CHAPITRE 20 - Virée toscane
Each time you left, there was a hunger
I felt so dead, I couldn't take anymore
Losing your love, it left me stronger
I never noticed
- Castles, Freya Ridings
___
« Prépare-toi, je passe te prendre à 10h.
- Milo »
Ce petit mot tout doux scotché sur la boîte de thé dans la cuisine me fait immédiatement sourire. Quelques mots encrés sur un bout de papier suffisent à me mettre en joie alors que mon esprit est encore embrumé par ma nuit sans rêves.
Milo, jusqu'à présent distant et presque timide, me propose-t-il un rendez-vous ? Cet homme, qui chaque jour s'ouvre un peu plus à moi, est-il prêt à réellement me laisser entrer dans sa vie, ou plutôt, dans son cœur ?
Alors que mon thé infuse, je ressens une anxiété peser sur mon ventre. Même si je suis vraiment heureuse de ce pas de géant que Milo réalise, je ne peux m'empêcher d'appréhender le moment que nous allons passer ensemble. Et si nous nous rendons compte, qu'en fait, nous ne sommes pas faits pour être ensemble ? Et si ces dernières semaines s'avèrent être une perte de temps ? Cela fait des jours que j'attends ce genre d'initiative de sa part, et la ballade de la veille est déjà un excellent début qui m'a plus que ravi. Pourtant, ce rendez-vous me rend atrocement nerveuse. Mon cœur ne demande qu'à être chamboulé, mais dès que le concret pointe le bout de son nez, la panique s'installe.
Je ne peux pas penser ainsi et laisser mes émotions prendre le dessus. L'homme que je tente de séduire à nouveau depuis presque un mois prend enfin les devants et montre tout l'intérêt qu'il me porte. Je ne peux pas me permettre de douter ou de prendre peur à ce moment-là. Je prends une profonde inspiration et tente de calmer mes angoisses.
J'avale presque d'une traite mon thé brûlant et me précipite dans la salle de bain afin de me préparer. Aujourd'hui plus que jamais, j'ai terriblement envie de le séduire, de lui plaire et de jeter mes peurs et mes complexes à la poubelle. Cette belle journée de mars me permet, avec sa douce température de dix-sept degrés, d'enfiler une tenue printanière que j'avais jetée dans le fond de ma valise. Je m'habille d'un pantalon blanc et d'un chemisier vert émeraude.
Alors que je fouille dans mes affaires, je me rends compte que je n'ai pas amené beaucoup de vêtements pour les beaux jours qui arrivent. Il va peut-être falloir que je songe à en racheter ou à m'en faire parvenir de mon appartement à Paris, quitte à ce que ma mère sache où je suis. Je décide de réfléchir à tout cela plus tard et me maquille légèrement.
À dix heures pétantes, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et un sifflement mélodieux envahit le salon. Mon ventre se serre en réalisant que je vais avoir mon premier vrai rendez-vous avec Milo depuis une dizaine d'années. Une petite voix particulièrement insistante me murmure les nombreux doutes et interrogations qui m'habitent, mais je décide de la mettre en sourdine pour une fois. Je compte pleinement profiter de ce moment qui me fait sentir incroyablement jeune et insouciante.
Je sors de ma chambre et rejoins Milo dans le salon. Lorsque je le vois, mon cœur rate plusieurs battements. Un sourire radieux m'accueille et me fait déjà fondre. Il a enfilé un blouson de cuir noir que je n'aurais jamais pensé voir sur lui. Ce simple vêtement renforce encore plus la virilité qui se dégage constamment de cet homme. Je déglutis difficilement et me laisse envahir par une bouffée de chaleur.
Visiblement amusé par la situation, Milo tourne sur lui-même, un sourire toujours scotché au visage.
— Qu'est-ce que tu en dis ? Ça me va plutôt bien, non ?
Je ne peux réprimer un rire et m'approche de lui. Ses yeux pétillent et me retournent à nouveau l'estomac en une danse chatouilleuse.
— Tu es superbe. Mais que me vaut l'honneur de cet accoutrement ?
Ses lèvres s'étirent encore plus, habillant son visage de ce magnifique croissant de lune dont je ne peux plus me passer. Il me fait un clin d'œil et m'invite à le suivre à l'extérieur de la maison.
