chapitre douze, octobre
Les mots s'effondrent, avec le soleil. La nuit est comme un grand amas sombre sans mots, ou avec beaucoup trop. Trop de mots, trop de tout, trop de rien. On s'y perd sans s'y voir. Et dans les nuits blanches, peintes de blanc trop blanc, je dessine du bout de ma pensée les souvenirs, enfouis dans ma mémoire. La mémoire, c'est une sacré arnaque, quand même. Je voudrais oublier, bon sang, tout oublier. Est-ce qu'on dort, sans se souvenir de rien ? Je dormirais sans rêves, sans cauchemars, sans blanc, sans noir, sans rien. Le sommeil profond et engloutissant qui me refuse son repos chaleureux.
Et devant la copie à laquelle on me demande de répondre, je me perds. Je ne vois plus rien. Plus rien d'autre que du noir, de l'absence, de la morosité, une mortelle fatigue dont la morsure me transperce et m'engloutit. Je suis désolé. J'ai apprit mon cours, pourtant. Mais l'exténuation me fait oublier jusqu'à la matière du contrôle que je dois passer. Je vais ramener une mauvaise note, pas vrai ? Une très, très mauvaise note. Je suppose que je vais me faire punir. Mais plus rien n'a d'importance, je suis fatigué. Je suis épuisé. Et devant la blancheur de la feuille qui rappelle celle des insomnies, je meurs en silence.
-Bon sang, il était galère ce contrôle !
-Franchement, ça allait.
Albain et Lucien discutent du devoir surveillé que l'on vient de passer. Le dernier nommé explique au premier que le schéma de l'oreille humaine n'est pas du tout comme Albain l'entend, et celui-ci râle que, de toute manière, cette matière qu'est l'enseignement scientifique ne lui servira jamais à rien et est beaucoup trop dur.
Je me tais, la bouche comme cousue, muté dans un silence pesant. Albain tente de me faire cracher quelques mots, mais je ne dis rien. Je n'ai rien à dire. Je me sens profondément triste, je sais que dès que la note tombera je vais me faire punir.
Feng revient des toilettes et rejoint Albain dans le débat, obligeant Lucien à sortir ses cours pour leur prouver. Il s'exécute en riant, d'autant plus que le brun et son acolyte affichent une mine défaite. Je crois que je souris, sûrement tristement. C'est plutôt étrange, d'être entouré.
Le couloir est presque vide, les gens sont tous allés dans la cour pour s'aérer entre deux cours, traînant derrière eux leur sac surchargé et dans leur main leur gobelet de café brûlant. L'hiver s'installe, petit à petit. Et dans notre ville, les gens commencent à sortir leurs écharpes, leurs manteaux épais, même Albain a amené un bonnet, ce matin, se plaignant que l'air glacial lui gelait les oreilles. Le bout du nez et les jours rougies, il avait sauté sur le thermos de tisane bouillante que Feng lui avait proposé. Alors nous voilà, quelques heures après, assis dans le couloir à partager à quatre le reste de boisson. Je me frictionne les bras pour tenter de produire un peu plus de chaleur que celle offerte par mon sweat, qui fait bien pâle figure face aux pulls en laine.
C'est un jeudi après-midi de fin octobre, on ne peux plus annonciateur d'un hiver qui se fait pressant. J'ai froid, et les gorgées apaisantes qui glissent dans mon cou sont à peine réchauffantes à côté de l'image d'Albain qui, à quelques centimètres seulement de moi, sourit comme un enfant devant le paquet de bonbons crocodiles qu'une certaine Hemmil nous a offert, en passant.
Mais bien vite, on doit couper court à ce goûter improvisé, car la cloche sonne, et l'on retourne en classe. On s'est habitués à nos présences, je crois. Lucien s'assoit à côté de moi, Albain à côté de Feng. Les affaires jaillissent des sacs, et le cours commence. Le goût de la tisane dans ma bouche rappelle la douceur du moment que je viens de passer, en silence. Je crois que j'ai de la chance.
La note est tombée deux semaines après cet évènement. En haut de la copie, le professeur a écrit un petit message m'intimant de venir le voir si j'ai tant de difficultés. Je serre les dents, retiens l'humidité qui me monte aux yeux et la boule lourde qui me mord le ventre. Je ne veux pas rentrer chez moi, ce soir. Je sais qu'elle sera déçue, moi qui lui avais promis de me reprendre, de relever mes résultats, tout se répète comme l'an passé. Je me déçois moi-même.
-Pourtant tu avais bien compris cette leçon, pas vrai ? Me demande doucement Albain en sortant. Tu n'étais pas dans ton assiette ?
-Ou alors, je suis juste un incapable.
Il secoue la tête.
-Non, je n'y crois pas. Pas une seconde. Tu es super intelligent, Mathias. Tu étais pas bien, pas vrai ? Ça se voyait, on aurait dû en parler au professeur avant le contrôle.
Je ne réponds rien, et Albain semble être tourmenté par mon absence de réaction. Il passe plusieurs fois sa main dans ses cheveux, hésitant à aller voir le professeur pour lui demander, même si nous savons tous deux pertinemment que rien ne sera fait.
Alors, j'ai attendu que ça passe. J'ai laissé l'air froid d'octobre bouffer mes joues et mes lèvres, alors que je rêvais que quelqu'un vienne les réchauffer. Dans le bus, pour rentrer, j'ai enfoncé mes écouteurs au fond de mes oreilles, et ai attendu, l'oppressante boule dans ma gorge ne cessant de grandir, d'être déposé chez moi.
Et me revoilà, une joue amèrement brûlante après que la main de ma mère y soit passée, et le cœur labouré par les larmes. Je me sens minable, si minable, que j'en perds les mots pour l'exprimer. J'en perds les mots et, lentement, Baudelaire, Rimbaud et Hugo viennent m'enlacer pour me faire oublier à quel point je suis... je suis rien.
À quel point ressentir de l'amour est pénible. À quel point les insomnies sont pénibles. À quel point être humain est pénible. Le pire des fardeaux. Je dois être réellement épuisé, le cerveau empoisonné par la fatigue, pour penser de telles choses, n'est-ce pas ? Je reste, engourdi, muet face aux messages d'Albain, qui me demande comment je vais, et quels devoirs on est censés faire pour demain. Albain, le bel Albain, qui s'inquiète dans le vide.
Ma joue me fait mal, mes souvenirs aussi.
Je n'ai plus la force de rien.
Même l'insomnie recule.
C'est triste, d'être triste à ce point.
J'ai l'impression de vivre en dehors de moi-même.
Suis-je bien vivant ? Est-ce que je mérite de l'être ?
Et j'ai passé la nuit à fixer le mur en face de moi, assit sur mon lit, les pieds au bord du vide et la tête déjà en chute libre.
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Bonsoir?
Comment ça va? hehe...
Comment ça j'ai disparu pendant un mois?
C'est rien c'est la terminale. J'ai si peu de temps. Le stress, la pression, toi-même tu coco hein
Je vous envoie plein de soutien!
Je vais décaler le rythme de poste à une fois toutes les deux semaines ;-; désolée mais sinon je pourrais pas du tout suivre !
(je profite d'être malade pour boucler ce chapitre, c'est dire)
Sinon, girl in red est une artiste formidable.
·.¸¸.·♩♪♫ be gay, be proud, i love u ♫♪♩·.¸¸.·
n'oubliez pas de sourire
mélo :)
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