CHAPITRE 18 - Le croissant de lune

Oh, all my nights taste like gold
Yeah, when I'm with you it's like everything glows
And all my days we can lay low
Yeah, when we're waking up
We're waking up slow

- Waking up slow, Gabrielle Aplin


L'odeur âcre du café envahit mes narines et me tire, une bonne fois pour toutes, de mon état de demi-sommeil que je me traîne depuis que je suis sortie du lit. Je lève les yeux vers Milo qui déguste avec un plaisir non dissimulé son café, et lui fais une moue dégoûtée. Un franc sourire illumine son visage et un clin d'œil m'arrache un petit rire.

Attablés dans la cuisine pour le petit-déjeuner, nous n'échangeons pas un mot depuis le réveil. Seuls quelques regards et sourires font la conversation à notre place, me convainquant que la séduction s'est invitée à notre table.

— Tu es jalouse de mon café ? lâche-t-il enfin avec un air malicieux.

— Jamais de la vie ! m'exclamé-je en réprimant un rire.

Ses lèvres étirées en un joli croissant de lune font chavirer mon cœur et je ne peux m'empêcher de baisser les yeux sur mon thé fumant.

— Qu'as-tu de prévu pour aujourd'hui ? Je me disais qu'on pourrait peut-être aller se promener, tenté-je, avide de redécouvrir cet homme.

Je lève mon regard vers lui, guettant une quelconque réponse dans les traits de son visage. Ses sourcils se froncent et la lune s'échappe. Avant même qu'il ne prononce un mot, je sens la déception envahir les pores de ma peau.

— J'aurais adoré passer la journée avec toi, Erin. Malheureusement, j'ai un rendez-vous avec un courtier pour commercialiser mon vin... C'est planifié depuis un moment, je ne peux pas annuler. Ça ne serait pas professionnel.

J'acquiesce, comprenant parfaitement que je ne sois pas la priorité. Après tout, je suis arrivée comme un cheveu sur la soupe dans sa vie. Même si je ne connais pas l'étendue des difficultés qu'il rencontre avec le domaine viticole, je sens que cette réunion est primordiale.

— On verra ça un autre jour, le rassuré-je.

Après dix ans d'attente, je peux patienter quelques jours de plus. Il acquiesce à son tour et son doux regard trouve le mien. Je le vois tendre sa main vers la mienne, à travers la table. Je ne réfléchis pas longtemps et la saisis, serrant ses doigts chauds contre les miens. Je tente de dissimuler le parcours du frisson habituel qui fait son apparition à chacun de nos contacts et lui fais un sourire contrit.

— Je t'assure, Erin, que je ne te repousse pas. Si j'avais le choix, j'annulerais tout pour être avec toi. Mais c'est indépendant de ma volonté. Je dois faire survivre cet endroit.

Ses paroles m'apaisent et me chamboulent. Depuis ses aveux à Florence, Milo multiplie les petites attentions et déclarations qui contribuent à alimenter le désir que j'éprouve pour lui. S'il continue ainsi, je ne sais pas si je parviendrai à respecter son souhait de prendre le temps...

— Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas. Je vais trouver de quoi m'occuper.

Nos mains se délient alors que je me lève afin de débarrasser la table. Je l'entends se racler la gorge avant de se lever à son tour. Penchée au-dessus de l'évier et occupée à nettoyer mon bol de céréales, je le sens se rapprocher dans mon dos. Les petits cheveux dans ma nuque se hérissent quand je sens son souffle s'échouer sur ma peau, telle une vague sur une plage abandonnée.

Toujours vêtue de mon pyjama constitué d'un short et d'un débardeur, je me sens soudainement presque nue, à quelques centimètres de son corps. Le désir avec lequel je bataille depuis un certain temps s'embrase, comme le feu de sa cheminée que l'on rallume chaque matin.

J'aperçois son bras contourner mon corps et déposer sa tasse vide dans l'évier, alors que je m'immobilise. Est-ce une manière sensuelle de me demander de faire également sa vaisselle ? Il est si près, et pourtant l'espace entre nos corps me semble immense. Tétanisée par mon désir que je refoule, je sens Milo réduire l'espace entre nous sans jamais entrer en contact avec ma peau.

Je déglutis difficilement et comprends soudainement son petit jeu. Il essaie de me torturer et de mesurer à quel point je le veux. Bien qu'il s'en doute sûrement, il souhaite voir ma faiblesse à l'œuvre.

Son souffle chaud s'abat à nouveau sur la peau nue de mon épaule alors que je prends la décision de jouer, moi aussi. Je termine rapidement de nettoyer la vaisselle que j'ai utilisée et, tandis que Milo n'a toujours pas bougé et se tient prostré dans mon dos, à quelques centimètres de moi, je me retourne.

