Chapitre 15
Ivana ouvrit son livre à la première page en survolant depuis sa chaise l'amphithéâtre qui commençait à se remplir. Il s'agissait du premier cours avec Sergueï Volkov depuis qu'il lui avait révélé son identité et surtout, il n'avait pas lésiné les efforts pour l'aider. Cependant Ivana était très inquiète à la seule pensée que quelqu'un puisse émettre des doutes sur la nature de leur relation si jamais Sergueï se montrait un peu trop proche d'elle.
— Eh bien Ivana, tu n'es pas venu à ma fête, lança Alex qui venait de se glisser sur une chaise tout prêt de la sienne.
Arrachée de ses pensées, Ivana se raidit sur sa chaise en osant à peine le regarder.
— Je n'avais pas très envie de venir, répondit-elle sans plus de détails.
— C'est tellement dommage, se désola ce dernier en soupirant. Je voulais vraiment que tu viennes.
Ivana serra ses doigts entre les pages de son livre, en tournant la tête vers lui.
— Une prochaine fois peut-être, dit-elle en haussant des épaules.
Chaque fois qu'elle devait le regarder lui ou ses amis, Ivana ressentait une profonde douleur entailler un peu plus son estomac.
Alex esquissa un sourire en coin puis se passa une main dans ses cheveux désordonnés.
— En fait, je voulais...
— Monsieur Savino veuillez reprendre votre place avant que je vienne vous chercher moi-même, annonça une voix calme mais ferme comme l'acier.
Un petit frisson parcourut sa colonne vertébrale tandis qu'Alex s'exécutait sans broncher. Elle détourna lentement le regard jusqu'à capter sa présence si loin et si près à la fois. Le mafieux suivit des yeux Alex jusqu'à ce qu'il regagne sa place. Impeccablement habillé, la chemise immaculée et ouverte au col, cet homme s'assurait toujours de laisser entrevoir son autorité naturelle et son charme glacial.
Les joues rouges, le cœur battant à tout rompre elle garda ses yeux rivés sur lui sans savoir à quel moment il lui offrirait un regard. Il demeura silencieux et impassible un très long moment dans lequel Alex Savino semblait être la cible de cette colère froide qu'elle décela dans ses yeux à la nuance grise.
Ivana se mit à taper son pied sur le sol nerveusement avant de se rappeler que c'était elle à l'origine de son ignorance volontaire. Ne lui avait-elle pas exprimé ses craintes ? Ne l'avait-elle pas poussée à se comporter de la sorte ?
Ivana baissa les yeux en tirant sur les manches de son pull blanc, tiraillée entre la déception et l'évidence qu'il acceptait ce qu'elle avait désire mettre en place.
— J'ai eu la joie de corriger vos premiers travaux, déclara-t-il enfin, élevant sa voix rocailleuse et ferme qui la poussa à relever les yeux.
Dans son for intérieur Ivana faillit sourire parce qu'il lui était difficile de le voir comme un professeur ordinaire maintenant qu'elle connaissait son secret. Elle l'imaginait bien en train de corriger des copies d'étudiants une arme de poing traînant sur le bureau.
— Je constate que ça vous fait rire mademoiselle Koskov, lança-t-il depuis son bureau.
Ivana réprima un hoquet de surprise en se rendant compte trop tard que son sourire intérieur s'était glissé sur ses lèvres le rendant réel.
De loin, elle s'aperçut que ses yeux étaient plissés comme deux fentes impénétrables laissant le doute planer de savoir s'il était sérieux ou s'il feignait de l'être.
Elle s'empressa de secouer la tête négativement en lâchant les pages de son livre.
— Parce qu'il n'y pas de quoi de rire, poursuivit-il en la quittant des yeux pour survoler l'amphithéâtre d'un regard mécontent.
Il s'avança en direction du premier rang et commença à distribuer les copies. Sur les visages des étudiants, il y avait de la surprise, de la déception et parfois un soupçon de honte. À commencer par Alex Savino.
