1.37 : Le manoir 🏠
Je devais publier hier, mais j'ai oublié. Je tenais à m'en excuser. Belle lecture :)
CAMERON
Est-ce que je prends ma batte en alu ou celle en bois ? J'hésite vraiment alors que les gars doivent déjà m'attendre sur le terrain de baseball à cinq kilomètres d'ici.
Allez, celle en alu. J'ai déjà mis quinze piges à trouver des fringues propres...
Tandis que je quitte la chambre, Brooklyn apparaît. Nous sommes samedi en début après-midi. Elle porte un legging noir Nike, dont elle est l'égérie, et un pull court de même couleur et de même marque. Elle est trop jolie. Un de ces quatre, je vais finir chez les dingues, car je pense sérieusement à souder les gallons de la porte de ma chambre. Brooklyn à l'intérieur, évidemment.
— J'ai fini tôt, aujourd'hui, la séance photo était au centre-ville, m'apprend-elle.
Même si il est tôt, je sais que nous ne pourrons pas passer la journée ensemble.
— Je ne reste pas là, lui indiqué-je.
Elle zieute vers mon lit, comme si elle désirait s'y allonger. Elle a encore dû se réveiller aux aurores. Malheureusement, j'ai trop d'énergie pour paresser avec elle.
— Excuse-moi. C'est la fin des cours et mon dernier examen est dans une semaine. J'ai besoin de taper dans la balle, me justifié-je.
Il n'y a pas que ça. Je le sais très bien. Il y a Brooklyn, notre relation secrète et l'après lycée. Je ne sais toujours pas ce que je ferai après le diplôme.
Je lis de la déception sur son visage.
— Je comprends, accepte-t-elle.
Brooklyn opère un demi-tour. Je la retiens par le bras. C'est la seconde fois cette semaine qu'elle vient et que je la renvoie chez elle. La dernière fois, je devais réviser chez Hailey.
Je lui embrasse doucement la joue pour lui dire bonjour. On n'oublie pas les bonnes manières.
Elle sourit et ça me redonne du baume au cœur.
— Où sont tes parents ? lui demandé-je.
Quand elle vient en milieu de journée, c'est parce qu'ils sont absents ou assez occupés pour ne pas repérer qu'elle est sortie de la maison.
— Ma mère est chez une amie et mon père est dans son bureau.
Je hoche la tête. J'ai remarqué, durant ces dernières semaines, que Brooklyn est très seule. Sa vie tourne essentiellement autour du piano, des séances photos et de moi. Elle me dit qu'elle va chez Charly parfois, mais je sais que c'est de plus en plus rare. Apparemment, cette dernière entretient une relation et est moins disponible.
Ça n'a pas l'air de gêner Brooklyn plus que ça. Elle s'en accommode. Moi, ça m'attriste.
— Je rentre alors.
Désolé, je hoche le menton. En la voyant tourner les talons, je suis tiraillé entre l'envie d'aller me défouler sur le terrain — besoin capital —, et d'appeler les potes pour leur dire que j'annule. J'ai les nerfs en pelote depuis plusieurs jours et peu de choses arrivent à me déstresser. Mais le choix est vite fait.
— Je reste, lui annoncé-je finalement.
Elle sera toujours ma priorité. C'est aussi très égoïste, je veux toujours passer du temps avec elle, même si c'est peu. Cependant, j'aimerais aussi qu'elle comprenne que cette situation ne me convient plus. Je dois lui parler.
Elle se retourne et m'interroge du regard. Je pose ma batte dans le coin de ma chambre, récupère au passage mon portable sur le bureau et tape un texte dans la messagerie groupée que l'on alimente avec les gars.
Une fois le message envoyé, j'entends une dizaine de bips. Ça ne doit pas leur plaire, mais je m'en fous. Je m'assieds sur mon lit et attends que Brooklyn s'approche.
— Il fait beau dehors. On pourrait sortir si tu veux, me suggère-t-elle.
— Et si on croise ta mère ?
Elle hoche le menton, indiquant qu'elle est d'accord. Or, qu'elle le soit me gêne. Je souhaite assumer notre relation au grand jour, mais elle, on dirait qu'elle n'en éprouve pas le moindre besoin.
— On pourrait faire les courses.
Elle me soutire un sourire amer.
— Je n'ai rien à acheter.
