— Papa ? Je peux te poser une question ? Et je veux une réponse honnête de ta part.
Igor cessa de manger, observant sa fille avec toujours ce même regard inquiet.
— Je t'écoute ma fille, pose-moi cette question.
Ivana reposa doucement sa fourchette dans son assiette en remuant les lèvres avec hésitation.
— Est-ce que tu trouves que j'ai l'air d'une âme perdue et blessée ?
Le silence de son père en disait déjà long sur la réponse qu'il s'apprêtait à lui donner.
— Tu n'es pas heureuse, dire le contraire serait un mensonge et je n'aime pas le mensonge tu le sais très bien ma chérie.
Ivana profita de cette brève ouverture pour lâcher deux ou trois bombes qui le rendraient dans un état proche de la colère.
— J'ai postulé dans ton dos pour une faculté basé en Russie papa, je t'ai menti.
Elle inspira profondément en posant ses mains sur ses joues puis baissa la tête. Elle s'attendait à être sermonnée durement mais au lieu de ça, son père déclara :
— Je le savais depuis longtemps Ivana, j'ai vu la lettre dans ta chambre cachée dans les pages de l'un de tes livres et je suis content que tu aies trouvé le courage de me le dire...enfin.
Ivana releva les yeux au ralenti pour dévisager son père au regard très doux et presque empli de compassion.
— Tu n'es pas en colère ?
— Au début oui, et même si je ne porte pas mon pays dans mon cœur j'ai compris que t'éloigner de tes origines ne m'aiderait en rien.
Il marqua une pause dans laquelle il prit une grande inspiration.
— Cependant je serais malhonnête si je n'avouais pas avoir ressenti du soulagement quand j'ai compris que tu avais refusé.
Ôtée d'un poids elle affaissa ses épaules en exhalant un long...très long soupir de soulagement. Seulement ce soulagement fut de courte durée lorsqu'elle se remémora les paroles de Sergueï Volkov.
— Monsieur Volkov dit que je n'aurai jamais dû revenir à l'université, que ce n'est pas forcément la bonne solution pour me reconstruire, lui expliqua Ivana d'une voix voilée par la tristesse et la douleur mêlées.
— Est-ce que...tu veux arrêter ? S'enquit son père d'une voix incertaine.
— Non, pas pour l'instant, répondit-elle d'une voix alourdie par la douleur. Je veux finir mon année et ensuite je déciderai de ce que je veux faire pour la suite. Crois-moi si j'écoutais mon cœur j'aurai abandonner depuis longtemps mais je ne peux pas saper cette année.
Son père acquiesça, l'air inquiet en la regardant droit dans les yeux.
— Si jamais tu ne peux plus continuer tu devras arrêter et quoi qu'il arrive je te soutiendrais ma chérie, déclara son père en posant sa main sur la sienne.
Pour le rassurer, Ivana esquissa un léger sourire en coin. Cette conversation riche en révélation lui avait fait plus de bien que de mal. C'était à elle seule de prendre la décision de continuer ou non. Aujourd'hui plus qu'un autre jour elle se sentait assez forte pour continuer et cela n'était peut-être pas un hasard. En effet, un homme au regard dur était en partie responsable de cette décision. Pour une raison qu'elle ignorait Ivana désirait poursuivre ses études parce qu'une force aiguisée la poussait à le faire et cette force s'émanait de cet homme...comme si elle était poussée celle-ci sans pouvoir la contrôler.
Un homme qui n'avait pas manqué de bouleverser son quotidien, de bouleverser son esprit qui précipitamment lui remémora un détail de leur récente conversation. Le cœur battant à la chamade elle leva timidement les yeux vers son père qui venait de reprendre son repas. Si jusqu'ici si cette conversation c'était passé dans une atmosphère douce et émotive Ivana sentait que la suite deviendrait très orageuse.
— J'ai été invité ce soir papa, lâcha-t-elle en se levant pour débarrasser la table.
— Invité ? Invité par qui ? Où ? S'enquit son père en la bombardant de questions.
Ivana se pinça les lèvres en fermant brièvement les yeux.
— Monsieur Volkov, il souhaite me montrer sa collection d'art pour que je m'inspire de...
— T'inspirer ? Et lui ? Il compte s'inspirer de ma fille ? S'étrangla Igor en se levant d'un bond.
