Débarquement
Nemerys
C'est quand la lune est au sommet du ciel, que nous accostons dans un port sur la côte Ouest de Guénadé. Chaque hémisphère de Guénadé possède une capitale en plus d'avoir Latoche en ville centrale et importante pour le pays. Si je ne dis pas de bêtise, celle de l'ouest est Suilly.
— À quelle distance nous trouvons-nous de Suilly?
— Je dirais quelque chose comme une heure et quelques en voiture, répond le capitaine Bruce tandis que ces hommes déchargent ce que contenait la cave du bateau. Je peux vous en trouver une si vous le désirez.
Je regarde Ilda dans l'attente d'une réponse mais son regard traduit la même chose que moi: Elle non plus n'a jamais conduit de voiture. Même si c'est un véhicule plus que commun à Guénadé, les exilés comme ma famille et moi n'avons pas accès à cette technologie. Je n'ai pas de permis et Ilda ne semble pas en avoir aussi. En même temps, elle vit en marge de la société en étant une résidente des montagnes.
— Nul besoin capitaine, sourit Ilda. Nous allons marcher jusqu'au campement.
— Quoi? m'exclamé-je en reculant de quelques pas pour mieux la regarder.
— Le campement ne se trouve pas à proximité d'un bord de route. Nos sœurs cachent toujours les camps loin de la population pour éviter des individus non-désirables.
Elle positionne son sac sur son épaule tandis que le débarquement des fournitures continue. Je m'accroche à la rambarde du navire et tente de réfléchir à une solution. Comme lorsque je suis arrivé à Hallow, ici nous sommes en terrain inconnu et avec aucun moyen de communication si ce n'est le miroir d'Anelise. Ce dernier n'a jamais voulu s'activer et pourtant, ce n'est pas défaut d'avoir essayé durant la traversée. Anelise devait avoir seulement imprégné l'objet de magie pour une seule communication. C'était la seule option tant qu'on a pas retiré ces maudits bracelets. Mes doigts essayent de passer entre le morceau de cuir et ma peau mais, comme usuellement, c'est peine perdu. L'objet qui bloque mes pouvoirs ne bouge pas d'un millimètre. Merci Calix de ce merveilleux cadeau.
Ilda descend du navire pendant que le capitaine vient se poser à ma droite. Une nouvelle fois, l'heure des aurevoirs a sonné.
— Je ne pourrais jamais vous remercier suffisamment de votre aide Capitaine.
— Vous n'en avez pas besoin Majesté. Si j'ai pu vous aider d'une quelconque façon en vous accueillant et transportant jusqu'ici, c'est avec joie.
L'homme en face de moi fait honneur à son statut de capitaine, il est humble et serviable.
— Vous ne m'avez pas questionné, pourquoi?
— La première fois que je vous ai vue, j'ai compris que votre mission passé avant tout et vous ne parliez que de ça. Il y a trois jours, j'ai vu que votre regard avait changé madame. Vous fuyez pour votre vie et même si j'ignore pourquoi, je ne peux pas laisser une dame en détresse seule. C'est contraire au code d'honneur.
— Il y a un code d'honneur? demandé-je en esquissant un sourire.
— Sur mon navire, oui. sourit-il en retour. Je voudrais vous donner un objet qui m'appartient, ainsi lorsque vous aurez besoin de mon aide et que votre magie sera de retour, vous pourrez me joindre au moindre souci.
L'homme à la barbe passe une main dans son manteau et sort une plume de perroquet.
— Je n'ai jamais vu d'oiseaux sur votre bateau.
Il dépose la plume de couleur rouge et bleu dans main tandis qu'il perd son sourire.
— Cette plume appartenait à une métamorphe que j'ai bien connue il y a des années. Elle s'appelée Amarante.
— "Appelée"? relevé-je en entendant l'utilisation du passé.
— Elle est morte il y a une dizaine d'années alors que je prenais la mer. C'était la première fois qu'elle restait à terre et moi en mer.
Première et dernière fois.
— J'imagine la douleur que sa mort vous à causé capitaine. Êtes-vous sûr de vouloir me confier votre dernier souvenir d'elle?
