Un thé en hiver


Note : un grand merci à FloraLune0426 pour cette Fanfiction !

TW : sexe.

En cette froide matinée de décembre, Cassiel a pour une fois pu profiter d'une nuit paisible. Il émerge en douceur et sort du lit en prenant soin de ne pas réveiller la jeune femme qui dors encore. Au contact de ses pieds avec le sol frais, un frisson lui parcourt le corps. Il enfile rapidement des chaussettes sans même vérifier si la couleur concorde. La fraîcheur de l'appartement lui hérisse le poil, aussi Cassiel se frictionne les bras pour chasser cette sensation.

Il se lève enfin dans l'appartement plongé dans la pénombre. Seuls quelques voyants lumineux clignotent ou luisent dans l'obscurité. Rapidement, il coule un regard à l'horloge holographique de son Intelligence Virtuelle domestique.

7h32... C'est tôt pour un... Mardi ! Merde ! Mardi... En fait c'est tard...

Il peste intérieurement. Bien qu'il n'ait pas d'horaires pour son travail, il conserve une certaine routine quotidienne afin de ne pas prendre de mauvaises habitudes. Ce qui pourrait bien vite se produire s'il laisse Sakuya investir son appartement de façon régulière. Maintenant parfaitement réveillé, il se dirige vers la cuisine. Il compte bien essayer de rattraper le temps perdu au lit. N'étant pas du matin et appréciant que moyennement les grasses matinées, il se fustige d'avoir dormi si longtemps en ce début de journée.

D'un ordre vocal, il active la domotique et l'IV se lance automatiquement et allume la bouilloire connectée. Cassiel prépare un petit déjeuner bien français pour un écossais. Lors de multiples séjours en France, il a pris goût à la gastronomie métropolitaine, notamment les petits déjeuners. Il sort du pain frais et de la gelée de coing. Le bruit de l'eau en ébullition commence à se manifester et le conjureur termine d'installer le premier repas sur la table de la cuisine.

L'alerte sonore de la bouilloire résonne lorsqu'il verse un jus de fruit dans le verre de sa colocataire. Squatteuse serait plus appropriée. Et alors que les premiers rayons d'un soleil timide frappent la fenêtre de l'appartement, un bâillement à peine contenu retentit sur la gauche de Cassiel. Il n'a guère besoin de lever la tête pour savoir que Sakuya vient d'émerger à son tour.

— Alors l'endormie ? Déjà debout ?

— Tu peux parler... lance-t-elle d'une voix éraillée encore pleine de sommeil. T'es en retard, Cassie.

— Difficile d'être en retard lorsqu'on n'a pas d'horaires !

— Humpf !

Sakuya se renfrogne et gonfle les joues, vexée. Elle peine à avoir le dernier mot avec le conjureur. Elle attrape d'une main nonchalante la bouilloire dont l'alarme ne cesse de gémir depuis plusieurs minutes. Elle s'approche de la table dressée et s'apprête à verser l'eau chaude lorsqu'elle remarque l'absence des bols.

— T'as pas mis les bols... ronchonne Sakuya.

— Ça vient, attends.

Cassiel pose lesdits bols sur le meuble et va préparer les thés. Pour lui, il choisit un thé noir parfumé aux fruits rouges et caramel. En revanche, quand il demande à sa compagne ce qu'elle souhaite boire, celle-ci repose la bouilloire avant de prendre place devant le plan de travail.

— Pousse toi ! Je m'occupe de mon thé.

Elle déloge sans ménagement le conjureur d'un coup de rein avant de prendre sa place. Mais, Cassiel ne l'entend pas de cette oreille. D'autorité, il prend Sakuya par les épaules et l'écarte.

— Pas tant que t'es dans ma cuisine, grommelle-t-il. Va t'asseoir.

C'est sans compter sur la ténacité légendaire de son amie à sept queues. Elle se baisse de manière à passer sous son bras et s'immisce dans le mince espace entre lui et le plan de travail.

— Pas tant que tu sauras pas préparer un thé correctement, rétorque-t-elle en s'emparant de la bouilloire.

D'une main ferme sur son poignet, Cassiel interrompt son geste.

— Préparer le thé, j'ai ça dans le sang, c'est pas toi qui va me l'apprendre. Et je tiens à ma bouilloire.

