1.36 : La définition du bonheur 😍

🎵 Zach Tabudio – « Give me Forever »

Nous sommes dimanche et j'attends Brooklyn. La voiture de ses parents vient de franchir le portail et, si j'ai un peu de chance, Brooklyn ne devrait pas tarder à passer le seuil de ma maison.

Je monte à l'étage et, épaule contre la fenêtre de ma chambre, je regarde le chemin qu'elle emprunte habituellement pour venir me voir : un petit sentier sous les grands arbres du domaine.

Pour tuer le temps, je baisse le menton et fais défiler les "stories" sur Instagram. J'ai le malheur de tomber sur un montage photo réalisé par des fans de Brooklyn.

Je ne vais pas mentir, je n'aime pas ça.

On ne compte pas moins de deux mille cinq cents commentaires sous le montage. Je fais glisser mon doigt et une autre photo d'elle apparaît : elle est en tenue moulante colorée d'une marque hors de prix. Putain d'algorithme !

Il ne vaut mieux pas que je m'attarde dessus... J'étais de bonne humeur.

— Bonjour Cameron.

Je panique et ferme l'application.

Brooklyn vient de passer la porte de ma chambre. Elle ressemble à une poupée.

Elle porte un pantalon à pinces à carreaux taille haute avec un haut Louis Vuitton. Ses cheveux sont lâchés dans le dos et seules les mèches de devant sont retenues par deux barrettes noires et diamantées. Elle est chic et sublime. Si elle a posé comme ça, j'imagine déjà les milliers de commentaires qui en découleront.

Ça me tue.

J'en deviens jaloux maladif.

Car je suis vraiment et réellement amoureux. Ça n'a rien d'une passade. Jusqu'à maintenant, je n'avais jamais ressenti ce genre de sentiments. C'est devenu, pour moi, la définition du bonheur.

Je m'approche et lui prends la main, puis baisse la tête et me laisse le temps de trouver les mots adéquats pour exprimer ce que je ressens.

— Tu m'as tellement manqué.

Oui, Brooklyn me manque.

Nous ne pouvons pas vivre une relation normale, mais ne se voir qu'une heure de temps en temps, c'est trop peu pour moi. Cette fille occupe toutes mes pensées du matin au soir.

Je ne peux pas lui en vouloir. Notre histoire est ainsi. Il faut s'en accommoder et être patient.

Je relève le regard et j'ai l'impression que même si elle est intimidée, elle me mange littéralement des yeux. J'adore ça.

— Viens, fais-je avec un large sourire.

Je monte sur le lit, puis ouvre le Velux. Je prends appui sur l'embrasure et grimpe sur le toit. Puis, je me penche en lui tendant la main pour qu'elle suive mon exemple.

Elle m'observe comme si j'avais fait une chose complètement absurde et stupide.

Je la rassure :

— Rien ne va t'arriver. Tu es en sécurité avec moi.

Elle hoche le menton et me saisit la main.

Je la hisse et bientôt, nous sommes tous les deux assis sur les tuiles de la maison. Le soleil va se coucher devant nous dans quelques minutes.

En cette période de l'année - et particulièrement à cette heure, lorsque le ciel est clair - nous pouvons voir, haut dans le ciel, certaines étoiles en plein jour. Je compte sur ce phénomène pour rendre ce moment magique.

J'incline la tête vers Brooklyn et lui demande :

— Ça a été aujourd'hui ? Tu as pu manger ?

— Oui.

— À quelle heure t'es-tu levée ce matin ?

— Six heures.

— Tu dois être fatiguée.

— Un peu.

Quand elle vient et que je suis dans mon lit, elle s'endort souvent dans mes bras. Parfois, nous n'avons pas échangé un mot qu'il est déjà temps de la réveiller pour qu'elle rentre chez elle.

Je suis aussi reconnaissant que frustré. Frustré du peu de temps dont nous disposons pour nous aimer.

— Merci d'être venue, soufflé-je.

