🌺 Chapitre 19 : Discussion sentimentale

Une semaine.

Deux semaines que j'habite chez Dennis et Paloma.

Trois appels manqués de Ace en une semaine.

Et je squatte toujours ce canapé.

Mais ce soir, c'est une soirée un peu spéciale qui m'attend avec Dennis et Paloma. Ça fait un petit moment qu'on se connaît désormais et on a décidé de faire un point sur nos vies sentimentales et la soirée promet d'être sympathique, parce que je ne sais pas ce qu'il se passe entre Paloma et Lenny et je ne connais à peu près rien de la vie sentimentale de Dennis.

D'ailleurs avec Dennis, on a beau s'entendre super bien, il ne s'étale pas vraiment sur sa vie, il est encore plus pudique que moi sur beaucoup de choses.

La porte du salon s'ouvre et Paloma débarque en pyjama avec la bouffe tandis que Dennis la suit avec les boissons et que je m'occupe de finir de ranger le salon.

On se pose ensuite et c'est la petite Paloma qui commence :

— Bienvenue à cette soirée que j'attends depuis le début de notre colocation. Parce qu'on vit sous le même toit et je ne sais rien de ta vie amoureuse petite Prune et toi Dennis, tu ne me dis plus rien. Alors je commence par ouvrir le bal, Dennis, mon cher meilleur ami que j'aime de tout mon coeur, un petit crush en ce moment ?

Je rigole comme lui par rapport à la tournure de la question puis il répond :

— Il est fort probable que oui, mais ça risque d'être un peu compliqué.

— Pourquoi ? demandé-je.

Ils se regardent avec Paloma et elle semble lui faire comprendre quelque-chose puis qu'il reprend :

— Parce que j'aime les garçons Prune et que c'est un peu compliqué d'avoir un crush sur une personne qui n'est pas hétéro puisque quatre-vingt-dix pourcents des sportifs, qui sont mes crushs ultimes sont hétéro.

Il semble attendre une réaction de ma part, mais il n'y en a pas alors, je me justifie :

— Si tu attendais une réaction de ma part, je n'ai rien à dire, c'est ta vie, pas la mienne et tant que tu es heureux, tout me va.

Il me sourit et déclare :

— Je crois que sur toutes les personnes qui le savent, seules trois d'entre elles ont bien réagi : Paloma, Ace et toi.

Ace ? Je croyais qu'Ace ne le connaissait pas avant cette année ?

— Ace est au courant ? Mais, vous vous connaissez d'avant ?

Ils se regardent encore une fois avec Paloma et je sens qu'il y a beaucoup de choses que j'ignore encore.

— Oui, je connais Ace depuis la fin de la high school, on est pas de très grand amis, mais on s'est très bien entendu à un moment.

— Tu es sorti avec Ace ? lâché-je un peu surprise.

Il éclate de rire tout comme Paloma alors que je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe.

— Absolument pas ! rigole Paloma. Ace est cent pourcent hétérosexuel, il n'y a aucun doute et ce n'est un secret pour absolument personne.

— Alors, vous étiez amis ?

— Tu es une personne curieuse Prune, c'est une qualité indéniable que je partage avec toi, déclare Dennis. Ace et moi avons été "amis" si l'on peut dire, on s'aimait bien, mais on traînait pas ensemble tout le temps, disons simplement que je sortais avec son meilleur ami en cachette, parce que personne ne savait qu'il était homosexuel et que dans le sport, ça aurait pu lui poser de très gros problèmes.

Le meilleur ami de Ace... c'est James....

— Tu... Tu as perdu ton petit-ami ? questionné-je en essayant de ne pas faire de vagues.

— Nous n'étions plus ensemble quand il a eu son accident. On s'est séparés à la fin de la première année universitaire. Il n'avait plus de temps pour nous, il voulait se consacrer à fond dans son sport et j'ai totalement accepté son choix. On couchait ensemble de temps à autre et évidemment, on s'aimait encore, mais on ne pouvait pas être ensemble. Ça a été difficile a accepté au début et puis c'est devenu une routine jusqu'à son accident. Dès que j'ai eu vent de son état, je savais que c'était fini, j'ai perdu espoir immédiatement et j'ai commencé mon deuil, je me suis préparé au pire au moins, si jamais je me trompais, je n'aurais pas pu être plus heureux.

Ses aveux me brise le cœur. Je ne dis rien et le laisse poursuivre son récit :

— Alors oui, quand j'ai appris sa mort, j'étais prêt, mais ça n'a pas enlevé la peine immense que je ressentais. Le fait que ça soit acté m'a désorienté et je me suis jeté dans les bras du premier venu la première nuit après une soirée bien arrosé puis, d'un nouveau la deuxième nuit dans le même type de soirée et j'ai changé de personne tout les soirs la semaine qui a suivi avant de me rendre compte que je faisais absolument n'importe quoi et qu'il ne voudrait pas que je me saccage de cette manière. Et depuis, rien, je regarde, j'observe, je discute, mais je ne vais pas plus loin et je n'en ai pas l'envie. Je veux guérir avant d'aimer.