— Pas le thé japonais, réplique Sakuya. Bon, tu me lâches ?

Sakuya remue, agite son bras prisonnier, mais Cassiel ne démord pas. Hors de question que la kitsune lui détraque son précieux matériel. Hors de question également qu'elle finisse par se dire que la bouilloire serait bien mieux chez elle – comme elle l'a déjà fait avec un certain nombre de ses affaires.

En désespoir de cause, la jeune femme lui assène un coup de postérieur dans le creux du bassin. Mû par un réflexe, Cassiel se décale de quelques centimètres sur la gauche, avortant la tentative de rébellion. L'irritation qui l'a saisi un peu plus tôt se teinte d'un léger amusement. Sur le terrain, Sakuya est une alliée précieuse ainsi qu'une redoutable adversaire. Mais, une fois rangés épées et boucliers, si l'ambiance leur offre un degré d'intimité suffisant, elle devient limpide et prévisible. Intenable, infernale, mais transparente.

— Saku, pose cette bouilloire et va t'asseoir, répète-t-il. Tu vas vraiment me mettre en retard.

Cette fois, Sakuya se retourne pour lui faire face et plante son regard dans le sien.

— Je croyais que vous n'aviez pas d'horaire Monsieur Steward ?

— C'est pas pour autant que j'ai pas d'obligations à respecter. Et on a toujours pas pris le petit-déjeuner.

— La faute à qui ? lance Sakuya. On serait déjà installés si tu arrêtais de me coller.

Elle ponctue sa phrase d'un pas déterminé en direction du conjureur, espérant le faire reculer. La tentation est grande de lui céder un peu de terrain, juste pour retrouver une parcelle de son espace vital. Car elle est près, vraiment très près. Si près que, emportée par le mouvement, une mèche de ses cheveux noirs vient effleurer le creux de son épaule. Si près qu'il sent la pointe de ses seins se presser contre son torse à travers le T-shirt qu'elle lui a dérobé. Il tient bon. Il ne lui concédera pas l'ascendant. C'est sans compter sur le genou de la jeune femme qui se pose en douceur contre le sien et remonte quelques millimètres sur l'extérieur de sa cuisse. Quelques millimètres, et, déjà, son ventre fourmille et son cœur s'emballe dangereusement. Le regard taquin de sa compagne l'alarme. Elle est consciente de l'effet qu'elle provoque sur lui et a bien l'intention de l'entraîner dans un jeu à la fois dangereux et terriblement attrayant... un jeu auquel il n'a, pour une curieuse raison, pas totalement envie de se soustraire.

Sa main serre plus fermement le poignet de Sakuya qu'il dirige vers le plan de travail. Par une pression contraire, la jeune femme parvient à faire pencher le rapport de force, sans toutefois l'inverser complètement.

— Je te colle pas, je t'empêche de faire des conneries.

— Je fais pas de « conneries », je m'assure de boire quelque chose qui ressemble plus à du thé qu'à du jus de chaussette.

De nouveau, elle tente un pas. Cette fois, Cassiel recule. À l'éclat de malice qui illumine le regard de sa facétieuse compagne, il le regrette aussitôt. Fieffée joueuse, Sakuya ne se contentera pas d'une si mince victoire, elle misera jusqu'à décrocher le jackpot. Et Cassiel, malgré l'incongruité de la situation, commence doucement à entrevoir quel genre de lot elle peut convoiter.

Son premier succès en appelle un deuxième, et bientôt, Cassiel sent son dos heurter le mur. Ainsi acculé, il ne peut fuir ni le regard perçant qui n'a pas quitté le sien, ni le bassin de son amie, juste assez proche pour qu'elle y décèle une légère aspérité. La lueur de malice éclate dans ses yeux en nuée de petites étincelles, tandis qu'un fin sourire ourle le coin de ses lèvres.

Ça craint, fulmine Cassiel.

Sakuya a repris la main, et elle le sait.

Moi, c'est ma bouilloire que je dois reprendre avant qu'il arrive une bricole.

Une idée vient au jeune homme. Une idée qui ne lui sied guère, et qu'il n'appliquera que parce que c'est à une kitsune, à cette kitsune qu'il a affaire. Elle veut jouer ? Qu'à cela ne tienne.

