"I've been gone so long
I can barely say
All I know is now I want to stay
Has it been too long since I went away?
Cause I'm trying to find the words but I can barely say"

- I can barely say, The Fray

La voix de Milo semble inquiète. Ai-je parlé trop fort ? Essayait-il de dormir ? Je me sens immédiatement honteuse. Je suis arrivée depuis quelques heures seulement et je l'embête déjà avec mes conversations téléphoniques. J'aurais dû attendre demain pour appeler ma mère.

Le silence persiste et je me sens de plus en plus idiote. Je me lève du lit et m'avance doucement vers la porte, l'estomac noué. J'ouvre et tombe sur ses sourcils froncés. Je lui fais un petit sourire.

— Désolée, je ne voulais pas te déranger. Tout va bien.

Je n'ai jamais su mentir, surtout pas à lui. Il est toujours parvenu à lire en moi comme dans un livre ouvert. Ses prunelles me sondent. Il reste immobile devant ma porte, attendant que je me décide à lui parler. Décidemment, c'est moi qui doit faire tous les premiers pas avec lui.

— C'était ma mère, rien de très grave, ajouté-je, ne souhaitant pas m'éterniser sur la question.

Je n'ai pas envie qu'il sache que j'ai tout laissé tomber pour venir le retrouver. Je ne veux pas lui mettre la pression dès le début avant de savoir s'il peut se repasser quelque chose entre nous.

— Je peux ? me demande-t-il en désignant le lit.

— Bien sûr, tu es chez toi.

Il entre, détachant son regard de moi et va s'asseoir sur la couette froissée. Je le suis et me place à côté de lui, veillant à conserver une certaine distance même si je ne demande qu'à être dans ses bras. Cette proximité me met mal à l'aise, bien que la chaleur qui se dégage de son corps m'attire comme un aimant.

— Je vais être honnête avec toi, Erin... commence-t-il, provoquant une terreur horrible en moi. Je ne m'attendais pas du tout à te voir débarquer.

J'esquisse un petit sourire.

— C'est normal, ça fait tellement de temps...

Il acquiesce et se tourne vers moi.

— Je... Tu n'as pas changé, Erin.

Je retiens un rire. Quel beau menteur ! Cependant, ses prunelles sérieuses me convainquent qu'il est sincère. Toutes mes inquiétudes sur mon apparence vieillie s'envolent alors qu'il approche sa main près de ma joue. Je suis tentée de fermer les yeux, n'attendant que le contact de sa peau contre la mienne, mais je les garde ouverts et déglutis difficilement. Il saisit une mèche de mes cheveux et l'enroule autour d'un doigt. Ce geste si anodin me fait frissonner de la tête aux pieds. Il faisait toujours ça quand on était ensemble.

— Ils sont toujours aussi doux, sourit-il, presque nostalgique.

Mon cœur s'emballe. Mon Dieu, cet homme me fait toujours autant d'effet ! Je baisse les yeux, ne pouvant plus supporter son regard. Il retire sa main à mon plus grand regret et pousse un long soupir.

— Comment as-tu trouvé mon adresse ?

Sa curiosité reprend le dessus sur ce merveilleux moment. Bien sûr, je lui dois des explications.

— J'ai été à ton appartement à Florence, celui que tu m'avais indiqué dans la lettre. Je suis tombée sur Livia, ta cousine, qui m'a donné une adresse.

Il acquiesce avec un petit sourire à l'évocation du membre de sa famille.

— Si je peux me permettre, ce n'était pas du tout la bonne adresse. Elle m'a envoyé devant une sorte d'usine désaffectée... J'ai eu de la chance de tomber sur un vieil homme qui te connaissait.

Ses sourcils se froncent.

— Ce doit être l'usine où je stocke les bouteilles de vin que je produis ici. Ce n'est pas désaffecté, juste... pas très bien entretenu.

Je sens qu'il a honte de m'avouer cela et la gêne m'envahit. Je ne souhaitais pas le mettre mal à l'aise, la situation n'étant déjà pas idéale. Je ne sais pas s'il est seul à s'occuper de tout ce domaine mais cela doit représenter une énorme charge de travail. L'absence de ses parents me revient en tête et je meurs d'envie de lui demander où ils sont, mais je ne pense pas que ce soit le meilleur moment pour cela.

— J'ai compris que tu ne pouvais pas ignorer cette lettre, reprend Milo prudemment. Mais... pourquoi n'as-tu pas repris contact sur les réseaux sociaux ? Tu m'aurais trouvé facilement.

