Comment?
Calix
À mesure que je me rapproche d'Urel, une des colonies du sud, le poids sur ma poitrine continue de grandir. Je savais très bien ce que je faisais en laissant la porte ouverte. Nemerys s'est toujours montré curieuse sur mon passé. Indirectement, je lui ai donné la réponse et je suis maintenant déçu... Mais c'est le risque lorsque l'on a trop vécu. Les gens s'interrogent et cherchent à savoir, comme elle l'a fait. Je me suis préparé mentalement pendant des jours à la possibilité qu'elle m'ai trahie mais bon dieu! Ce que ça fait mal même avec l'anticipation...
Malgré les mensonges que nous avons tous les deux prononcés, j'aime à croire que l'affection, non l'amour que l'on ressent, n'en est pas un. Ce que je lisais dans ses yeux ne peut pas être faux. Pas plus que ce je lui ai dis... enfin pensé. Je n'ai même pas eu le courage de lui dire que malgré sa trahison, je l'aime. Ma colère et ma fierté ont pris les devant. Au lieu de la rassurer, je l'ai laissée seule dans sa tourmente. Et me voila à mon tour tourmenter.
Pour autant, ce n'est pas le moment de le faire. Je dois me focaliser sur un problème à la fois. Nemerys est tranquillement enfermé dans le château et moi je suis ici, prêt à découvrir si ce qu'on m'a rapporté est vrai. Cela fait plusieurs jours que je mène ma propre enquête, ce que Félicien m'avait apporté comme information à Perissone n'était pas assez précis. Ansel n'avait écrit qu'une lettre vague et incomplète, d'où mon départ précipité qui, j'en suis certain, a dû blesser Nemerys. Mais elle comprendra. Elle qui s'inquiète toujours pour les autres, ne peut que le faire.
Marcus, qui était resté sur l'île avec elle à ma demande, ne m'a rien dit à ce sujet. Je ne m'attendais pas à ce qu'il accourt me dire comment elle avait réagi mais au moins à un léger rapport. Il est seulement venu me voir à leur arrivée au château pour m'informer du bon déroulé du voyage. Simple et efficace, comme à son habitude. C'est pour ça que je lui ai demandé de m'accompagner, son travail est toujours concis. Normalement, Félicien ou Grégoire, voir les deux, serait venu mais ils sont les seuls à connaître Nemerys et ce qu'elle peut faire. De plus, Marcus connait le créateur chargé de cette colonie. Un homme qui a la différence de lui, préfère créer que tuer. Je compte sur leur lien affectif pour qu'il se confie plus facilement si, il a des secrets.
Après une journée de cavale, je saute de ma monture lorsque nous atteignons la cour extérieure. Enfin, nous allons pouvoir commencer les recherches. L'espace est quasiment vide ce qui est normal à cette heure. Les nouveaux-nés résidant ici et même les novices sont sensibles à la lumière. De mémoire, je dirais que seulement une petite poignée de vampires vivant ici ne sont pas photosensibles. Urel est une des colonies les plus excentrées et récentes ce qui explique la faible population tenace face aux rayons du soleil. Le capitaine de la garde descend à son tour de son cheval. Nous ne sommes venu qu'à deux. Je n'ai pas besoin d'autre homme que Marcus pour cette courte investigation. Du moins, je l'espère.
Nos pas nous mènent jusqu'à la plus grande tente où se trouve le créateur Pateo, un vampire dont les cheveux et la barbe me rappellent la couleur feu de Nemerys. Après les marques de politesses habituelles, il nous conduit à l'intérieur et nous nous installons pour converser et trouver des réponses.
— Marcus, t'as envoyé une lettre pour signaler notre venue et la raison.
— Je me souviens avoir reçu la lettre en effet, acquiesce-t-il. Mais il n'y avait pas de date précise, je ne m'attendais pas à vous voir aujourd'hui. D'habitude, vous faites venir les personnes à vous, non l'inverse.
Sa remarque est plus que correcte. Il est rare que je me déplace en personne mais j'ignore combien dans les colonies aussi éloignées que celle-ci me sont réellement fidèles. Marcus peut bien se porter garant, je ne veux pas faire venir l'un d'entre aussi près de moi et de Nemerys. La petite menteuse ne mérite pas d'être victime d'un complot qui la dépasse. Le vampire en face de nous attrape trois coupes qu'il remplit de sang frais avant de nous en proposer. Je prends volontiers la mienne tandis que Marcus décline. C' est un des rares vampires que je connaisse à préférer boire du vieux sang et du neuf. Chacun ses goûts après tout.
