CHAPITRE 23 - Bouée de sauvetage
"Loving you was young, and wild, and free
Loving you was cool, and hot, and sweet
Loving you was sunshine, safe and sound
A steady place to let down my defenses
But loving you had consequences"
- Consequences, Camila Cabello
Le regard désespéré de Milo hante encore mon esprit alors que je m'attèle à couper les carottes en rondelles. Après avoir appris cette nouvelle, j'ai décidé de préparer un repas pour que nous puissions relâcher la pression et, peut-être, rattraper le fiasco de ma tarte aux légumes datant d'il y a déjà quelques semaines.
Manger ses émotions n'est pas forcément la meilleure chose à faire, mais ce repas nous permettra de penser à autre chose et de nous concentrer sur nous-mêmes. Ces derniers temps, Milo a fait de nombreux premiers pas. Il est temps pour moi de faire de même.
Mon esprit très peu concentré sur ma préparation culinaire, je manque de me couper un doigt plusieurs fois. La décision que j'ai prise à propos de mon activité de freelance et de l'aide que je compte apporter à Milo me pèse. J'ai l'impression d'avoir ajouté un autre secret à celui qui me comprime la poitrine chaque jour et que j'occulte le plus possible.
Tu fais un beau geste. Je tente de me répéter cette phrase en boucle afin que mon ventre se desserre mais j'ai déjà conscience que cela ne plaira pas à Milo.
— Ça sent super bon ici !
La voix de l'homme qui occupait mes pensées me fait sursauter et je m'entaille la peau avec le couteau. Je lâche un juron en me tenant le doigt, créant des picotements sur ma plaie.
— Mince, ça va ? Je ne voulais pas te faire peur !
Un peu trop affolé, Milo accourt à mes côtés et, après avoir attrapé un bout de papier essuie-tout, le presse sur ma peau afin d'arrêter le saignement.
— C'est rien, c'est juste une petite coupure, murmuré-je.
Les yeux inquiets de l'homme que j'affectionne tant me sondent et tentent de déceler ce qui, au-delà de la douleur créée par ma coupure, m'occupe tant l'esprit. Il semble avoir mis toutes ses peurs à propos de son domaine de côté afin de se concentrer sur moi. Toute l'affection et la tendresse qui émanent de lui à ce moment, alors qu'il s'attèle à me désinfecter ma blessure, me heurtent de plein fouet.
Ébranlée, les larmes me montent aux yeux sans que je ne puisse le contrôler. Un coup d'œil supplémentaire de sa part lui permet de démasquer ces perles que je tentais de cacher et qui suffisent à l'inquiéter d'autant plus.
— Je te fais mal ? s'enquiert-il, stoppant ses mouvements.
Je secoue la tête, la gorge serrée par les larmes. Trop de pensées commencent à s'accumuler dans mon esprit et je n'arrive plus à suivre. Ce trop-plein m'envahit et je n'arrive plus à y faire face. Les secrets, les non-dits et les menaces planent dangereusement au-dessus de notre relation un peu bancale et la peur que tout s'écroule me tord l'estomac.
— Erin, qu'est-ce qu'il y a ? insiste Milo, conscient que mes émotions prennent le dessus sur ma volonté.
Un sanglot m'échappe et donne le libre accès à toutes les perles salées sur mes joues. Un déluge d'émotions s'abat sur moi et fait voler en éclat le semblant de contrôle que j'avais. Dans un état second, je ne me rends pas vraiment compte que Milo me guide vers une chaise sur laquelle je m'écroule.
— Erin, parle-moi, me supplie-t-il.
Agenouillé devant moi, je parviens à voir à travers mes larmes son visage tordu d'inquiétude et de douleur. Son pouce caresse délicatement la peau de mon bras et ce mouvement répétitif contribue à m'apaiser. Je ferme les paupières et tente de réguler ma respiration afin de faire fuir cette crise de pleurs. Je parviens à faire le vide et à me concentrer sur les mouvements de ma cage thoracique et le rythme auquel son pouce balaie mon épiderme.
— Pardon, murmuré-je.
Ce simple mot, sorti d'une voix à peine audible, résonne en écho dans mon esprit. Sa main vient caresser ma joue, essuyant les trainées de larmes. Je laisse ma tête se nicher dans sa paume, la chaleur de sa peau m'apaisant encore un peu plus. J'ouvre les yeux et me plonge dans ses prunelles teintées d'incompréhension.
Prise d'une pulsion, je me mets à genoux en face de lui et, passant mes bras dans son dos musclé, me blottis contre lui. Ses mains ne mettent pas longtemps à se refermer autour de moi, créant un cocon de chaleur et de tendresse. Je m'agrippe à lui comme à une bouée de sauvetage dans la mer déchaînée de mes émotions.
Nous restons ainsi, serrés l'un contre l'autre, un long moment. Son odeur, un mélange bien dosé de terre et de savon, m'apaise. Au bout de quelques minutes, je me retire de cette étreinte et suis immédiatement attaquée par une vague de froid.
— Pardon, répété-je d'une voix un peu plus assurée.
Je me lève, le laissant toujours agenouillé sur le carrelage dur de la cuisine. J'attrape un pansement et le mets sur mon doigt blessé avant de reprendre, presque trop calmement, la préparation du repas.