Le teint de Sakuya se colore subtilement lorsque Cassiel, rassemblant tout son courage, cesse enfin de fuir son regard. De ses pupilles, il caresse sa joue et la pulpe de ses lèvres qu'elle pince légèrement. Cassiel sent son ventre se nouer en réponse tandis que le contact visuel attire son visage vers celui de son amie. Elle tente de réduire encore la distance. Cassiel ne l'entend pas de cette oreille. Pas question de se laisser aller.

Pas maintenant.

Ignorant la voix au fond de lui, sournoise et désireuse de le déstabiliser, le jeune homme moule son corps à celui de Sakuya et enfouit son visage dans son cou. La subtile odeur de rose qui envahit ses narines lui monte à la tête et, déjà, il peine à résister à l'envie mordante de goûter à la chair tendre de son lobe offert. Elle s'alanguit contre lui, rappelant à son bon souvenir l'irritante excroissance sous sa ceinture. Il inspire profondément et se force à garder la tête froide. La kitsune a baissé sa garde. C'est maintenant qu'il doit agir.

Un.

Il desserre sa prise autour de son poignet.

...Deux.

Il fait glisser ses doigts à l'intérieur de sa main, insistant au passage sur le creux de sa paume. Un soupir incontrôlé échappe à sa compagne.

... Trois.

Brusquement, ses doigts se referment autour de la hanse de la bouilloire qu'il lui retire d'un coup sec. Et, avant que Sakuya ait eu le temps de comprendre, Cassiel est déjà hors de sa portée et a mis en lieu sûr son précieux appareil.

Un court silence, puis, un hurlement de rage.

— Cassiel !

Devant sa mine furieuse et déconfite, le jeune homme ne peut réprimer un éclat de rire... qui devient juron lorsque le contenu d'un pichet d'eau l'arrose de la tête aux pieds, inondant au passage le sol et une partie du plan de travail.

Ils se jaugent un instant, l'un stupéfait, l'autre effrontée. Elle est allée trop loin, mais n'en éprouve visiblement aucun remord.

— Saku, tu vas me le payer, grogne-t-il.

Et, sans même prendre le temps de constater l'étendue des dégâts, il se rue sur elle, la jette par-dessus son épaule et l'emporte sans ménagement vers la salle de bain. La jeune femme tape des poings, tape des pieds, manquant à plusieurs reprises de les faire tomber tous les deux.

— Lâche-moi tout de suite, Cassiel Steward !

— Pas encore ! Tu aimes bien l'eau, non ?

Conséquence de la brutalité de ses mouvements, il la jette plus qu'il ne la pose dans la cabine de douche. Elle se relève et tente de lui échapper, mais il lui barre la sortie d'un bras tandis que l'autre ouvre à fond le robinet. Un jappement suraigu échappe à Sakuya lorsque l'eau glacée entre en contact avec son corps. Cassiel n'a toutefois guère le temps de savourer sa victoire car, déjà, la renarde a repris ses esprits et s'empare du pommeau de douche qu'elle oriente vers son visage.

— Putain !

L'eau qui s'infiltre aussitôt dans sa bouche châtie son langage. À l'aveuglette, il tend le bras vers le mitigeur et tâtonne jusqu'à couper l'eau. C'est un bien maigre avantage qu'il a sur la jeune femme en cet instant, celui de connaître par cœur la configuration de son appartement. Du reste, si elle n'offre à ses yeux que sa chevelure dégoulinante et ses habits détrempés collant à sa peau, il ne fait certainement pas meilleure figure.

Passé le raffut de l'eau ouverte à pleine puissance, ponctué de leurs jurons et de leurs rires, le silence éclate entre eux et les enveloppe. Seules viennent le rompre les gouttelettes qui s'écrasent au sol et leurs respirations incontrôlées. Leurs poitrines se soulèvent en contretemps, se poursuivent, se fuient, s'appellent et se répondent, leurs souffles se mélangent, offrant de doux préliminaires à l'union de leurs lèvres qui ne se touchent pas encore.

Cassiel a oublié sa bouilloire, son thé. Il a oublié l'heure qui tourne, et le retard qui s'accumule. En cet instant, il ne voit plus que Sakuya, Sakuya dans son bac à douche, coincée entre lui et la faïence, Sakuya vêtue de son T-shirt, si imbibé d'eau qu'il ne cache même plus l'aréole de ses seins, Sakuya dont le regard rend plusieurs degrés à l'atmosphère de décembre.

