Après avoir envoyé un message à son père Ivana posa le téléphone sur la table de nuit et fit un pas en arrière les yeux rivés sur le grand lit. La nuit était tombée. Il s'agissait officiellement de sa première nuit dans ce manoir perché en hauteur, révélant la beauté de cette forêt qui s'étendait sur des kilomètres.

— J'ose presque espérer que ce regard nerveux laisse entendre que tu n'as jamais dormi avec un homme.

Ivana ne put s'empêcher de sourire en se retournant pour regarder Sergueï qui se tenait au pied des marches qui séparaient le petit salon de son espace chambre. Il darda longuement son regard sur elle, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon noir. Ivana inspira profondément, le souffle difficile.

— Oui en effet, avoua-t-elle en faisant un pas dans sa direction.

— Je suis ravi de l'entendre même si cela me fait passer pour un homme un peu trop...

Il tiqua en cherchant la bonne définition.

— Jaloux d'une situation qui n'a jamais existé mais qui aurait pu l'être ? Lança-t-elle en descendant les marches l'obligeant à reculer.

— C'est à peu près ça oui, confirma-t-il avec un jeu de mâchoires redoutables.

— Afin que tu ne te sentes pas trop seul dans cette brève jalousie excessive je pourrais par exemple te demander si ton lit...

— Non trésor, tu seras la première à l'inaugurer, la coupa-t-il ayant deviner sa question.

Ivana rougit alors qu'une chaleur écrasante l'empêcha de respirer. Il sortit la main de sa poche pour saisir sa main et la guida au rez-de-chaussée.

— Tu as froid ? Demanda-t-il en lâchant sa main pour se diriger vers la cheminée qui crépitait déjà.

— Non ça va pour l'instant, je m'habitue à ce changement climatique.

— Il ne fait pas toujours froid à Moscou, mais je dois dire qu'en ce moment le temps n'est pas aussi clément que d'habitude.

Ivana le suivit dans la cuisine là où un bon repas l'attendait.

— J'espère que tu ne t'es pas trop fâché avec Nikki, osa-t-elle demander en mordant dans la cuisse de poulet.

Ivana remarqua qu'il était attentif à cette dégustation car lui ne s'était rien servi.

— Non, ne t'en fait pas là-dessus, elle voulait juste m'avertir des dernières informations qui circule au club.

— Elle laisse entendre que tu es indispensable si j'ai bien compris.

Ivana savait qu'en rouvrant un pan de ce problème elle se risquait à un refus catégorique de sa part. Pour lui, la discussion était close depuis plus de six heures maintenant.

— J'étais le formateur c'est pour cette raison qu'elle a dit ça.

Voyant qu'elle peinait à comprendre il poursuivit.

— Comme je te l'ai dit j'étais le professeur, celui qui forme la plupart d'entres elles afin qu'ensuite elles puissent être la soumise d'un autre. Cela consiste à éviter qu'elles se présentent novices car certaines ne veulent pas perdre de temps ou décevoir. Cela me permets de n'avoir aucune attache mais malheureusement il y en a certaines qui n'ont visiblement pas compris ce petit détail.

Il marqua une pause dans laquelle il prit sa fourchette pour piquer une pomme de terre qu'il porta près de sa bouche. Il fit alors tourner la fourchette devant ses yeux jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche.

— Seules les femmes éprouvants le désir de se faire soumettre après avoir dominé toute la journée ont compris qu'il n'y avait rien à attendre de moi.

Il piqua dans un morceau de poulet et contourna le plan de travail pour venir s'asseoir sur le tabouret à côté du sien.

— Qu'est-ce que ça te procure de dominer ?

Elle ouvrit la bouche pour saisir le morceau de poulet sans quitter des yeux le visage du mafieux.

— C'est pour moi inexplicable, c'est un mélange d'émotions et de sensations qui ne portent pas de nom. J'ai toujours ressenti le besoin de contrôler et c'est devenu plus fort quand le sexe s'en est mêlé. Cependant je n'ai pas encore eu affaire à ce qu'il se passe entre nous, admit-il à la fin.

— Comment ça ?

Il la dévisagea longuement puis son torse se gonfla d'une respiration bruyante.

— Ce que je suis en train de faire maintenant par exemple, lâcha-t-il en faisant à nouveau tourner la fourchette devant ses yeux.

— Et si je refuse d'obéir ? S'enquit-elle en se penchant légèrement en arrière.

Un fugace sourire apparut sur ses lèvres puis de sa main libre vint entrelacer ses doigts sur sa gorge pour l'attirer à lui. Sa bouche vint caresser la sienne tandis que ses yeux étaient profondément ancrés dans les siens.

— Je ne sais pas quelle punition pourrait vous aller mademoiselle Koskov, chuchota-t-il contre sa bouche.

Il s'agissait d'un jeu, d'un défi qui la mettait à l'épreuve, compris Ivana le cœur battant. Elle tenta de cacher le sourire qui commençait à glisser sur ses lèvres et posa ses mains sur son avant-bras.

— Je ne sais pas, qu'avez-vous à me proposer monsieur Volkov ? Osa-t-elle le défier sans savoir où cela pourrait l'amener.

Il effleura à nouveau ses lèvres des siennes.

— Plusieurs options, je vais réfléchir encore un peu si tu le veux bien, chuchota-t-il contre sa bouche avant de s'en emparer avec passion.

Le cœur battant à coups désordonnés Ivana avait l'impression de se liquéfier.

