1.40 - Barrage 🛑 1/2
J'essaie de joindre Ethan pendant que je cours à vive allure sur la route en direction des villas de luxe nichées sur les hauteurs de la ville, mais il ne répond pas.
J'ai beau être quelqu'un de clairvoyant, je ne sais absolument pas à quoi m'attendre. La chair de poule ne m'a pas quitté depuis le palier de chez moi.
Le portail de la pom-pom girl est grand ouvert sur la fête. Il est à peine vingt-deux heures et c'est déjà un bordel monstre. Je bouscule les personnes que je rencontre. Je croise furtivement le regard stupéfait de Driss qui est en pleine conversation avec une fille.
Rapidement, je trouve l'escalier et grimpe les marches quatre à quatre, puis ouvre chaque porte au premier étage. Le cœur battant à se rompre, je déboule dans la pièce sans frapper. Elle est très bien éclairée, alors je ne perds pas une miette du spectacle qui s'offre à moi.
Tony et Brooklyn sont assis face à face sur un lit. Bouche contre bouche. Ils s'embrassent.
Ce n'est pas un smack, ni un truc ridicule, mais un baiser ayant le pouvoir de me bousiller.
Mon portable vole dans la pièce et se brise contre le mur d'en face. Le couple se décolle l'un de l'autre. Sans réfléchir, je fonce sur eux, arrache Tony du matelas et le plaque contre la tapisserie. Je le maintiens au bout de mes poings et lui hurle au visage :
— Qu'est-ce que tu fous !?
D'abord, il me scrute, surpris, puis prend un air hautain.
— Tu es aveugle ? me répond-il avec un sourire malin.
Un sourire encore humide des lèvres de Brooklyn.
— Pourriture.
Je le balance sur le côté, me déplace vers Brooklyn et je me mets à sa hauteur. J'essaie de la sonder, mais son regard est presque froid. Elle m'observe comme une chose curieuse.
— Est-ce qu'il t'a forcée ?! Dis-moi s'il l'a fait, poursuis-je d'une voix tendue.
— Non, répond-elle, vaguement.
— Non ?!
Je tombe de haut.
— Tu l'embrasses de ton plein gré ?
Les mots m'arrachent la gorge.
— Tout le monde embrasse tout le monde.
Atterré, je la dévisage.
— Pardon ?
— Qu'est-ce que tu croyais ? envoie Tony. Que t'étais le seul à pouvoir t'amuser ? renchérit-il, fier de lui. Je lui ai dit pour Hailey et toi.
Je décide de ne pas relever. Si je le fais, je crois que je pourrais le défigurer à vie. Mon regard regagne Brooklyn.
— Il n'y a rien entre Hailey et moi, putain ! Comment peux-tu croire ça ?! m'acharné-je à lui ouvrir les yeux.
— Parce que je lui plais, tout compte fait ! aboie Tony. N'est-ce pas évident ?!
— Ce n'est pas à toi que je parle !
— Et bien, c'est à moi que tu vas devoir parler. Elle sort avec moi maintenant, ça te pose un problème ?!
Je dois faire abstraction de ses paroles. Me ressaisir. Je me redresse et essaie de me remettre les idées en place. Je secoue la tête, passe la main dans mes cheveux. Brooklyn se met debout, toujours en me fixant avec une putain d'expression indéchiffrable. Je suis dans la quatrième dimension. Est-ce que je me trompais depuis le début ? Est-ce qu'ils flirtaient dans mon dos ? Pourquoi était-elle là avec lui si ce n'est pas le cas ? J'essaie encore de me voiler la face, de me dire que ce n'est pas possible. Qu'il y a forcément une explication.
Je la regarde encore. Elle ne dit rien. Tout en moi explose en mille morceaux.
— Cameron... commence-t-elle.
Elle fait un pas vers moi. Moi, un en arrière. J'ai besoin d'analyser la situation, prendre du recul. Qu'est-ce que tout ça signifie, bon sang ?!
Le message est pourtant clair, seulement je n'arrive pas à l'assimiler.
Je sais encaisser d'habitude. Il faut croire que son attitude m'a abimé pour de bon. Car elle m'abime, littéralement.
— Avoue que tu faisais la même chose avec Hailey, envoie Tony.
Ce dernier attire mon attention et les mots glissent au travers de ma gorge asséchée :
— Tu délires ?
— Toi, arrête tes délires. Hailey et toi, tout le monde est au courant.
