Chapitre 39
— Je n'en reviens pas que tu aies pu abandonner la photo, tu es vraiment douée.
Ivana l'avait conduit dans le sous-sol de leur maison pour qu'il découvre son univers. Son père lui avait menti. La moitié de son matériel était encore intact et ce qu'il avait prétendu avoir vendu ne l'était pas. Sergueï consultait ses photographies depuis déjà trente minutes, laissant entrevoir derrière son regard parfois difficile à cerner son admiration.
— Maman adorait faire de la photographie, confia-t-elle en retenant difficilement son émotion.
— Je suis certain qu'elle était douée comme tu l'es.
— Maman était la femme la plus adorable et la plus forte, même dans ces derniers moments elle n'a jamais cessé de sourire.
Cette fois-ci Ivana ne put retenir ses larmes qui silencieusement, se mirent à rouler sur ses joues.
— Approche, ordonna-t-il d'un murmure en tendant sa main pour qu'elle s'en empare.
Elle se mordit les lèvres et avala goulée d'air pour se ressaisir.
— Sergueï je peux te poser une question ?
— Évidemment, dit-il en entourant son bras autour de sa taille.
— Pourquoi moi ? Pourquoi tu m'aimes ? Qu'est-ce que j'ai de particulier ?
Il inspira profondément avant de répondre.
— Tu es différente, je crois que la douceur qui se diffuse autour de toi et la bienveillance dont tu fais preuve m'a rappelé que la clarté existait encore dans ce monde. Un homme comme moi n'espère jamais tomber sur quelqu'un comme toi par peur de pervertir son âme.
— Tu crois que mon âme est pervertie ? Demanda-t-elle l'air amusé.
Il grimaça légèrement en essayant de feindre un air sérieux.
— Eh bien si on remonte six heures plus tôt et qu'on porte attention à ton chevauchement incroyable dans cette voiture blindée au milieu d'une artillerie lourde je crois qu'on est pas loin de la perversion.
Ivana frappa son épaule en riant puis se détacha de son emprise pour prendre son appareil photo.
— Imagine que tu te lasses de moi dans un an ou deux ?
En posant cette question Ivana n'avait pas osé relever les yeux.
— Par pitié Ivana j'espère que tu n'es pas en train de me dire que tu pensais tout ce que tu as dit au restaurant.
— Bien sûr que non ! Se précipita-t-elle de dire en relevant la tête brusquement.
Son regard rembrunit lui donna des frissons.
— Alors dis-moi ce qu'il y a dans cette jolie tête avant que je me charge d'aller chercher mes réponses moi-même.
Ivana se pinça l'intérieur de la joue et se mit à jouer nerveusement avec son appareil photo.
— On ne va pas se mentir plus longtemps tu as abandonné ta véritable nature de dominant pour moi.
La bombe était lâchée seulement elle ignorait ce qu'elle importerait en dégâts.
La pièce éclairée par de faibles néons ne l'empêchaient pas de voir ses yeux devenir sombre.
— Je n'éprouve pas le besoin de te dominer Ivana.
— Sergueï s'il te plaît, murmura-t-elle d'une voix calme pour ne pas enflammer davantage la conversation. On ne peut pas oublier des années de sa vie en un claquement de doigts et surtout pas...
— Que veux-tu que je fasse exactement ? La coupa-t-il en se levant brusquement. Que je te dise que j'ai en partie renoncé à mon instinct dominant ? La réponse est oui Ivana.
— Pourquoi ? S'enquit-elle en défiant son regard agacé.
— Parce que je n'en ressent pas le besoin bien que parfois je brûle de t'asseoir sur mes genoux, te faire manger selon mes règles, ainsi que tout autre châtiment et désir qui me passe à l'esprit chaque fois que je te regarde !
Il se passa une main rageuse sur le visage.
— Qui te dis que moi je n'en ai pas envie ?
— Tu en envie ? Répliqua-t-il du tac au tac.
Ivana baissa les yeux incapable de supporter plus longtemps son regard empli de colère.
— Je ne veux pas que tu renonces à ce que tu es pour moi Sergueï et que tu puisses le regretter un jour.
Il fit un pas en avant pour l'atteindre et l'obligea d'une pression sur le menton et relever la tête.
— Je ne regrette rien, j'ai ce que je désire, et je ne ressens pas le besoin de te dominer durement, je ne pense pas que ce soit un crime.
Ivana inspira profondément en le dévisageant.
— Je voulais juste m'assurer que cette vie est celle que tu veux.
Il relâcha son menton rictus aux lèvres.
