Chapitre 1.2: Dans la gueule du loup
Car même si mes paupières étaient scellées, je voyais, bien que ce ne soit pas de la même façon que le courants des mortels. Ou immortels.
Pour compenser, mes autres sens s'étaient développés au-dessus de la moyenne. Mon toucher s'était déculpé, jusqu'à ce que je puisse reconnnaitre un objet. Sous mes doigts, tout devenait unique: chaque bosse, chaque aspérité, chaque vallon, chaque matière... Mon odorat s'était renforcé. Toute chose avait une odeur bien à elle: une personne, une atmosphère, une émotion... J'avais donc appris à les reconnaitre. Mon ouïe s'était églamenent affinée; j'entendais chaque bruit même les plus minimes. Mon oreille différenciait les sonorités, les nuances, les gammes... Tout cela me permettait de remplacer ce sens que j'avais choisi d'abandonner.
Autour de moi, les dernières préparatifs furent terminées, les bagages bouclées, et les vampyyrs furent enfin prêts. Après qu'Alaric et ceux qui l'accompagnaient furent montés à bord du véhicule, ce dernier démarra.
Pour la suivre, nous autres humains, étions obligés de courir, sous peine de finir le voyage le ventre à terre, la peau lacérée par le gravier.
Cependant, à peine les raclements des sabots sur le sol s'étaient-ils précipité que j'entendis plusieurs de mes camarades d'infortune s'écrouler. Ils crièrent, l'épiderme déchiré par les cailloux qui habillaient le sol, les poignets tiraillés par leur poids mort. Certains essayèrent de se relever mais hurlèrent de plus belle lorsque la vitesse du véhicule les emporta. Personnellement, j'avais un mince avantage. Ma "vue" n'était pas obstruée, j'arrivais à savoir quand et où éviter les obstacles.
Le temps me parut interminable pendant que le trajet continuait, ayant pour seul tempo les gémissements des humains à terre, les hennissements des cheveux ainsi que les claquements des roues de bois contre la pierre.
Enfin, la voiture s'arrêta. Devant, la forêt s'étendait à perte de vue, les branches des arbres, à l'allure monstrueuse, dansaient dans le vent qui sifflait. Des feuilles automnales voletaient, recouvrant le chemin de diverses couleurs sombres et craquant sous nos pas.
Les humains, ceux qui étaient encore en vie et qui avaient un semblant de force, en profitèrent pour se relever. Les autres, ceux debouts, pour souffler. Quant à moi, j'appréhendais la suite du voyage. Si nous nous arrêtions, cela devait signifer que la suite risquait de tourner au cauchemar.
Peu à peu, la peur gagna mes confrères.
Au loin, nous pouvions entendre les hurlements des loups...
Finalement, la voiture se remit en route, pénétrant dans l'ombre des arbres. Notre cortège s'engagea encore plus dans la pénombre de la canopée quand, soudain, un violent choc ébranla la diligence. Aux cris d'épouvante des vampyyrs, je devinai que les loups étaient passés à l'attaque, impatients de se rassasier de nos chairs. Nos poignets entravés furent délivrés, par je ne sais quel processus, mais l'essentiel était que j'étais enfin libre de mes mouvements. Je m'empressai d'aller me mettre à couvert sous les branchages d'un arbre, m'éloignant le plus possibe de la voiture. A l'abri sous les ombrages et les vampyyrs étant trop occupés à préserver leur vie pour faire attention à moi, je décidai d'ouvrir les yeux.
Exposer mon secret aux yeux de tous ne me procurait aucune émotion; j'avais de toute façon décidé que ce serait cette hécatombe qui me ferait embrasser la mort. Je préférai amplement mourir ici, plutôt que dans une géhenne aux châtiments inconnus.
"Pire que l'enfer..."
Je voulais m'éteindre en femme libre, en pleine possession de son libre-arbitre.
Ce sera bien la première fois...
Autour de moi, tout n'était que carnage... Mes semblables agonisaient sur le sol. Il leur manquait des bouts de chairs, leur laissant des moignons sanglants et répandant dans l'air une odeur métallique. Elle m'envahissait la bouche, polluant mes sens.
Les loups, éparpillés un peu partout, avaient la gueule dégoulinante de sang et des morceaux de chair sanguinolente entortillés entre leurs griffes. Leur fourrure sombre était souillée d'hémoglobine. Au sol, l'herbe avait pris diverses teintes de rouge et les rares fleurs encore ouvertes étaient maintenant éclaboussées par ce liquide visqueux et pliées sous son poids. Ironiquement, cela me fit penser à moi quand je courbais l'échine sous les coups incessants des vampyyrs.
Je me retenais de mener mes mains à mes oreilles pour diminuer les sons ignobles qui emplissaient l'espace. Des bruits de mastication qui me retournaient l'estomac, des cris étranglés qui me tordaient le coeur, des hurlements effroyables qui faisaient trembler mes frêles membres.
Un grognement couvrit ce vacarme horrible, ce qui me ramena brusquement à la réalité. Je relevai la tête et découvris un magnifique — les coulées de sang encrassant ses poils n'enlevaient rien à sa beauté — loup qui me faisait face. Malgré l'opacité de l'atmosphère, j'arrivais à distinguer la couleur de sa fourrure. Elle était d'un roux flamboyant.
Ce loup me fixait de ses pupilles rouilles aux éclats de folie, comme un prédateur devant sa proie ce qui résumait assez bien la situation.
Je lui retournai son regard. La mort, je l'avais côtoyée toute ma vie mais c'était la première fois que je la regardais dans les yeux.
Le loup grogna et banda ses muscles, prêt à me sauter à la gorge pour y aspirer ma vie. Nullement effrayée, je levai les yeux au ciel, accueillant la mort et contemplai ce royaume que j'allai bientôt rejoindre. Le visage souriant de ma mère se dessina à travers le fil de mes — dernières — pensées. Sur mes lèvres, sur lesquelles s'esquivait la courbe d'un sourire, tomba une unique goutte, une ultime larme.
Enfin...
Puis la douleur resculpta mon visage. Mes traits se tordirent lorsque des dents acérées trouvèrent un chemin parmi les chairs de mon bras, peignant des ruisseaux de sang sur ma peau déchirée. Terrassée par la douleur, je tombai à genoux, le faciès, posé sur mes cuisses, peint de larmes, et criai... J'hurlai, en espèrant — vainement — que mon supplice allait cesser. Je plantai mes ongles dans le bras que le loup avait saisi dans sa gueule. Il tirait sur ma peau, s'acharnant, me donnant l'impression qu'elle allait s'arracher de mon corps, suivie par ma main.
A travers mes paupières fermées, mes yeux furent brusquement éblouis par des éclairs de couleur, tandis que je me sentais partir. Teintés de noir, vert, beige, marron et bleu m'aveuglèrent. Puis les ténèbres reprirent le dessus.
Non...
Non !
NON !
© 2025 Sélène Rivers
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Hey !
Alors, cette deuxième partie, qu'en avez vous pensé 🙃 ?
N'hésitez pas à laisser un petit petit avis, je serais très heureuse de discuter avec vous ^^
Sélène <3
📚Prochain chapitre: Samedi 15 février à 10h
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