Prologue : Anneau brisé


Vous le savez, je n'avais pas prévu de publier avant un moment, mais mon humeur correspond parfaitement à ce prologue. Etant donné que les mots soignent mes maux (sans mauvais jeu de mot) le voici pour vous. Bonne lecture. 

1.4.3

*****

Huit heures moins le quart. Tout allait bien, son petit ami ne rentrait pas avant neuf heures du soir, il avait encore le temps. Magnus inspira profondément et souffla pour se calmer alors qu'un sourire tendre venait faire son apparition sur ses lèvres. Tout allait bien, ce soir serait parfait ! Après avoir jeté un dernier coup d'œil à l'horloge murale, le Grand Sorcier de Brooklyn se gorgea de confiance, serrant les poings pour se remettre d'aplomb et retrouva son calme. Lorsqu'il avait terminé sa journée avec son dernier client à peine quelques minutes plus tôt, l'Indonésien aux yeux de chat avait sentit la panique le gagner. Il appréciait beaucoup les lycanthropes, surtout qu'il s'agissait d'un vieil ami qu'il n'avait pas vu depuis quelques années et qui, de passage à New York, lui avait demandé de préparer une potion pour les contrecoups de la pleine lune. Mais leur défaut commun était de parler, beaucoup. Les loups-garous, contrairement aux idées reçues, étaient bien plus bavards que le commun du Monde Obscur et bien que Magnus aimait à discuter ici et là sans discontinuer, il aimait aussi sa tranquillité et son temps à lui, notamment lorsque ce temps était réservé à son Alexander. En effet, cela faisait un peu plus d'un an que les deux hommes avaient commencé à sortir ensemble, et pourtant leur histoire, à ses prémisses, leur donnait à tous deux l'impression de foncer droit dans le mur. Le noiraud avait peur de s'affirmer, d'afficher son amour et sa sexualité, suivant aveuglément la Loi de l'Enclave sans jamais se soucier des conséquences morales de cette même loi. De son côté, Magnus avait lui aussi peur de s'engager, notamment après sa rupture avec Camille, un siècle plus tôt. L'immortel avait tendance à dissimuler ses émotions derrière des masques d'humour, d'ironie et, le plus souvent, de paillettes. Ils avaient combattu Valentin, s'étaient perdus, puis retrouvés, avaient ensuite affronté son fils, Sébastien. Ils s'étaient quitté, rabibochés, pris des vacances à Paris qui avait tourné au cauchemar, et enfin défié Edom sans le moindre remord. Pour faire court, leur histoire était compliquée. Pourtant, les deux amants avaient tenu le coup, s'aimant malgré les épreuves, ne laissant rien ni personne les séparer, ou tout du moins pas longtemps. La paix était revenue dans leur foyer comme dans le Monde Obscur, l'asiatique continuait à exercer comme Grand Sorcier de Brooklyn et consultant auprès de l'Enclave et Alec avait prit la tête de l'Institut de New York avec son frère et sa soeur, Jace et Isabelle, qui reprennaient eux aussi le cours de leur vie.

Ainsi, tout allait bien dans ce petit univers qui était le leur et, pour fêter l'occasion, Magnus avait décidé d'organiser une surprise à son compagnon. Le noiraud, qui avait emménagé chez lui à peine une semaine plus tôt, l'avait prévenu deux jours auparavant qu'une importante réunion aurait lieu à l'Institut pour faire le point sur l'activité démoniaque à New York et qu'il rentrerait un peu plus tard que d'ordinaire. Magnus avait évidemment joué la comédie en soupirant et en boudant comme un enfant et avait laissé son cher et tendre quitter leur domicile. Une fois le Chasseur d'Ombre éloigné, l'immortel aux yeux félins avait pris son manteau et était partit en vitesse par Portail pour se rendre chez Tiffany & Co, la bijouterie la plus chère et la plus luxueuse à la connaissance de Magnus. Après tout, son amour pour le noiraud n'avait pas de prix. Le descendant d'Asmodée avait donc passé plusieurs heures dans la célèbre boutique à commander une bague unique, faite sur mesure et hors de prix pour son cher et tendre. Il s'était ensuite rendus au Labyrinthe en Spiral pour annoncer son projet à son père qui l'avait serré dans ses bras à l'en étouffer. Sur place, le sorcier à la peau caramel avait également croisé sa meilleure amie, Catarina, qui avait fait un check-up de sa magie, le trouvant un peu pâlot, tandis qu'il lui annonçait la bonne nouvelle. La sorcière l'avait félicité à son tour et, deux jours plus tard, Magnus avait enfin récupéré son précieux bien et attendait que son amant ne revienne chez eux. Huit heure, plus vraiment le temps de trainer. Excité comme un petit garçon dans un magasin de bonbon, le Grand Sorcier de Brooklyn usa de sa magie pour tout préparer au plus vite : tamiser les lumières, couvrir le sol de pétale de rose, préparer la chambre pour la suite de leur soirée, mettre du champagne au frais, dresser la table pour un dîner romantique aux chandelles sur le balcon et contacter la Chasse Sauvage pour commander une petite pluie d'étoiles filantes. Après tout, Gwyn lui devait un service, autant en profiter ! Une fois satisfait de ses préparation, l'immortel réalisa que les minutes défilaient à toute vitesse, et à huit heure et demie il fila sous la douche pour se préparer, non sans avoir vérifié que la bague était toujours dans son écrin, précieusement dissimulée dans la poche du pantalon qu'il porterait. Sous le jet qui mouillait son corps, il rit intérieurement en se disant qu'il avait attendu huit cent ans passés pour enfin trouver la bonne personne et avoir l'audace de poser le genoux à terre. Il n'était jamais trop tard pour bien faire !