Paloma se jette dans ses bras et je fais de même. Nous sommes en manque de mot pour lui montrer notre soutien et notre affection alors parfois, la gestuelle est bien plus simple pour exprimer ce que l'on ressent et je me dit qu'ils n'ont pas tort parce qu'à cet instant précis. Paloma, Dennis et moi ne formons plus qu'un, un groupe soudé qui se comprend et qui se soutient.


Après une légère pause, c'est à Dennis de poser une question, son regard se pose sur moi et je sais que je vais être la prochaine à être cuisiné et ça me fait un peu peur parce que je ne sais pas ce qu'il peut me demander.

— Alors Prune, il s'est passé quoi avec Lenny ?

Je rigole avant de lui répondre :

— Absolument rien, un baiser échangé pendant une soirée et ça s'est bien vite arrêté, je le considère comme mon meilleur ami et la même chose de son côté, c'est purement platonique et je préfère.

La réponse semble lui convenir, mais il continue :

— Et avec Ace ? Ne nous dit pas qu'il n'y a rien parce que, figure toi que nous ne sommes pas aveugle.

— Il y a eu, on est resté ensemble quelque temps avant que sa sœur arrive. Puis, elle a tout foutu en l'air en me rappelant des choses atroces qu'elle a trouvé je ne sais pas comment sur moi et je suis arrivée chez vous.

— Tu penses que tu pourrais être à nouveau avec lui ? questionne Paloma restée silencieuse jusqu'à maintenant.

— Je te donnerais une réponse, je te mentirais. La vérité c'est que ce dont m'a parlé Anissa est une partie de moi, quelque-chose que je n'ai pas oublié et qui me posait déjà des problèmes dans mes relations avec Ace. Maintenant qu'elle l'a remis sur le devant de la scène, je suis encore plus perdue et je ne peux pas me permettre de le faire subir à Ace alors que ça s'est passé il y a bien longtemps et que je ne suis pas capable d'avancer.

Ils me regardent tous les deux et c'est Denis qui pose la fameuse question :

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Tu as le droit de ne pas le dire si tu ne le sens pas, renchérit Paloma.

Je respire un bon coup et lâche simplement :

— Il y a quatre ans, j'ai eu un accident de bus en rentrant du bac de français et j'ai perdu ma meilleure amie et mon petit-ami que j'aimais l'un comme l'autre plus que tout.

Ils ne disent rien, me regardent et je décide de continuer, pour la première fois, j'ai envie de le raconter, tout, absolument tout.

— Le 26 Juin 2019, nous sortions de l'oral de bac de français, c'est une épreuve que l'on passe en première, en 11th grade pour vous qui compte pour notre diplôme de fin de lycée, high school pour vous. J'étais heureuse parce que j'étais avec les personnes qui comptaient le plus pour moi et on venait de réussir notre épreuve orale alors que, disons-le nous étions nul en français, toutes nos capacités ont été mises pour les sciences le reste, c'était complètement dérisoire.

On rigole tous ensemble et je continue un peu plus calmement :

— Nous sommes montés dans le bus comme d'habitude pour rentrer dans notre petit village à la sortie de la ville. On s'est assis au fond et Émilie a lancé un sujet de conversation sur mon petit-ami que je ne voulais présenter à personne parce qu'elle ignorait que c'était Mathéo. Tous les trois on se connaissait depuis cinq ans, on a vécu notre collège ou middle school ensemble et je suis tombée amoureuse de Mathéo, c'était réciproque, beau et sain, c'était parfait et on l'a gardé secret pour préserver notre trio amical. Bref, on a continué à parler de tout et de rien dans la bonne humeur, accompagnée de la chaleur de l'été. Et puis d'un seul coup, un choc violent nous a tous projetés de part et d'autre du bus.

Ma main tremble et Paloma l'attrappe alors que je ne cesse d'expliquer l'expérience la plus traumatisante de ma vie.

— Tout s'est passé beaucoup trop vite, la panique et la montée d'adrénaline due au choc et à la peur se sont emparés de moi, je ne cessais de crier leurs prénoms et je n'entendais que des cris affolés, des pleurs de gens blessés. Je n'avais pas de nouvelles d'eux, je ne pensais plus par moi-même. Les vitres se brisaient, les gens à l'extérieur hurlaient d'appeler les pompiers, la police, les secours et je ne sais quoi d'autres, certains essayaient de regarder à l'intérieur, d'ouvrir les fenêtres du bus qui était couché sur la route. Des personnes étaient en sang de part et d'autres du bus, au-dessus de moi pour celle pour qui la ceinture ne s'est pas cassée, j'avais même une personne sur moi, blessée et qui ne cessait de pleurer alors que je me retenais pour garder un peu d'espoir.

Dennis se rapproche un peu de moi comme Paloma et ils me soutiennent, je le sens.

