⚾️ Chapitre 27 : Fracture émotionnelle
— Ace ? m'appelle Anissa. Tu vas bien ?
Je me reconnecte à la vraie vie et je suis seul face à Anissa qui tient une valise dans sa main.
— Tu as eu un moment d'égarement, rigole-t-elle.
Personne n'est autour de moi. Lenny et Joshua sont toujours sur le canapé et aucune trace des jumelles. Mon rythme cardiaque, lui, ne redescend pas.
— Tu... tu me disais quoi ?
— Je retourne plus tôt à la Réunion. Mon père a besoin de moi là-bas et tu es bien entouré, tu vas mieux et j'ai été une mauvaise sœur pour toi. J'ai laissé ma jalousie m'emporter et j'ai dit des choses très blessantes que ce soit à Prune ou à toi Ace. Et je m' excuse, je sais que ce n'est pas excusable, mais j'aimerais vraiment qu'un jour tu me pardonnes et qu'on réapprenne à se connaître. Passe chez mon père et moi quand tu veux, Prune est aussi la bienvenue, tu es heureux avec elle alors, elle est des nôtres.
Je suis quelque peu étonné des paroles de ma sœur et je me demande si je ne rêve pas encore une fois.
Mais non, elle est là, un sourire timide sur les lèvres et elle me semble enfin redevenue la Anissa que je connais, la grande sœur dont j'avais le souvenir.
Je ne peux pas dire que je vais oublier ce qu'elle a fait et où ça m'a emmené mais tout le monde a le droit à une deuxième chance. La vie m'en a donné une, un jour je pourrais lui accorder la sienne.
— J'espère qu'un jour on se reverra et que tout se passera mieux qu'à l'heure actuelle.
Elle me sourit et sa main qui tient sa valise se pose sur mon épaule.
Je l'attire alors à moi et la prend dans mes bras.
Elle me serre très fort contre elle et me chuchote à l'oreille :
— Sois un gentleman avec Prune, j'ai été horrible avec elle, mais elle est bien loin de le mériter. Et ne lui brise pas le cœur, je pense qu'elle n'arriverait pas à s'en remettre. Fais-les choses comme un homme, pas comme moi.
— Je te le promets.
Elle récupère sa valise et s'en va en lançant :
— Je suis fière d'avoir un petit-frère comme toi. Je te souhaite tout le bonheur du monde et bien plus encore.
Une larme à l'œil, elle se glisse dans le taxi où l'attendaient son mari et son fils avant de quitter l'allée.
Un chapitre vient de se fermer, espérons que celui qui s'ouvre soit différent.
Les filles descendent les escaliers et se figent à la dernière marche, nous fixant tous les trois alors que nous sommes encore sur le canapé.
Joshua est le premier à se lever, puis c'est mon tour et enfin celui de Lenny.
Cerise sourit à Joshua et je crois que c'est un des sourires les plus sincères que je n'ai jamais vu de ma vie. Ils s'avancent l'un vers l'autre et une fois qu'ils sont face à face, mon meilleur ami lui prend la main et déclare :
— Cerise Ribot, je n'ai jamais vu plus belle femme que vous sur cette terre.
Elle rigole et lui répond :
— Joshua, tu es la personne la plus drôle, sincère et honnête que je n'ai jamais vu. J'avais tellement hâte d'être ici.
Ils se prennent dans les bras l'un de l'autre et Joshua dépose un baiser sur le front de Cerise.
Prune les regarde, les larmes aux yeux et je m'approche d'elle. Elle me sourit avec ce sourire que j'aime tant chez elle et je dépose un léger baiser sur ses lèvres avant qu'elle ne se blottisse dans mes bras.
— Ce n'est pas que je ne vous aime pas les copains, lance Lenny, mais j'ai bien l'impression d'être la cinquième roue du carrosse.
Nous rigolons tous ensemble et nous nous installons dans le salon où les discussions ne cessent de s'enchaîner sur des sujets divers et variés.
Plus tard dans la soirée, Joshua, Cerise et Lenny quittent la maison. Joshua et Cerise s'offrent un petit moment entre eux et Lenny rejoint Paloma pour la soirée.