Malgré tout, je chéris chaque instant passé ensemble.

Sa tête vient sur mon épaule. Mon cœur bat si fort à ses côtés qu'il pourrait exploser.

Allez, lance-toi, Cam. Tu t'es entrainé, mon gars.

— Le ciel est magnifique à cette heure, fais-je d'une voix enrouée. Quand il n'y a pas de nuages, comme aujourd'hui, c'est encore plus beau. Tu vas voir.

Peu à peu, le ciel se colore de bleu, de jaune, de rose et de violet.

— C'est très beau, murmure-t-elle.

Je lève le nez et constate que quelques étoiles sont déjà visibles. J'avais dans l'idée de lui montrer les constellations. J'ai étudié un peu l'astronomie, spécialement dans le but de l'impressionner.

Brooklyn cligne plusieurs fois des paupières. Je sais qu'elle est ultra sollicitée en journée et donc très fatiguée. Elle résiste.

— Ton père a fait changer les tuiles l'été dernier. Le toit est clean. On peut s'allonger. Tu veux bien ?

Je me laisse aller en arrière et Brooklyn imite mon mouvement. Pour son confort, j'ouvre le bras afin qu'elle repose sa tête sur mon biceps.

Je pointe le ciel du doigt et désigne l'étoile la plus brillante de la Grande Ourse, et celle d'Orion aussi.

Brooklyn me reprend en affirmant qu'il s'agit du Bouvier. Une constellation boréale dont les étoiles dessinent un grand cerf-volant, selon certains.

Difficile de ne pas remarquer que Brooklyn s'exprime, argumente et écrit bien mieux que moi. Qu'elle connaît, sur le bout des doigts, un nombre incalculable de choses, dont celles qui composent la voûte céleste. Elle est si studieuse qu'elle pourrait s'inscrire dans n'importe quelle université prestigieuse, elle serait première de sa promo. Même si j'essaie toujours de bien m'exprimer, avec elle, difficile de tricher, aucune demi-teinte n'existe, tout est vif, éclatant. Elle vit les choses naturellement et agit selon son savoir, la logique, ses propres règles et ses certitudes. L'à-peu-près n'existe pas. Les demi-mesures non plus.

Je me place sur le flanc et la contemple, alors qu'elle a toujours les yeux rivés au ciel.

— Tu peux m'en dire plus ?

— T'en dire plus à quel sujet ? me demande-t-elle.

— Les étoiles.

Elle récite ce qu'elle connaît, c'est-à-dire tout un éventail sur le cosmos et ses particularités. Je suis conscient qu'elle m'impressionne plus que je ne réussirai jamais à l'impressionner.

Elle me dit que nous ne sommes que des grains de poussière face à l'univers et ses lois. Que le penser lui fait parfois tourner la tête. La vie, la mort, la durée de notre existence, tout cela a si peu d'importance finalement.

Je lui réponds qu'elle en a pour moi. L'existence me permet de vivre ce moment avec elle.

Elle ne dit rien, mais sourit doucement.

Je lui demande où elle a appris tout ça et elle me répond qu'elle apprécie effectuer des recherches sur l'ordinateur de la maison et qu'elle connait par cœur les encyclopédies de la bibliothèque de ses parents.

Ouah...

Ça m'intimide.

Je me dis que je n'ai pas fini d'en apprendre sur elle.

— Je croyais que tu voulais admirer le ciel ? me dit-elle.

— Quoi ?

— Tu me regardes depuis plusieurs minutes. Quelque chose ne va pas ? s'enquiert-elle.

Elle me demande toujours si ça va. Peut-elle douter quand elle est avec moi ?

Tout va bien. Mon ciel, c'est toi. La seule étoile que je vois...

— Si j'ai le choix, ce sera toujours toi que je préférerai admirer. C'est pour cela que je te regarde.

Elle tourne légèrement la tête vers moi.

— Toujours ?

— Oui, donne-moi ton « toujours » Brooklyn.

Nous nous scrutons.