Il traverse la cour d'un pas pressé, faisant crisser les graviers, et m'entraîne vers le préau où des machines agricoles sont abritées. Il en contourne une et s'arrête devant un objet drapé. Alors que je fronce les sourcils, ne comprenant pas trop de quoi il en retourne, il tire sur la toile blanche d'un geste très théâtral. Une moto, visiblement assez vieille mais en bon état, se dévoile à nos yeux. J'aperçois la marque, Yamaha, écrite en lettres argentées sur le flanc de l'appareil. J'observe le reflet de Milo dans la peinture noire lustrée et dénuée de poussière de cette moto. Je n'y connais pas grand-chose, mais ça a l'air d'être un beau modèle. Je réprime un rire. Je n'aurais jamais pensé que mon bel italien était du genre à posséder un tel engin.
— Alors ? s'exclame-t-il, impatient d'avoir mon retour sur sa possession.
— C'est... une belle moto ! me contenté-je de répondre, incapable d'en dire plus sur le sujet.
Il sourit, amusé, et se penche vers le sol afin d'attraper deux casques noirs.
— Tu viens de l'acheter ? lui demandé-je, étonnée qu'il ait les moyens de se procurer un véhicule aussi cher.
Milo secoue la tête et une moue nostalgique envahit son doux sourire.
— Elle appartenait à mon père. Il m'a appris à la conduire quand j'étais adolescent. On a fait plusieurs virées ensemble.
Il baisse soudainement la tête et un nuage vient voiler son croissant de lune. Je m'approche de lui et glisse ma main dans la sienne.
— Ce sont de bons souvenirs, ajoute-t-il en relevant vers moi des yeux humides.
Ma gorge se serre, touchée par la douleur toujours vive qui émane de lui. Je resserre mes doigts autour de sa main chaude et me plonge dans son regard quelque peu perdu.
— C'est très courageux de vouloir en créer de nouveaux, murmuré-je, la voix rauque.
Son visage s'illumine à nouveau mais conserve une petite part d'ombre, de vieux souvenirs des moments père-fils qu'il porte à jamais dans son cœur meurtri. Flattée qu'il veuille m'inclure dans ce petit univers, je saisis le casque qu'il me tend et l'enfile. Tant pis pour ma coiffure, mes cheveux ébouriffés me donneront une touche de sauvagerie qui sera la bienvenue.
Milo me tend également un blouson de cuir tout neuf que j'enfile avec amusement. Il enfourche la moto et m'aide à monter derrière lui. Depuis nos retrouvailles, nous n'avons jamais été aussi proches physiquement. Tout l'avant de mon corps est collé à lui. J'ai presque l'impression d'être une sangsue, mais sa main venant caresser un instant ma cuisse me convainc que je ne suis pas un parasite pour lui, bien au contraire. Mon cœur s'emballe en même temps que le moteur ronronne. Des frissons parcourent mon corps et je serre mes bras autour du torse de Milo. Je ne suis jamais montée sur une moto auparavant et je ne peux empêcher la peur de m'envahir alors que mon bel italien démarre sur les chapeaux de roue.
Je me colle encore plus contre lui et pose ma tête contre son dos tout en retenant un cri de peur dans ma gorge nouée. Presque noyée par le bruit du moteur, une exclamation de joie émane tout de même du casque de Milo et son euphorie parvient à me détendre quelque peu.
Nous sortons du domaine et remontons le chemin de campagne en direction du village. Une fois que nous arrivons sur une grande route lisse, je lève la tête et profite du paysage printanier qui s'offre à nous. De nombreux arbres commencent à s'habiller de bourgeons blancs et de feuilles vertes. Des fleurs sauvages se mêlent de plus en plus aux herbes sur le côté de la route. Cette nature qui m'entoure depuis quelques semaines m'apaise de plus en plus et mes dernières anxiétés s'envolent, balayées par un doux vent.
Au bout d'une petite demi-heure, Milo ralentit et s'arrête dans un petit parking près d'un village similaire à celui de Montepulciano. Je descends de la moto et enlève le casque, dévoilant ma tignasse ébouriffée et humide de sueur. Pour le coup, on y est vraiment dans le côté sauvage. Milo fait de même et sourit devant mon état physique. Il passe une main dans sa propre chevelure, également humide, et ramène ses mèches en arrière. Est-ce qu'il me propose une journée badboy ? Parce qu'il est complètement dans le thème.
À cette pensée, je ne peux m'empêcher de rire et essaie d'arranger, moi aussi, mes cheveux. Au final, je décide de secouer la tête afin de les décoller de mon crâne et hausse les épaules, pas réellement sûre de l'effet que ça rend.
