Un ultime souhait

Paula était triste en cette fin d'année. C'était une gentille femme de quatre-vingt-douze ans. Elle avait eu une vie bien remplie, un mari attentionné qui était mort il y a maintenant plusieurs années, de beaux enfants, et de magnifiques petits enfants.
Tous l'aimaient profondément, et cela la comblait de bonheur. Seulement, la vie n'étant pas toujours simple, chacun de ses trois enfants avait dû s'éloigner, déménager dans d'autre région pour des questions de travail. Elle ne les voyait pas souvent et se faisait une joie, pour chaque grande occasion, de les recevoir. Seulement, cette année, aucun ne pourrait se déplacer pour Noël. Jean n'avait pas pu poser de vacances, Sophie était en voyage à l'étranger et Paul, père célibataire, enchainait les petits boulots de nuit.
Paula passerait donc cette fin d'année seule, dans sa grande maison de campagne. Elle aurait pu déménager ailleurs, Paul insistait souvent sur le sujet. Sa mère était loin de tout, il n'aimait pas la savoir ainsi isolée à son âge. La vie lui serait bien plus facile si seulement elle acceptait de venir vivre en ville, proche de lui. Malheureusement, Paula s'y refusait. Elle avait vécu toute sa vie dans cette maison, elle y avait tous ses souvenirs. Il lui suffisait de fermer les yeux et elle entendait ses enfants rirent ou son mari lui susurrer son amour à l'oreille. Jamais elle n'aurait pu abandonner son havre de paix. 

On était le 24 au soir, Paula mangeait un simple plat surgelé devant la télé, elle n'avait pas eu le courage de cuisiner pour elle toute seule. Elle trouvait cela bien trop triste. Ce serait son dernier Noël, elle le savait, il ne lui resterait que peu de temps à vivre. Il était hors de question de le dire à ses enfants et de les inquiéter. Elle pensa à leur tristesse, au fait qu'ils lui en voudraient sûrement, et son cœur se serra. Elle débarrassa son assiette et chassa ses idées noires au loin.
Elle éteignit la télé et se rendit dans sa chambre. Une fois dans les draps, elle sentit les larmes couler le long de ses joues. Comme elle aurait aimé que Jean, Sophie et Paul soient là, avec elle. Comme elle aurait aimé serrer ses petits enfants dans ses bras, en particulier le petit Pierre qu'elle adorait tant. Elle était très proche de ce petit poupon blond. Du haut de ses dix ans, il la faisait rire. C'était de loin le plus gentil, mais aussi le plus turbulent de ses petits enfants. Dès qu'une bêtise se profilait à l'horizon, vous pouviez être sûr qu'il en était l'investigateur. 

Paula était entrain de s'endormir quand elle entendit un bruit de verre qui se casse. Que se passait-il ? Elle voulut prendre son téléphone portable, cadeau offert il y a quelques années par Paul, mais sa main se referma sur le vide. Elle avait dû oublier l'appareil dans la salle à manger ! Elle sortit doucement de son lit, et essaye d'avancer le plus calmement possible afin de ne faire aucun bruit. Si des hommes s'étaient introduits chez elle pour la voler, elle ne ferait clairement pas le poids pour se défendre.
Elle avança dans le noir, en logeant les murs. Elle pénétra dans le salon et tâtonna les meubles autour d'elle. Hors de question de leur indiquer sa présence en éclairant la pièce ! Elle se rapprocha petit à petit de la table du salon, bras tendu en avant. Plus qu'un ou deux mètres la séparaient de son téléphone. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle voulut accélérer le pas, mais trébucha sur les bords du tapis. Sa tête heurta violemment le coin de la table. Une forte douleur irradiait au niveau de son front, puis elle sentit un liquide chaud couler le long de sa peau, une odeur métallique emplissant la pièce. Elle voulut se relever, mais, à bout de force, tomba au sol et s'évanouit.
Au petit matin, elle se réveilla dans son lit, avec un léger mal de tête. Que s'était-il passé ? Avait-elle rêvé tout cela ? Elle passa ses doigts le long de son front et sentit un bandage. Qui l'avait donc secouru ? Elle regarda autour d'elle et vit une petite tête blonde appuyée contre le lit. Elle se redressa et reconnut tout de suite son petit fils. 

— Pierre, mon garçon, que fais-tu là ?

 — Grand-mère ? Tu te sens mieux ? 

 — Oui mon petit, mais peux-tu m'expliquer ce qui c'est passé ? 

 — Je crois que c'est ma faute grand-mère. Le petit renifla un grand coup avant de reprendre. Noël, on doit le passer en famille, alors je me suis enfui et j'ai pris le bus. Il faisait nuit quand je suis arrivé, j'ai cassé la vitre de la cuisine pour entrer, je voulais te faire la surprise. Et j'ai entendu un grand bruit, et je t'ai vu par terre, avec du sang partout. 

Pierre ne réussit pas à continuer son récit, en pleur, il se jeta dans les bras de sa grand-mère.

 — Mamie-Po ! Je suis désolé ! 

Paula sourit et sera fort le petit dans ses bras en le berçant et le rassurant. 

 — Comment as-tu fait pour me monter ici mon petit ? 

 — J'ai appelé le voisin, réussit à articuler le petit entre deux hoquets, il est médecin, il t'a soigné et est resté avec moi toute la nuit. On a appelé papa, il arrive. 

Paula serra son petit fils encore plus fort contre elle. Pierre venait de lui faire le plus beau cadeau du monde, un dernier Noël avec les siens. Il avait pris des risques pour elle, il s'était montré si courageux. Elle lui embrassa le front, et lui murmura un merci pendant que des larmes de joies roulaient le long de ses joues.

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