Cette crise de pleurs ressemblait bien trop à celle que j'avais eue dans mon appartement à Paris. Celle qui m'avait fait prendre la décision de tout quitter pour retrouver Milo. Celle qui m'avait fait changer de vie. Maintenant, les secrets et les non-dits me pèsent quasiment plus qu'avant et j'ai peur d'à nouveau tout quitter.
Alors que je coupe à nouveau les légumes, j'entends Milo se lever doucement. Il s'approche de moi et colle son torse à mon dos avant de me saisir les mains pour stopper mes mouvements. Il plonge son visage dans le creux de mon cou et inspire profondément. Des frissons incontrôlables s'emparent de mon corps et je m'immobilise. Je sens ses lèvres déposer un doux baiser sur ma peau électrifiée. Mes yeux se ferment et tous mes muscles, jusque-là tendus à l'extrême, se détendent l'un après l'autre.
Cette tendresse me convainc que non, je ne pourrai pas tout quitter à nouveau. Cette fois-ci, j'ai quelqu'un pour m'en empêcher.
— Ça va mieux ? murmure Milo contre ma peau.
Son souffle me chatouille délicieusement. J'acquiesce et me colle un peu plus contre son corps chaud.
— Oui, merci.
Nous nous séparons une deuxième fois et l'homme qui me chamboule vient se poster à côté de moi avec un couteau pour m'aider à cuisiner. Nous travaillons en silence, appréciant la compagnie paisible de l'autre.
Une petite heure plus tard, nous sommes tous les deux attablés devant un plat de pâtes à la bolognaise. L'odeur alléchante de la nourriture me met en appétit et, perdant mes bonnes manières un instant, je me sers la première une portion plutôt généreuse. Milo rit et me regarde faire d'un air amusé. Il se sert ensuite avec beaucoup plus de modération. Je semble être la seule à manger mes émotions ce soir.
Pendant de longues minutes, seul le tintement de nos couverts sur les assiettes sert de bruit de fond à notre repas. Après avoir apaisé les premiers grognements de mon estomac, je ralentis la cadence et entame la conversation.
— Je vais bientôt rentrer à Paris, commencé-je prudemment.
Milo lève immédiatement les yeux habités d'une lueur d'inquiétude. Je lui fais un sourire rassurant et lui attrape la main.
— C'est juste pour mettre quelques affaires en ordre. Je reviendrai ici après. Enfin... si tu le veux.
La peur qu'il ne veuille pas me voir revenir me serre immédiatement l'estomac. Mais, elle est balayée par son sourire et la pression que ses doigts effectuent sur ma main.
— Bien sûr que je veux que tu reviennes.
Cette simple phrase suffit à me redonner confiance. Nos yeux s'accrochent et s'envoient des messages de tendresse que nous n'osons pas encore dire à voix haute. Alors, pour alléger mon cœur, je décide d'aborder un secret qui nous aidera sûrement à avancer.
Je sors mon téléphone de ma poche et ouvre l'application Instagram. Je retrouve le profil de Milo et sélectionne la photo qui hante mon esprit depuis mon premier jour ici. Je lui montre doucement et, sans oser le regarder, aborde le sujet qui, je l'espère, apaisera quelques-unes de mes inquiétudes.
— J'ai vu cette photo sur ton compte Instagram... Tu ne m'as pas encore parlé de cette femme et je suis curieuse à propos de son identité... commencé-je timidement.
Je déteste les confrontations et, consciente que nous passons un bon moment et que je risque de le gâcher, je me dois de me soulager du poids de ces questionnements.
Pourtant, quand je relève les yeux vers Milo, je regrette immédiatement ma décision. Son sourire a disparu, ses yeux me fixent sans réellement me voir et les traits de son visage sont tendus. Il retire doucement sa main de la mienne et je le vois presque se renfermer derrière sa carapace.
— C'est du passé. Je ne veux pas en parler.
Sa voix froide coupe l'air telle une lame parfaitement aiguisée et sa réponse, ferme, me fait sursauter. Je ramène mon bras contre mon corps et me renferme également dans mes regrets.
Le repas se termine en silence et je m'enfonce encore plus dans le gouffre de mes émotions indomptées.
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Bonjour !
J'espère que vous passez tous un bon weekend ! :)
On se retrouve donc avec un nouveau chapitre... Ne vous inquiétez pas, les choses vont commencer à bouger d'ici peu ;)
Mais en attendant, qu'avez-vous penser de ce chapitre ?
Erin qui commence (à nouveau) à se noyer sous ses émotions ?
Est-ce que vous pensez que Milo peut vraiment la soulager ? Comment avez-vous trouvé ce petit moment entre eux ?
Qu'en est-il d'Erin qui met les 2 pieds dans le plat (de bolognaise héhé) ? Est-ce qu'elle aurait dû attendre avant de poser la question sur la photo ?
Et notre cher Milo qui, encore une fois, se renferme ?
Je vous souhaite un bel après-midi et merci encore et toujours pour votre fidélité <3
- Clara
PS : Un Seul Être a gagné le prix émotions de la catégorie romance du concours d'-Elyosa- ! Je suis tellement contente :')
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