— Ce n'est pas la seule que j'ai! rugit-il en rigolant. Je vous aime beaucoup jeune fille...vous lui auriez plus, j'en suis certain! Amarante voudrait que je vous aide.
La plume toujours dans ma main, je passe mes bras autour du capitaine qui m'a tant aidé dans le passé et qui me tend un main pour l'avenir. J'ignore si je ferais un jour appel à cet homme et à sa bonté mais au moins je sais qu'il est mon allié.
— Merci capitaine.
— Vous avez gagné le droit de m'appeler Bruce, Majesté.
— Seulement si vous m'appelez Nemerys, répliqué-je.
Sur ces derniers mots, et un hochement de tête complice, le capi...Bruce me relâche et j'entreprends moins aussi de suivre la sorcière.
Mon pied touche le bois du ponton lorsqu'un sifflement m'interpelle.
— Vous alliez partir sans me dire vos adieux?!
— Les adieux sont difficiles Arcon.
Le mousse utilise une corde qui pend de la poutre du navire pour se lancer et atterrir à mes côtés.
— C'est surtout un peu lâche, vous ne croyez pas?
— Je l'admet, mais je déteste dire adieu ou au revoir, avoué-je.
Le jeune homme me prend de cours et m'enlace avec force. J'ignore pourquoi mais un fort lien existe entre lui et moi. Arcon semble très accroché à moins, au point de n'avoir rien oublié de moi pendant des mois et à s'être porté volontaire immédiatement auprès du capitaine pour ma sécurité.
J'imagine que certains liens sont inexplicables. Dès la minute où il était chargé de nous surveiller avec Lara lors de ma première traversée, le mousse Arcon n'a jamais manqué à sa parole et à son honneur.
— Ne changez rien Arcon, lui chuchoté-je. Vous serez un admirable capitaine un jour en restant comme vous êtes, fidèle à vos valeurs.
— Vous aussi ne changez rien madame. Vous êtes d'une grande empathie et c'est ce qui fera surement de vous, une grande meneuse.
L'accolade se défait et je suis la première à reculer. Mes yeux basculent du mousse en face de moi au capitaine. Des larmes commencent à s'accumuler au coin de mes yeux tandis que je recule de plus belle. Les hommes de ce navire ont pris des risques en m'aidant à m'enfuir et je pris Éione que Calix ne leur fasse aucun mal, j'en mourrais de savoir que l'un d'eux est blessé par ma faute.
Un dernier geste de la main avant que je me tourne vers Ilda. La sorcière me sourit tristement, compatissant à ma peine puis, elle attrape ma main et nous disparaissons du port pour nous engouffrer dans les rues de cette nouvelle ville.
Personne n'est dehors, j'ignore l'heure exacte qu'il est mais nous ne devons pas être loin de minuit ou une heure du matin. Le soleil ne devrait pas se lever avant encore cinq ou six heures, c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Sans soleil, il est plus difficile de nous repérer mais cela vaut de même pour nous diriger. De plus, il nous manque toujours notre magie et nous devons avancer à l'aveugle.
— Pourquoi ne pas avoir demandé quelque chose d'utile comme une lampe torche au capitaine?
— Parce que nous n'en avons pas besoin, Nemerys. Rien, si ce n'est notre instinct, ne pourra nous aider à trouver le campement. Je sais qu'il est par ici.
— Tu sembles très sûre de toi pour quelqu'un dont la magie ne fonctionne plus, lui balancé-je avec un peu d'amertume en vue de la longue marche qui nous attend. On a aucune idée de comment les trouver.
— Ne soit pas défaitiste. Si on ne les trouve pas, elles nous trouveront. Nos sœurs ont des espions partout et elles sauront vite que deux femmes ont débarqué ici. Anelise sait que nous sommes en fuite, elle nous enverra de l'aide.
Sa confiance en Anelise est ahurissante. La manière dont elle parle de la matriarche et de son omniscience, est similaire à celle dont je parle d'Éione et de comment je voyais le Conseil. Si cette situation était arrivée avant les menaces du Conseil, je me serais sûrement enfuit et partit chercher asile auprès d'eux. Maintenant, je doute d'eux et aussi des Filles de la Morrigan et je peux rajouter Calix. Les seuls sur qui je pourrais me reposer sont ma famille mais je ne peux les rejoindre.