— Monsieur Savino vous êtes venu dans mon cours par dépit ou par envie ? Lui demanda-t-il en levant un sourcil.
— Par envie, répondit-il en se frottant la nuque gêné.
— Dans ce cas sachez que Paul Auster n'est pas un peintre mais un écrivain, rétorqua-t-il en soulevant quelques moqueries dans l'amphithéâtre.
Alex récupéra sa copie avec mauvaise foi et ne prit pas la peine de la lire.
— Vous pouvez rire de lui mais certains ne sont pas mieux, précisa-t-il gravement en s'arrêtant devant la table de son ami, Éric Carter.
Ce dernier se décomposa en se raclant la gorge.
— Monsieur Carter, William Shakespeare est un poète est Roméo et Juliette ne fait pas partie d'Hamlet.
Un nouveau concert de rire gagna l'amphithéâtre pourtant Sergueï Volkov était loin d'être dans l'humour. Il affichait un sérieux redoutable. Plus il montait les marches pour distribuer les copies plus Ivana sentait son cœur s'affoler. Bientôt ça serait à son tour et ce n'était pas la note de son devoir qu'elle redoutait mais plutôt la chaleur à laquelle elle serait bientôt confrontée. Lorsque le moment sonna, Ivana retint sa respiration alors qu'il se tenait juste derrière elle. Quand sa main se glissa sur son livre pour déposer sa copie, Ivana ne put s'empêcher de se remémorer celle-ci dans ses cheveux jadis quelques heures plus tôt.
Alors qu'elle s'attendait à recevoir un commentaire il n'en fit rien et se contenta de redescendre l'escalier sans un mot pour elle. Les sourcils froncés elle le suivit des yeux ne pouvant s'empêcher de ressentir une légère irritation d'être à ce point ignorer.
" C'est toi qui l'a voulu idiote ! "
Gigotant sur sa chaise elle baissa les yeux sur sa note alors que son parfum épicé flottait autour d'elle, le même qu'elle s'était surprise à humer dans son jardin la veille.
Satisfaite de sa note, elle se réconforta avec celle-ci avant que son cœur subisse un assaut inattendu. En effet, elle tourna la double-page, Ivana trouva une note collé à l'intérieur.
" Dix-huit heures ce soir devant chez-toi douce et délicate Ivana "
Alors que l'information montait lentement à son cerveau Ivana referma instinctivement sa copie par crainte que quelqu'un remarque cette note. Néanmoins, un sourire...oui un sourire releva les coins de ses lèvres avant de le dissimuler aussitôt.
Le cours commença et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il redoublait des connaissances qu'elle buvait comme les autres étudiants et à ce moment là, elle se rendit compte qu'elle avait trouvé la capacité de ne pas mélanger le professeur doué au mafieux redoutable.
Alors qu'un silence étouffé par le son des touches des ordinateurs régnait dans la salle de cours, Ivana reçut un message à droite de son écran.
— Est-ce que je joue bien le rôle du vilain professeur ?
Ivana sentit une chaleur courir sur ses joues en relevant les yeux dans sa direction. D'aussi loin qu'elle se tenait, Ivana pouvait distinguer le regard du mafieux installé à son bureau les yeux rivés sur son ordinateur. Il demeurait impassible mais sa posture elle, se composait d'une nonchalance délibérée.
Elle inspira profondément en reportant son regard sur l'écran.
— Un peu trop même...
Ivana s'empressa de relever les yeux pour guetter sa réaction. Impassible, dépourvu de la moindre expression faciale elle le vit étendre ses longs doigts sur le clavier.
— N'est-ce pas ce que tu voulais ?
Elle comprit alors que la communication ne se passerait pas dans le regard mais bel et bien derrière cet écran.
— Oui je le voulais mais je n'ai pas dit que ça serait agréable...
— Ravis de le savoir, as-tu passée une bonne nuit ?
Cette question en réveilla une autre qu'elle s'était jurée de garder secrète.
