1.19 : Fragile 🎠
CAMERON
Mains dans les poches, je sors rapidement de la classe, mes amis sur mes talons. Nous sommes enfin vendredi et j'ai hâte que cette semaine touche à sa fin. Je dévale l'escalier avec ce creux dans l'estomac que je ressens toujours lorsqu'il est midi.
Je suis épuisé. Ces derniers temps, les heures de cours sont interminables et j'ai du mal à me concentrer.
— Cam, on se fait un match de baseball ce week-end ? m'interroge Devin en fixant son portable. C'est Ethan qui demande.
Je suis le seul à ne plus faire partie du club de baseball, alors dès qu'il y a une organisation hors compétition, je suis toujours partant.
— Si vous voulez.
Enfin, si j'arrive à bien dormir cette nuit. Je garde souvent les yeux grands ouverts à chercher une idée pour tirer ma famille de la galère.
— Super ! J'appellerai les gars. Vous avez révisé le contrôle ?
Je me statufie au milieu de la cour.
— Il y a un contrôle !?
— Bah oui, d'histoire ! Tu es vraiment à la masse en ce moment.
Complément zappé... même si je sais qu'avoir de bonnes notes en classe ne me mènera nulle part, je détesterais avoir un bulletin médiocre. Avec quatorze de moyenne, on va dire que je ne m'en sors pas trop mal.
— J'ai demandé les clés de la salle pour pouvoir réviser après manger. On peut s'entraider, me propose Hailey.
Hailey est la fille du proviseur. Depuis que je suis dans cette école, nous nous sommes toujours retrouvés dans la même classe, chaque année. Ses copines sont dans une autre, alors elle traine avec nous de temps en temps. Je suppose que son père les a séparées pour qu'elle ne se dissipe pas. C'est une fille douce, simple et discrète, que j'apprécie.
— Ok, ça me va, accepté-je.
Nous entrons dans le self. Il y a un monde fou. Je me sers de tout, comme d'habitude, puis nous nous installons pour manger.
— J'en ai marre de ce temps pourri, se plaint Driss.
— Tu es sérieux ? L'hiver vient à peine de commencer, rigole Devin.
— Ouais, bah, ça me soûle.
— Tu n'as toujours pas réussi à parler à Cameron ? lance une voix féminine devant notre groupe.
Mon cœur a loupé un battement.
Je relève le nez de mon plateau repas. Charly et Brooklyn sont passées devant notre table. Elles viennent juste de récupérer leurs cartes à la caisse. Apparemment, elles n'ont pas remarqué que mes potes et moi siégions à deux pas.
Mes amis me fixent pour cueillir ma réaction. Malheureusement pour eux, je ne réagis pas. Je baisse le nez et continue de manger ce qui se trouve dans mon assiette, comme si je n'avais rien entendu.
— Oh ! envoie Judy, assise à mes côtés. Tu peux être plus discrète !
D'abord surprise, Charly la considère, puis dégaine un regard assassin.
— J'ai parlé normalement ! On est dans un lieu public. Alors, arrête simplement d'écouter aux portes !
— Des portes grandes ouvertes comme ta bouche ? Si Cameron ne veut pas lui parler, c'est peut-être qu'il n'a rien à lui dire, voilà tout !?
— Mais de quoi je me mêle !
La moitié de la cafétéria se tourne vers nous. Je déteste les esclandres et encore plus les prises à partie. Charly a parlé fort, mais il est clair qu'elle n'avait l'intention de blesser personne.
Je retiens le bras de Judy en la dévisageant d'un regard noir.
— Eh, arrête ça, la préviens-je tout bas.
— Tu vas la laisser parler sur ton compte. Elle n'est pas gênée.
— Laisse, ça n'a pas d'importance.
— Si, cela en a !