Jouant sensiblement avec ses nerfs il s'arracha de sa bouche puis ôta sa main de sa gorge délicatement.

Sergueï ravala l'épais désir qui lui brûlait la gorge et prit la fourchette pour continuer cet agréable moment. Chaque fois qu'elle saisissait la nourriture dans sa bouche Sergueï touchait au but d'une lente victoire.

— Comment es-tu devenu si riche ? Demanda-t-elle soudain.

— Eh bien trésor on peut dire que tu aimes aller d'un sujet à un autre.

Elle rougit en haussant les épaules.

— Je n'ai pas envie de te bombarder de questions sur ce thème assez particulier toute la soirée en fait j'ai envie de le découvrir naturellement.

Son honnêteté le prit de court.

— Lorsque mon père était l'un des membres il s'agissait d'une affaire de drogue. Quand j'ai repris les affaires avec les autres nous avons banni la drogue. Nous avons commencé avec les armements, puis ensuite quand nous avons eu assez d'argent nous avons investi dans des entreprises. Nous contrôlons beaucoup de puissance à Moscou.

— Mais alors quand tu dis que tu as du sang sur les mains qu'est-ce tu veux dire par-là ?

Sergueï déposa la fourchette dans l'assiette. Il n'aimait pas particulièrement ce sujet mais il était sans doute temps de l'aborder.

— L'ancienne Mafia avait une liste de noms de personnalités connus et de flics corrompus. Certains ont tellement peur de perdre leur travail qu'ils tentent désespérément de nous tuer, alors nous passons à l'attaque avant eux.

Il guetta sa réaction et fut étonné qu'elle hoche simplement de la tête.

— Donc le policier dans l'auberge...

— Toute cette liste est dans ma tête, je connais chacun de leur nom, j'ai toujours une bonne longueur d'avance sur eux.

Il se leva pour débarrasser son assiette.

— Tu n'as jamais peur de mourir ?

Sergueï émit un petit rire.

— J'ai déjà été blessé trésor je n'ai pas peur de la mort.

Les yeux de la jeune femme prirent des lueurs inquiètes.

— Je suis bien entraîné, ne t'inquiète pas, ajouta-t-il en lui souriant.

— Si mon père entendait le quart de ce que tu es en train de me dire je serais déjà dans un couvent.

Sergueï éclata de rire alors que la jeune femme avait le teint cramoisi.

— Il y a des chances en effet, confirma-t-il en faisant le tour du plan de travail pour la rejoindre. Viens allons nous coucher demain sera une longue...très longue journée, termina Sergueï sans lui donner plus de détail.

Elle saisit sa main pour le suivre à l'étage et lorsqu'ils entrèrent dans sa chambre Sergueï sentit son cœur se pincer quand il aperçut ses affaires de son côté. Il n'avait pas l'habitude de partager son lit...en fait il ne l'avait jamais fait. Pas une seule femme s'était un jour glissée dans ce lit.

— J'ai...tu veux...

— Chuuutttt, la coupa-t-il en déviant son regard sur elle, va te changer je t'attends ici.

La dernière chose qu'il voulait faire c'est la rendre nerveuse. Il la regarda partir en direction de la salle de bains sensible par sa démarche un peu hésitante. Il se déshabilla entièrement et prit place de l'autre côté du lit. Enfin, quand elle réapparut dans une chemise blanche trois fois trop longue pour elle, Sergueï serra les dents alors que ses muscles s'étaient contracté instantanément.

Timidement elle se glissa sous les draps lui rappelant qu'il s'agissait d'une première pour elle et il refusait de la brusquer même si une voix lui murmurait de se fondre en elle immédiatement. Au lieu de ça, il se concentra sur ce moment inédit et agréable. Se retrouver au lit avec une femme avait des vertus qu'il commençait tout juste à explorer...notamment ce parfum qui se dégageait de ses cheveux et de sa peau.

— Viens par-là, ordonna-t-il en ouvrant son bras.

Elle se glissa vers lui et posa sa tête dans le creux de son bras qu'il referma aussitôt sur elle.

— Merci pour cette journée Sergueï, jamais je ne pourrais l'oublier quoi qu'il puisse se passer, murmura-t-elle en fermant les yeux.

Quoi qu'il puisse se passer...

Sergueï fixa le plafond les yeux embrasés de noirceur car il ne supportait pas qu'elle puisse être aussi facilement convaincue que cette histoire prendrait bientôt fin. Sergueï n'avait peut-être pas été aussi clair qu'il l'avait pensé car en aucun cas il voulait que cette histoire connaisse une fin. Cependant pouvait-il lui en vouloir d'avoir peur ? Pouvait-il lui en vouloir d'être si craintive ?

Il baissa les yeux sur elle en constatant qu'elle était déjà partie dans les bras de Morphée et profita de ce moment pour contempler cette longue frange de cils noirs qui dissimulait ses yeux de miel.

Il éteignit la lumière et d'une main possessive agrippa sa cuisse pour la ramener contre lui. Elle glissa sa main sur son torse et même dans la pénombre il avait l'impression de pouvoir capter son regard qu'il devinait ouvert car sa respiration semblait moins soutenue. Sergueï étouffa l'éveil du désir et ferma les yeux, ayant pour la première fois de sa vie l'envie de découvrir et de savourer cette première nuit où il n'était pas seul, tenant dans ses bras une jeune femme qui sans le savoir, lui avait ouvert les portes d'un autre monde...