— Assez oui.
— Pas suffisamment, du moins à mon sens, tu as l'air très fatiguée.
Oui elle l'était mais pas pour les raisons qu'il pensait. Pour la première fois depuis longtemps son sommeil ne s'était pas vu perturbé par des cauchemars ou par des crises d'angoisses mais plutôt par des rêves aux aspects très...érotique.
— Je le suis, mais de moins en moins, frappa Ivana sur le clavier les doigts moites.
Elle releva les yeux pour décrire l'expression sur son visage et elle y trouva une forme de mécontentement.
— Acceptes-tu de venir avec moi ce soir ?
— Oui, s'empressa-t-elle de répondre.
Ivana lança un coup d'œil dans sa direction et s'aperçut qu'il frappait les touches de son clavier avec une énergie redoutable.
— Je n'ai pas apprécié la présence de Savino à tes côtés et j'espère qu'il ne t'a pas importuner ?
Ivana se pinça les lèvres en rougissant.
— Rien de méchant, je ne veux pas parler de lui.
Soudain alors qu'elle attendait une réponse de sa part elle reçut un Mail regroupant l'intégralité de ce qu'elle aurait dû écrire en ce moment au lieu de bavarder avec lui dans le secret absolu.
— Ça s'appelle du favoritisme ! Contesta Ivana.
— Cela s'appelle un présent que tu as bien mérité compte tenu de la situation dans laquelle tu te trouves et je suis le responsable de ton détournement d'attention douce Ivana.
Les lèvres pincées elle se passa une main dans ses cheveux et son esprit se laissa lentement emporter dans un tourbillon proche de l'apaisement. Ce fut à ce moment là qu'elle réalisa que c'était la première fois qu'elle parvenait à être dans un cours sans que l'angoisse vienne lui saisir la gorge.
Sergueï n'avait pas détourné les yeux une seule fois de son ordinateur. S'il le faisait, il savait que le désir reviendrait affluer dans ses veines comme une drogue. Cela faisait deux jours qu'il avait perdu le sommeil, préoccupé par cette jeune femme en haut de cet escalier. Jusqu'ici et bien qu'il lui avait révélé son identité elle ignorait encore son penchant pour la domination sexuelle. Sergueï refusait catégoriquement de lui dire pour l'instant faisait le choix contraire et qui le confortait dans l'idée qu'il n'avait peut-être pas perdu l'entière partie de son âme. Seulement un sentiment alors jusqu'ici jamais éprouvé prenait l'ascendant sur sa volonté d'étouffer son secret.
La jalousie.
Une forte jalousie était en train de l'imprégner d'une façon très dangereuses et redoutable.
— Où allons-nous ce soir ? Reçut Sergueï alors qu'il livrait bataille contre un raz-de-marée de sensations énigmatiques.
Sergueï serra les mâchoires pour endiguer l'afflux de ces sensations et leva enfin son regard dans sa direction. Derrière ce petit bout de femme se cachait sans doute un vœu caché de toucher au bonheur. Sergueï ignorait ce que signifiait le bonheur hormis celui qu'il connaissait en tenant une arme. Aujourd'hui plus qu'hier il fut submergé par l'innocence de la jeune femme et lorsque ses yeux trouvèrent les siens l'évidence le frappa d'une façon violente et brutale. Pour l'aider à retrouver ses émotions il avait peut-être un moyen...
— Je t'emmène dans un endroit qui te ravira, fais-moi confiance...
Les yeux rivés sur elle comme ceux d'un faucons, Sergueï attendit sa réaction et lorsque son regard se glissa à nouveau dans le sien, la jeune femme lui exprima sa confiance...une confiance totale qu'il se jura de ne pas briser et qui lui donnait ainsi toutes les clés afin qu'elle puisse enfin renaître. Mais pour cela, Sergueï allait devoir s'occuper de deux ou trois détails non négligeables, à commencer par le père de la jeune femme dont la défiance était plus que redoutable...
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