— Ah, d'accord. Tu ne m'aimes plus ?
Interloqué, je la dévisage. Elle me demande cela comme si c'était possible de ne plus l'aimer.
— Bien sûr que si, je t'aime.
Et elle ? M'aime-t-elle aussi ? C'est une question qui me tourmente chaque jour. Rien n'évolue vraiment.
Elle n'ose pas bouger. Je déteste lorsqu'on se regarde ainsi et que je fais semblant de lui faire confiance. Semblant d'aller bien.
Trois mois que nous nous voyons en cachette. C'est un miracle que son père ou sa mère ne l'aient pas surprise ni posé de questions sur ses allées et venues dans le jardin.
C'est difficile de se sentir le seul à vouloir aller de l'avant.
Je crois que, tout simplement, elle ne parlera jamais de nous à ses parents...
— Viens. Ne reste pas loin de moi, lui réclamé-je tout bas.
— Tu...
J'étends le buste pour pousser le battant de la porte et le rabattre.
— Viens, répété-je en la chopant pour la ramener entre mes jambes.
Mes bras ceinturent sa taille et je pose ma tête contre son ventre. J'ai besoin de la sentir, sous mes mains aussi. J'ai l'impression que l'on s'éloigne, que je m'éloigne. Cette situation me bouffe. J'en ai assez de faire comme si tout allait bien, comme si je ne craignais pas pour notre avenir.
Et si sa mère et son père ne m'acceptaient pas ? Et si Brooklyn décidait de me quitter sur un coup de tête ? J'ai l'impression que notre relation n'a engagé que moi.
Doucement, ses doigts me caressent les cheveux. De la chair de poule naît dans ma nuque et se propage dans tout mon corps. Si j'avais besoin de me calmer, j'ai trouvé mieux que le sport. Je pourrais ronronner comme un chat.
Je frotte mon front contre elle, puis lui embrasse tendrement le ventre. Son pull remonte légèrement, alors je le soulève d'un centimètre et mes lèvres trouvent sa peau que je couvre de baisers. Elle est si douce. Parfumée.
J'entends son souffle devenir plus sonore. Je souris, fier comme un paon de lui faire de l'effet.
C'est réciproque.
À la base, ça partait d'une bonne intention, sans arrières pensées.
Seulement, ses genoux viennent naturellement s'installer de part et d'autre de mes hanches. Elle est à califourchon sur mes cuisses. Je relève la nuque et me noie dans son regard. Elle a de si beaux yeux, une si belle bouche. Mon Dieu, elle est divine. Et moi, je deviens à moitié dingue.
Depuis quelque temps, elle « m'essaye », c'est-à-dire qu'elle prend sur moi des « positions ». Elle semble méditer sur elles à chaque fois, alors que dans ma tête, c'est Disney World.
Je me mords très fort la lèvre pour stopper le coup de sang qui m'envahit. Je devais lui parler, non ? J'ai complétement oublié ce que je devais lui dire.
— Ce piercing..., commence-t-elle.
— Hum... ? réponds-je distrait.
Faut pas oublier que je suis en train de me noyer. J'ai le cerveau dans l'eau paradisiaque de son regard océan et le corps entre ses cuisses. Autant dire que je ne suis pas tout à fait là.
Concentre-toi, Cam !
— Tu peux me dire pourquoi tu as fait ça ? demande-t-elle le plus innocemment du monde, alors que je me pose les questions d'un incube.
Pourquoi quoi au juste ? Son index touche l'anneau accroché à ma lèvre. Je frémis.
Ah, ça...
Je dois reprendre mes esprits. Reconnecter mes neurones à l'instant présent.
— Tu veux dire : pourquoi je me suis percé la lèvre ? lui demandé-je d'une voix plus grave que d'habitude.
Elle hoche doucement le menton.
— Tu n'aimes pas ? demandé-je.
— Si, c'est très joli sur toi. Ça fait partie de toi.
— Partie de moi ? C'est-à-dire ?
— C'est sensuel, comme toi, ajoute-t-elle.
Sensuel... je ne savais pas.
Je souris et m'explique :
— En fait, j'avais dans l'idée de me faire un énorme tatouage. Ça, c'est ce que l'on peut obtenir chez un tatoueur pour vingt dollars.
