CHAPITRE 24 - Propriété privée

What am I now? What am I now?
What if I'm someone I don't want around?
I'm falling again, I'm falling again, I'm falling
What if I'm down?
What if I'm out?
What if I'm someone you won't talk about?
I'm falling again, I'm falling again, I'm falling

- Falling, Harry Styles


Un coup de vent glacial vient balayer mes cheveux et provoque un puissant frisson qui me parcourt le corps. Mes dents claquent et me ramènent brusquement à la réalité. Les yeux humides, je baisse le regard sur ma tasse de thé fumante, seule source de chaleur dans cette matinée froide.

Assise depuis de longues minutes sur le banc devant la maison, je dois avoir l'air pitoyable. Il n'est que cinq heures du matin et je suis vêtue d'un simple pyjama et d'un manteau alors que des gelées sont prévues dans les prochains jours. Le sommeil ne m'a pas rendu visite la nuit dernière, mon esprit ayant été trop occupé à se poser mille et une questions sur Milo et notre relation.

Le doute, ce sentiment atroce, me serre le cœur. Ai-je raison d'être ici ? Cela valait-il le coup de tout quitter ? Me suis-je trompée sur Milo ? J'ai conscience que j'ai fait un coup de poker en essayant de redémarrer ma vie, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de barrières et de difficulté pour accéder à mon bonheur.

La porte d'entrée s'ouvre et un faisceau de lumière illumine mes pieds. Je relève doucement la tête et vois Milo sortir vêtu chaudement. Il s'apprête à commencer sa journée de travail. Lorsqu'il me voit, l'Italien qui me torture le cœur s'arrête net. Après un moment anormalement long, il vient s'asseoir à côté de moi et me tend ses gants. Je pose ma tasse de thé à côté de moi et les enfile sans dire un mot, bien que la chaleur qu'ils me procurent m'apaise.

— Qu'est-ce que tu fais là, Erin ? Tu vas tomber malade.

Sa voix est toujours froide, mais elle n'est pas aussi catégorique que la veille. Elle semble seulement fatiguée. Je déglutis et ferme un moment les yeux, étant moi-même épuisée.

— Je ne pouvais pas dormir.

La noirceur de cette fin de nuit nous entoure et nous engloutit dans son silence. Seul le hululement d'une chouette se fait entendre au loin. Plus les secondes défilent, plus je me sens mal à l'aise. Je sens que Milo a envie de me dire quelque chose mais les mots ne sortent pas de sa bouche.

Je tente un regard dans sa direction et le vois en pleine réflexion. Il se tourne doucement vers moi, un air déterminé sur le visage et me fixe droit dans les yeux.

— Cette femme sur la photo, commence-t-il d'une voix presque éteinte. C'était mon épouse.

Mon corps entier se fige alors qu'il était assailli de frissons un instant plus tôt. Mon cœur accélère le rythme, envoyant de puissantes pulsations dans toutes mes veines et terminaisons nerveuses. Une bouffée de chaleur m'envahit et j'ai l'impression que mon sang se met à bouillir. Ce sentiment atroce qui se répand en moi, ce n'est pas de la colère. C'est un mélange de déception, de tristesse et de panique.

Je ne suis pas déçue de Milo, mais de moi-même. Au fond, depuis que j'ai vu cette photo, je connais la réponse à mon questionnement idiot. Je me doutais qu'il avait refait sa vie et le sourire qu'il affichait sur le cliché n'était pas anodin. Il a été heureux pendant un moment ces dix dernières années. Il a su accomplir la seule chose à laquelle je ne suis pas parvenue depuis que nous nous sommes quittés. Il a réussi à aimer quelqu'un d'autre et être heureux avec cette personne.

La tristesse de cette constatation me fend le cœur. Suis-je le seul être sur terre à ne pas pouvoir tourner la page ? L'impression amère que Milo m'ait remplacée par une autre me donne la nausée, bien que ce soit normal. Les larmes ne se font pas attendre et dévalent mes joues glacées.

Alors, la panique s'installe en moi. Qu'est-ce que je fais encore ici ? Où est cette femme ? Et qu'en est-il de cette chambre d'enfant ? Comment puis-je rester ici en sachant qu'il est visiblement affecté par cette relation ? Ma décision de partir à Paris tombe bien, mais qu'en est-il des raisons ? Dois-je réellement revenir ici ?

Je ne me rends pas compte qu'un sanglot m'échappe et sens immédiatement le regard intense de Milo sur mon visage. Sans que je ne puisse réfléchir, il saisit mes mains gantées et m'entraîne contre lui, m'obligeant à lever les yeux sur lui. Le voile flou qui recouvre mes iris me permet tout de même de distinguer les traits tendus à l'extrême de son visage. Ses billes chocolatées ne me quittent pas et sa poigne se resserre.

— C'est du passé.

Il me répète la même chose qu'hier soir mais d'un ton beaucoup plus doux, rassurant. Pourtant, des centaines de pensées fusent dans mon esprit et je ne peux me retenir de lui répondre avec une pointe de sarcasme.

— Je suis ton passé aussi.

Un air surpris traverse son visage quand il prend conscience de cette réalité. Il entrouvre légèrement la bouche, prêt à rétorquer quelque chose, mais la referme aussitôt. Il tourne la tête en direction du petit chemin menant au domaine et se lève, me lâchant les mains. J'entends alors le bruit d'un moteur de voiture s'approchant de plus en plus de nous. Je ne distingue aucun phare et ne comprends pas ce qui se passe. Je vois les mâchoires de Milo se contracter alors qu'il se poste devant moi. Il n'a pas l'air de savoir qui arrive non plus.

