Chapitre 37




Le regard plongé sur la vue splendide de Seattle, Ivana soupira silencieusement en tirant sur ses doigts. Elle n'aurait pas pu rêver mieux. Elle vivait un véritable conte de fées moderne et son coeur ne pouvait pas mieux se porter qu'à cet instant. Seulement comme tout conte de fées, il y avait un méchant et dans le monde réel et impitoyable il ne s'agissait pas d'une belle-mère diabolique, mais d'un véritable monstre qui n'hésitait pas à ôter la vie à des âmes innocentes.

— Si tu ne te sens pas capable de le faire, je trouverai un autre moyen trésor, déclara une voix derrière elle.

En relevant les yeux sur la baie vitrée, elle vit le reflet du mafieux qui se tenait derrière elle.

— J'en suis capable, c'est juste que...je ne veux pas que cela affecte tout le travail que j'ai fait sur moi pour oublier.

Elle se retourna pour planter son regard dans le sien et le moins que l'on puisse dire c'est que le sien était transpercé de colère tapissée par un voile de douceur.

— Jamais je ne mettrais ta vie en danger si je n'avais pas la certitude que ça va marcher.

Quelques heures plus tôt, dans le restaurant, il lui avait déposé dans sa paume de main ce que toutes femmes rêveraient d'avoir. Désormais elle portait à son doigt l'ultime preuve que cet homme l'aimait. Ivana peinait à y croire. Lui, ce mafieux au regard enjoué et assassin ayant fui toute sa vie l'once d'un sentiment ne se cachait plus de l'aimer.

— Quel est le plan ?

Un coup de tonnerre frappa dans le ciel et Ivana ne put s'empêcher d'y voir un mauvais présage.

— L'attirer jusqu'à toi, ce qu'il veut c'est t'avoir sous sa coupe, si c'est toi qui le contact il va y voir une réussite.

— En gros je suis un appât, résuma Ivana en allant récupérer son verre de vin laissé sur la grande table.

— Si tu lui montres que tu as besoin de lui, il tombera dans le piège parce que son seul désir c'est pouvoir te manipuler.

— Comment je dois procéder ? Est-ce tu seras là ?

— Évidemment moy angel, s'empressa-t-il de répondre en comblant l'espace qui les séparait. Je ne te quitte pas des yeux maintenant ce n'est certainement pas pour le faire dans un moment aussi grave.

Il glissa un regard vers les baies vitrées pensivement puis reporta sa paire d'yeux sur elle.

— Il ne retournera jamais dans la clinique maintenant qu'il a une nouvelle identité. Il ne se risquera pas à s'exposer. Cependant il ignore ce que je sais sur lui, cela nous donne une extrême longueur d'avance sur lui et ses petits...disciples.

Il marqua une pause pour boire une gorgée de whisky.

— Il va falloir que tu tentes de le contacter, lui indiquer un lieu où il y aura beaucoup de monde.

— Et ensuite ? Que dois-je faire ? Demanda-t-elle en se dirigeant vers le canapé pour s'installer. Est-ce que je vais devoir jouer à la femme manipulée ? Être un légume ?

Ivana y avait glissé un peu d'ironie mais la situation ne portait pas à rire.

— Il va falloir jouer de ton intelligence et je peux t'assurer que tu en as plus que tu ne le crois.

Ivana réprima un goût amer dans sa gorge en le faisant passer avec une gorgée de vin. Etre confrontée à cet homme à qui elle avait confié pratiquement toute sa vie lui donna la nausée. Combien de fois avait-elle dû mentir pour échapper à ses consultations régulières et terriblement effrayantes ? Ivana se sentait prête à le faire mais une partie d'elle redoutait de se retrouver à nouveau confrontée à lui et que des souvenirs viennent affecter sa mission.

— Il faut que tu inventes une histoire plausible et qui me concerne, poursuivit-il en tirant sur la table basse pour s'installer en face d'elle.

Il lui prit la main, celle qui portait désormais cette bague qu'elle n'avait pas encore eu le loisir d'apprécier. Pour être très honnête, elle peinait à croire qu'en l'espace d'un court instant elle s'était retrouvée fiancée à cet homme qui comme une violente tempête imprévisible s'était introduit dans sa vie pour la rendre meilleure...oui...bien meilleure. En ravalant les larmes qui menaçaient de tomber, elle esquissa un léger sourire et se remémora l'un de ses plus beaux souvenirs avec lui. Il s'agissait de son premier jour pour être exacte, lorsque pour sa première tentative d'approche il avait posé son doigt sur son cahier pour lui corriger certain fait dans son récit. Dire qu'à ce moment-là elle était persuadée qu'il s'agissait d'un véritable professeur...