La douche passa comme un éclair et à huit heure quarante-cinq, Magnus était habillé d'un magnifique costume bleu nuit aux reflets violet, piqué de gems multicolores et de broderies dorées représentant diverses constellations. Le sorcier porta fébrilement sa main à sa poche pour sentir la forme de l'écrin et son cœur se mit à battre plus vite et plus fort dans sa poitrine. Encore vingt minutes, un peu plus si la réunion s'éternisait, et Alexander serait chez lui, chez eux. Leur maison. Son cœur battait si fort qu'il lui en faisait presque mal et il s'assit pour reprendre son souffle et garder son calme. Bien que peu de personne soit au courant, son cercle intime savait que l'asiatique avait toujours été et resterait un grand émotif qui vivait ses émotions comme un tsunami. Joie, peine, colère, rire, jalousie, Magnus n'était pas connu pour faire dans la demie mesure, et ce soir ne ferait pas exception. Rien ni personne ne pourrait l'empêcher de glisser cette magnifique bague, hors de prix soit dit en passant, à l'annulaire gauche de son petit ami. En parlant du loup, le téléphone de l'Indonésien se mit à sonner, interrompant la musique de la chaîne hi-fi, un mix des plus grands slows du siècle dernier. Magnus décrocha sans même regarder le nom de l'appelant et un immense sourire étira ses lèvres maquillées de gloss léger.

- Sayang ! Laisse moi deviner, ta réunion va prendre un peu plus de temps que prévu ?

- Magnus, c'est Catarina, souffla l'infirmière à l'autre bout du fil.

- Oh, trésor c'est toi ! Qu'est-ce que je peux faire pour toi, mon petit oiseau bleu ? Lança joyeusement le plus vieux.

- Magnus, je n'appelle pas pour de bonnes nouvelles malheureusement, Alec et toi...

Le Grand Sorcier de Brooklyn fronça les sourcils, soucieux, le corps tendu comme un arc, et il écouta sa meilleure amie lui annoncer les nouvelles qu'elle avait apprises un peu plus tôt dans la journée. Peu à peu, le large sourire de l'Indonésien fanna pour disparaître complètement. Sa gorge se nua d'une boule monstrueuse qui lui donnait l'impression d'avoir des lames de rasoir dans la gorge et des larmes brûlantes envahirent ses yeux pour dévaler ses joues comme deux traînées de lave. Sa main baguée se crispa sur l'écrin dans sa poche et son souffle coupa. Il demanda à son amie immortelle, plusieurs fois, si elle était bien sûre et certaine de ce qu'elle affirmait, mais les nouvelles étaient sans appel, toutes les preuves étaient là. Magnus, un poignard planté dans le cœur, remercia la sorcière d'une voix atone avant de raccrocher sans laisser le temps à cette dernière de s'excuser une fois encore, bien qu'elle ne soit coupable de rien dans cette situation. La mort dans l'âme, le descendant du souverain d'Edom se leva rageusement, sa magie crépitant du bout de ses doigts, prenant des teintes rougeâtre sous l'effet de sa colère et de son chagrin. Une boule de feu apparut dans sa main et il la jeta sur la table qu'il avait préparée, sans se soucier de savoir qu'il y avait mis tout son cœur. Son coeur. Son pauvre cœur qui n'était plus rien désormais. Un hurlement lui échappa et il fit exploser sa magie en une pluie d'étincelles bleues et rouge, libérant la puissance d'Edom qui dormait en lui et tout ce qui avait été prévu pour la soirée, y comprit son costume qu'il troqua pour une tenue plus sobre, disparut dans un crépitement sonore. En quelques secondes, l'appartement qu'il avait si soigneusement décoré et aménagé pour réussir sa surprise redevint le loft habituel dans lequel il vivait quotidiennement. Une fois calmé, ou tout du moins ce qui se rapprochait le plus du calme dans son état, Magnus se vautra dans le canapé et fit apparaître un double scotch dans sa main pour le boire d'une traite. Il en fit apparaître un autre, puis un autre encore, enchaînant les verres sans se soucier de la dose d'alcool qu'il était en train d'ingérer. Plus rien n'avait d'importance dorénavant. Reniflant douloureusement, l'Indonésien fondit en larmes brusquement, ouvrant les vannes de son chagrin sans que lui-même ne voit le phénomène venir. Il pleura ainsi une bonne dizaine de minutes avant que le brouillard de son cerveau ne commence à se dissiper et qu'il ne sache quoi faire. Il connaissait le choix difficile qu'il lui restait à prendre, mais il n'avait pas le choix. C'était la seule solution désormais, il ne pouvait pas rester avec lui, c'était impensable, mais avec ce que Catarina lui avait appris.