Ivana pivota les talons pour le confronter.
— Papa s'il te plaît je vais avoir vingt-quatre ans je suis assez grande pour savoir ce que je fais. Ce n'est rien d'autre qu'une invitation pour me faire découvrir sa collection de livres et d'art, rétorqua Ivana fermement décidée à lui tenir tête.
Igor fronça ses épais sourcils, les lèvres serrées.
— Mais si tu préfères je peux aller à la petite fête d'Alex, le petit-ami de Julia Stuart qui est à l'origine du mal qui a anéanti ma vie ? Ajouta Ivana en pliant les serviettes sans le regarder.
Elle ignorait si elle avait bien fait d'accepter cette invitation. Sergueï Volkov était sans doute le dernier homme qu'elle devrait côtoyer car derrière cette stature imposante se cachait un secret. Oui. Elle était persuadé qu'il n'était pas totalement ce qu'il prétendait être et le pire c'est qu'il n'avait pas chercher à le nier. Un frisson glacial se glissa dans sa nuque alors qu'elle pliait nerveusement la serviette pour la seconde fois.
— Ivana je veux juste te protéger et cet homme est...
— Mon professeur, le coupa-t-elle en détournant le regard. Son invitation est purement d'ordre professionnelle et je l'ai accepté parce que j'ai besoin de sortir un peu papa. Il ne va rien m'arriver.
— Je veux l'adresse au cas où, décréta son père sur un ton définitif.
— Je ne l'ai pas, il compte me faire venir un chauffeur, avoua-t-elle le cœur battant à tout rompre.
Igor faillit s'étrangler avec sa propre salive.
— Un chauffeur ? Répéta-t-il en se laissant tomber sur sa chaise.
Ivana ne put s'empêcher de rire en fixant son père qui tenter de se ventiler avec sa serviette.
— Et ça te fait rire en plus !
Ivana se glissa derrière lui pour l'entourer de ses bras.
— Ne t'inquiète pas papa, tout va bien se passer, je t'appellerai, promis.
Elle déposa un baiser sur sa joue puis monta à l'étage pour rejoindre sa chambre.
Pour la quatrième fois en quelques heures Ivana tapa le nom de son professeur dans la barre de recherche espérant trouver sur lui des informations. Aucune s'afficha. C'était comme si cet homme n'existait pas alors que son nom devrait se répertorier dans la liste des professeurs universitaires. Ce détail frappa Ivana et augmenta ses doutes. Plusieurs heures plus tard, elle observait la nuit tomber depuis la fenêtre du salon en surveillant la rue et ses alentours dans l'attente de voir une voiture apparaître devant sa maison. Une angoisse particulièrement forte l'empêcha de respirer alors que son père faisait les cents pas dans le hall d'entrée. Côté tenue vestimentaire Ivana s'était efforcée de trouver un vêtement convenable. Une robe bleue marine serrée près du corps...un corps qui portait encore les secousses du passé.
— Tu es très élégante, lâcha son père sur un ton bourru qui la fit sourire.
Soudain les phares d'un voiture éclaira son visage. Ivana se leva persuadée que c'était pour elle et ce fut le cas.
Le ventre noué elle embrassa son père en lui promettant de l'appeler le plus tôt possible.
Dans la voiture qui était censé la conduire à destination l'ambiance était pesante. Le chauffeur n'arrêtait pas de lui lancer des regards dans le rétroviseur mais restait très silencieux. Ivana se retint de lui poser des questions indiscrètes et se contenta de fixer les sièges en cuir de cette voiture luxueuse.
— Nous sommes arrivés miss Koskov, voulez-vous que je vous accompagne ?
Ivana leva le regard sur la haute tour en hésitant à ouvrir la portière. Elle savait au fond d'elle que c'était mal et une partie d'elle lui soufflait déjà de rebrousser chemin. Seulement la tentation fut trop forte.
— Non, je vous remercie, déclara-t-elle en quittant la voiture.
En pénétrant dans le hall très lumineux un frisson la parcourut tandis qu'elle s'approchait d'un pas hésitant vers le premier ascenseur. Elle tapa le code que lui avait donné Sergueï Volkov et les portes s'ouvrirent, mais lorsqu'elles se refermèrent Ivana eut l'impression que tout son univers venait de basculer.