— Je peux savoir ce qu'il te fait sourire ainsi ? Demanda-t-il en fronçant des sourcils.

— J'étais en train de me remémorer mon premier jour dans ton cours.

Il dressa un sourcil fièrement.

— Ah oui ? Je m'en souviens comme si c'était hier et je dois dire que ça me manque un peu.

— Vraiment ? S'étonna-t-elle.

— Oui, soupira-t-il en déposant son verre sur la table basse. C'était très excitant d'être ton professeur et ça ne m'aurait pas déranger de continuer.

Ivana lui sourit puis inspira profondément. Cette petite parenthèse se referma aussi vite qu'elle était apparue car malheureusement, une urgence les attendait.

— Excuse-moi je me suis égarée, reprenons, décréta-t-elle en posant à son tour son verre. Donc il faut que j'invente une histoire qui te concerne ?

— Tu trouveras j'en suis persuadé, ensuite il faudra aviser la suite. Je vais installer un micro sous tes vêtements comme ça je pourrais suivre à distance ce qu'il te dit. Si jamais il te propose de le suivre je t'interdis de le faire tu m'as bien compris ?

— Oui, murmura-t-elle d'une voix nerveuse.

Il se leva lentement pour s'emparer de son téléphone laissé sur la grande table.

— Ensuite ? Que va-t-il se passer ?

Impassible il lui fit signe de se lever pour le rejoindre.

— Ensuite, je me charge du reste, répondit-il sans lui donner plus de précision.

Ivana le suivit à l'étage de l'appartement et fut surprise qu'il la laisse pénétrer dans un bureau où trônaient des armes de guerre...oui de guerre.

— Je vais essayer de le localiser, expliqua-t-il en sortant du matériel qui installa sur son bureau. Tout ce que tu dois faire moy angel c'est le tenir au téléphone le plus longtemps possible.

Des frissons d'appréhension se mirent à griffer sa peau. La pluie frappait les baies vitrées à l'aide du vent qui venait de se lever subitement.

— Fais-moi confiance Ivana, tu dois avoir une entière confiance en moi.

Sa voix était devenue impérieuse et grave. Son regard témoignait à lui seul de la gravité du moment.

Ivana prit alors son téléphone attendit qu'il fasse ses branchements et se lança dans ce cauchemar bien réel. Mais il ne s'agissait pas que d'elle. Des jeunes femmes partout dans le monde pourraient devenir sa cible. Certaines étaient déjà sous son emprise et personne ne pouvait prédire si elles resteront en vie.

— Tu es prête ? Lui demanda-t-il doucement.

— Oui, murmura-t-elle en composant le numéro du docteur Gregson.

Elle déglutit, la bouche sèche, les yeux rivés sur Sergueï qui avait changé de visage.

Dans for intérieur elle souhaitait secrètement qu'il ne réponde pas à son appel. Hélas au bout de deux sonneries, un souffle lourd se glissa dans son oreille.

— Ivana est-ce que c'est toi ?

Le poing de Sergueï se crispa sur le bureau car il avait accès à la conversation. Ses traits devinrent durs et le calme dont il faisait preuve n'était qu'une façade.

— Oui c'est moi, répondit-elle après s'être éclaircie la voix. Est-ce que je vous dérange ?

— Non, au contraire Ivana, je ne m'attendais pas à recevoir un appel de ta part, lui dit-il d'une voix égale à celle qu'il utilisait lors de ses séances. Est-ce que je peux t'aider ?

Ivana n'avait aucunement besoin de se regarder dans un miroir pour deviner sa pâleur.

Elle faillit s'égarer mais se reprit immédiatement.

— En fait je voulais vous voir, j'ai besoin de vous parler.

Un goût de sang rouillé glissa dans sa gorge l'empêchant d'avaler sa salive, mais elle put compter sur Sergueï pour reprendre un semblant de courage.

— Je serais ravie de te revoir Ivana.

Il répétait son prénom et appuyait dessus volontairement. Ce détail fit crisper les mâchoires du mafieux et il glissa un papier dans sa direction.

— Vendredi est-ce que c'est possible ? Au Penterhous ?

Ce restaurant était situé à Central Park au milieu de certaines de boutiques bondées de monde.