Je pousse un soupir de désarroi. Qui sait quand je pourrais retrouver les miens...
— Je n'aurais pas dû fuir, soufflé-je en arrêtant ma progression.
— Quoi? Tu regrettes maintenant? me demande-t-elle en rebroussant chemin pour venir se planter devant moi. Tu préférerais être toujours cloisonner dans tes appartements sans pouvoir sortir?
— Ce n'est pas ça...je mets tout le monde en danger en m'étant enfuis. Peut-être que Calix m'aurait pardonné si j'étais encore là-bas, qui sait.
Le doute commence à s'installer en moi. J'avais tellement peur de ce qu'il pourrait me faire si je restais au château que ce n'est que maintenant que je réalise l'impact de mon geste.
— Calix m'aime peut-être comme vous avez tout l'air de le penser mais... Ça ne change pas que je l'ai trahie, et ce deux fois maintenant. Et j'ai aussi peur du Conseil...
Et des Filles de la Morrigan, mais ça je le garde pour moi.
— C'est la deuxième fois que tu parles du Conseil avec une certaine peur dans les yeux. Que t'ont-ils dit ou fait pour que tu aies si peur?
Ilda est perspicace, je dois le reconnaître mais elle reste une sorcière de sang. Elle me conduit à elles parce qu'elle pense que je serais plus en sécurité entourée des miennes mais...sont-elles réellement les gentilles de l'histoire? Le monde n'est pas blanc ou noir, malgré que je le sache, Calix, le Conseil ou encore Anelise, font tout pour que je choisisse un seul camp. Calix ne l'a peut-être pas formulé à haute voix mais ses actions en sont la preuve. Le Conseil utilise ma famille pour me manipuler et Anelise utilise une vieille rancœur millénaire pour en faire autant. Je ne sais vraiment pas qui croire...
Mon silence provoque un soupir provenant d'Ilda. La sorcière comprend que je ne compte pas répondre à sa question. Cela trahit la confiance que je n'ai pas encore en elle.
— Ce n'est rien si tu ne me répond pas, c'est qu'il y a une raison. Je pensais que tu saurais que tu peux me faire confiance, après tout je te viens en aide et je me mets moi-même en danger. On est dans le même bateau Nemerys.
Nous reprenons notre marche sans continuer notre discussion. Les rues sont toujours aussi peu lumineuses et vides mais nous trouvons rapidement la sortie. La ville portuaire où nous nous trouvions ne devait pas être très grande. Nous sommes au milieu d'une route principale, déserte pour l'heure, qui doit sûrement mener à Suilly. Ilda s'arrête au centre de la route goudronnée et tente d'apercevoir des reliefs avec ses mains comme jumelles. malheureusement, la lune n'éclaire pas suffisamment pour trouver un indice.
— C'est peine perdue, tu sais? l'interpellé-je. La côte ouest de Guénadé n'est composée que de ville portuaire comme celle-ci. Jusqu'à Suilly, il n'y a rien d'autre que du dessert.
Ce que je dis est vrai, petite, mon père avait affiché une carte de Guénadé en grand dans ma chambre pour que je mémorise les différentes villes et climats de Guénadé. Au Sud et à l'Est d'immense forêt sont présentes, comme la Forêt Obscure d'où je viens et La Forêt des loups, qui elle est à l'est. Au Nord, on retrouve la chaîne de montagne qui est notre frontière naturelle avec Hallow. L'ouest, lui, est aride de l'océan jusqu'à sa capitale.
— Je pensais que vous vous cachiez toujours dans des forêts? repris-je croisant les bras. Sans forêt c'est qu'on est au mauvais endroit.
— Non, on est sur la bonne voie. Je le sens, je ressens leur ondes.
Sans crier gare, elle se met à avancer dans une direction qui lui semble précise et pour moi inconnue. Je secoue la tête, parce que cela me semble fou, et la suit dans sa quête. J'ignore comment elle peut encore ressentir leur essence magique.