Elle rompit son souffle quand les portes s'ouvrirent sur un majestueux hall aux carrelages noir. Il était si propre qu'au premier pas sur ce dernier Ivana vit le reflet de sa chaussure. Une musique d'ambiance parvint jusqu'à elle et son cœur rata un battement. Cette musique était composé seulement de notes de piano. Ivana s'approcha lentement, serrant entre ses doigts le morceau de papier tout en observant ce luxueux appartement.
— Une seconde de plus et je pensais que vous vous étiez défilée, lâcha une voix dans l'ombre.
Ivana réprima un sursaut et se retourna pour le confronter seulement il n'y avait personne tandis que l'air de piano se poursuivait.
— J'aurai pu, je le voulais...
— Mais vous ne l'avez pas fait, nota-t-il.
Elle fit un tour sur elle-même à la recherche de cette voix qui continuait de souffler dans l'ombre comme des brasiers. En grimpant les quatre marches qui séparaient le salon en deux Ivana remarqua un fabuleux piano près d'immenses baies vitrées.
— Est-ce que ça fait partie du jeu professeur Volkov ? Demanda-t-elle en levant les yeux vers l'étage lui aussi très sombre.
— De quel jeu sommes-nous en train de parler mademoiselle Koskov ?
Ivana frissonna alors qu'il se tenait juste derrière elle. Une chaleur indescriptible gagna son bas-ventre lorsqu'elle sentit son souffle dans sa nuque.
— Il semblerait que ce soit votre jeu, murmura-t-elle d'une voix tremblante.
Un faible rire s'échappa dans l'immense salon bercé de notes de piano.
— Je suis surpris que votre père vous ai laissé venir à moi aussi facilement.
— Vous dites cela comme s'il s'agissait d'un piège, lui fit-elle remarquer avant de se retourner pour le confronter.
Dans les lumières sombres et tamisées, elle aperçut son regard perçant. La bouche sèche elle arrima son regard dans le sien et attendit qu'il lui réponde.
— Je n'ai pas besoin de vous piéger Ivana, j'étais presque sûr que vous viendriez à moi quoiqu'il arrive.
— Vous êtes bien sûr de vous.
Il émergea de l'ombre et se dressa devant elle, une lueur impénétrable dans le regard.
— Vous aviez le désir de venir ici, tout est inscrit dans vos yeux douce et délicate Ivana.
Il pencha la tête sur le côté en dardant son regard sur elle.
— Très jolie robe, commenta-t-il avec une flamme incandescente dans le regard.
Ivana sentit quelques rougeurs enflammer son visage.
— Je pensais que j'étais ici pour parler d'art, lui rappela-t-elle après s'être raclée la gorge.
— Oh mais je suis ouvert à toutes discussions miss Koskov, peu importe le sujet, répondit le russe en plaquant son épaule sur le pilier en croisant les bras.
Essayait-il de la rendre mal à l'aise ?
— Je dois appeler mon père pour le rassurer.
— C'est déjà fait, déclara-t-il avant qu'elle s'empare de son téléphone.
Incrédule, Ivana secoua imperceptiblement de la tête alors qu'il portait sur ses lèvres un sourire en coin.
— Je suis un gentleman mademoiselle Koskov, expliqua-t-il en se détachant du pilier pour s'approcher d'un pas exécuté avec un lenteur délibéré. C'était mon devoir de l'appeler pour effacer toutes ses inquiétudes.
Il grimaça légèrement avant de rajouter :
— Un exercice qui je dois dire m'a donné du fil à retordre. Votre père est coriace et moi déterminé à obtenir ce que je veux.
Une épaisse flamme se mit alors à jaillir dans la profondeur de ses yeux. Ivana observa cette lueur avec défi et cela semblait presque lui plaire.
— Vous n'êtes pas ce que vous prétendez être monsieur Volkov n'est-ce pas ? Qui êtes-vous ?
Il s'empara du verre qui reposait sur un majestueux bar tout en comblant l'espace qui les séparait.
— Nous avons toute la soirée pour que vous le deveniez, répondit-il d'une voix rauque.
Ivana sentit son corps réagir d'une façon nouvelle et indescriptible tandis qu'il se rapprochait d'elle avec une détermination sans faille. Puis il ajouta d'une voix rauque et sombre :
— Je dirais même que nous avons toute la nuit...
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