— J'ai mes raisons de m'être déplacé, crois moi. Que sais-tu des Chevaliers de la nuit ?
Ma question provoque chez Paleo une subite quinte de toux.
— Pardonnez-moi mais je sais uniquement ce que vous nous avez dit lors de la dernière réunion des colonies, Majesté. Que ce sont des vampires qui ne souhaitent plus être gouvernés par vous et que Hallow fasse partie de Guénadé, siffle-t-il comme si la seule pensée d'une unification le répugner. Ce sont des idiots.
— Oh des idiots il y en a partout. C'est comme les menteurs, ils se faufilent partout.
Y comprit dans mon lit.
— Malheureusement, il semblerait que certains se cachent dans le coin. En tant qu'éducateur, tu es le maître de ce coin et rien ne doit se passer sans ton aval, non?
Le vampire en face de moi déglutit et ses yeux sont fuyants, signe que j'ai effectivement pointé quelque chose d'intéressant. Mais quoi? Je pose mon verre sur la table devant moi et me redresse en le regardant droit dans les yeux.
— Ou, si des choses se passent sous ton nez, c'est que j'ai définitivement mal choisi ton rôle et que Marcus, je me tourne vers lui, tu n'es pas aussi intuitif que je le pensais.
Paleo se lève brusquement de son siège, il est outré par ce que j'avance. Je ne peux cependant pas encore dire s' il est de mèche avec eux ou non.
— Ce serait une erreur de penser que je vous ai trahis. Je n'ai jamais rien fait que d'essayer de maintenir la paix dans cette région, je vous le jure.
Je soupire en regardant l'homme en face de moi s'agenouiller comme s' il implorait une quelconque clémence. Et c'est en l'observant que je remarque une chose qui me fait instantanément comprendre dans quel camp est cet homme.
— Je veux bien te croire. Mais j'ai des investigations à faire dans cette région. Quelqu'un sait forcément ce qu'il se passe ici. Ils ont été vus par ici, j'ai des preuves, conclus-je en laissant mon dos reposer contre le dossier. Je dois seulement enquêter par moi-même à présent.
— Vous n'avez pas des choses plus importantes? Comme rester auprès de votre femme?
A la mention de Nemerys, mes muscles faciaux se tendent. La douleur de sa trahison coule encore dans mes veines. Mes sentiments affectueux envers elle s'en retrouvent étouffer d'avoir été dupé sans pour autant disparaître. C'est drôle de pouvoir aimer une personne qui a gardé un secret si longtemps. Elle devait bien se rire de moi quand je la mettais en garde contre ses sœurs.
— Je suis celui qui décide quelles choses sont importantes. Ma femme le compend parfaitement.
Enfermée dans sa chambre et sûrement en train de me maudire. Je ne suis pas à une malédiction près.
— Bien sûr, Majesté, se reprend-il. Je ne voulais pas insinuer que vos choix...
Je me lève interrompant son court discours, n'ayant nul envie de continuer à l'entendre me cirer les pompes.
Comme le veut la coutume lorsque je suis de passage, je réquisitionne la tente principale. Elle est la seule suffisamment grande pour y avoir un bureau et tout le nécessaire au bien-être d'un vampire. Bien sûr, elle est aussi l'une des seules à ne pas filtrer les rayons du soleil. De cette manière les nouveaux-nés peuvent mourir à l'abri du regard des autres en pleine journée. Je déteste lorsque les éducateurs ne réussissent pas leur mission. Outre la paperasse qu'il faut faire aux archives, c'est une perte militaire que l'on s'inflige.
En me positionnant au bureau, mes yeux se dirigent vers une pile de quelques feuilles maladroitement posées dans un des tiroirs de Paleo. Le créateur se trouve en dehors de la tente accompagné de Marcus. Je compte sur ce dernier pour tirer les vers du nez de son ami. Je ne suis pas patient surtout lorsque la sécurité de mon peuple est remise en question. Si les informations qu'Ansel sont vraies, elles restent incomplètes. L'homme qu'il avait surpris ne devais pas être autre chose qu'un fantassin* dans les rangs des Chevaliers de la nuit, c'est souvent l'un d'entre eux qu'on capture. Les têtes pensantes ne sont pas assez stupides pour se montrer sous mon nez. Je dois reconnaître qu'ils sont malins. Ce qu'ils ont réussi à faire en mon absence est une belle épine dans mon pied. L'explosion du second port était un choix stratégique. Il n'était peut-être pas fini, mais bien avancé. Maintenant, il faut tout reprendre. On s'en serait volontiers bien passé. Pour compenser le retard du chantier, il va sûrement falloir envoyer des novices plus vieux pour qu'ils puissent travailler la journée aussi.