— Une petite douche, Monsieur Steward ?

— Tu devrais commencer par enlever ça.

Il pose ses mains sur ses hanches et, lentement, les fait remonter le long de ses flancs, emportant les pans de son T-Shirt au passage. Au moins, se dit-il, ce T-shirt-là reste ici. Avec un soupir, Sakuya glisse ses mains derrière la nuque du jeune homme qu'elle presse de ses doigts pour l'attirer à elle. Leurs fronts se percutent, doucement et leurs regards se captent, se jaugent, s'évaluent. Et là, Cassiel prend conscience de leur position, et son ventre se contracte violemment. Bordel, qu'est-ce que je fous ? Est-ce que je suis vraiment en train de...

Mais, Sakuya ne le laisse guère à ses questionnements le temps de l'envahir. Ses lèvres se posent délicatement contre sa clavicule. Avec une horrible lenteur, elles glissent jusqu'à la base de son cou, laissant dans leur sillage un brûlant fourmillement qui explose lorsque ses incisives capturent son oreille avec autorité. Sa langue, espiègle, vient exciter le lobe de son oreille et, dès lors, la fraîcheur de leur douche est définitivement oubliée. Cassiel étouffe un grognement et se cramponne au T-shirt de Sakuya qu'il n'a toujours pas ôté. L'eau froide dégouline entre ses doigts dans un contraste détonnant avec son bas-ventre qui, lui, arbore plusieurs degrés au-dessus de la normale.

Un délicieux vertige le saisit tandis que sa compagne intensifie les caresses de sa langue. Fébrile, Cassiel la presse contre lui, sans plus tenter de lui dissimuler son érection contre laquelle elle cherche déjà son plaisir. De ses mains, il explore son dos, ses hanches, avant de remonter le long de son abdomen et d'englober un sein dont il taquine la pointe du bout de son pouce. Un gémissement étouffé échappe à Sakuya tandis qu'elle rejette la tête en arrière, et le jeune homme en profite pour assaillir sa gorge offerte de baisers fiévreux. Puis, brutalement, elle se redresse et le repousse de son front collé au sien. Et, avant que Cassiel n'ait eu le temps de réagir, la bouche de la renarde fond sur la sienne et s'en empare.

Le contact provoque un électrochoc qui les immobilise tous deux et les sépare. Leurs visages s'écartent et ils s'observent un instant, haletants. La complicité tendue qu'ils déguisent en rivalité depuis l'aube de leur amitié les a, aujourd'hui, conduits beaucoup plus loin que ce qu'ils imaginaient. Cassiel a admis l'idée de se laisser entraîner par sa compagne dans ses jeux d'enfant sans innocence. Mais un baiser dépasse de loin le stade du jeu, même pour la séductrice espiègle qu'est Sakuya.

Leurs regards se captent et, de nouveau, se sondent. Malgré tout, les lèvres de la kitsune le tentent outrageusement, et il semble qu'elle-même peine à énoncer un refus catégorique de lui concéder cette parcelle supplémentaire d'intimité. Du moins, Cassiel le croit-il pendant un bref instant, jusqu'à ce que la bouche de la jeune femme s'entrouvre et murmure :

— Embrasse-moi...

Elle l'a dit. Par ces deux mots lâchés dans un souffle, elle vient de lui donner son accord. L'accord de prendre l'initiative, l'accord de la faire sienne, l'espace de quelques instants. Délicatement, Cassiel prend son visage entre ses mains et laisse son pouce errer contre sa pommette. Son regard, lui, ne peut se défaire de ses yeux sombres et brillants. Du premier jour où il l'a vue, et sans même trop s'y attarder, il l'a trouvée charmante. Comment n'a-t-il pu s'apercevoir à quel point elle était belle ?

