CHAPITRE 4 - Ristretto

"Listen, I want you to burn my bridges down 
I said, I want you to burn my bridges down, down, down
Set me on fire
You set me
Set me on fire
You can burn my bridges down"

- Burning bridges, One Republic


Florence, 20 décembre 2009

Milo m'avait promis que j'allais adorer. Je m'étais permise d'en douter. Adepte du thé depuis mon adolescence, je détestais le café. Son goût amer me donnait des hauts le cœur et son odeur me faisait plisser les yeux de dégoût. Mais Milo adorait ça. Il devait bien en boire trois ou quatre par jour.

Un matin de décembre ensoleillé, avant que je ne rentre fêter Noël avec ma famille, Milo m'emmena dans son café préféré sur la Piazza della Signoria. Il faisait un froid sec, ce genre de froid agréable et réconfortant. Nous nous installâmes à la terrasse, profitant de ce soleil si rare à cette période de l'année.

Le serveur vint prendre notre commande, peu satisfait que nous nous soyons installés à l'extérieur. Avant même que je ne prononce un mot, Milo prit les devants et commanda pour nous deux.

Due ristrettos per favore.

Je lui lançai un regard mi interrogateur mi outré.

— Je te cultive, déclara-t-il avant que je ne proteste.

Je lâchai un rire.

— Je ne toucherai pas à ton pipi de chat, dis-je, faisant la Sainte Nitouche.

Ses lèvres s'étirèrent pour afficher un délicieux sourire en coin. Je pouvais voir toute la malice qui l'habitait à travers ses yeux noisette. Je râlai intérieurement. Bien sûr que si j'allais le boire, pas la peine de me voiler la face. Comment lui résister ?

Je croisai les bras et m'enfonçai dans mon siège. Je le vis fermer les yeux, son sourire toujours collé au visage. Il rejeta la tête en arrière et embrassa les rayons du soleil. La lueur dorée illuminait ses poils de barbe qui commençaient à repousser. Ils paraissaient presque blonds.

Le serveur me coupa dans ma contemplation en apportant les deux tasses remplies de ce qui me semblait être le pire breuvage du monde. Je fixai le liquide noir un long moment, hypnotisée par les volutes de fumée qui s'en échappaient. Milo se racla la gorge. Je levai des yeux suppliants vers lui.

— Ton regard de chien battu ne fonctionne pas avec moi, déclara-t-il, affichant toujours le même sourire qui devenait presque agaçant.

— Mais j'aime pas ça, protestai-je comme une gamine.

Il rigola et porta la tasse à ses lèvres. Il but une petite gorgée, sa pomme d'Adam voyageant dans sa gorge. Il reposa ensuite la tasse et soupira. Je vis les traits de son visage s'adoucir. On aurait dit qu'il avait trouvé sa paix intérieure. Quel comédien...

— Quel délice, murmura-t-il.

— N'abuse pas non plus... marmonnai-je.

— Allez, rien qu'une gorgée. Pour me faire plaisir, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Lui faire plaisir... Je fixai mes yeux aux siens et le regrettai aussitôt. Comment faisait-il pour me convaincre d'un seul regard ? J'étais vraiment trop sous son charme, ç'en devenait inquiétant.

Je lâchai un long soupir, exagérant ma détresse. Je tentai un dernier regard suppliant qu'il balaya d'un hochement de tête.

J'attrapai la tasse, soufflai légèrement sur le breuvage fumant et le portai à mes lèvres. Le liquide brulant inonda mon palais. Son intensité et son amertume me firent plisser les yeux. Je reposai rapidement la tasse et écartai ma chaise de la table, souhaitant m'éloigner au plus vite de ce poison. J'avalai rapidement, le goût me devenant insupportable.

— Bah, c'est dégueulasse ! m'exclamai-je.

Les arômes du café me restaient en bouche, m'écœurant encore plus.

— Comment les gens peuvent-ils boire ça ? Je vous comprends pas...

Milo éclata de rire. Au moins, ça le divertissait...

Acqua per favore ! demandai-je au serveur avec mon accent douteux.

Par chance, il me comprit et revint rapidement avec un verre d'eau. Je le bus d'une traite, lavant le goût du café de ma bouche. Milo riait toujours à côté de moi.

— Je fais des efforts et ça te fait rire !

— T'aurais dû voir ta tête... Je regrette de ne pas avoir pris de photo !

Je fis une moue boudeuse, feignant d'être vexée.

— Allez, viens là, me dit-il en approchant sa chaise de la mienne.

Le pardonnant instantanément, je me laissai aller dans ses bras. Il me serra contre lui et déposa un baiser chaud sur mon front.

— Je suis fier de toi. J'ai vu que tu as essayé.

Je souris comme une enfant. Si boire une gorgée de café me valait un câlin aussi agréable, je pourrais en boire une tasse entière. Bien sûr, je ne le lui dis pas, ne voulant pas lui donner de mauvaises idées.

— À quelle heure est ton vol déjà ?

— Midi.

— Parfait, on a encore tout le temps du monde.

J'acquiesçai, toujours blottie contre lui. J'inspirai profondément son odeur, souhaitant l'ancrer en moi avant notre séparation de deux semaines. Des effluves de café me parvinrent et, pour la première fois depuis que j'avais la connaissance de cette boisson, elles ne me donnèrent pas de haut le cœur. Cette odeur faisait partie de Milo. Elle était devenue réconfortante. 

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