Chapitre 18




— C'est un énorme malentendu !

Depuis la chaise où il s'était confortablement installé, Sergueï regardait de loin Ivana se battre comme une lionne contre les deux policiers qui contrôlaient sa carte d'identité.

— Je vais contacté l'un de mes chefs, Harrison Miller, prévint celui qui le tenait à distance de la jeune femme.

— Oh mais je vous en prie faite donc, répondit Sergueï en savourant le verre de cognac que la gérante lui avait servi en guise d'excuse déguisée. Si vous pouviez au passage lui passer un bonjour de ma part, je suis sûr qu'il en sera plus que ravi.

Pris de court l'officier abaissa son téléphone portable puis le remit à son oreille.

Sergueï savourait cet instant comme une douce victoire sur le point d'être achevé par ce coup de fil. Prenant patience il vrilla son regard en direction de la jeune femme et le sourire qu'il arborait s'éteignit peu à peu, remplacé par l'ivresse d'une rage naissante. Il remarqua que l'un des policiers avait les yeux rivés sur la poitrine de la jeune femme exposée par sa robe encore humide.

— Dites à l'un de vos hommes de remonter ses yeux ou je vais prendre plaisir à les crever, le menaça-t-il d'une voix sombre qui alerta l'officier en pleine conversation avec Harrison Miller.

— Ivana ! Grogna-t-il en se levant brusquement de la chaise.

La jeune femme se tourna vers lui aussitôt. Il lui fit signe de s'avancer sans quitter des yeux l'homme au regard proche...beaucoup trop proche de la concupiscence.

Au moment où la jeune femme chercha à le rejoindre il s'interposa. Sergueï fut saisi d'une rage folle et s'avança d'un pas menaçant.

— Ça suffit ! Laisse-là passer ! Ordonna l'officier en lui faisant barrage pour interrompre la menace qui pesait dans l'auberge. Ce n'est pas l'homme que nous recherchons, c'est un malentendu.

Sergueï n'avait aucunement besoin de se regarder dans la glace pour savoir que son visage exprimait un état de rage absolu. La jeune femme le rejoignit et se plaça sur sa droite alors qu'il faisait face aux trois hommes dont l'un avait parfaitement compris à qui il s'adressait.

— Si vous avez besoin d'aide pour trouver votre criminel, et que je fasse votre travail, n'hésitez surtout pas à me contacter, siffla-t-il entre ses dents serrées.

Il se dirigea vers la sortie plus énervé que jamais tandis que la jeune femme le suivait en silence.

Le silence...oh oui il en avait besoin pour étouffer la haine qu'il ressentait envers ces flics qui se donnaient tout les droits même les pires.

— Je suis navré, c'est de ma faute, lança-t-il en se passant une main sur le visage.

Sur cette route entourée de foret et dépourvu de lumières il lui était difficile de distinguer le visage de la jeune femme. Cependant il pouvait deviner sa déception.

— Comment...comment es-tu parvenu à te disculper de tout soupçon ? Le questionna-t-elle d'une voix qui lui indiqua aux claquements de ses dents qu'elle était gelée.

Sergueï passa son bras à l'arrière pour attraper le pull qu'il gardait toujours dans sa voiture en cas d'urgence.

— Enfile ça, lui dit-il en lui donnant le pull.

Ivana s'empressa de le mettre pour se réchauffer. La chaleur se diffusa alors, mais bien plus...le parfum de l'homme se propagea également, et elle eut l'impression d'être enveloppée par une source de sensations énigmatiques.

— Je connais leur chef, une vieille connaissance qui se souvient encore de moi, expliqua-t-il gravement.

D'après l'expression sévère qu'elle parvenait à distinguer dans cette nuit pourtant si sombre, Ivana se retint de lui poser plus de question car de toute évidence, quelque chose d'autre était à l'origine de sa colère.

— Je connais plusieurs flics ici et ailleurs, crois-moi certain sont les pires pourritures du monde, reprit-il rictus aux lèvres.

— Tu sembles connaître beaucoup de monde, nota-t-elle doucement ayant remarqué que sa colère n'avait pas fléchie.

— Suffisamment pour les museler, répondit-il en prenant sa veste désormais sèche pour la mettre sur elle. Je n'ai guère apprécier la manière dont il t'a regardé, il a beaucoup de chance d'être en vie.

Il tira sur sa veste pour la remonter jusqu'à son menton puis donna un brusque coup d'accélérateur.