Mon épaule glisse le long de son torse et fait place à ma poitrine que je bombe volontairement. Deux bouts de tissus nous séparent mais je sens la chaleur de sa peau irradier à travers son tee-shirt, électrifiant mes sens. Milo mesure une bonne dizaine de centimètres de moi, alors je mets sur la pointe des pieds et nos visages se font face. Cette fois, son souffle s'abat sur mon front, aussi délicieux qu'une brise d'été. Je ne peux m'empêcher de fixer ses lèvres actuellement entrouvertes qui n'appellent qu'à être embrassées.

Je lève les yeux vers lui et me délecte du désir que je décèle dans son regard. Alors que je m'approche encore plus de son visage, son souffle se coupe et je sais que j'ai pris le dessus. Je pose mon index sur ses pectoraux et le pousse légèrement.

— Tu peux faire ta propre vaisselle, murmuré-je.

Je me dégage de son emprise et brise la connexion de nos corps pour me diriger vers la salle de bain. Je sens ses yeux me suivre et l'entends étouffer un rire.

Ce jeu de séduction est un vrai délice.

*

Milo s'est éclipsé pendant que je me préparais dans la salle de bain. Je suis encore satisfaite de notre petit moment dans la cuisine pour le petit-déjeuner et attends son retour avec impatience, prête pour un deuxième round de séduction. En attendant, et après avoir vu la pluie impitoyable dans la cour, je décide de m'aventurer un peu plus dans la maison afin de découvrir un peu plus l'univers de Milo.

Je remonte donc le couloir, passant devant ma chambre et celle de Milo. Au fond, en face de la salle de bain, se tient une porte qu'il n'a jamais ouverte. Il ne m'a jamais interdit ou déconseillé de m'aventurer dans le reste de cette bâtisse et ma curiosité insistante me convainc d'ouvrir cette porte. Je tombe sur une petite pièce, comme un vestibule très peu meublé, avec l'escalier qui mène au deuxième étage de cette maison. Je le gravis, presque anxieuse de ce que je pourrais y trouver, et atterris dans un nouveau couloir sombre. Tous les volets sont fermés et je suis presque plongée dans le noir. J'appuie sur l'interrupteur et révèle la présence de trois portes. Une moquette bleue délavée et une vieille tapisserie à fleurs me guident dans la découverte de cet étage.

J'ouvre la première et tombe sur une seconde salle de bain, aussi bien équipée que celle du rez-de-chaussée. Voir cette pièce en parfait état me rassure quelque peu, mon esprit ayant été traversé par la folle idée que le haut de cette maison était peut-être hanté. Tu regardes trop de films d'horreur, Erin.

J'avance dans le couloir et ouvre une deuxième porte. La pièce qui se révèle à mes yeux est une sorte de bureau qui doit actuellement servir de débarras. De nombreux cartons et piles de papiers noyés dans la poussière et appartenant sûrement aux parents de Milo, y ont élu domicile. Je distingue à peine le bureau en bois massif qui trône au milieu. Visiblement, cela fait un moment que mon bel Italien n'a pas mis les pieds ici.

Je sors de ce bureau et me dirige vers la dernière porte de l'étage. Je l'ouvre et enclenche l'interrupteur. La pièce dans laquelle je me trouve me porte alors un coup au cœur. Je m'accroche au chambranle tandis que mes yeux détaillent chaque meuble pour que mon cerveau arrive à une conclusion qui me chamboule.

Devant moi se trouve une chambre de bébé. Un parquet brun récemment fait, des murs aux douces teintes de jaune, des peluches un peu partout... Tout porte à croire que cette chambre a été préparée il n'y a pas longtemps pour accueillir un enfant. J'avance au centre de la pièce et remarque un cadre sur une petite commode. La même photo que j'ai trouvée sur Instagram, il y a deux semaines, y figure. Mon cœur a un raté. Milo est-il père ? A-t-il eu un enfant avec cette femme dont je ne connais toujours pas l'identité ? Combien de choses encore me dissimule-t-il ?

La panique s'insinue dans mon corps et me serre la gorge tel un serpent prêt à tuer sa proie. Je me laisse tomber dans un fauteuil et tente de réguler ma respiration qui se hache. Des larmes me montent aux yeux et je ne parviens plus à contrôler mon émotion, laissant un horrible sanglot s'échapper de ma poitrine.

Visiblement, Milo a bien refait sa vie. 

____

Hello ! 

Est-ce que j'ai fait un chapitre hybride ultra mignon/début de drama ? OUI.

Je m'étonne encore de découvrir à quel point je peux être sadique haha, mais vous m'aimez bien pour ça, hein ? 

Pour en revenir au chapitre, qu'avez-vous pensé de la première scène ? La complicité qu'ont Milo et Erin ? Leur séduction ? ;)

Et... cette deuxième scène, qu'est-ce qu'elle vous inspire ? De nouvelles théories ? :P

Bonne soirée ! 

- Clara

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