Charly, rouge de colère, toise Judy qui ne lâche rien. Quant à Brooklyn, je sais qu'elle est sur le côté, mortifiée. Je ne veux pas lever les yeux sur son visage. C'est ce que je fais depuis des jours déjà. Alors je fixe la table, écrabouillant mon couvert entre mes doigts, espérant que les esprits se calment et que ce moment embarrassant disparaisse comme il est arrivé.
— Et puis, personne ne croit à cette histoire de rendez-vous ! continue cependant Judy. Ce sont des mensonges que cette tarée a inventés.
Mes épaules se raidissent.
— Tarée ? J'ai l'impression que c'est la jalousie qui parle ! envoie Charly.
— Quand Cameron s'intéressera à elle, on lui fera signe !
Je lâche ma fourchette qui s'éclate sur le plateau et tourne le visage vers Judy.
— Et si c'était vrai ? déclaré-je froidement pour mettre fin au débat. Qui ça dérangerait ? Toi ?!
Sa mâchoire tombe. Devin a l'air scotché et mes potes en incompréhension la plus totale.
Est-ce si étrange que j'invite Brooklyn à sortir ? Et si difficile d'imaginer que je me sois pris un râteau ? Il n'y a rien d'exceptionnel. Ce sont des choses qui arrivent. Personne n'est à blâmer.
— Ce n'étaient pas des bobards alors ? Tu lui as réellement demandé de sortir avec toi ? me questionne Driss, abasourdi.
Voilà pourquoi, je déteste m'épancher sur ma vie privée. Les gens se mêlent de tout et créent des histoires là où il n'y en a pas.
— Eh bien, si elle se vante qu'elle t'a mis un râteau, c'est vraiment une garce.
Furieux, je me lève tout en tentant de contenir les respirations chaotiques au fond de ma gorge.
— Occupez-vous tous de vos affaires, soufflé-je. Je suis gavé.
Je récupère ma veste sur le dossier et mon plateau de l'autre main. J'ai perdu l'appétit.
Je leur tourne le dos et passe entre les tables.
— Tu as vu ! Tu le mets mal à l'aise ! continue Judy.
— La f...
— Charly, s'il te plaît, entends-je la voix déchirée de Brooklyn derrière moi.
Des frissons intenses dévalent ma colonne vertébrale pendant que je m'éloigne.
Entendre sa voix me bouleverse.
Fais comme si elle n'existait pas.
J'accélère et lâche le plateau sur le chariot. Après quelques pas, j'écarte devant moi la porte battante du réfectoire et traverse la cour à grandes enjambées pour rejoindre le bâtiment.
— Eh ! Cameron ! Arrête-toi !
Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. C'est Charlotte qui me poursuit.
— Qu'est-ce que tu fous, Huston ?! Tu vas les laisser la traiter comme ça ?
Pourquoi ne me fiche-t-on pas la paix !? Je m'arrête pour lui faire face.
— Qu'est-ce que je fous ?! J'ai besoin que l'on me laisse tranquille. C'est possible ?
— Pourquoi tu es fâché contre elle !?
Je soupire lourdement.
— Je ne suis pas fâché contre elle, mais contre moi !
— Parce qu'elle n'est pas venue à ton rendez-vous ?! Tu croyais quoi ? Elle ne réagit pas comme la plupart des gens...
Je l'arrête immédiatement :
— Qu'est-ce que tu me veux ?
— Ne l'ignore pas !
— Quoi ?!
— Tu lui demandes de sortir avec toi et ensuite, tu joues les indifférents ? Tu ne lui as pas décroché un seul coup d'œil au self, ni le moindre mot depuis des jours. Je vois que ça la fait souffrir. Elle m'a dit qu'elle n'arrivait pas à te parler seul à seul. Que tu l'évites.
Je la fais souffrir !? Moi ?
— Évidemment que je l'évite !
J'ai trop honte... et je n'ai pas la force d'écouter ses explications.
— Et moi qui croyais que tu étais le plus mature de tous les potes de mon frère !