Je considère Brooklyn. N'a-t-elle jamais pris au sérieux mes sentiments ?
Elle lève sa main pour la poser sur mon bras, mais de nouveau, je recule d'instinct. C'est à ce moment-là que je me rends compte que je ne pourrai plus jamais la laisser me toucher.
J'étais capable d'absolument tout pour elle. Recevoir des coups, les rendre avec autant de force. Faire preuve de sacrifice. Ne peut-elle pas à son tour faire preuve de discernement ?
Je regrette de nous avoir tenu pour acquis. La chute fait plus mal.
— C'est fini, dis-je dans un souffle.
Trois misérables mots qui me pourfendent la poitrine. Si cette fille savait comme ils me détruisent.
— Quoi ?
— Toi et moi, c'est fini. Alors ne me touche pas.
Ses yeux s'arrondissent.
— Qu'est-ce que tu entends par : « C'est fini » ?
— Tu comprends très bien.
— Je... non... je ne comprends pas.
— Tu veux que je te fasse un dessin, putain ?!
Tony a un sourire satisfait sur la tronche. Je les regarde l'un et l'autre. Je recule encore, conscient que si je reste, je vais dire et faire des choses irréversibles.
— Je..., essaie encore Brooklyn.
— Ce n'est pas un break. On se sépare. Retourne t'amuser avec ton nouveau mec.
— Non, at... attends... Explique-moi, je n'arrive pas à comprendre ce qui t'arrive.
Elle me fait halluciner. Me justifier me paraît si dérisoire à présent.
Ses doigts attrapent mon t-shirt.
Je me dégage et un sentiment de panique se matérialise enfin dans son regard. Elle commence à réagir. Malheureusement, c'est trop tard.
— Ce qui m'arrive ?! T'es conne ou quoi ?! Tu as embrassé un autre gars.
Je ne peux pas retenir les saloperies qui sortent de ma bouche. La colère m'embrase de toute part.
— Qu'est-ce qui se passe ? demande Ethan qui vient d'entrer dans la pièce avec Devin pour se placer à ma droite.
Il y a foule derrière moi. J'entends la musique, mais aussi des murmures dans mon dos.
— Toujours pareil, les gars. Cameron fait des siennes. Sérieusement, tu te prends pour qui ? balance Tony qui fait le malin tout en se plaçant à côté de Brooklyn.
— Ferme bien ta gueule... fais-je, la mâchoire contractée.
Je serre les poings pour empêcher mes mains de trembler. Devin se met entre nous. Driss me retient le bras. Il ne manquait plus que lui.
— Tu pensais que tu allais l'intéresser encore longtemps ?! Cocu comme le paternel, ça doit être génétique, renchérit Tony.
— Mais boucle-la ! lui ordonne Devin.
Ils savent que ça va partir en couille. Je suis à deux doigts de tout casser. Je ne suis pas sûr que qui que ce soit dans cette maison pourra m'arrêter si je donne le premier coup. Me battre et partir en garde à vue à cause d'une meuf, j'ai déjà donné.
— Cam, tu m'expliques ? réitère Ethan. Tu sors vraiment avec Brooklyn ?
— Il n'y a plus rien à expliquer, m'appliqué-je à répondre.
Mes respirations saccadées me trahissent. Je suis en train de perdre les pédales. Je dois me barrer et vite. J'essaie de faire demi-tour, mais Tony est décidé à me faire péter un plomb.
— Allez, ça devait arriver tôt ou tard, mec. Tu ne comptais pas vivre à ses crochets, si ? Quoi que, ça aussi c'est dans tes veines.
Je baisse la tête et ris jaune. Les masques tombent, on dirait. Je relève imperceptiblement le menton et fais un quart de tour pour le toiser.
— Tu te penses meilleur que moi, c'est ça ? Prends les restes, ordure, je te les laisse.
Je jette un dernier coup d'œil à Brooklyn. Elle m'ausculte toujours, mais cette fois, je remarque que ses paupières sont noyées de larmes et le soulagement que je ressens me dégoute. Pourquoi le fait qu'elle réagisse et souffre diminue cette douleur insupportable, la rendant écœurante ? Qu'est ce qui m'a pris de l'aimer ?
J'ai honte. Voilà ce qu'elle me fait ressentir. Mon regard devient de glace.
— Elle n'en vaut pas la peine, envoyé-je avant de me débarrasser des mains qui me maintiennent et de sortir de la pièce.
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