Alors que l'asiatique reprenait peu à peu ses esprits, se confortant dans sa décision qu'il supposait être la plus généreuse, et le mot était large, le bruit de la clé qu'on tourne dans la serrure le ramena au présent. Alec revenait de sa journée à l'Institut, sa réunion était finie. Le Nephilim aux cheveux noirs, égal à lui-même, lança un bonsoir joyeux en retirant son manteau et il déposa ses clés dans le vide poche après avoir soigneusement rangé son arc, ses flèches et son poignard séraphique dans le placard de l'entrée que Magnus avait libéré pour lui. Seule sa stèle, comme tout bon Chasseur d'Ombre qu'il était, ne le quittait jamais, toujours à portée de main en cas de besoins. Son visage à la peau blanche comme le lait rayonnait de sérénité, comme chaque fois qu'il rentrait chez lui, chez eux, et l'immortel sentit son coeur se tordre un peu plus malgré sa colère en réalisant qu'il ne verrait plus jamais cet air serein et heureux sur les traits de son homme. Tout ça était révolu, fini. Alec sourit en direction de son homme et le rejoignit sur le canapé pour lui voler un baiser que Magnus lui rendit à peine, de bien mauvaise grâce. Le Nephilim fronça les sourcils à son tour et pencha la tête curieusement sur le côté.

- Est-ce que...tout va bien ? On dirait que ta journée ne s'est pas bien passée, s'enquit-il en posant une main sur celle de son aîné qui la retira rapidement. D'accord...Toi, tu es énervé...Écoute je suis vraiment désolé pour la réunion, j'ai essayé de partir au plus tôt mais Isabelle tenait à finir absolument ce soir et...Enfin je suis vraiment désolé mon chat...Tu me pardonnes quand même ? Fit-il doucement avec son air de chiot perdu que l'Indonésien affectionnait tant.

- Ce n'est pas la réunion, il faut qu'on parle..., souffla l'immortel en serrant les poings et la mâchoire.

- Je...D'accord, bien sûr oui, de quoi est-ce que tu veux parler ?

L'Indonésien ne répondit pas immédiatement, préférant mettre un peu d'ordre dans ses idées, ce qui ne fit qu'accentuer l'angoisse et le malaise du noiraud qui commençait réellement à se demander s'il ne s'était pas produit quelque chose de grave pendant son absence.

- Mon chat....?

- Il faut qu'on arrête, Alec..., lâcha le plus vieux comme une bombe. Tout ça...Je n'en peux plus...

- Tu...n'en peux plus ? Répéta le noiraud sans comprendre, son cœur ayant manqué un battement dès lors que son compagnon s'était mis à l'appeler par son surnom.

- Bon, puisque tu es trop bête pour comprendre je te le dis franchement : je te quitte, Alec ! Voilà, c'est plus clair comme ça ?!

- Quoi mais...mais tu ne peux pas faire ça je...Est-ce que j'ai fais quelque chose de mal ? Je...Magnus, parle moi, si je dois changer quelque chose, n'importe quoi...Je suis prêt à tout pour nous et tu le sais !