Les lèvres pincées, Ivana décida qu'il ne valais mieux pas insister et se contenta d'apprécier le petit cocon dans lequel il venait l'enfermer.

Durant le trajet Ivana jeta de nombreux coups d'œil dans sa direction et remarqua que ses mâchoires volontaires étaient serrées. Son regard quant à lui était devenu inexpressif.

— Malgré ce petit incident cette soirée a été très agréable, déclara-t-il quand il s'arrêta devant chez-elle.

— Oui elle l'était mais je n'ai pas obtenu toutes les réponses que je voulais, ne put s'empêcher de dire Ivana persuadée qu'il renfermait plus qu'un seul secret.

Un léger sourire se forma sur ses lèvres.

— Tu les obtiendras en temps voulu, lui promit-il en inclinant sa tête.

Ivana n'était pas sûre qu'il dise vrai et décida de lui faire remarquer en plissant son regard.

— Viens, il faut que tu rentres avant que ton père...

— Mon père dort probablement déjà à cette heure là, le coupa-t-elle en le dévisageant.

— Il faut quand même que tu rentres et manger quelque chose, nous nous verrons demain.

À contrecœur Ivana sortit de la voiture. Elle soupçonnait l'homme de vouloir rester seul pour évacuer cette colère qui brillait encore dans ses yeux. Il l'accompagna jusqu'à son porche et quand elle voulut lui donner sa veste, il la refusa.

— Garde-la, murmura-t-il en glissant son pouce sur sa joue.

Ivana le dévisagea en essayant de décrire cette colère qu'il avait au fond du regard mais il précipita les choses l'empêchant alors d'y voir plus clair.

— Bonne nuit Ivana...

Alors il s'éloigna dans la nuit faiblement éclairée par les lampadaires.

Elle pénétra dans la maison sans bruit, l'esprit dévoré par des questions laissées sans réponses.

— J'étais inquiet, lança son père en allumant la lumière du salon.

— J'aurai dû m'en douter, marmonna-t-elle en exhalant un long soupir.

— Je suis désolé trésor, et tu te trompes si tu penses que je suis resté éveillé de mon plein gré.

— Vraiment ? S'enquit-elle en fronçant des sourcils.

Igor se frotta les yeux, laissant entrevoir sa fatigue.

— Richard m'a appelé plus tôt dans la soirée et il a besoin de moi à Seattle pour son déménagement.

— Et tu te demandes si je suis capable de me garder toute seule ?

Igor lui jeta un regard nerveux.

— Ce n'est pas exactement comme ça que je l'aurai formulé mais c'est à peu près ça oui.

— Papa il faut que tu me fasses confiance.

— Je sais, murmura-t-il en baissant les yeux.

Ivana s'avança vers lui pour s'asseoir à ses côtés sur le canapé.

— Si tu veux mon avis sa te fera du bien de voir Richard, tu en as besoin. Cette année a été très compliqué et je suis sûre que ça te sera bénéfique de t'éloigner un peu.

Réticent à l'idée de la laisser seule pendant deux longues semaines son père demeura silencieux et tourmenté pendant de longues minutes avant d'abdiquer.

— Si jamais il y a le moindre soucis...

— Je te le promets papa, lui assura Ivana en embrassant sa joue.

Se retrouver seule ici pendant deux semaines n'étaient pas sa préoccupation première. Elle n'arrêtait pas de songer à Sergueï et à sa colère redoutable qui l'avait mené à la quitter dans la précipitation. Le lendemain ses doutes furent confirmés par son absence. Son cours avait été annulé et pendant tout le reste de la journée Ivana se rendit compte que sa place au sein de cette université lui donnait plus de douleurs qu'auparavant. Julia Stuart persistait à lui rendre la vie impossible par sa présence constante chaque fois qu'elle devait traverser un couloir. Son petit-ami lui, cherchait sans cesse à ouvrir le dialogue pour une raison qui lui échappait.

Le cœur serré, Ivana se leva en plein cours après avoir ramassé ses affaires et quitta la salle sous le regard interloqué de son professeur.

— Mademoiselle Koskov ? Est-ce que tout va bien ?

— Rien ne va, lâcha-t-elle avant de franchir la porte.

C'est avec une farouche détermination qu'elle quitta l'université qui renfermait la plus grosse blessure de son passé. Elle ne supportait plus de devoir affronter tous ses regards portés sur elle qui n'avaient de cesse de lui rappeler le cauchemar qu'elle avait dû supporter.