Ce n'est que lorsque la voiture se gare près du puits, illuminée par l'éclairage extérieur de la maison, que je reconnais à qui elle appartient.

Non. Ce n'est pas possible.

Un rapide coup d'œil à la plaque d'immatriculation suffit à me donner un haut-le-cœur.

75.

Paris.

Ben.

Je me colle au dos de Milo, ayant parfaitement conscience que je me sers de lui comme d'un bouclier. Tremblante, je sens des larmes dévaler mes joues. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

— C'est mon ex, murmuré-je.

Tous les muscles du corps de Milo se tendent à l'extrême. Je ne sais pas quel est son ressenti par rapport à Ben. Il l'avait défendu quand je lui avais parlé de nos fiançailles rompues mais nous n'avions plus reparlé de lui et de notre histoire depuis. Je ne savais pas s'il s'apprêtait à me défendre du courroux de mon ex ou s'il comptait me laisser y faire face.

La peur me tord l'estomac et je serre ma poigne autour du bras de mon bel italien. La portière s'ouvre et se claque presque aussitôt, me faisant sursauter. Je n'ose pas jeter un coup d'œil vers le nouvel arrivant. La dernière chose que je souhaite est de le confronter. Parler par téléphone était beaucoup plus facile.

— Je te vois, Erin.

Sa voix est emplie de colère. Je me décale légèrement de la barrière que m'offrait le corps de Milo et jette un coup d'œil à Ben. Illuminée par la lumière de ses phares, je vois sa silhouette s'avancer vers nous. Je sens Milo serrer les poings et je suis convaincue qu'il compte me défendre.

La voix bloquée dans ma gorge, je ne dis rien. Je suis figée par la peur. La peur d'affronter mes problèmes et mes torts. La peur de perdre Milo, encore une fois.

— Que faites-vous ici ? demande froidement mon beau brun, visiblement prêt à défendre son territoire.

Ben s'approche encore un peu de nous et apparaît dans la lumière du spot extérieur de la maison. Ses traits sont presque déformés par la colère et la fatigue. A-t-il fait tout ce trajet depuis Paris sans s'arrêter ? Ça représente plus de mille kilomètres... D'ailleurs, comment m'a-t-il retrouvé ?

— Je suis venue récupérer ma fiancée.

Sa réponse m'effraie encore plus. Sa détermination se fait clairement entendre et il ne semble pas accepter le fait que je l'ai quitté. Nous avons été ensemble pendant trois ans, mais j'ai l'impression de ne pas connaître l'homme qui est sous mes yeux. Il me fait atrocement peur.

— Tu peux m'expliquer ce que tu fais au fin fond de l'Italie avec un autre homme ?

Cette accusation me fait presque culpabiliser. Je l'ai quitté d'une façon peu sympathique mais je n'ai rien fait de mal. Je ne l'ai pas trompé. Il ne s'est encore rien passé avec Milo, bien que j'en aie terriblement envie. Je m'apprête à lui rétorquer que je ne lui dois rien, mais mon bel italien me coupe l'herbe sous le pied.

— Je vous conseille de partir. Vous êtes sur une propriété privée.

La voix de Milo se fait de plus en plus menaçante. Des nausées se font ressentir quand je vois mon ex-fiancé s'approcher dangereusement de nous. Je recule d'un pas mais Milo ne bronche pas. Les deux hommes se toisent et se défient du regard alors que, tremblante, je suis une lâche spectatrice de ce combat silencieux.

— Et toi, tu as ma propriété privée. Je suis venu la récupérer.

Ses paroles me choquent et me donnent encore plus envie de vomir. Ben me perçoit plus comme un objet, un trophée, plutôt qu'un être humain. Le problème dans notre couple vient peut-être de ce fait. Comment peut-il parler ainsi de moi ?

— Je ne suis la propriété privée de personne, craché-je, ayant retrouvé un semblant de courage. Je suis un être humain !

— Ah bon ? rétorque Ben. C'est humain de me traiter comme tu l'as fait ? J'étais et je suis toujours amoureux de toi, Erin !

Je réprime un rire. Ses paroles sonnent tellement faux que j'ai l'impression qu'il me fait une blague. Je sens la colère bouillir en moi. Je ne compte pas le laisser me parler de la sorte. Notre relation n'a jamais été saine et je compte bien le lui faire comprendre. Je m'écarte un peu plus de Milo et me rapproche de Ben, prête à l'affronter, même si je dois y laisser quelques plumes. 

___

Et bonsoir ! 

Comme promis, du drama, du drama et encore du drama ! Je sais que vous adorez ça ;)

Alors, que pensez-vous de ce chapitre ? 

On a tout d'abord un petit aveu de Milo par rapport à cette femme sur la photo... Que pensez-vous de la réaction d'Erin ? 

Et puis, l'arrivée de notre petit Ben ! Il vous avait manqué, n'est-ce pas ? Il est de retour pour jouer des mauvais tours à Erin... 

Comment imaginez-vous la suite de la confrontation ? 

Je vous remercie encore et toujours de votre fidélité et j'espère ne pas vous décevoir au fur et à mesure des chapitres ! Les choses commencent à se préciser et à se révéler... J'espère que l'histoire d'Erin et Milo vous touche toujours autant <3

Sur ce, bonne nuit ! 

- Clara

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top