Je murmure encore :

— Je te donnerai mon « éternité ».

Ces mots, je ne les ai pas trichés. J'aimerais qu'elle me dise qu'elle m'aimera toujours.

J'ai envie de l'embrasser. J'y pense tout le temps.

Je me hisse sur le coude, me penche vers elle, le pouls battant.

De surprise, ses yeux s'écarquillent.

Mes plans romantiques sont carrément tombés à l'eau. Néanmoins, le plus important, c'est d'être arrivé à ce moment.

— Je vais t'embrasser.

J'inspire une dernière fois, étant sûr que ce que je m'apprête à faire va me couper le souffle.

Cette fois, ma bouche se pose délicatement et pleinement sur ses lèvres tendres. C'est comme un feu d'artifice. Beau, étourdissant, explosif.

Mes doigts s'invitent autour de sa nuque délicate. J'écrase un peu plus mes lèvres contre les siennes. Mon bas-ventre se galvanise, se contracte. Je désire tellement plus. J'ai l'impression que jamais rien n'étanchera ma soif de la découvrir.

Je savoure le moment. Je sais que si je me laisse aller, il sera difficile de réfréner la suite. Mon corps réagit à la proximité du sien. Nos bouches qui évoluent doucement s'apprivoisent.

Son parfum est tel une brise fraîche d'été. C'est délicieux. Elle est tout ce que je veux.

— Pourquoi ta langue essaie de passer entre mes dents ? chuchote-elle.

Mes lèvres quittent les siennes de quelques millimètres. Elle a les yeux à demi-fermés, la bouche en cœur.

Je ris tout bas.

— C'est comme cela que j'aimerais t'embrasser.

— Avec ta langue dans ma bouche ?

L'éclat pur de ses yeux revient me transcender.

— Ma langue avec ta langue. Oui. Pour te goûter.

J'en crève d'envie ! Si elle savait...

Je rêve de laisser mes lèvres conquérir son cou, sa poitrine... La toucher. Vraiment. Mes muscles se contractent à cette seule pensée.

Elle baisse le menton entre nos deux corps. Évidemment, je ne peux pas cacher la bosse qui a grandi contre sa cuisse.

Je m'explique :

— Ça, c'est ce qui montre que j'ai très envie de toi.

Infiniment.

Je reste ainsi afin qu'elle s'habitue à cette réaction. J'ai besoin de m'habituer aussi. J'ai la gorge sèche, la tête qui tourne. Dans mon esprit, je suis un animal qui pourrait lui bondir dessus.

Me tenir contre elle et y rester sans bouger, est une véritable torture.

— Je sais ce que ça veut dire, me signale-t-elle.

— Ah oui ?

— L'érection est une réaction physiologique pendant laquelle les corps caverneux se gorgent de sang, rendant le pénis ferme et dilaté...

Je plaque ma main sur sa bouche, puis baisse la tête, rouge de honte.

Vient-elle de me réciter Wikipédia ?!

Elle me désarçonne. C'est injuste. Moi qui pensais maîtriser la situation...

Elle rit doucement contre ma paume. Face à ce phénomène si rare, je relève les yeux, curieux.

Puis, lentement, je libère sa jolie bouche pour la laisser s'exprimer.

— Tes mèches de cheveux me chatouillent le nez, fait-elle, ses prunelles turquoise ancrées dans les miennes.

Je fonds.

Je la dévisage, puis grogne. Si elle savait comme j'ai envie de nous sortir de la théorie pour expérimenter la pratique...

— Quand tu seras prête. Quand le moment et le lieu seront propices, j'aimerais que l'on essaie de le faire, toi et moi.

Son regard ne dévie pas.

— Faire l'amour ?

Le ciel multicolore est magnifique, je peux le voir sur le visage de la femme que j'aime profondément. Elle me force à poser les mots sur les choses qui me gênent d'habitude. J'aime ça.

— Oui, je vais te faire l'amour.

Elle acquiesce.