Mes parents sont au restaurant donc, la maison nous appartient ce soir.
Je monte dans la chambre de Prune et toque légèrement à la porte.
— Oui ?
— Tu as prévu quelque-chose ce soir ? la questionné-je en la regardant se maquiller.
Elle me sourit dans le miroir et je sens que je vais être prise au piège.
— Ce soir, toi et moi dînons avec mes parents dans le centre.
Mon sourire s'estompe.
Je vais officiellement être présenté à ses parents.
Je ne peux pas.
Je ne peux pas faire ça alors que je lui mens.
Ou plutôt que je lui cache des choses.
— Je ne peux pas ce soir, je mens.
Elle me regarde déconfit.
— Tu as prévu autre chose ? Avec qui ? Joshua et Lenny sont avec ma sœur et Paloma.
Elle me regarde droit dans les yeux et je décide de lui mentir encore une fois :
— Je vois d'autres amis du baseball, on va jouer un peu.
— Donc, tu venais me voir pour quoi ? demande-t-elle froidement.
— Pour savoir si tu avais besoin de quelque-chose avant que je parte.
Je m'enfonce dans le mensonge et ses yeux quittent les miens dans le miroir pour retourner à son maquillage.
— Tu m'en veux ?
— Non, j'aurais dû te prévenir avant, tu as une vie en dehors de moi.
Elle sourit légèrement et se lève pour aller vers son dressing où elle y attrape une magnifique robe.
— Tu permets, je dois me changer, mes parents m'attendent.
Je me recule, me tourne et sort de sa chambre pour aller dans la mienne.
Je m'allonge sur le lit et je pense à tout ce que je viens de dire.
Je lui ai menti pour éviter de lui révéler ce que je lui cache.
Je pose mes mains sur ma tête, complètement énervé quand j'entends la porte de sa chambre s'ouvrir puis se fermer.
Elle me file entre les mains. Et moi, comme un abruti, je la laisse partir seule.
Ma raison me crie de la rattraper et mon coeur me prie de rester dans ma chambre avant de la perdre pour de bon.
Comme le dit notre cher Pascal :
Le cœur à ses raisons que la raison ignore.
Je ne sais pas qui a raison ou qui a tort, mais je ne bouge pas jusqu'à ce que je me rende compte que la porte d'entrée vient de claquer.
— Merde, me dis-je en me levant.
Je m'avance vers mon bureau et crie :
— Tu n'es qu'un abruti ! en renversant tout ce qui se trouvait dessus.
J'ouvre la fenêtre de ma chambre et regarde la voiture s'éloigner dans l'allée. Une fois le véhicule hors de ma vue, je descends au rez-de-chaussée et avance dans la cuisine.
Je sors un œuf, du bœuf haché, du pain, de la muscade, du ketchup, du poivre, du persil, de l'oignon et du sel. Mais également, le robot pâtissier de ma mère, un mixeur et un plat assez grand.
Je commence par trier mon persil et l'oignon avant de les mettre dans le robot.
Je coupe des morceaux de pain pendant que l'oignon et le persil se font hacher, puis les ajoute à la mixture déjà présente dans le robot.
J'assaisonne la viande de bœuf avec le sel et le poivre puis y ajoute le ketchup, l'œuf et la muscade.
Une fois que c'est fait, je rajoute le résultat obtenu dans le robot et après quelques secondes d'attente, j'obtiens une sorte de pâte que je viens mettre dans le plat en lui faisant prendre la forme d'une boule. Je mets un torchon propre par-dessus pour éviter aux mouches de se poser dessus et allume le four.
En attendant qu'il soit chaud, j'allume la télévision et choisit une bonne vieille série sur Netflix : Stranger Things, je n'ai pas encore fini la saison une, il serait temps de remédier à ça.
Quelques heures plus tard, une fois mon pain de viande mangé et la saison une de ma série bouclée, la porte d'entrée s'ouvre et Prune apparaît.
Elle me regarde, d'abbord étonnée puis son regard devient noir, une larme apparaît aux coins de ses yeux et elle monte dans sa chambre.