— Quel rapport !? J'ai le droit de mener mes relations sociales comme je l'entends, non ?! Qu'est-ce que tu me veux à la fin ?
— Que tu te mettes à sa hauteur ! Tu ne sais même pas pourquoi elle n'est pas venue ce jour-là !
— Si j'avais voulu le savoir, je serais allé lui poser la question directement !
— Tu ne veux pas connaître la raison ?! s'étonne-t-elle.
— Non !
Elle paraît choquée.
— Es-tu à ce point fier et orgueilleux ?
Fier et orgueilleux ? C'est la meilleure !
Je me défends :
— Il n'est pas question de fierté, il faut être réaliste, c'est tout. C'est mieux comme ça.
— Pourquoi ?!
La curiosité des autres n'a aucune limite, ma patience si.
— Ça ne te ressemble pas de te mêler des histoires des autres.
— Ah oui ! N'est-ce pas toi qui m'a demandé d'aller lui parler en tout début d'année ?! Tu te souviens ?! « Elle est nouvelle... se serait super pour son intégration, blablabla... ».
Oui, je me souviens très bien. J'aurais dû me casser une jambe le jour où j'ai parlé de Brooklyn à la sœur d'Ethan. Une autre fille m'aurait laissé tranquille. Au lieu de cela, Charlotte continue à me pourrir :
— À présent, c'est ma seule et meilleure amie et je ne permettrai à personne de lui faire du mal ! Alors, que comptes-tu faire à présent ?
J'envoie, les dents serrées :
— Ce que je vais faire ?! Je vais prier pour que cette année passe le plus vite possible et ne plus croiser son chemin !
— Cam... Cameron ?
Je braque mon visage à droite. Brooklyn a surpris notre conversation et son regard me perfore le cœur. Je sens mes mains qui tremblent.
Ça fait trop mal.
Je dois prendre mes distances. Éconduit ou pas, là n'est plus la question.
Elle demeure au milieu de la cour et les gens qui passent près d'elle la jaugent, tous perplexes. Elle a toujours son plateau entre ses doigts. Elle n'a pas pris le temps de le déposer. J'entends des rires moqueurs.
Je serre les poings pour m'empêcher de lui prendre ce fichu plateau des mains, la guider vers le self, l'inviter à s'installer à une table et effacer ces terribles dernières secondes qui planent sur les traits doux de son visage.
— Sache... que je... je... je te comprends, formule-t-elle d'une voix faible. J'es... père que tu me pardonneras.
Ça faisait un moment que je ne l'avais pas entendue bégayer comme ça. Mon cœur se retrouve écrasé dans l'étau de la douleur et du regret. Car oui, je n'arrive pas à l'excuser, seulement à être intraitable.
Et je suis désolé. Pour tout. De ne pas vouloir la comprendre. C'est passé, tout ça.
Je soupire et lui réponds calmement :
— Tout va bien. Retourne à l'intérieur, s'il te plait.
Tout va bien ? Depuis quand je mens comme ça ?
Elle me dévisage et je m'étonne de soutenir son regard.
— D'accord...
Elle baisse les yeux et enfin, remarque ce qu'elle a entre les mains. Ses joues s'empourprent. Elle me lance un dernier regard paniqué, puis tourne les talons. Je serre les poings et au même moment, ma poitrine se comprime. Cette situation me rend triste et amer. Je ne voulais rien de tout ça.
La sœur de mon meilleur ami me crible de ses iris bleus.
— Tu es fier de toi, j'espère ? En fait, tu te moques d'elle. Tu es comme les autres qui lui font vivre un enfer. Vous la jugez sans la connaitre.
J'inspire, mais l'air n'entre pas dans ma cage thoracique.
— Pense ce que tu veux.
J'opère un demi-tour et la plante-là. Je crois que j'ai assez pris sur moi pour aujourd'hui.
🤍🖤🤍
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