— Et toi Ivana, est-ce que c'est cette vie là que tu veux ? Demanda-t-il d'une voix plus amène.
— Oui, répondit-elle sans réfléchir une seule seconde.
Cette vie est celle qu'elle voulait et maintenant elle regrettait d'avoir entamer ce sujet fâcheux qui s'était transformé en une dispute qu'elle n'aurait jamais voulu avoir.
— Tu ne peux pas m'en vouloir d'être inquiète, murmura-t-elle en posant l'appareil photo.
— Je t'en veux de douter sur ce que je veux, riposta le mafieux alors que la colère commençait peu à peu à s'effacer de sa voix. Tu crois sincèrement que je serais ici si j'avais la conviction que cette relation était vouée à l'enfer ? Je ne serais pas en train de me battre si j'avais la certitude que tu n'es pas pour moi. Jamais je me suis battu pour une femme à l'exception de ma mère.
Ivana ferma les yeux en exhalant un souffle douloureux.
— Je crois que toute cette pression autour de Gregson est en train de me faire perdre l'esprit, déclara-t-elle en posant une main sur son front.
La gorge nouée, elle leva son regard sur Sergueï qui avait le visage fermé.
— Quand tout sera fini je t'emmène avec moi et je ferais en sorte que tu deviennes ma femme le plus rapidement possible.
— Sergueï...
— Quoi moy angel ? La coupa-t-il en haussant un sourcil. Je t'ai dit qu'une part de mon instinct de dominant était partie, je ne t'ai pas dit que l'autre part n'était pas tout aussi impérieuse et implacable.
Ivana n'avait pas la force de lui répondre et il ne faisait plus aucun doute qu'il était blessé.
— Je vais faire du thé, je reviens, bredouilla-t-elle en passant sur le côté.
Une main puissante saisit son bras. Ivana leva les yeux et capta un regard sombre et possessif.
— Je ne veux plus jamais me disputer avec toi, plus jamais tu entends ?
Ivana sentit son cœur s'affoler.
— Moi non plus je ne le veux plus, murmura-t-elle en posant son front contre son bras.
Il la relâcha sans se départir de la colère qui animait encore son regard. Ivana monta les marches du sous-sol et se dirigea vers la cuisine pour faire chauffer de l'eau. Prisonnière de sa torpeur elle posa une main sur son cœur et put sentir les coups des battements palpiter contre ses doigts.
Elle l'aimait tant qu'elle craignait d'être livrée à la dure réalité car Sergueï faisait partie d'un monde qu'elle commençait tout juste à comprendre. Il ne pouvait pas lui enlever ses craintes mais ce soir, même s'ils venaient de passer un moment désagréable au moins elle avait en sa possession de précieuses réponses qui dans le fond parvenaient à lui ôter quelques doutes légitimes.
C'est avec la gorge nouée qu'elle se dirigea vers le salon pour investir l'armoire secrète de son père, là où il cachait ses précieuses bouteilles de cognac. Puis le temps cessa soudain. Ivana déglutit péniblement en reculant d'un pas. L'inconnue qui se tenait au centre du salon arme pointée dans sa direction ne lui était pas si méconnue...
Il lui fallut quelques secondes pour l'identifier.
— Jenny qu'est-ce que tu fais ici ?
Jenny Baxter était une ancienne patiente de la clinique. Elles étaient parties en même temps de cet endroit et Ivana se souvenait lui avoir parlé une seule fois. Les yeux cernés, le visage désemparé, la main qui tenait l'arme se mit à trembler.
— Il faut que tu viennes avec moi maintenant, expliqua-t-elle d'une voix tremblante.
— Jenny baisse ton arme par pitié, lui dit-elle en butant contre le meuble qui se trouvait derrière elle.
— Je ne peux pas ! Il faut que tu viennes avec moi ! Il en a assez d'attendre.
— Qu..qui ?
Ivana tenta de rester calme mais la jeune femme devant elle ne semblait plus contrôler les tremblements de sa main et son doigt pressé sur la gâchette devenait de plus en plus fragile.
— Gregson ? C'est Gregson ? Demanda-t-elle en essayant d'adopter un ton calme.
Sergueï avait-il entendu depuis le sous-sol ?
Ivana fut d'abord tenté d'élever la voix pour l'avertir mais se ravisa.
— Gregson n'est qu'un émissaire, tu ne comprends pas Ivana, dit-elle le visage ravagé par la peur et la colère mêlées. Tu n'aurais jamais dû dire toutes ces choses au restaurant. Il faut que tu obéisses maintenant et que tu viennes avec moi.