Repoussant mes pensées négatives, je me penche pour sortir du tiroir cette pile de papier. L'odeur qui s'évapore du papier me parvient au narines et j'identifie l'origine de l'odeur. Du sang. L'encre qui est utilisée sur ces feuilles est à base de sang, chose que j'ai interdite il y a quelques siècles. Pour que le sang soit un encre parfait, il doit être prélevé directement sur un humain encore en vie qui a lui-même consommer du sang humain. Je l'ai interdit car son utilisation avait débordé et beaucoup d'humains n'étaient chassés dans la seule optique que d'être une réserve d'encre. Les seuls qui l'utilisent sont Les Chevaliers de la nuit.
Ma mâchoire se serre lorsque je constate que mes doutes et ceux d'Ansel étaient fondés. La colonie d'Urel cache des traîtres et leur créateur en est un.
*Fantassin : soldat d'infanterie
Avant de le confronter, je tente de déchiffrer la première feuille, heureusement pour ces traîtres, Paleo a une écriture de merde et je n'arrive pas à comprendre les formes bizzares qu'ont ses lettres. De plus, ces mots ne m'ont pas l'air d'être écrits dans notre langue. Frustré, j'écarte les pans de la tente et cherche du regard où se trouvent le traître et mon capitaine de la garde. Ce dernier sait mal choisir à qui faire confiance.
Ne les voyant pas dans mon champ de vision, je m'avance parmi les tentes noires épaisses qui forment le camp d'Urel. Les nouveaux-nés se reposent sûrement à l'intérieur de celles-ci en attendant la nuit. Je foule le chemin de terre et je finis par entendre les personnes que je recherche.
Une fois à proximité d'eux, j'hume l'odeur et repère immédiatement des intrus à proximité. Je m'abaisse et tente d'apercevoir ce qui cloche. De là où je me trouve, je peux seulement voir des silhouettes, sans aucune précision. Je m'approche, tout en faisant le moins de bruit possible du groupe d'individus. Deux hommes sont présents en plus de Marcus et Paleo. Mon garde est au sol tenu par les deux vampires que je ne connais pas et son prétendu ami le tient en joue avec son épée.
Dans mon cerveau tout va très vite. J'avais bien raison, il est dans le coup cet enfoiré. J'empoigne ma lame, sans pour autant la sortir, et tente toujours de m'approcher discrètement des traîtres. Les buissons et les arbres sont une parfaite cachette pour réduire la distance entre eux et moi. En face de moi, les deux vampires tenant mon capitaine de la garde sont de dos et je peux visualiser le visage du traître Paleo. Les traits de l'homme traduisent sa volonté de ne pas blesser celui qui est, ou plutôt fût, son ami.
— Pourquoi le trahis-tu? demande Marcus d'une voix qui se brise.
Même menacé, il n'a pas l'air de remettre en doute sa loyauté envers moi. Cela me soulage quelque part au fond de moi. Il est réellement dévoué aux siens.
— Je l'ai trahi il y a bien longtemps, mon cher vieil ami. Je l'ai trahi le jour même où l'organisation à vue le jour.
— Pourquoi? Quelles sont tes griefs contre lui et nous autres qui lui sommes fidèles?
— Tu n'as pas besoin de le savoir, répond l'un des deux ravisseurs avant de faire un signe de la tête à Paleo.
Ce dernier élève son épée en hauteur et fusille son ami du regard, hésitant à abattre sa lame dans son corps. C'est cet instant de doute qui me permet de m'élancer rapidement pour couper la tête à l'assaillant de droite. Le Chevalier de la nuit s'effondre au sol, décapité. L'autre n'a pas le temps de réagir que Marcus lui donne un coup d'épaule dans les jambes, ce qui le déstabilise. J'aide mon capitaine de la garde à se mettre sur ses deux pieds tandis que son ancien ami prend la fuite dans les bois. D'un signe de tête, Marcus me fait comprendre qu'il va le prendre en fuite. Il récupère l'arme du mort et s'élance à sa poursuite. Il ne me reste que le garde vivant mais qui se relève. En constatant la mort de son acolyte et la fuite du second, un sentiment d'incertitude passe sur son visage. Il ignore s'il peut me battre mais, il le sait, il ne pourra pas. Ma redoutable façon de combattre est bien connue de mes hommes comme de mes ennemis.