— Je cherchais partout les regards d'Émilie et Mathéo, je pleure, je ne me retiens pas, je n'en peux plus, je suis à bout, je perds espoir à chaque minute, chaque secondes qui passent. Je vois enfin le visage d'Émilie, sa tête est en sang et ses yeux peinent à rester ouvert, j'ai compris que j'étais en train de la perdre et je ne savais pas quoi faire, je me sentais inutile, nulle de ne pas pouvoir faire quelque-chose pour la sauver. J'entends alors les sirènes, les pompiers nous sortent un par un en nous posant des questions, je réponds plus par automatismes qu'autre chose, parce que dans ma tête, je ne peux m'enlever le visage d'Émilie et je ne sais toujours pas ce qu'il en est de Mathéo. Puis, alors que je suis posée sur le côté en attendant de voir mes amis, sur leur deux jambes venir vers moi, je vois les deux derniers pompiers sortir du bus avec deux bâches blanches : Mathéo et Émilie.

Une larme roule solitairement et je termine mon récit :

— Il y a eu énormément de blessés, mentalement ou physiquement d'ailleurs et heureusement et malheureusement, que deux morts, c'est deux de trop, mais ça aurait pu être pire.

Ils ne disent rien et me prennent dans leurs bras.

Quelques temps plus tard, Paloma me demande :

— Je comprends totalement pourquoi tu hésites pour Ace, c'est largement compréhensible après tout ce que tu viens de nous raconter, si tu as besoin de parler, n'hésite pas à le faire avec Dennis et moi, nous sommes là pour ça.

J'affiche un léger sourire et change le thème de la discussion pour entamer le cas de Paloma :

— Et toi, les amours qu'est-ce que ça nous donne ?

— Il est probable que je parle à quelqu'un... commence-t-elle.

— À qui ? enchaîne Dennis en me regardant.

On se doute tout les deux que la personne à qui elle parle n'est autre que Lenny, ils ont beau essayer de le cacher, elle est folle de lui et il est fou d'elle, ça fonctionne dans les deux sens.

— Lenny... si vous saviez à quel point il est incroyable, il est drôle, il est gentil, il est canon et surtout il joue incroyablement bien au baseball. Je n'aimais pas ce sport, mais maintenant, je suis complètement fan. Vous devriez le voir...

Elle continue de nous raconter à quel point il est mignon quand je décide de poser la question qui me brûle les lèvres depuis le début de son récit :

— Ça s'est fait comment ?

— Tu t'es assise avec nous et il était avec toi la première fois que l'on s'est parlé.

Ah oui, je m'en souviens très bien.


On s'assoit au fond avec Lenny, parce que monsieur n'aime pas le premier rang tandis que Ace et Joshua rejoigne d'autre amis à eux plusieurs rang devant... et deux personnes s'assoient à ma gauche, un garçon et une fille qui semble s'engueuler en...espagnol ?

— ¡Vete a la mierda Denis! Todos los años es lo mismo, nos sentamos atrás, no escucho nada, gimes porque yo gimo y nos gritamos !

Ah oui donc clairement ces deux-là se connaissent depuis un moment déjà...

J'ai la chance de plutôt bien comprendre l'espagnol, moins que l'anglais, mais j'arrive à saisir.

— ¿Sabes qué, Paloma? Busque en otro lado si estoy allí. Estás empezando las festividades muy temprano este año y está empezando a ponerme seriamente nervioso.

Je manque de rigoler quand elle rétorque encore et encore, mais je me retiens lorsqu'elle se déplace d'un siège vers la gauche pour s'installer à côté de moi, laissant un fauteuil de libre entre les deux.

Lenny ne la lâche pas du regard depuis qu'elle est entrée dans la salle et j'ai bien vu qu'il ne comprenait rien à l'espagnol le pauvre.


J'avais directement compris qu'il était accro à elle, ça se lisait dans son regard et dans les messages que l'on s'était échangés par la suite.

Mais je ne dis rien et écoute la suite de l'histoire.

— Eh bien, je connaissais déjà Lenny, depuis l'entrée à l'université, nous sommes dans la même filière. Il m'a tapé dans l'œil dès le premier jour, mais j'avoue qu'avec la réputation de queutard qu'il s'est fait, je suis vite redescendue de mon petit nuage. Jusqu'à la rentrée, on ne s'est pas parlé dans ce cours là, mais dans l'après-midi, il m'a ajouté sur Instagram et il m'a envoyé un message pour je ne sais plus trop quelle raison et on ne cesse de se parler, de temps en temps, on se voit pour aller boire un verre ou juste il me raccompagne jusqu'à la maison et je vais voir les matchs de baseball. Enfin bref, je pense qu'on franchira bientôt un cap.

On sourit tous et on continue tranquillement notre petite soirée en changeant de sujet, en se racontant les derniers ragots de l'université et j'en passe.


Vers vingt-trois heures quinze, sachant que notre soirée a commencé à dix-neuf heures, on décide de vaquer à nos différentes occupations : Dennis va regarder une série dans sa chambre et Paloma sort voir Lenny tandis que je m'allonge sur le canapé et traîne sur les réseaux sociaux.


Il est bientôt une heure du matin quand je reçois un message :

Joshua : Prune !

Joshua : Prune !

Joshua : Il faut que tu viennes immédiatement, on a un problème avec Ace !

Joshua : Il est à l'hôpital !

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