— Comment peux-tu en être si sûre? Les bracelets nous empêchent d'utiliser la magie.
— De l'utiliser oui mais je n'en ai pas besoin pour les sentir. Mon instinct le fait, crois moi.
J'acquiesce en suivant ses pas. Suivons donc son instinct vu qu'elle y croit dur comme fer!
Nos empreintes sont visibles dans le sable. J'espère que Calix et ceux qui me cherchent sont encore loin de nous sinon, je ne nous donne pas plus d'une journée après notre passage pour qu'ils nous trouvent. À moins que le vent devienne notre allié et efface nos pas. Je croise les doigts!
La lune entreprend sa descente à mesure que nous évoluons dans ce désert. Sous nos chaussures, le sol est chaud et malléable. Aucune de nous deux n'a les bonnes chaussures pour marcher dans le sable. De toute façon, même si j'avais pu anticiper cette petite randonnée, je n'aurais pas pu avoir de meilleures chaussures. Toutes celles que je possède au château sont avec minimum des talons de trois centimètres. Celles que j'ai aux pieds sont sans aucun doute les plus plates.
Alors que nous montons une énième dune, une lumière bleu éclaire mon sac en clignotant.
— Stop!
Ilda s'immobilise et tout son corps se dirige dans ma direction. À la vue de l'éclat bleu qui provient de mon sac, un sourire gagne son visage se tord d'incompréhension tandis qu'un sourire gagne le mien
— Le collier! m'écrié-je en retournant mon sac pour étaler tout ce qui s'y trouve au sol.
J'ai un pincement au cœur lorsque mon livre de prière s'écrase au sol, les feuilles volantes. Heureusement ce n'est que du sable! Je le dépoussière plus tard, le plus important c'est le collier. En le secouant un peu, le sac finit par délivrer le collier. Je souris en constatant que la lumière continue d'émettre. La lueur qu'il émet me rappelle lorsqu'il le faisait dans mon rêve et...et quand il m'a guidé vers le portrait de Liliane.
— Pourquoi brille-t-il ainsi? me questionne Ilda. Je croyais que tu n'avais aucun objet magique.
— Et c'est vrai, mais ce collier c'est comme le miroir. Un cadeau de ta matriarche. Tu dois avoir raison, confessé-je un peu à contre-coeur. Anelise sait que nous sommes en chemin. Le collier va nous guider.
Je me dépêche de ranger mes affaires au sol à nouveau dans mon sac et me redresse en prenant soin de garder le collier dans la main.
— Comment va-t-il nous indiquer la bonne direction?
— Très facilement... Je vais faire dix pas dans chaque direction en revenant à chaque fois au centre.
Avec mon pied, je dessine un cercle au sol et me positionne au centre.
— Il va émettre une lumière plus forte si je vais dans la bonne direction, à l'inverse il s'éteindra si c'est la mauvaise direction.
Ilda hoche la tête et m'observe faire. Selon moi, je n'ai aucune raison d'aller derrière nous, le collier aurait émis plutôt de sa lumière si nous étions proches d'elles. Sans aucun indice, je fais dix pas vers l'avant. La lueur bleu déclinant un peu, je reviens au centre du cercle, la lumière brillante comme avant mes pas. Je me tourne vers ma droite, mais comme pour l'étape précédente, l'éclairage bleuté faiblit.
— Et bien, par élimination, allons à gauche. proclame Ilda en me laissant passer devant elle.
Comme attendu, en virant à gauche, le collier brille de plus en plus fort à mesure que nos jambes nous portent.
Après un certain moment, le collier clignote avant de nous éblouir comme jamais il ne l'avait fait. Autour de nous, rien n'est plus visible mais de toute façon, seul le sable nous entoure. La lueur nous aveugle et nous force à cacher nos yeux. Des bruits de pas se font entendre mais la lumière bleu nous aveugle toujours puis disparaît.
J'ouvre les yeux avec une certaine appréhension mais je constate vite qu'il n'y a aucune raison de. Anelise et deux autres sorcières de sang sont devant nous, des sourires sur les lèvres.
— Bienvenue au campement, mesdames. articule Anelise en me prenant dans ses bras.
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