— Vous n'auriez rien de moi, prononce-t-il en lançant son arme plus loin, résilié à mourir.
Cette façon d'agir me surprend mais lorsque je remarque un sourire narquois sur son visage, je comprend que tout n'est pas fini. Il sort de sa bessas une fiole de couleur sombre et l'ouvre avant de la consommer sous mes yeux. Je n'ai pas le temps de réagir que le vampire saisit sa gorge, tandis que les veines de tout son corps s'assombrissent et que son corps entier devient grisâtre. Du sang noir commence a jaillir de sa bouche et tombe au sol. J'accourt à ses côtés mais il est trop tard. Le poison a fait son effet. Il est mort. Je ne peux rien faire de plus maintenant pour lui.
Je me relève et plutôt que de rester ici à attendre, je me lance à la poursuite de Marcus et Paleo. Je parviens facilement à les rattraper. La scène qui s'offre à moi est déchirante. Deux anciens amis se battent à coups d'épées. Deux personnes qui connaissent les points faibles de l'un et de l'autre. Leur lame s'entrechoquent et à chaque fois, ils poussent des cris de rage. Je m'abstiens d'intervenir tant que Marcus n'est pas en position de faiblesse. Ils se tournent autour pendant un moment avant que mon garde finisse par prendre l'avantage sur celui qui fût un jour son allié. Il lui tranche les tendons et va pour l'achever lorsque je m'interpose.
— Ce n'est pas encore l'heure de l'achever, prononcé-je en serrant son épaule. On doit l'interroger.
— Il ne dira rien! Il n'est qu'un traître, Majesté.
Son regard est enclin à la colère et à la déception. J'imagine bien ce qu'il vit. J'éprouve les mêmes sentiments envers ma femme.
— Il parlera en temps et en heure. Je te promets que tu seras au première loge. Ramenons le au camp.
De chaque côté, nous attrapons le traître qui gît à nos pieds et le traînons jusqu'au camp.
Arrivés à destination, deux vampires se saisissent de Paleo.
— Enfermez le dans un cercueil de bois de chêne.
Un hochement de leur tête et ils l'emmènent sous une tente pour accéder à ma requête. Je les regarde s'éloigner et me tourne vers Marcus.
— Il paiera pour sa traîtrise, je te le promet.
— Je suis désolé, j'avais réellement confiance en lui, souffle-t-il en baissant la tête de honte.
— Ce n'est en rien ta faute, tu ne pouvais pas savoir au vu du temps qu'il s'est écoulé depuis votre dernière entrevue.
Sa bouche s'ouvre sans prononcer un mot. Pourtant des sons s'entendent à proximité. Des bruits de sabot qui cavalent à toute allure vers nous. À l'unisson, nous nous tournons vers l'entrée du camp. La silhouette qui se dessine sur le cheval est féminine et possède une longue chevelure châtain et bouclée. Thalia. Sa présence n'annonce rien de bon...pourquoi serait-elle là? Peu de chose pourrait l'avoir forcé à cavaler depuis le château.
— Thalia? l'interrogé-je lorsqu'elle arrive à notre niveau. Que se passe-t-il?
— C'est Nemerys, Calix. Elle a disparu.
A l'entente du nom de ma rose, une panique s'empare de moi. Mon cœur qui ne bat pourtant plus, semble sur le point de flancher. Un sentiment de peur que je ne pensais plus jamais ressentir grandit en moi
— Comment ça? Quand a-t-elle disparu?!
Ma soeur dépose ses pieds à terre et arrange sa robe avant de me répondre. Dieu sait combien l'attente qu'elle me fait endurer est dure pour moi et mon cœur.
— On en sait rien. Beaucoup de vampires, dont moi et Ansel, avons été assommés par de la magie...
Les sorcières rouges. J'ignore comment mais ce sont les seules qui aient pu organiser la fuite de Nemerys. La menteuse! Elle qui a juré n'avoir rien à faire avec elles, s'est finalement évadée avec leur complicité. La peur cède alors sa place à la rage. Thalia continue de parler mais je ne l'entend plus. J'essaye seulement de ne pas faire éclater la colère que cette nouvelle provoque sur autruis. Malheureusement, ma nature vampirique fait de moi un être sanguin et l'impulsion de blesser quelqu'un parce que cette nouvelle m'afflige, grandit.
Ma soeur constate mon état et tente de me pousser vers la tente mais rien ne changera ce sentiment au creux de moi. Je la repousse et plein d'énergie négative, je m'enfonce à nouveau dans la forêt. Cherchant quelque chose à traquer puis tuer pour assouvir ma rage.
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