Chapitre 7
En rentrant à son appartement silencieux Sergueï espérait retrouver les idées un peu plus claires, hélas son corps et son esprit étaient dans un désordre absolus, succédés de tensions nourrissant le jaillissement de sang qui battait dans ses veines. À peine sa veste retiré qui son téléphone sonna. Il prit l'appel avec humeur bien qu'il s'agissait de son plus proche ami Vladimir.
— Je te préviens je ne suis pas d'humeur.
— Bonsoir à toi, je suis également ravi de t'entendre, répondit-il d'une voix nonchalante.
Sergueï soupira en se dirigeant vers le bar pour se servir un verre un peu plus fort que du champagne.
— Je viens aux nouvelles de notre professeur préféré et j'ai comme l'impression que ça ne va pas.
— Je vais très bien, répondit Sergueï en refermant la bouteille de bourbon. J'ai juste l'impression que je suis en train de perdre la raison à cause d'une...petite étudiante aux cheveux désordonnés.
- Oohhh eh bien moi qui pensais que les...comment dis-tu déjà ? Ah oui ! Les midinettes ne m'intéressent pas.
Sergueï s'interdit tout commentaire car il n'était pas d'humeur à plaisanter surtout pas quand son côté dominant prenait des tournures extrêmement dangereuses. Il ne comptait plus les fois il avait voulu la contrôler et dut se faire violence pour y résister. Cette jeune femme avait quelque chose de différent et cette différence l'avait attiré dangereusement vers elle. Cependant, il ne pouvait pas se comporter ainsi avec elle au risque que sa véritable nature se révèle.
- Si on m'avait dit un jour que le grand Sergueï ferait vaciller ses...
- Je n'ai toujours pas changer d'opinions en ce qui concerne mes convictions, celle-ci est l'exception à la règle. De toute façon c'est inutile d'en parler plus longtemps, lâcha-t-il sur un ton glacial. Je n'ai nullement l'intention de...
- De faire quoi Sergueï ? Flancher pour une délicieuse étudiante ? Tu sais tout comme moi que tu es le plus féroce d'entre nous sous tes airs impassible.
- Tu m'appelles pour me saper le moral ou pour me dire quelque chose d'important ? S'enquit Sergueï avec humeur.
La dernière chose qu'il voulait ce soir c'était de parler de lui et des soucis qu'il rencontrait avec cette étudiante.
- Je t'appelle essentiellement pour te saper le moral, avoua-t-il en lâchant un rire diabolique. Je plaisante ! Jared est revenu et il m'a exprimé sa tristesse de t'avoir laissé là-bas tout seul.
Sergueï leva les yeux au ciel.
- Je pense surtout qu'il est déprimé parce que je l'ai laissé seul avec des responsabilités.
- Non, il est déprimé parce que tu laisses un grand vide, notamment au club si tu vois ce que je veux dire.
Il se laissa tomber dans son fauteuil avec un soupir proche de la lassitude.
- Et donc ? Tu as décidé de m'appeler pour me dire que j'ai laissé en désarroi une horde de fans hystériques ? Suis-je censé m'émouvoir ?
- Que de cruauté envers ton fan club ! Lança Vladimir en feignant d'être choqué. Veux-tu que je passe un message à Angelina ? Non parce qu'elle tourne en rond sur la piste de danse, cherchant à attirer l'attention afin que cela te revienne aux oreilles.
- Ce qui est fait, nota Sergueï en rejetant la tête en arrière contre le haut du fauteuil.
- Elle veut te rendre jaloux.
- Je ne le suis pas Vladimir, je ne l'ai jamais été jusqu'ici, ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer.
Son ami poussa à son tour un soupir l'air déçu et cette déception alerta Sergueï qui émit un petit rire sombre.
- Vladimir ne me dit pas que tu es en train d'essayer de me convaincre de revenir en utilisant Angelina ? La même Angelina qui t'exaspère chaque fois qu'elle essaye de converser avec toi ?
Un silence s'ensuivit...un long, très long silence.
- Eh bien je dirais oui et non, répondit-il enfin.
- Ton inquiétude est légitime Vladimir mais je te le répète, je n'ai pas l'intention de rester ici. Je n'ai pas non plus l'intention d'oublier qui je suis.
- Tu n'imagines pas à quel point je suis rassuré ! S'exclama son ami sans masquer son soulagement. Non parce que pendant une brève seconde j'ai cru que tu allais te convertir en prof sévère et zapper la mafia.
Sergueï posa ses doigts sur ses yeux en ravalant un soupir désespéré. Ils restèrent un long moment au téléphone pour parler précisément de la mafia. Lorsque cet appel prit fin, Sergueï se retrouva au pied du mur parce qu'il avait pensé que cet échange avec son ami suffirait à lui faire oublier cette soirée. Seulement son esprit se ranima de souvenirs qu'il n'était pas capable de contrôler. Il serra les mâchoires en prenant une forte inspiration puis se leva pour faire les cents pas en essayant vainement d'apposer une conclusion plausible sur ses réactions troublantes envers la jeune femme.
