Chapitre 3
Grace se mit à réfléchir à toute vitesse.
— Trois mois.
Ses yeux la trahissaient, elle les avait écarquillés, tandis qu'il continuait à la diriger vers les bruits assourdissants de l'accueil.
— Donc c'est votre première interview ? Conclu l'homme en tournant sa tête vers elle.
Grace décida d'arrêter le massacre et se mit devant lui pour qu'il se stoppe, car si jamais le groupe d'étudiant était de l'autre côté de ce mur qui jouxtait le couloir menant à son bureau, s'en était fini pour elle.
— Oui c'est ma première...écoutez, merci beaucoup de m'avoir consacré du temps monsieur.
Il plissa ses yeux accentuant ses petites rides.
— Tout le plaisir était pour moi mademoiselle Marshall.
Elle sourit timidement et réussit au prix d'un effort surhumain à lever son bras pour le saluer.
Quand sa main atteignit la sienne, un courant la traversa tout en entière. Il la pressa, écrasant ses doigts contre sa paume brûlante.
Grace tenta de la récupérer.
— Bien alors au revoir monsieur Graïyos...
Il la relâcha, elle en profita pour pivoter à contre-sens de lui et de son odeur étourdissante.
— Je pourrais appeler le Daily New en personne pour leur informer de votre bravoure ?
Grace s'arrêta et se retourna.
— Ma bravoure ?
Mains dans les poches, ses traits furent tout à coup sévères.
— Et bien vous êtes la cinquième à qui j'accorde une interview, d'habitude il ne reste pas jusqu'au bout.
— Alors j'ai eu beaucoup de chance. Dit-elle en se pinçant les lèvres.
Les muscles de sa mâchoire se compressèrent.
— Mais c'est inutile de les appeler merci quand même. Ajoute-t-elle.
Immobile, il la dévisagea sans un mot.
L'instant paraissait durer des heures, son regard l'étouffait.
Les lentilles de couleur qui cachaient ses yeux devenaient insupportables.
Elle cligna des yeux pour faire passer les picotements sans succès.
— Ça c'est à moi d'en décider mademoiselle Marshall.
L'intonation de sa voix la fit frémir. Leurs regards étaient soudés, Grace réussit à le baisser.
— Monsieur Graïyos un appel pour vous. Lança la femme qui n'avait pas eu la décence de la renseigner tout à l'heure.
Elle se mit entre eux téléphone à la main dans l'attente d'une réponse.
— J'espère qu'il est important au moins. Déclara le milliardaire en lui arrachant de la main.
Il pivota légèrement sur sa droite et se mit à parler avec son interlocuteur. Grace en profita pour disparaître, elle fonça droit vers les ascenseurs, par chance l'un d'entre eux étaient ouvert, elle prit une allure détendue, mais rapide et quand elle fut dedans son premier réflexe était d'appuyer sur un bouton au hasard pour que les portes se referment.
Les portes se refermèrent la seconde suivante, de là, Grace toucha son cœur et relâcha toute l'aire qu'elle avait retenu, elle avait l'impression d'avoir fait de l'apnée pendant des heures.
Elle tourna en rond dans l'habitacle en se parlant à elle-même, elle se ventila avec l'ouverture de son manteau, consciente d'avoir échappé au pire.
Elle s'élança hors de l'ascenseur et traversa le hall en petite foulée pour sortir de cette haute tour.
Avec ou sans Savana.
Roderik observa la vue presque aérienne que son bureau lui offrait pensivement, la pluie avait cessé, les nuages se dissipaient peu à peu laissant le ciel dégager, se distinguer.
Il inspira profondément les sourcils crispés, la jeune journaliste l'avait littéralement fuit sans marquer les politesses. Elle avait profité qu'il soit au téléphone pour disparaître sans le gratifier de son joli sourire timide.
C'est bien la première fois qu'il sentait le trouble s'emparer de lui.
Quand son regard perdu avait rencontré me siens, Roderik s'était figé, la petite fille menue au teint blanchâtre avec des petites rougeurs sur les pommettes l'avait immobilisé un instant.
Ses cheveux étaient aussi noirs que les siens, il s'était immédiatement repris quand elle était devenue presque mortifiée.
Une immense culpabilité l'avait poussé à se montrer compatissant et ne pas la brusquer.
S'il avait eu à faire à une femme plus expérimentée il l'aurait sans doute poussé à partir en la pressant comme il avait l'habitude de faire.
Il enfonça ses mains dans ses poches toujours avec le même regard crispé.
Le jeune et innocent visage de la journaliste n'avait pas encore quitté son esprit. Sa voix mélodieuse et ses grands yeux perdus l'avaient poussé dans une curiosité malsaine.
Il devait immédiatement se reprendre.
Reprendre le contrôle de son esprit égaré.
— Monsieur Graïyos ?
Il ne se retourna pas, il tourna seulement sa tête sur sa droite.
— Elise Marshall est arrivée pour l'interview, je dois la faire patienter ?
Roderik prit quelques secondes avant de se retourner.
Il garda les lèvres scellées, tout en balayant son bureau à la recherche d'un vêtement que la jeune femme aurait pu oublier.
Tout était à sa place.
Il considéra sa secrétaire d'un œil noir. À force de minauder, cette pauvre femme perdait la tête, pensa-t-il.
Mais la perspective de revoir la jeune journaliste ne lui avait pas déplu au contraire.
— Faîte la entrer. Ordonna-t-il en avançant de quelques pas.
Elle s'éclipsa, pendant ce temps Roderik leva le menton impatient de revoir la petite journaliste au regard intrigant.
Mais quand sa secrétaire repassa les portes de son bureau en compagnie d'une femme en tailleur, blonde et à talon, Roderik resta immobile.
— Oh mon dieu monsieur Graïyos c'est un honneur de faire votre connaissance ! S'exclama cette dernière sans contenir son excitation.
Roderik fusilla du regard sa secrétaire.
— Est-ce que je peux savoir ce qu'il vous arrive Connie ? Avez-vous perdu l'esprit ? Cherchez-vous à être renvoyée ?
Sa secrétaire perdit son sourire en même temps que la blonde qui lui avait tendu sa main.
— Monsieur Graïyos je ne comprends pas...je.
— Mademoiselle Marshall est déjà passée pour l'interview il y a de cela quinze minutes et ce n'était pas cette femme.
Les deux femmes se regardèrent incrédules.
— C'est impossible monsieur Graïyos j'ai reçu un appel de madame Marshall ici présente m'informant de son retard, j'ai tenté de vous le dire mais vous m'avez coupé.
Roderik plissa du front.
— Il doit y avoir un horrible malentendu, je suis Elise Marshall du Daily New. Lança la blonde en sortant de son sac une carte confirmant son dire.
Il observa silencieusement la carte puis releva ses yeux noirs lentement.
— Alors qui était la jeune femme à qui j'ai donné des informations sur mon travail et sur moi ? Demanda-t-il en écrasant dans son poing la carte magnétique de la véritable Elise Marshall.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top