— Ivana ! Quel plaisir de te revoir enfin !

Sous le choc elle se stoppa net devant sa camionnette et dévisagea le docteur Gregson qui venait de surgir de nulle part.

Instinctivement elle recula d'un pas en lui exprimant de l'hostilité et du mépris.

— Que faites-vous ici ? Demanda-t-elle en essayant d'adopter un ton calme.

— Tu n'es pas venu à ta séance de vendredi dernier et tu sais que c'est mal.

Il affaissa son regard sur elle pour la détailler de la tête aux pieds.

— Je n'en voyais pas l'utilité et pour le moment je n'ai pas besoin de votre aide.

— Moi je crois que si au contraire, insista-t-il d'une voix qui lui rappelait celle qu'il tenait lors de ses séances.

Comme s'il cherchait à la saisir par la voix pour qu'il ait le contrôle absolu. Hélas, cela ne fonctionnait pas.

— Je n'ai pas besoin de votre aide docteur Gregson.

— Tu penses que c'est cet homme dangereux qui t'aidera Ivana mais tu te trompes. Ce monstre est dans le péché et il te guidera tout droit en enfer si tu ne lui résistes pas.

Un éclat de rire diabolique émergea de nulle part...un rire qu'elle aurait pu reconnaître entre mille.

Pris de court le docteur Gregson se retourna. Ivana se décala sur la droite et vit le mafieux appuyé contre sa voiture luxueuse, le regard dissimulé derrière une paire de lunettes de soleil.

— On n'est pas loin d'une petite séance d'exorcisme improvisé, lança le mafieux en se redressant pour s'approcher vers elle.

Sans se départir de son sourire diabolique il se mit à mimer des gestes qu'aurait pu exécuter un prêtre.

— Éloigne-toi Satan de cette âme pure et innocente, se moqua-t-il en se plaçant devant Gregson qui resserra sa cravate pour se donner un semblant de calme alors que son regard le trahissait.

— Vous êtes le diable ! S'exclama Gregson en le toisant avec mépris. Vous devriez vous éloigner d'elle ou cette enfant sera perdue.

Ivana serra ses livres contre sa poitrine en regardant tour à tour les deux hommes s'affrontaient avant que l'un des deux prenne l'ascendant sur l'autre.

Le mafieux lui jeta un regard par-dessus ses lunettes de soleil et d'un geste vif le saisit à la gorge pour le plaquer contre la camionnette.

— Vous avez raison je suis le diable, chuchota Sergueï en se penchant à son oreille tout en serrant sa gorge. Si jamais je vous prends en train d'exercer vos méthodes perverses sur elle, je vous ferais tellement mal qu'il vous faudra l'aide de véritables professionnels pour m'oublier.

Il relâcha sa gorge sèchement afin qu'il puisse reprendre son air. Sergueï nota dans ses yeux qu'il venait de contrer ses plans et au lieu de le satisfaire il ressentit une vive inquiétude. Il s'éloigna pour se diriger vers sa voiture. Sergueï attendit qu'il soit parti pour se tourner vers la jeune femme.

La respiration erratique elle se laissa aller contre la portière de la voiture sans le quitter des yeux. À cet instant précis, seul lui savait les intentions qui l'avaient poussé à ne pas se rendre ici aujourd'hui. Après l'incident de la veille et la perte redoutable de son légendaire contrôle qui était mis en sacrifice depuis sa rencontre avec elle, Sergueï avait longuement hésité à partir et rejoindre Moscou au plus vite dans l'espoir de l'oublier. Il n'y était pas parvenu, incapable de concevoir de la laisser malgré l'effroyable douleur qu'il ressentait au cœur de ce désir vorace.

— Où étais-tu ?

Son ton était accusateur mais pour l'heure il ne voulait pas se justifier, il voulait plutôt couvrir sa bouche d'un baiser féroce.

— J'ai été appelé en enfer pour régler quelques détails, répondit Sergueï armé d'un sourire en coin.

Elle roula des yeux en rejetant ses cheveux rebelles en arrière à l'aide de sa main.

" Dis-lui qui tu es ! " gronda la voix démoniaque dans sa tête.

Oui, il était temps de lui dire. Il fallait qu'elle sache l'autre partie de son secret en espérant que cette délivrance ne lui arrache pas des mains la jeune femme en prenant le risque qu'elle puisse s'enfuir, emportant avec elle le souvenir d'un homme proche d'être effectivement le diable...

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