorsque l'on a discuté de toi.
Mon attention se reporte sur ce qu'elle vient de dire.
- J'ignorais que Thalia et toi parliez de moi lors de vos rencontres.
- Thalia t'adore, je pense même que ce mot est un euphémisme compte tenu du nombre de fois où elle a chanté tes louanges et combien elle voyait son frère changer en ta présence. Selon ce qu'elle m'a dit, tu as l'air de compter pour elle mais aussi pour son frère. Je ne pense pas qu'il te fera du mal quand il te retrouvera.
Et pourtant l'amour peut aussi être le moteur des plus belles vengeances. Calix en sait bien quelque chose avec Liliane. Qui sait ce qu'il pourrait me faire si ses sentiments à mon égard n'étaient que du vent.
- Seul Éione sait ce qu'il se passe dans sa tête en réalité...
- Je prierais la Morigann pour qu'il soit fidèle à ce que m'a rapporté Thalia, je te le promets.
La sorcière trentenaire saisit ma main, comme pour me montrer son soutien.
- Mais je suis certaine que ce qu'elle m'a dit n'est que la pure vérité. J'ai pu le constater à ton
mariage. L'odieux personnage que j'ai toujours connu, avait l'air de vraiment tenir à toi. Ses yeux ne te quittaient pas et tu sais ce que l'on dit des yeux.
Ils sont le reflet de notre âme.
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