Il s'apprête à répondre à sa sollicitation. Envoie l'ordre à son cerveau d'incliner la tête et de poser ses lèvres sur les siennes. L'idée fait brutalement repartir son cœur, lequel libère une décharge qui lui écrase le ventre et le paralyse de haut en bas. Il n'a qu'un mouvement à faire, un seul. Mais son corps n'obéit plus, ou plutôt, attend un rappel de l'ordre qui s'est perdu en cours de route. Sa compagne tout contre lui, le jeune homme est incapable d'amorcer un geste, que ce soit pour interrompre définitivement leur échange, le poursuivre, ou simplement pour faire bonne figure. Sakuya attend toujours... mais qu'attend-elle, exactement ? Cassiel ne s'en souvient même plus, comme si la tétanie avait également atteint son cerveau.

Sakuya s'écarte légèrement pour le dévisager. La honte et la culpabilité l'étreignent. Il n'a pas fait qu'entrer dans son jeu, il l'a suivie, l'a cherchée, l'a poussée... Mais il ne sait pas jouer. Emporté dans son élan, il avait fini par l'oublier, lui promettant tacitement d'aller avec elle au bout de la partie. Et le voilà maintenant, qui trahit sa promesse. T'es pas un homme, mon pauvre gars, t'es juste une putain d'imposture ! se fustige-t-il. Ils n'ont pas fait l'amour... ils ont failli. Et la frustration, la gêne de cette tentative ratée resteront ancrées dans leur relation de manière indélébile.

Les mains fraîches de sa compagne se posent sur son visage, le ramenant fermement à la réalité. Lorsqu'il croise son regard, un malaise encore plus grand l'envahit. Elle ne cherche pas à savoir ce qui lui arrive, elle le sait déjà. Elle est simplement venue le tirer de la flagellation mentale à laquelle elle semble avoir assisté de bout en bout. Cassiel soupire, résigné. Il connaît Sakuya par cœur... mais elle peut en dire autant. En quelques secondes et sans échanger un mot, elle a perçu son malaise et l'a décrypté. Cassiel se sent soudain tout petit et tout nu, alors qu'elle n'a touché à aucun de ses vêtements. Il tente de détourner le regard, mais elle le retient. Son expression a changé. L'espièglerie qui lui est coutumière a quitté ses traits, le désir s'est tamisé, et une lueur nouvelle semble animer ses iris. Est-ce... de la tendresse ?

Sans le quitter de ses yeux sombres, elle fait glisser sa main le long de sa joue suivant le tracé de ses implants cybernétiques, de sa gorge, et la pose sur son torse. Puis, elle se rapproche lentement et ses lèvres se posent sous son menton et se promènent tranquillement sur toute la surface de son cou jusqu'à atteindre sa clavicule où elles se posent un instant. Par ce contact aussi doux que les ailes d'un papillon, les sensations lui reviennent peu à peu, une à une. D'eux-mêmes, ses bras se détendent, ses doigts se délient, et ses mains s'aventurent dans son dos. Un instant, il a cru la perdre après s'être perdu lui-même ; aussi, c'est avec un soulagement viscéral qu'il la retrouve au travers de caresses langoureuses, tendres, et un rien compulsives.

Tout à la saveur de leur étreinte, de la chaleur, et du chant de leurs soupirs qui emplit de nouveau l'habitacle, Cassiel ne réalise pas immédiatement que la bouche de sa compagne a quitté son cou. Désormais, la jeune femme explore son abdomen qu'elle dénude au fur et à mesure, et qui se tend, frissonne, et se contracte au passage de ses lèvres. Lorsque la pointe de sa langue vient saluer son téton, le jeune homme ne peut retenir un grognement. D'un mouvement aussi irrépressible que maladroit, il fait passer son T-Shirt par-dessus sa tête, offrant à son amie le champ libre sur toute la surface de sa peau.

Mais, ainsi qu'il aurait dû s'y attendre, la renarde ne s'en satisfait pas. Ses lèvres parcourent toujours son torse, mais ses mains, moins sages, s'immiscent déjà sous l'élastique de son caleçon. Elle presse la chair de ses fesses, ses cuisses entre lesquelles ses doigts fins s'aventurent, effleurant la brûlure lancinante qu'elle n'a eu de cesse d'attiser au cours de la matinée. La vue du jeune homme se brouille et un râle lui échappe tandis que la langue sournoise de la renarde effectue des va-et-vient appuyés entre son nombril et la lisière de son vêtement. Bordel, cette femme veut me tuer...