J'éteins la télé et monte à sa suite.
Quand j'arrive sur le palier, sa porte est fermée et je l'entends sangloter :
— Prune, écoute, je...
— Ferme-là Ace, je t'en supplie, je ne pourrais pas écouter un mensonge de plus de ta part.
Je m'assois le long de sa porte et continue de lui parler.
— Tu es une fille complexe, lâche-je.
— Pas plus qu'une autre, une fois que tu me connais. Par contre, j'ai l'impression qu'il y a des choses sur toi qui m'échappent. Est-ce que je me trompe ?
J'appuie ma tête contre sa porte et murmure :
— Ce n'est pas ce que tu crois Prune.
— Alors, quel est le problème Ace ? Je ne suis pas assez bien ? Trop française ? Pas assez grande ? Trop grosse ? Trop vulgaire ? Pas assez téméraire ? Dis-moi quel est le problème avec moi.
Une larme roule sur ma joue quand je déclare :
— Tu es parfaite Prune, tu es une fille remarquable, douée en mathématiques, toujours prête à rendre service.
Je sors du bâtiment, Prune à ma gauche, mon bras passé autour de ses épaules quand des filles de 8th ou 9th grade s'approchent de nous, de moi plus précisément.
— Ace, excuse-nous, on pourrait avoir une photo avec toi ?
J'allais décliner quand Prune, tout sourire, prend le téléphone de la fille et dit :
— Vas-y Ace, je prends la photo.
Les filles jubilent et je souris. Ça se voit qu'elle cherche à les rendre heureuses alors que j'allais décliner par manque de temps. Elle sait ce que ces filles pensent et à sa manière d'agir, elle sait aussi ce qu'elle fait.
— Même si parfois tu t'y prends mal... tu as envie que les gens aillent bien autour de toi, tu protèges tes proches, tu as des rêves si noble et basique.
— Et toi Prune, c'est quoi ton ou tes rêves les plus fous ?
— J'aimerais retrouver à cent pourcent la joie de vivre que j'avais avant. Celle qui faisait que je me levais de bonne humeur et avec entrain pour aller en cours, que je faisais du sport et de la musique. J'aimerais aussi trouver la voie qui me correspond que ça soit professionnellement parlant ou même dans ma vie privée, mieux réussir à me comprendre, moi et mes aspirations, trouver la ligne directrice de ma vie. Devenir maîtresse de mon jeu.
— Crois-moi Prune, tu es la personne dont je rêve.
— Alors pourquoi est-ce que tu me mens ? questionne-t-elle.
— Parce que contrairement à toi, j'ai fait des erreurs qui me rongent la vie et dont je ne veux plus entendre parler.
La porte s'ouvre alors dans mon dos et je me retrouve allonger sur le dos et Prune est debout au dessus de moi, me fixant dans le blanc des yeux.
— C'était quoi ces erreurs ?
— Je ne veux plus en parler.
— Et tu comptes avancer comment avec moi ? Ce truc te brise la vie et tu veux qu'on avance ensemble main dans la main ? Tu te rends bien compte que ça va bloquer à un moment Ace.
Je la regarde et me relève en disant la chose que je vais certainement le plus regretter :
— Alors, peut-être que le mieux c'est qu'il n'y ait plus de "nous". Je ne veux pas te voir souffrir pour ça et tu pars dans moins d'un mois, c'est sûrement la meilleure décision.
Elle ne cesse de me fixer dans les yeux, même s'ils sont remplis de larmes comme les miens et elle reprend la parole :
— Tu veux dire qu'après tous les efforts, tous les obstacles, tu abandonnes ? Si rapidement, si facilement ?
Là ce n'est plus moi qui parle, c'est l'autre Ace, Ice, le froid, celui qui ne ressens plus rien.
— Comment est-ce qu'on aurait fait avec toi en France et moi ici ? C'était impossible Prune, complètement utopique.
Je me déteste.
Et dans ses yeux, ça se voit, elle me déteste également.
Elle claque la porte à mon nez et j'entre dans ma chambre en claquant aussi ma porte.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top