Hélas au bout d'une longue étude sur la situation, il se rappela le mot qu'il lui avait laissé. Pourquoi avait-il fait ça ?
Il cessa de marcher comme un lion en cage et se mit à observer le panorama sombre et silencieux depuis les baies vitrées, déterminé à comprendre pour quelle raison cette jeune femme faisait vaciller les règles qu'il s'était fixé il y a maintenant bien longtemps...
~
- Donc si je résume la situation, il t'a invité à dîner par pure politesse ?
Son père n'en démordait pas depuis la veille. Au petit matin, le nez dans son café, il ressemblait à un inspecteur chargé de résoudre une enquête.
- Oui, répondit Ivana pour la énième fois alors qu'elle essayait de faire tenir ses cheveux dans un chignon désordonné.
- Et c'est tout ? Rien de plus ?
- Papa ! Je te l'ai dit, il s'agissait seulement d'un dîner bien que je te l'accorde ce n'était pas très professionnel, dit-elle en s'installant à table.
Son père lui lança un regard méfiant, perplexe.
- Papa c'est mon prof, mon directeur, qui plus est bien plus âgé que moi et arête de me regarder comme ça tu me mets mal à l'aise.
- Plus âgé ? Répéta Igor en étouffant un rire. Tu parles à un homme qui a fui son pays avec une jeune femme qui venait à peine d'atteindre sa majorité.
Ivana s'affaissa sur sa chaise n'ayant plus la force de se battre avec son père.
- Il te regardait comme un sauvage protégeant sa proie, reprit-il brutalement. C'est à peine s'il ne voulait pas m'éjecter de sa zone comme si j'étais de trop.
Les joues d'Ivana se mirent à flamber alors qu'elle secouait de la tête vivement.
- C'est ton côté protecteur qui s'exprime là papa, tu te fais des idées, vraiment je t'assure que c'est dans ta tête.
Igor prit un air bourru en se levant sans la quitter des yeux la mine renfrogner.
- On apprend pas à un vieux singe à faire la grimace jeune fille !
- Papa je t'en prie, j'ai l'impression d'être une petite fille lorsque tu me parles comme ça.
- À la seconde précise où j'ai cru te perdre tu es redevenue mon bébé, et cela demeurera ainsi tant que je ne verrai pas une éclaircie sur ton joli visage.
Bien que touchant ces mots laissaient entrevoir la douleur et les remords de son père.
- C'est un homme dangereux, reprit-il sur un ton étrangement admiratif. Il dégage une aura très puissante et redoutable. Je ne remets pas en doute son acte de gentleman, cependant, je sais ce que j'ai vu hier soir.
Ivana se leva pour poser ses mains sur ses épaules alors qu'il se tenait au rebord de l'évier.
- J'aime ton côté protecteur papa mais je ne suis plus une enfant, et ce n'était rien de plus qu'un dîner où nous avons parlé de littérature et d'art.
Igor marmonna en russe, vaincu, baissant enfin les armes. Au même instant, quelques coups se mirent à retenir à l'entrée. Ivana se précipita pour aller ouvrir.
- Ivana Koskov ? C'est vous ?
- Oh euh oui c'est moi, répondit-elle en fronçant des sourcils.
- Signez ici je vous prie, déclara-t-il après lui avoir tendu les clés de sa camionnette.
Ivana s'empara du stylo pour signer alors que son père venait de la rejoindre. Lorsque l'homme s'effaça pour regagner son véhicule Ivana découvrit sa camionnette garée sur le trottoir. Elle semblait presque flambant neuve.
D'un pas hésitant elle s'avança vers cette dernière et se mit au volant pour la démarrer.
- Et en plus il a réparé la camionnette ! S'étrangla son père en écarquillant les yeux.
Stupéfaite, désorientée Ivana se contenta de regarder son père se diriger vers la maison en marmonnant dans sa barbe.
Gênée, elle s'enfonça dans le siège de sa camionnette, peinant à comprendre pour quelle raison il s'était occupé de cette réparation. Comment allait-elle pouvoir le remercier ? Que voulait-il ? Que cherchait-il ?
Pour le savoir elle prit ses affaires de cours pour se rendre à l'université. Elle ne mit pas longtemps à repérer la voiture du russe garée et sentit sa gorge se serrer de nervosité. Tout ce qu'il avait fait pour elle jusqu'ici n'était pas professionnel ni même étique aux règles. Son père était-il fou ou disait-il la vérité sur le comportement de son professeur ?