Il doit reprendre le contrôle. De lui, d'eux, de leurs échanges. Il doit reprendre le contrôle et il doit le faire maintenant, tant qu'il tient encore debout. Il la tire vers lui pour la ramener à sa hauteur et, en une fraction de seconde, la débarrasse de son T-shirt. Celui qu'il a tant souhaité lui reprendre mais dont, en cet instant, il se fiche comme d'une guigne. Il fond sur elle et dévore sa gorge, s'enivrant de sa saveur et de son odeur à la fois douces et amères, tandis que ses mains palpent son ventre, pétrissent ses seins dont l'extrémité se durcit sous ses doigts. Dans un soupir un peu plus aigu, elle murmure son nom, et c'est un regard lourd de désir et de supplications qui s'arrime au sien... sans doute guère différent de celui qu'il lui renvoie.

Puis, elle se retourne dos à lui et lui tend sa croupe dans une position alanguie. Le conjureur n'est guère étonné ; dans un tel moment d'abandon, il aurait pu s'attendre à ce que son instinct animal reprenne le dessus. Hors de question, toutefois, de lui laisser oublier qu'en cet instant, c'est en tant que femme qu'elle s'offre à lui. De son bras droit, il enlace sa taille, tandis que la main gauche parcourt son abdomen et enveloppe son sein, sa gorge, et redescend jusqu'à franchir la barrière de sa culotte où ils trouvent d'eux-mêmes leur place. Il éprouve une satisfaction toute particulière à entendre les soupirs de sa compagne s'accélérer, se hacher sous ses caresses, et ce, même s'il peine à contenir sa propre excitation qui ne fait que croître depuis qu'elle lui a tourné le dos et qu'elle presse impitoyablement son postérieur contre sa verge brûlante.

Seuls leurs vêtements inférieurs retardent encore leur union. Sakuya est la première à s'en libérer, et Cassiel, saisissant le message, l'imite rapidement. Il se repositionne contre elle, le visage enfoui dans son cou, et dépose de petits baisers à la base de son épaule, s'attardant un peu lorsqu'il entend un soupir plus profond, ou sent un frisson plus intense. Mais, déjà, son impatiente compagne s'arque dans une posture de soumission totale. Soumission illusoire, car elle guide elle-même le vît de son partenaire jusqu'à son intimité et le capture. Et, lorsque Cassiel vient enfin à bout de son temps de réaction et commence à se mouvoir en elle, Sakuya est déjà active depuis plusieurs secondes.

Alors que son ventre le brûle, alors que l'air lui manque, alors qu'il perd peu à peu la tête, Cassiel éprouve une furieuse envie de sentir contre lui sa partenaire, son alliée, son amie, sa maîtresse, de laisser ses mains et ses lèvres courir sur elle et s'imprégner de la moindre parcelle de son corps, de sa moindre beauté, de son moindre défaut. De la graver sous ses paumes, de connaître sur le bout des doigts la symphonie de ses soupirs. Il embrasse le haut de son dos, son épaule, son cou, taquine le lobe de son oreille avant de poser sa joue contre la sienne. Comme il regrette, en cet instant, de ne pas l'avoir face à lui, comme il regrette que ses lèvres soient à la fois si proches et si loin des siennes, et de ne pouvoir cueillir à la source chacun des murmures passionnés que leur union lui arrache... Ses mains se frayent un chemin le long de son ventre et sillonnent jusqu'à ses hanches qu'il presse un peu plus contre lui lorsqu'un détail le frappe. De deux doigts entre ses cuisses, Sakuya se caresse avec ferveur.

À la fois stupéfait, amusé et terriblement excité, Cassiel rit de bon cœur. Insatiable, sa partenaire a donc besoin d'une stimulation supplémentaire. Il aurait dû s'en douter.

— Fallait le dire, ma grande.