- Oh mais par Lilith, Alec ouvre les yeux et arrête de te faire plus bête que tu n'es ! Tout ça, nous, ça ne mène nulle part et j'en ai assez ! Je n'étais jamais sortit avec un Chasseur d'Ombre avant toi et maintenant je comprends pourquoi ! Toutes ces réunions, ces règles, ces absurdités, ces protocoles, j'en ai assez, d'accord ? Oh, oui, c'était amusant au début, toi le Nephilim qui veut montrer à papa et maman qu'il est un petit rebelle en pleine crise d'adolescence et qui sort avec moi, à l'opposé de tout ce que tu es, pour faire un petit scandale et te faire remarquer, toi qui es toujours dans l'ombre. J'ai cru que tu avais changé mais tu es toujours ce petit con misérable qui est aveuglé par la vénération qu'il porte à l'Enclave !

Assis dans le canapé où il était presque recroquevillé comme pour s'y fondre, Alec retenait vaillamment ses larmes alors que son cœur se brisait en mille petits morceaux qu'il lui serait sans doute impossible à recoller. Son souffle était haché, ses yeux embués, sa gorge nouée.

- Tu ne penses pas ce que tu dis...c'est impossible, tu n'es pas comme ça..., chuchota l'aîné des Lightwood, presque pour lui-même.

- Ouvre les yeux Alec ! J'ai joué avec toi, d'accord ? J'ai huit cent ans et tu es mortel. Tu croyais quoi ? Que tu étais mon âme soeur ? Que j'avais erré sur terre jusqu'à te rencontrer ? Que tu m'étais destiné ? Tu n'es qu'un coup de plus qui a séjourné dans mon lit ! Un amant au milieu de milliers d'autres ! Alors quoi, on va passer quelques années ensemble et après ta mort, qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer ? Je vais refaire ma vie, je t'oublierais et tu ne seras plus qu'un grain de poussière dans ma mémoire ! Tu ne vaut rien, à peine un battement de cils dans mon éternité ! Toi ou un autre, c'est du pareil au même. On s'est bien amusé mais la partie est finie...Je me suis lassé de toi, et tu ne m'amuse plus...Alors va voir ailleurs si j'y suis, dégage, quitte mon appartement, va où tu veux je m'en fiche mais je veux que tu foute le camp de chez moi : c'est clair ?

- Ne t'inquiète pas, tu n'auras pas à me le demander deux fois..., murmura Alec d'une voix brisée en se battant corps et âme pour ne pas fondre en larmes là, tout de suite, devant l'immortel qui ne daignait même pas le regarder.

Le jeune homme se leva difficilement sur ses jambes flageolantes et s'enfuit dans leur chambre, non...la chambre de Magnus...pour y récupérer les affaires qu'il avait laissées. Magnus ne leva même pas les yeux pour le voir et se leva pour se diriger vers le balcon et laisser son regard se perdre sur la ville en contrebas. Derrière lui, il entendait les reniflements, les sanglots contenus et les pas d'Alec qui déambulait de pièces en pièces pour être sûr de ne rien oublier et, ainsi, de ne pas être obligé de revenir dans cet endroit maudit. Une fois sa valise prête et l'appartement débarrassé de sa présence, Alec s'empressa d'enfiler ses chaussures, son blouson, son carquois, et de prendre son arc en main. Sur le seuil, le noiraud ne put empêcher les larmes de couler et il explosa en de lourds sanglots, sa main figée sur la poignée.

- Tu es heureux ? Tu es fier de toi ?! C'est ça que tu voulais ?!! Hurla-t-il à l'encontre de l'Indonésien qui lui tournait toujours le dos. J'avais changé...pour toi...J'ai toujours tout fait pour toi et c'est comme ça que tu me traite ? Comme une merde ?! Je comprend que tu ai eu autant d'amant si tu les as tous jeté comme tu viens de le faire avec moi...

- Va t'en, Alec...Va t'en, maintenant..., souffla sèchement Magnus en lui tournant toujours le dos.

- Je t'ai toujours défendu aux yeux de tous...Mais ils avaient raison...Tu es un salaud, Magnus Bane...Tu n'es qu'un démon, et je te souhaite de pourrir à Edom !! Hurla-t-il encore avant de sortir en claquant la porte derrière lui, ses sanglots résonnant au-delà du couloir.

Le Grand Sorcier de Brooklyn leva les yeux vers la pluie d'étoile filante qui venait de faire son apparition et rit amèrement en pensant que le souhait d'Alec avait sans doute été entendu par les yeux.

- Ne t'en fais pas pour ça, Sayang...Edom a déjà gardé une place pour moi...Et j'irais bien plus vite que tu ne le crois...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top