CHAPITRE 26 - Contre mes lèvres

So don't be scared to live again
Be scared to live again
No, don't be scared to live again
Be scared to live again

- Scared to live, The Weeknd


Après la discussion mouvementée que j'ai eue avec Ben, je me suis sentie lessivée. J'étais déjà exténuée de ma nuit sans sommeil et mon corps m'a alerté sur le fait qu'il fallait vraiment que je récupère. Les jambes en coton, les paupières lourdes et un bourdon constant dans la tête témoignaient de ma fatigue. Milo l'a tout de suite remarqué et, avant que nous puissions parler de tout ce qui venait de se passer, il m'a conduit dans ma chambre.

Il n'a pas prononcé un seul mot, m'a aidé à me coucher et a rabattu la couette sur mon corps. Le contrecoup des émotions m'a assommée et je suis tombée dans un sommeil profond, ne faisant plus attention à Milo.

Quand je me suis réveillée, j'ai remarqué avec surprise qu'il était midi. Depuis que j'étais entrée dans la vie active et que j'avais un boulot, je ne m'étais plus jamais réveillée aussi tard. Mon horloge biologique était réglée aux alentours de sept heures du matin, que ce soit en semaine, en weekend ou en lendemain de fête... J'étais devenue une lève-tôt. Il est vrai que le fait que je me sois couchée aux alentours de sept heures du matin impliquait que j'allais me lever tard.

Les yeux encore à demi fermés, je tente de me cuisiner un simple plat de pâtes pour reprendre des forces. Je manque de me brûler plusieurs fois avec l'eau bouillante mais parviens, tout de même, à manger un semblant de repas. Milo n'est pas dans les parages et doit sûrement arpenter ses vignes, inquiet par les gelées qui sont prévues pour demain matin.

Des milliers de questions m'envahissent l'esprit. Ces interrogations, qui n'apparaissent que plusieurs heures après la bataille, me hantent. Milo a été marié, c'est un fait. Il m'a affirmé que c'était du passé, il n'est donc plus avec cette femme. Où est-elle alors ? Qu'en est-il de cette chambre d'enfant, à l'étage ? S'ils ont eu une progéniture ensemble, où est-elle ? Pourquoi n'en a-t-il pas la garde ?

La réponse qu'il m'a donnée n'a fait qu'ouvrir un gouffre sans fond d'interrogations au lieu de m'apporter du soulagement. Jusqu'à quand vais-je creuser, petit bout par petit bout, dans sa vie ? L'envie de tout savoir de lui, de ce qu'il a vécu et de ce qui fait ce qu'il est aujourd'hui, me démange. J'ai besoin de connaître chaque nouvelle once de son âme pour, enfin, pouvoir me jeter corps et âme dans notre relation.

De manière très égoïste, j'ai besoin qu'il se mette à nu pour que je puisse le faire à mon tour. Le secret qui me comprime le cœur chaque jour de mon existence ne peut pas être dévoilé comme ça. Rien que d'y penser, mes yeux se remplissent de larmes. Je secoue la tête et me pince l'arête du nez afin d'empêcher les perles de couler le long de mes joues.

Après avoir mangé mon repas de fortune, je prends une douche et me prépare. Pour la première fois depuis longtemps, je prends mon temps. La conversation que j'ai eue avec Ben m'a permis de comprendre de nombreuses choses sur moi-même. À travers ses paroles et sa souffrance, j'ai compris que j'étais la principale source du problème.

Il faut que je parvienne à lâcher prise, à faire plus attention à ce que je ressens. Je dois arrêter de me convaincre que tout ce qui arrive est indépendant de ma volonté. J'ai mes torts, autant avec Ben qu'avec Milo. Dois-je regretter chacun de mes actes ? Je n'en sais trop rien. Mais, une remise en question est de circonstance.

Alors que je me torture l'esprit à ce sujet, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Milo s'engouffre dans la maison en frissonnant, amenant un courant d'air glacé avec lui. Le vent me caresse les mollets et je ne peux empêcher la chair de poule d'envahir ma peau. Il referme rapidement la porte et pose un regard fatigué sur moi.