Doucement mais fermement, il écarte la main de la jeune femme et loge la sienne à la place. La jouissance désintéressée que son partenaire est prêt à lui offrir semble décupler la langueur de Sakuya, et Cassiel, lui-même, n'éprouve que plus de félicité à la sentir s'abandonner complètement sous ses caresses, si proche du point de rupture qu'il commence lui aussi à entrevoir. Tout en donnant du plaisir à sa compagne, il accélère la cadence de ses coups de bassin, encouragé par sa voix et par le corps qu'elle presse encore contre le sien alors même qu'il leur serait presque impossible d'être plus proches qu'en cet instant. Puis, d'un seul coup, alors qu'elle s'est, jusque-là, contentée de le laisser agir, Sakuya inverse la tendance. Ses hanches ondulent et dessinent des cercles autour de sa verge qu'elle emprisonne plus étroitement encore. Fou de plaisir, Cassiel la pousse davantage contre la paroi et, à l'issue d'un ultime coup de rein, c'est le spasme qu'elle libère qui finit par l'emporter à son tour.

La fièvre ne redescend pas tout de suite. Pendant un instant, tous deux demeurent l'un contre l'autre, essoufflés et hagards. Cassiel tremble de la tête aux pieds, et ne doit son équilibre précaire qu'à la paroi de la douche contre laquelle il s'appuie. Il prend le temps de se retirer, tout en déposant de petits baisers sur l'épaule de sa compagne et dans le creux de son cou. Mais, bien vite, et alors que toutes ses envies semblent avoir été comblées, une toute nouvelle se fait sentir, plus ténue, moins pressante, plus délicate. Lentement, il la fait pivoter tout en accompagnant son mouvement. Ses joues rosies et ses yeux encore brillants semblent faire scintiller sa peau d'albâtre. D'une main dans son dos, Cassiel l'attire à lui, tandis que l'autre main glisse dans sa nuque et jouent un instant dans la racine de ses cheveux. Cette fois, il n'hésite plus, et aucune interrogation, aucun ordre contradictoire ne vient le troubler lorsque ses lèvres capturent celles de son amante. Leurs langues se cherchent, s'appellent, s'explorent dans un tendre ballet animé des émotions de tout ce qu'ils ont vécu de pire comme de plus beau. Le cœur au bord de l'explosion, Cassiel sait que, si on ne peut pas mourir de bonheur, jamais de sa vie il n'en a été plus proche.

Elle est touchante, la maladresse avec laquelle la renarde répond à son baiser, si touchante que Cassiel ne peut s'empêcher de l'attirer et de la presser davantage contre lui. Les choses vont-elles fondamentalement changer entre eux à compter de ce jour ? Il n'en a aucune idée, son unique certitude étant qu'après un tel partage, comme un accomplissement de chaque instant qu'ils ont vécu jusqu'alors, Sakuya est ancrée dans son corps, dans sa chair, et, plus encore, dans son cœur. Elle continuera d'envahir son espace vital, il continuera de la renvoyer pour la voir revenir l'instant d'après à la manière d'un boomerang. Mais qu'elle revienne. Désormais, il l'attend.

* * *

Dans un silence seulement rompu par l'écoulement de l'eau, Cassiel et Sakuya prennent finalement une douche lente et chaude, comme un prolongement de leur étreinte, dans laquelle le conjureur applique méticuleusement son gel douche sur le corps de sa compagne pour la marquer de l'odeur boisée et sucrée qu'il apprécie tant. Bien sûr, cette odeur est aussi artificielle qu'éphémère. Mais, quelque part au fond de lui, il ne peut s'empêcher d'espérer que, chaque fois qu'elle parviendra à ses narines, elle renverra Sakuya à lui, à eux, et à ce matin de décembre.

Confortablement installés sur le lit en position semi-assise, Sakuya s'est lovée contre Cassiel, et l'une de ses queues déployées effectue de lents allers-retours entre son front et ses pieds, en suivant la ligne de son corps. La douceur de la caresse chatouille Cassiel. Ou peut-être, est-il en réalité blotti contre elle, il peine à le déterminer tant ils sont étroitement enlacés. Du bout de ses doigts, il dessine sur ses hanches des formes sans début ni fin, écrit des mots sans suite, laissant son esprit divaguer, bercé par le mouvement de leurs respirations apaisées. Si l'éternité pouvait n'être qu'un instant, Cassiel choisirait celui-ci. Aucun mot n'a plus été échangé depuis près de deux heures. Et, au pied du lit, quelques centimètres en-dessous d'eux, deux tasses d'un thé déjà bien trop infusé n'en ont pas fini d'attendre aux côtés d'une bouilloire tiédie qui, elle, gardera pour toujours la mémoire des mains qu'elle a unies.

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