Je déglutis. Aïe. Ma présence ici le dérange vraiment. Je détourne le regard, la conversation commençant à virer au cauchemar. Est-ce qu'il va me dire de rentrer chez moi ? Est-ce que je vais vraiment devoir renoncer à cette romance que je m'imagine depuis quelques jours ? Les larmes m'en montent presque aux yeux et mon cœur s'emballe d'inquiétude.

— Je... Je n'ai pas vraiment réfléchi avant de partir, murmuré-je, tentant de camoufler l'émotion qui me saisit la voix. Mes décisions ont été prises assez rapidement.

Je ne le regarde plus, de peur d'éclater en sanglots devant lui. Cette soirée pourrait-elle être pire ?

Sa main se pose délicatement sur mon avant-bras, nos peaux entrant en contact. Surprise, je me laisse envahir par des milliers de courants électriques prenant leur source dans sa paume chaude. Il tente de me réconforter. Encore une fois, il devine ce qui se passe en moi et je ne peux lui cacher ma déception et ma gêne.

— Tu peux rester autant de temps que tu le souhaites, Erin. Je suis content de t'avoir ici.

J'acquiesce, n'osant toujours pas affronter ses prunelles chocolatées. Il enlève sa main de mon bras et ma peau est soudainement agressée par le froid. Il se lève et se plante devant moi.

— Bonne nuit, Erin.

Je hoche la tête à nouveau, la gorge tellement nouée que plus aucun son ne s'en échappe. Milo sort de la chambre et ferme la porte derrière lui, me laissant à nouveau seule dans la pièce. Je lâche un long soupir et réprime un sanglot. Il a raison. Pourquoi n'ai-je pas fait de recherches avant de débarquer chez lui comme une fleur ? Cela m'aurait peut-être permis de savoir s'il a quelqu'un dans sa vie...

Je saisis mon téléphone. Mieux vaut tard que jamais. J'ouvre l'application Instagram et tape son nom dans la barre de recherche. Le premier Milo Giordano qui s'affiche a pour photo de profil un paysage de vignes. Je me doute que c'est celui que je cherche et tombe sur un profil où il y a très peu de publications. Je scrolle pour voir les plus anciennes et tombe sur un cliché de Milo accompagné d'une femme brune. J'agrandis la photo et laisse mon cœur s'affoler.

La date de la publication indique le 15 mai 2015, il y a donc cinq ans. L'homme que j'y vois est le même que j'ai connu : un regard pétillant, des mèches brunes se battant sur son front et des joues rasées à la perfection. Son sourire m'achève. J'y distingue sa petite canine de travers qui me faisait tant craquer. Dans ses bras, une jeune femme aux cheveux d'une jolie couleur caramel fixe l'objectif. Ses yeux d'un vert saisissant m'hypnotisent. Elle est absolument magnifique. Je détache mes prunelles de leurs sourires accordés et de leur bonheur dégoulinant, et lis la légende : « Insieme per sempre ». Ensemble pour toujours.

Je lâche mon téléphone sur la couette et laisse quelques larmes couler. Mon souffle devient difficile et je pose une main sous mon sein, sentant mon cœur tambouriner contre ma peau. Si j'avais vu ça avant, je ne serais jamais partie. Milo a refait sa vie et cette information était à ma disposition sans que je ne le sache. Mais où est cette femme, maintenant ? Se sont-ils mariés ? Des centaines de questions envahissent mon esprit et je commence à lui en vouloir. Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ? Depuis que je suis arrivée, il a eu de nombreuses occasions de le faire !

Je me passe une main sur le visage, chassant les perles salées qui me chatouillent les joues. Et toi, tu lui as parlé de Ben ? Comment puis-je être énervée alors que j'ai fait pareil ? Je saisis à nouveau mon téléphone, cherche d'autres photos de cette femme mais n'en trouve aucune. Si elle n'avait pas été importante pour lui, il aurait probablement enlevé cette publication. La gorge serrée, je quitte l'application et éteins rageusement mon téléphone. Je le pose sur la table de chevet et m'allonge à nouveau sur le lit, fixant le plafond blanc écarlate.

Bordel, qu'est-ce que je fais ici ? 

___

Hello !

Comme vous pouvez le voir, j'ai rajouté une chanson pour ce chapitre et j'en ai rajouté pour tous les précédents :). J'espère que vous aimerez cette petite ambiance musicale, si non, rien ne vous empêche de lire le chapitre sans ! :)

Alors... je sais que vous êtes avides de moments Erin-Milo et c'est normal haha, donc en voici un et ça devrait aller crescendo ;). Promis, je ne vous mets pas de flashback avant un petit moment ! 

Passez une bonne soirée :)

- Clara