J'avais seize ans. Je voyais mes amis s'envoler vers leurs rêves. La vraie raison était ce fichu mal-être, le besoin de changer d'identité, de peau. Je me connais assez aujourd'hui pour l'admettre.
Elle a l'air de réfléchir sur ce que je viens de lui raconter, puis elle se met à rire. C'est magnifique. J'en demeure béat. Elle a le regard qui pétille sous cet éclat de joie.
— Tu te moques de moi ? la taquiné-je en la faisant basculer avec moi en travers du lit.
Nos corps s'entrechoquent. Son visage tombe dans mon cou. Longuement, elle me respire, comme elle le fait souvent. Elle m'a dit un jour qu'elle n'arrivait pas à se passer de mon odeur. Qu'aurais-je pu répondre à ça ?
Sa poitrine gonfle successivement contre mon torse. Il n'y a qu'elle pour me mettre à l'épreuve comme ça. Je ne sais même pas si elle s'en rend compte.
— Brooklyn ?
Elle s'appuie sur mes pectoraux pour se redresser, mais ma main droite retient sa nuque. Son visage proche du mien, je la contemple. Je n'arrive plus à garder mes distances.
J'aimerais qu'elle soit mienne. J'ai envie d'elle. Je ne peux le cacher de toute façon et j'ignore combien de temps je vais pouvoir me retenir. Rester dans cette piaule n'arrange rien. C'est bien une chose que je reproche à notre condition.
Melvin choisit ce moment pour s'aventurer dans la chambre.
— Cameron, papa t'appelle dans le jardin...
Je me relève et nous mets sur pied brusquement. Dans mon élan, je n'ai pas le temps de retenir le crâne de Brooklyn qui cogne contre la barre haute du lit superposé en face. Elle pousse un petit cri, avant de se recroqueviller contre moi.
Qu'est-ce que je fous !? N'étais-je pas le capitaine de mon équipe parce que je disposais d'une dextérité à toute épreuve ?
Je masse sa tête pour atténuer la douleur.
— Pardon, ça va ? lui demandé-je ennuyé.
Elle murmure un oui.
Je braque le regard sur mon petit frère qui, poings fermés, nous analyse.
— Mel ! On pourrait être tranquille, deux minutes ?!
Il ouvre plus grand ses yeux gris revanchards, mais également infiniment tristes.
— S'il te plaît, adoucis-je mon ton.
La porte se rabat avec fracas. Je crois que je l'ai énervé pour de bon.
Je soupire.
— Tout va bien ? s'enquiert Brooklyn.
Ma main droite s'accroche aux barreaux du lit en hauteur et je colle ma tempe contre celle de Brooklyn. Parfois, j'étouffe dans cette maison.
— J'aimerais que l'on ait un peu plus d'intimité. Juste une fois, que toi et moi... murmuré-je.
— Viens chez moi.
Surpris, j'arque un sourcil. Ai-je bien entendu ?
— Quoi ?
— Viens chez moi, s'il te plait, répète-t-elle.
Elle lève le menton pour me sonder et moi, hébété, je la dévisage. C'est ce que je veux évidemment, mais je ne sais pas si c'est une bonne idée de me pointer à l'improviste.
— Viens, murmure-t-elle encore.
Elle me fixe, déterminée. Clairement, je déglutis. Et même si tout me fait penser que ça va mal finir, elle me tire le bras pour que je la suive et je ne peux qu'obéir, complètement ensorcelé.
C'est comme si le monde s'était arrêté de tourner, alors que l'on traverse la maison et avance ensemble sur le sentier qui mène au manoir. Mes mains commencent à trembler. Je me suis répété mille fois le scénario des présentations dans ma tête néanmoins, un truc me dit que ça ne se passe pas comme prévu. C'était pourtant parfaitement millimétré. J'avais même anticipé mes constructions de phrases, les enchaînements de mots pour augmenter mes chances de me faire accepter par ses parents. Mais Brooklyn pousse la lourde porte de sa maison. Nous foulons les dalles noir brillant de l'entrée, avant de monter un large escalier en bois. Au fond d'un long corridor, elle ouvre une pièce et je ne repère qu'un immense piano noir et un grand lit à baldaquin.
J'avais, avant toute chose, — croyez-moi bien — l'idée d'attendre patiemment ses parents dans le salon, mais je suis dans sa chambre.
J'ai quelque peu sauté des étapes, non ?!
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