— Tu es magnifique, lâche Milo.
Je sens mes joues rougir et baisse la tête. Cette fichue timidité ne compte pas me laisser tranquille !
— Suis-moi, reprend-il en me tendant la main.
Je la saisis et me laisse entraîner par ce badboy d'un jour. Nous traversons un village pittoresque et arrivons dans un petit port magnifique. Une eau d'un bleu turquoise s'étale devant nous et je ne peux m'empêcher de me poser des questions. Montepulciano est assez enfoncé dans les terres toscanes, je ne pensais pas que nous puissions aller à la mer aussi rapidement. Milo a-t-il joué son rôle de badboy jusqu'au bout et a roulé atrocement vite sur la route ?
Nous longeons le port et atterrissons sur une petite plage bordée d'herbe bien verte. J'interroge Milo du regard, quelque peu perdue. Ce dernier me lance un sourire et contemple le paysage, sa main enveloppant toujours la mienne.
Le soleil, bien haut dans le ciel, illumine la surface presque lisse de l'eau et la fait scintiller. Des vaguelettes viennent s'échouer sur le sable fin et dégagent une agréable odeur d'iode. Un vent frais vient balayer mes cheveux humides et m'arrache un frisson.
— Où sommes-nous ? demandé-je enfin.
— Lago Trasimeno, me répond simplement Milo.
Un lac. Bien sûr. J'acquiesce et replonge mon regard dans les mouvements hypnotisants de l'eau.
— Je me souviens que tu aimais bien aller à la mer, continue-t-il. Je me suis dit que tu aimerais bien découvrir le lac, c'est un peu similaire et beaucoup plus près.
Je ne peux m'empêcher de sourire, touchée par cette douce attention. Il a raison, j'ai toujours adoré aller en bord de mer. Le fait d'habiter à Paris a encore plus accentué le plaisir que j'éprouve à être à proximité de ce genre de paysages. Le fait qu'il se souvienne de cet élément m'emplit encore plus de joie.
— J'adore cet endroit, déclaré-je. Merci de m'y avoir emmené.
Milo se tourne vers moi et j'en profite pour saisir son autre main. Les paumes liées, nous nous dévisageons, dévorant l'autre du regard. Le sourire qui habite ses lèvres m'obsède. D'un mouvement, il m'attire contre lui et passe ses bras dans mon dos. Cette douce étreinte m'achève et je me sens fondre.
Il approche sa bouche de mon oreille et me murmure une petite phrase qui chamboule mon corps et mon cœur :
— Merci d'être revenue dans ma vie.
Un sourire envahit mes lèvres alors qu'une sonnerie retentit de mon téléphone. En m'excusant à demi voix, j'extirpe l'appareil de ma poche et lis le message que je viens de recevoir.
Le destin a décidé d'interrompre un beau moment pour ça ? Décidément, il a un sens de l'humour que je ne comprends pas.
Maman :
Je suis passée à ton appartement pour arroser les plantes. Il y a un bazar monstre, j'ai cru que tu t'étais faite cambriolée. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
___
Hello !
Oui, l'attente a été très longue, j'en suis vraiment désolée. J'en ai parlé sur mon babillard, j'ai eu une grosse baisse de motivation par rapport à l'écriture de cette histoire. Je ne sais pas si j'en suis réellement sortie, mais j'ai été assez motivée pour écrire ce chapitre d'une traite haha. On verra bien par la suite... Je n'aime pas me forcer donc je me laisse guider par mes envies :)
J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Il est plus long que d'habitude (vous me pardonnez ?) et on découvre encore un joli moment entre nos deux tourtereaux préférés.
Que pensez-vous des peurs d'Erin au début de ce chapitre ? Sont-elles justifiées ?
Comment avez-vous trouvé leur petite virée à moto ?
Et, pour finir... ce petit sms qui fait plaisir ? Je n'allais pas laisser Erin tranquille si longtemps, voyons... ;)
Pendant ma petite pause "démotivée", j'ai vu que l'histoire a dépassé les 2K vues... Vraiment, merci ! Je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse intéresser autant de personnes donc je suis très touchée par tout ça ! Et merci aux personnes qui prennent la peine de commenter et voter à chaque fois, ça m'est d'une grande aide ! <3
A la semaine prochaine (ou pas ?)
- Clara
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