Je me lève de la table de la cuisine et me dirige vers lui. Arrivée devant lui, je m'immobilise. J'ai tant de choses à lui demander, à lui dire. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Puis-je vraiment lui infliger un énième interrogatoire ?

Milo, semblant lire le trouble dans mes yeux, me tend mon manteau et m'intime de ressortir avec lui. Je m'emmitoufle autant que je le peux, couvrant mon nez par mon épaisse écharpe, et le suis à l'extérieur.

Il me fait monter dans sa voiture et démarre. Sans dire un mot, il me conduit hors de son domaine. Je n'ose plus penser à quoi que ce soit, de peur de m'imaginer monts et merveilles.

Au bout de cinq minutes, Milo s'arrête au bord d'un chemin de campagne. Je jette un rapide coup d'œil au paysage et ne vois que des champs vides à perte de vue. Je sors de la voiture à la suite de l'Italien et suis assaillie de frissons. Que faisons-nous ici ? Je ne suis pas certaine de ce que veut me faire comprendre Milo...

Il avance dans le champ bordant la route et me fait dos un long moment avant de me faire signe de le rejoindre. Je m'exécute et le rejoins en quelques enjambées. Mon ventre se tord quand je le vois se retourner vers moi d'un air sérieux. J'ai presque peur de ce qu'il va me dire.

— Je sais que ça a été très dur pour toi, cette confrontation avec Ben.

Sa voix résonne dans la campagne vide de la Toscane. J'acquiesce, la fatigue de cette conversation habitant toujours mon corps.

— C'est peut-être un peu égoïste, mais je suis heureux que ce soit arrivé.

Je lève les sourcils, étonnée par ses mots. Il sourit face à ma réaction.

— Il n'y a plus d'ambiguïté entre toi et Ben, maintenant. Tu es entièrement célibataire, n'est-ce pas ?

Mes lèvres s'étirent tandis que j'acquiesce. Mon cœur se réchauffe en comprenant petit à petit où il veut en venir.

— Avec mon épouse... c'est terminé depuis un an. Je sais que tu as de nombreuses questions à son sujet... J'espère que tu comprends que je ne veuille pas en parler pour l'instant.

Je hoche la tête et me résigne à rester dans l'ignorance pour un temps encore indéterminé. Sa phrase me donne tout de même de l'espoir. Il compte m'en parler, il a juste besoin d'un petit peu plus de temps. Pourtant, mes lèvres me démangent de poser toutes ces questions qui me trottent dans la tête. Mais je n'en fais rien et me contente de le fixer.

— Je suis également célibataire.

Ces quelques mots, suivis d'un clin d'œil de la part de Milo, parviennent à détendre l'atmosphère quelque peu pesante que le sujet de cette femme impose. Je lâche un petit rire en comprenant les sous-entendus de cette phrase. Il est donc disponible. Nous pouvons, enfin, entamer une vraie relation.

Je sens tout d'un coup mes joues rougir et la timidité m'envahit. J'ai l'impression soudaine de me comporter comme une jeune femme innocente qui n'a pas encore la connaissance de l'amour. Ou alors est-ce la Erin d'il y a dix ans qui refait surface ?

Alors que mon corps se réchauffe intérieurement, je ne peux quitter du regard le visage de Milo. Le soleil hivernal illumine les poils ambrés de sa barbe de trois jours. Ses cheveux commencent à repousser et quelques mèches se bataillent sur le haut de son front. Ses mâchoires dessinées se contractent quand il remarque que je le détaille. Ses prunelles chocolatées me fixent avec une avidité déconcertante. Mon regard s'échoue sur ses lèvres charnues et rougies par le froid. Devant moi se tient une version légèrement vieillie du Milo que j'ai connu il y a dix ans. La fatigue et la tristesse qui l'habitaient ont été remplacées par un désir et une admiration qui me chamboulent l'estomac. Je déglutis difficilement, les joues brûlantes. Qu'est-ce qu'il est beau...

— Je sens qu'il y a encore une souffrance en toi, murmure-t-il soudainement. Il y a quelque chose qui t'effraie.