— D'accord.

Je pince mon piercing entre mes lèvres. Je vais mourir.

— Je dois rentrer, murmure-t-elle.

Ces mots font mal, même si Brooklyn choisit toujours de partir de la même façon : trop tôt, trop vite, soudainement, sans que je puisse me préparer à son départ. Oui, je pense que je vais mourir de ça : du manque qu'elle laisse dans ma tête, sur mon corps. Je crois que je ne supporte plus de vivre sans elle.

— Je te raccompagne, proposé-je pour faire durer ce moment.

Je me lève et ne prends plus la peine de dissimuler ce qui me gêne sous mon caleçon. Je me sens à l'aise avec ça. Grâce à elle.

— Tiens-toi bien à moi, nous allons descendre par l'échelle, juste là.

Je l'aide et rapidement, nous voilà sur la terre ferme.

Main dans la main, nous marchons dans le parc sous les arbres centenaires.

Nous arrivons à la lisière. Je dois rester dans l'ombre et la laisser rentrer.

Je m'arrête, lui lâche la main.

Brooklyn fait le pas qui nous éloigne sans se retourner.

Elle peut être distante parfois, mais je sais que c'est sa manière d'être, alors je ne lui en veux pas. Ça fait partie d'elle. Je me fous des codes amoureux normaux à la con. Je m'en fous si je me suis attaché trop vite et trop fort. Si j'ai l'impression d'être à deux doigts de tomber dans le vide. Elle est unique et j'aime l'être qu'elle est. Je veux son bonheur, et je sais qu'elle a besoin de respirer, même loin de moi.

Finalement, trop égoïste, je l'attrape et la tire pour la ramener contre moi. Je la tourne, la glisse dans mes bras, puis me penche pour lui embrasser le sommet du crâne. Mon cœur bat à cent à l'heure.

Je respire ses cheveux et soupire de plénitude et d'anxiété. Ressent-elle la même chose ? Ce manque douloureux. M'aime-t-elle ? Juste un peu ?

— Je souhaite te poser une question, dit-elle d'une petite voix.

— Demande-moi tout ce que tu veux.

— As-tu aimé m'embrasser ?

Ma gorge s'assèche.

— Oui.

Elle rit doucement contre mon torse.

— Moi aussi, j'ai aimé. Tu vas recommencer ?

Brooklyn n'a pas son pareil pour me déstabiliser. Je n'ai pas envie de la laisser partir. C'était trop court.

— Oui.

Mon cœur déborde. Ces papillons vont-ils se poser un jour ? Ils ne font que virevolter dans mon ventre et ils me font mal parfois. Souvent, je me dis que j'aimerais être plus serein, apaisé.

— Brooklyn. Je t'aime de plus en plus fort, chaque jour. J'espère que tu deviendras ma femme et que l'on pourra vivre ensemble. Je veux profiter de toi plus que quelques minutes de temps en temps. J'aimerais que tu m'accordes ta confiance. Je suis prêt à rencontrer tes parents et me présenter comme il se doit. Je ferai mes preuves, travaillerai dur, je te le jure. Je crois qu'ils pourront m'accepter s'ils te voient heureuse avec moi. Je t'assure que tu le seras, car il n'y aura que toi qui compte.

J'ignore si je lui fais peur, si je suis trop direct. Mon amour est immense et je n'arrive pas à le réfréner. Je me donne à elle de toute façon, tout entier.

En réponse, elle m'enlace plus étroitement à son tour. Un peu rassuré, j'embrasse ses cheveux.

— Merci de me permettre de vivre à tes côtés pour toujours, murmure-t-elle.

Mon cœur s'est brisé. Dans le bon sens, je crois. Je n'ai jamais été émotif, mais Brooklyn arrive à me mettre à terre. Elle me trouble à chaque mot qu'elle prononce et les émotions qu'elle me procure me bouleversent.

Je souffle :

— Rentre et n'oublie pas que je t'aime pour le restant de ma vie.

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