L'avait-il vraiment regardé comme un sauvage protégeant sa proie ? Ivana voulait que ça ne soit pas vrai, seulement elle ne pouvait ignorer plus longtemps que le chignon qu'elle portait n'était pas un hasard. En effet, sur le petit mot glissé dans sa main, il lui avait presque ordonné qu'elle fasse quelque chose de ses cheveux en la menaçant de s'en charger lui-même.
Réprimant une vive chaleur, elle frappa à la porte de son bureau au dernier étage avec quelques coups hésitants, craignant d'être renvoyée pour faute de n'avoir pas prit rendez-vous.
- Entrez !
Sa voix la fit frémir jusqu'à la naissance de ses doigts mais elle refusa de renoncer et ouvrit la porte pour se glisser dans son bureau.
- Dire que je pensais ne pas vous revoir avant cette après-midi, lança-t-il quand elle eut fermer la porte. Ne me dites pas que je vous manque déjà ?
Il la jaugea d'un regard aussi perçant que la veille en se carrant dans le fond de son fauteuil. Ivana se tortilla les mains pressées contre ses livres en faisant un pas vers le bureau alors qu'elle voyait bien ses yeux étudier sa coiffure avec un intérêt particulier.
- Si vous êtes venu pour me remercier sachez que c'est inutile.
- Au contraire ça l'est, répliqua Ivana en posant ses livres sur le bureau. Pourquoi faites-vous tout cela pour moi ?
- Qu'ai-je fait mademoiselle Koskov ? S'enquit-il en levant un sourcil.
- Vous le savez très bien. Le dîner, la réparation de ma camionnette, il faut que je vous rembourse.
- Vous ne ferez rien, lâcha-t-il en se levant lentement. Je ne veux rien de vous si ce n'est...
Sergueï ravala de justesse les mots qu'il brûlait de dire. Maintenant qu'elle était devant lui, sa détermination à comprendre devint plus que pressante car déjà il sentait cette contraction musculaire revenir plus forte et plus douloureuse. Il ferma les poing rageusement pour retenir tout mouvement capable de le trahir. Les yeux rivés aux siens, la jeune étudiante faisait preuve d'un courage qui lui coûtait sans aucun doute. Et enfin, Sergueï trouva la réponse qu'il attendait...
S'il réagissait ainsi en sa présence c'est parce qu'elle était en rien comparable avec celles qu'il avait l'habitude de fréquenter. Son air constamment perdu, la peur qu'il lisait dans ses yeux, son désir de survivre aux épreuves qui l'avaient détruite de l'intérieur. Son visage aussi.
Terriblement triste ce dernier exprimait parfois le désir que quelqu'un le rende heureux même pour une fraction de seconde. Sergueï avait également la sensation que son corps implorait de l'aide, implorait d'être choyé et aimé. Cette fille au regard de miel était le plus grand péché pour les démons.
- Vous ne pouvez pas faire ça pour moi monsieur Volkov. Je ne veux pas de votre pitié.
- De la pitié ? Répéta Sergueï sur un ton glacial qu'il regretta aussitôt. Je n'ai aucune pitié pour vous ni pour personne.
En rage contre lui-même, Sergueï continuait pourtant de la dévorer des yeux, épris par un désir mêlé à une vorace colère. Ses cheveux étaient douloureusement enfermé dans un chignon désordonné, et bien qu'elle avait suivi son conseil, Sergueï sentit ses doigts brûler avec la furieuse envie de s'en occuper lui-même.
- Alors pourquoi ?
- Je commence à peine à le savoir mademoiselle Koskov, articula-t-il en s'approchant dangereusement.
Ivana eut l'impression d'être privé d'air. Cette fois-ci elle avait vraiment l'impression d'être la proie du sauvage tel que l'avait décris son père.
Le plus troublant ce qu'elle ne recula pas alors qu'il gagnait de la distance. Une chaleur sourde gagna son bas-ventre pour la première fois de sa vie. Ivana avait l'impression d'être la captive silencieuse de son professeur et le plus étrange c'est qu'elle se surpris à aimer ça.
La folie était-elle en train de s'emparer d'elle ?
Ivana sentit sa respiration devenir de plus en plus lourde, alors elle se recula enfin pour gagner de l'espace mais il s'en empara à chacun de ses pas.
- Je crois mademoiselle Koskov que nous allons avoir un problème vous et moi...
Sa voix rauque la fit vaciller alors qu'elle venait de rencontrer le mur qui mit un terme à sa tentative de le fuir. Il posa ses mains à plat sur le mur, pour la rendre captive.
- Lequel professeur ? Demanda-t-elle en se raclant la gorge.
Elle entendit une note sombre gronder dans sa voix puis un sourire fendit ses lèvres...un sourire qu'elle ne lui connaissait pas.
- Je vais vous laisser le découvrir par vous-même pour que cela devienne encore plus savoureux que ça ne l'est déjà...
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