— C'est noté Ivana, glissa-t-il d'une voix volontairement lente. Je suis impatient de te voir.

Ivana se racla la gorge en se tortillant sur le fauteuil.

— Alors à vendredi docteur Gregson, déclara-t-elle d'une voix égale.

Elle s'empressa de raccrocher, posa le téléphone sur le bureau et se frotta les mains sur ses cuisses pour effacer la moiteur sur ses paumes.

— Tu as été parfaite mon ange, déclara Sergueï en trouvant le signal de localisation. Il se trouve près d'Harriman State Park, un endroit assez boisé et ce n'est sans doute pas un hasard.

Il écarta violemment son fauteuil et se leva à la hâte pour la rejoindre en se glissant derrière elle.

— Est-ce que ça va ?

Ivana ferma les yeux en posant ses mains sur son avant-bras qui entourait désormais ses épaules.

— Sa voix, je la déteste, murmura-t-elle.

Il parsema son cou de baisers.

— Bientôt tu ne l'entendras plus je te le promets.

Sergueï se maudissait pour ce qu'il était en train de lui faire. La prendre comme appât pour faire sortir Gregson de sa cachette était en train de le rendre fou. Seulement il s'agissait là de la seule solution pour le piéger le plus rapidement possible.

— Et si jamais il ne mord pas à l'hameçon ? Imagine qu'il décèle que je mens ?

— Si c'est le cas alors je le tuerais à distance.

Il n'avait pas pu maîtriser la rage dans sa voix alors elle se détacha de son emprise pour se retourner.

— Que veux-tu dire par là ?

Il se redressa lentement.

— Je suis un excellent tireur moy angel, j'ai une bonne pratique notamment lorsqu'il s'agit d'abattre une cible à longue distance.

— J'ai encore beaucoup à apprendre de toi n'est-ce pas ? Lança-t-elle en posant une main sur son front.

Sergueï fit craquer sa nuque en avisant la bague qu'elle portait à son doigt. Il n'oublierait sans doute jamais ses yeux noyés de larmes évoquant le bonheur pur. S'il avait demandé sa main précisément ce soir ce n'était pas un hasard ni une décision prise sur un coup de tête. Cette demande était plus que symbolique, elle révélait un tournant dans sa vie. Ivana n'était pas seulement la femme qui lui avait donné l'espoir d'aimer, elle lui inspirait l'avenir. Tout était clairement en train de se précipiter et il s'agissait d'un acte purement volontaire.

— Tu as encore beaucoup à apprendre de moi en effet, confirma-t-il au bout de ses réflexions.

Ses yeux furent transpercés par une lueur de crainte qui l'alerta.

— Dis-moi ce qui te rend si craintive, tes yeux me parlent Ivana et j'y décèle de la peur.

— La peur qu'il puisse t'arriver quelque chose, la peur que cette demande en mariage en soit la raison.

Il émit un petit rire sombre en secouant doucement la tête.

— Tu penses que mon intérêt serait que tu deviennes ma femme par crainte de mourir ? N'est-ce pas un peu trop exagéré ? Quel serait mon but exactement ? Te mettre à la première page de mon testament pour m'assurer que tu ne manques de rien pour les vingt prochaines années ?

Il jura entre ses dents tout en contournant le bureau.

— Je veux que tu deviennes ma femme pour une seule et unique raison, je te veux à mes côtés pour le reste de ma vie.

Peinée, la jeune femme tentait en vain de refouler les larmes qui lui montaient aux yeux et c'est trop tard qu'il comprit pourquoi. Si elle était si inquiète c'est parce qu'elle n'était pas encore remise de la mort de sa mère. Ivana craignait de le perdre plus que si c'était elle qui devait mourir.

— Il ne m'arrivera rien Ivana, articula-t-il en la rejoignant pour caresser sa joue.

La peur animait tristement son regard et même ses mots rassurants ne semblaient guère avoir d'impacts.

— Je l'espère Sergueï car je ne pourrais pas le supporter surtout si c'est de ma faute.

Sergueï eut l'impression que son corps venait d'être fracturé en deux. C'était un véritable déchirement de la voir se culpabiliser à ce point et ce déchirement se mua en une rage sévère car il était hors de question que cet homme détruise tout ce qu'il avait réussi à construire.

Surtout pas les remparts qu'il avait dressés autour de cette âme pure afin qu'elle ne puisse plus jamais se briser...

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