— Non ! C'est toi qui va obéir ! S'éleva une voix marquée d'une forte autorité.
Découpé dans l'ombre, Sergueï apparut et Jenny braqua l'arme sur lui.
— Jenny s'il te plaît !
Sergueï leva sa main pour imposer le silence et s'avança vers Jenny. Le désespoir, la détresse évidente qui se lisait dans ses yeux indiquait clairement le degré d'emprise que la secte avait sur elle. C'est comme si elle était chargée d'une mission et qu'elle ne devait en aucun cas échouer. Seulement ça ne ressemblait pas à la Jenny du centre.
— Tu vas obéir, répéta le mafieux en continuant de s'approcher.
La voix de Sergueï devenait de plus en plus sombre et diaboliquement captivante. Jenny ne prononçait plus un mot, les yeux rivés sur lui alors que l'arme tanguait dans sa main faible.
— À qui es-tu en train d'obéir ? La questionna-t-il sans se départir de sa voix impérieuse.
— À Drake Agon, répondit-elle comme un automate.
Ivana porta une main sur sa poitrine, incapable de respirer. Elle assistait impuissante à la scène sans savoir comment elle allait se finir. Le nom que Jenny venait de sortir venait de rebattre les cartes. Le cœur frappant ses tempes, elle regardait Sergueï sans comprendre ce qu'il essayait de faire. Il avançait lentement, les bras le long du corps, le port de tête bien droit en regardant Jenny avec froideur. Il dominait l'espace et Jenny n'avait pas reculé d'un millimètre.
— C'est à lui que tu obéis ?
Jenny cligna des yeux plusieurs fois.
— Oui c'est à lui, murmura-t-elle d'une voix presque absente.
— Non, gronda Sergueï froidement, ce n'est pas à lui que tu obéis !
Ivana retint son souffle quand elle comprit ce qu'il était en train de faire.
— Non, répéta bêtement Jenny en clignant à nouveau des yeux.
— Non, ce n'est pas à lui n'est-ce pas Jenny ?
Ivana agrippa les rebords du meuble derrière elle alors que ses jambes la menaçaient. Le mafieux montrait un fort mécontentement qui déstabilisa Jenny.
— Qui t'ordonne d'obéir là tout de suite ! Gronda-t-il d'une voix rocailleuse et implacable.
— Vous, souffla Jenny suspendue voire accrochée au regard de Sergueï.
— Dans ce cas prouve-le moi Jenny, ordonna-t-il en se plaçant devant elle alors que l'arme touchait presque son torse.
Immédiatement Jenny baissa les yeux puis la tête et se laissa tomber à genoux sur le sol, le bras tendu en l'air pour lui offrir l'arme. Sous l'impact de la réalité de qui était vraiment Sergueï, elle sentit son sang se figer. Il venait d'asseoir son autorité sur Jenny qui désormais semblait lui vouer une soumission totale. En quelques fractions de minutes il venait de renverser la situation. Ainsi Ivana comprit qu'elle avait devant ses yeux, l'homme derrière la porte...
Il s'en empara et la glissa dans son dos en lâchant un juron. Il se retourna pour planter son regard dans le sien. Sous le choc, Ivana regarda Jenny à genoux et qui ne bougeait plus avec des émotions contradictoires qui la fit vaciller le long du meuble.
— Ne bouge pas jusqu'à ce que je te l'ordonne, lâcha-t-il à la jeune femme avant de la rejoindre.
— Est-ce que ça va ? Lui demanda-t-il en l'examinant de la tête aux pieds.
— Comm.... comment as-tu fait pour...
Le regard fermé, il se contenta de lui caresser les cheveux furtivement avant de reculer en avisant Jenny qui se tenait derrière lui.
— Tu es beaucoup trop intelligente pour me poser cette question, répondit-il sur un ton grave.
Il marqua un bref temps d'arrêt et reprit.
— Désormais ne m'approche plus et n'essaye pas d'établir le moindre contact avec moi tant que je n'ai pas obtenus toutes mes réponses, lui expliqua-t-il tout bas. Je dois savoir qui est ce Drake Agon et ce qu'il te veut ! Il ne faut surtout pas donner le sentiment que nous sommes proche sinon je vais perdre le contrôle sur elle.
— Oui, murmura-t-elle en se passant ses doigts tremblant sur la bouche.
Il lui décrocha un dernier regard puis s'éloigna d'elle pour établir un lien avec Jenny.
Ivana inspira péniblement et se laissa tomber sur le fauteuil les yeux dans le vide en se demandant si un jour ce cauchemar prendrait fin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top