Mon souffle s'accélère. Je ne pensais pas que ce pouvait être aussi visible. Il a raison, mais je ne suis pas prête à l'avouer. Garder ce secret me permet de conserver un semblant de contrôle sur les milliers d'émotions qui m'ont habité ces derniers temps. Je ne peux pas me permettre de tout lâcher, pas maintenant.

— N'aie pas peur de vivre, Erin.

Mon cœur fait un bond, directement touché par ces paroles. Peut-être est-ce là mon problème ? La peur de vivre trop pleinement ?

Je baisse un instant les yeux sur mes bottes et la terre humide du champ dans lequel nous nous trouvons. Quelques plants commencent à pousser. Je fronce les sourcils, essayant de comprendre de quelle plante il s'agit, noyant mes émotions et mes pensées dans un autre sujet.

Je relève alors brusquement le regard et pose une main sur le bras de Milo.

— Mais ce sont... commencé-je, incapable de continuer.

Ma voix se perd dans l'incompréhension et la peur de me tromper et de me ridiculiser. Pourtant, le regard encourageant et le sourire de Milo me convainquent que j'ai raison.

— Des girasoli, murmuré-je, la gorge serrée.

Mon bel Italien acquiesce. Son romantisme m'épatera toujours. Milo m'a emmené dans un champ de tournesols.

— Quel meilleur endroit pour recommencer quelque chose que nous avons laissé dans un champ similaire il y a dix ans ?

Mon corps entier s'embrase en comprenant pourquoi nous sommes ici. Mes joues s'enflamment à nouveau et je ne sens plus l'air glacial autour de moi. J'ai l'impression qu'une bulle se renferme autour de nous deux et que le temps se suspend.

Je vois Milo s'approcher doucement de moi, un sourire collé au visage. Il me saisit la main et la serre. Je réponds à cette pression et étire mes lèvres timidement. Mon cœur s'emballe lorsque je sens son autre paume se poser dans ma nuque. Ses doigts froids m'arrachent un frisson délicieux. Son contact électrifie tous mes sens et m'emporte dans une autre galaxie. Son pouce me caresse doucement la peau du cou tandis que nos torses se collent l'un contre l'autre.

Mes yeux se perdent dans les siens. Pendant un long instant, nous fouillons dans le plus profond de nos âmes. Les sentiments que nous ressentons l'un pour l'autre bouillonnent en nous et ne cherchent qu'à s'exprimer.

Ne pouvant plus résister, Milo plaque ses lèvres contre les miennes. Un feu d'artifice d'émotions éclate en moi. Je lâche un gémissement et me presse contre lui, renforçant l'intensité de notre baiser. Ses mains agrippent l'arrière de la nuque et encerclent mon visage, m'offrant un sentiment de sécurité incomparable. Nos lèvres se cherchent et dansent ensemble un tango endiablé qui n'en finit pas. Mon Dieu, que c'est bon !

Nous nous séparons un instant pour nous admirer. Les lèvres rouges et gonflées de Milo n'appellent qu'à être embrassées à nouveau. Ses pupilles sont dilatées à l'extrême et me fixent avec désir. J'esquisse un sourire, l'euphorie de tout cet amour me rattrapant. Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, je l'embrasse à nouveau. La passion prend possession du corps de mon partenaire et je sens ses mains se poser sur mes fesses afin de me soulever. Instinctivement, j'enroule mes jambes autour de ses hanches et me presse langoureusement contre lui.

J'ai alors l'impression de renaître, ici, entre les bras de Milo. Tout son amour se presse contre mes lèvres et s'insinue dans chaque cellule de mon corps. Les larmes me montent aux yeux quand je me rends compte de ce qui m'avait manqué pendant toutes ces années.

Je touche enfin mon bonheur du bout des doigts. 

___

Hello ! 

Eh oui ! ENFIN LE BISOU !

Alors, qu'en pensez-vous ? Il se sera bien fait désiré... ;)

Comment trouvez-vous vous nos tourtereaux ? Sont-ils réellement prêts à entamer cette nouvelle relation ?

Qu'en est-il des petits secrets qui subsistent ? 

J'espère que ce chapitre vous aura plu ! 

Merci pour tout <3

- Clara

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