Deux jours depuis le repas.

Deux jours pendant lesquels nous n'avons pas vu Prune.

Mais pour le comprendre, il faut retourner au soir après le repas avec ma soeur.

Je monte dans ma chambre après avoir saluer Anissa, Tom et Kayden qui viennent de partir. Je me rends compte que sa porte de chambre est entrouverte alors je décide de l'ouvrir et elle n'est pas là. Je me dis qu'elle est sûrement dans sa salle de bain, mais la porte est ouverte sans personne à l'intérieur de la pièce. Sa fenêtre de chambre est également ouverte et des traces sur le rebord de celle-ci indiquent qu'elle a bien quitté la maison. Je regarde dans sa chambre, tout est rangé et des vêtements ont disparu de ses placards. Je tourne en rond ne sachant pas quoi dire à ses parents puis trouvent deux lettres sur son bureau. Sur l'une est écrit :

Margaret et Claude

Et sur la deuxième :

Ace Calden

Je prends la lettre qui m'est destinée entre les mains. J'ai peur, très peur de ce qui peut se trouver à l'intérieur, des mots qu'elle utilise pour me parler.

Cher Ace Calden,

Tout ça me semble étrangement conventionnel alors que ce que je vais te dire est bien loin de l'être.

Je sais que je ne suis pas parfaite, loin de là, jamais de ma vie je ne pourrais avoir la prétention de le prétendre.

Mais j'ai généralement de bonnes intuitions en ce qui concerne les personnes que je peux fréquenter dans ma vie. Et je sais également que tu ne veux pas me croire quand je te dis que ta sœur est loin d'être la personne parfaite qu'elle prétend être à tes yeux. Je ne peux pas te faire changer d'avis dessus, je connais très bien les liens qui vous unissent et à quel point ils sont forts.

Alors, je pars. Je préfère arrêter d'être ici, de te compliquer la vie alors que tu devrais profiter de ce que la vie t'offre à nouveau.

Je vais habiter chez Paloma et Dennis en attendant que tout se tasse et que j'arrive aussi à me remettre de certaines choses.

Prends soin de toi Ace et tiens toi loin de moi.

Prune Ribot.

Ps : Ne me parles plus, je reviendrais, si vous voulez encore de moi, quand je serais prête, j'ai des choses à affronter seule.

Une larme solitaire roule le long de ma joue alors que mes parents entrent dans la chambre de Prune.

— Ace, qu'est-ce qu'il se passe ? demande mon père.

Je leur tends la lettre qui leur ai destiné en disant :

— J'ai tout foutu en l'air.

Je quitte sa chambre et m'enferme dans la mienne avant d'appeler Lenny et Joshua. Lenny est le premier à rejoindre l'appel :

— T'es au courant de ce qu'il se passe ? je le questionne.

— Oui, elle m'a appelé et je suis venu la chercher, dit-il comme si c'était tout à fait normal.

On entend une notification signifiant que Joshua est également là.

— Salut les copains ! Soirée ?

— Prune est partie de chez moi avec l'aide de notre meilleur ami, lancé-je glacial.

— Ah... ça, commence-t-il. Je le savais. En même temps tu as été un vrai connard alors qu'elle essayait simplement de te protéger.

— Les pincettes Josh' ! s'exclame Lenny.

— J'en ai marre de fermer ma gueule pour ne pas froisser monsieur. Tu avais une perle avec toi, la prunelle de tes yeux, ça se voit depuis le début. Et là que ta sœur revient comme une fleur après neuf ans d'absence alors qu'elle n'a eu aucune peine à partir quand tu avais besoin d'elle et tu préfères la croire elle plutôt que la fille qui a toujours été là pour toi. Tu es un connard doublé d'un abruti fini.

J'encaisse ses mots et décide de le piquer à mon tour :

— Et toi, tu lui as dit à ta best friend que tu voulais te taper sa sœur avec qui tu parles depuis un moment alors qu'elle a un copain ?

— Tu ne sais rien de ma relation avec Cerise.

— Tu sors avec la sœur jumelle de Prune ? questionne Lenny.

— Pas vraiment, répond Joshua. Je l'aime bien, mais elle est loin et tout n'est pas facile chez elle, donc on verra où ça nous mène. Mais Ace semble si bien connaître ma vie, il aurait pu te dire tout ça !

Je l'ai énervé et je m'en fous, c'est lui qui a commencé. Oui, c'est un jeu de gamin, mais je déteste quand il ouvre sa gueule de cette manière ça a le don de m'exaspérer.

Suite à sa déclaration, Joshua quitte l'appel et Lenny m'offre un magnifique sermon :

— Arrête d'être comme ça avec lui Ace. Il est souvent le pote qui fait rire, qui joue au débile mais tu sais autant que moi qu'il ne l'est pas, il est souvent plus intelligent que nous deux réunis. Il n'ose généralement pas dire les choses pour ne pas froisser les gens comme il l'a dit, mais il avait besoin de te le dire parce qu'il tient à toi et à elle.

— Il a été désagréable.

— Et tu as été pareil, vous avez été désagréable l'un comme l'autre alors que vous êtes censé vous soutenir, pas vous entretuer.

Il raccroche à son tour et je me retrouve seul dans ma chambre, sans savoir quoi faire et comment me rattraper auprès de Joshua et de Prune.

Et voilà, depuis deux jours, je n'ai aucune nouvelle d'elle. Elle est avec Joshua au fond de la salle en cours commun alors que Lenny a récupéré sa place à côté de moi. Et dans notre option, elle m'ignore royalement en se mettant à côté de gens dont elle ignore l'identité tout comme moi.

Ça devient également compliqué le midi. Elle ne mange plus vraiment avec nous. D'après Paloma, elle est à la bibliothèque, je pense juste qu'elle fuit ma présence, encore.

Et ce midi ne fait pas exception. Je suis à table à côté de Lenny en face de Paloma qui est elle-même entre Joshua et Dennis. Elle parle avec Lenny et Dennis alors que Joshua joue au muet et Prune au fantôme.

Alors, j'essaie d'engager une petite discussion avec mon meilleur ami.

— Alors, comment va Cerise ?

— Elle va bien et toi, comment va Prune ? Ah ben non, j'avais oublié, tu n'en sais foutrement rien.

D'accord, la pilule n'est apparemment pas encore passée pour lui.

— Je suis désolé, dis-je à son intention. Je n'ai pas été sympa du tout avec toi, j'ai manqué de tact et de jugement, je ne pensais pas que ça te blesserais autant, le but était seulement de te piquer comme tu l'avais fait.

Un maigre sourire se dessine sur son visage et il rétorque :

— Je pensais que tu ne me présenterais jamais tes excuses. Mais là n'est pas le sujet, tu vas faire comment avec Prune ?

À peine sa phrase prononcée que toute notre table écoute et que je réponds timidement :

— Je ne sais pas du tout, à vrai dire, je suis perdue. Et je pense qu'il me faudra plus que que Google Maps ou Waze pour retrouver le chemin.

Paloma et Dennis rigolent par rapport à ma comparaison tandis que Lenny et Joshua me regardent perplexe. Je sens que la route va être très longue pour retrouver ma Prune.

— Si tu commençais par lui laisser l'air qu'elle te demande, ça pourrait être un début, lance Paloma.

— C'est ce qu'il fait, répond Lenny à ma place.

— Si lui envoyer douze messages par jour, que je prend le temps d'effacer pour ne pas qu'elle les voient, alors qu'elle t'a demandé du temps, c'est lui laisser de l'air. Alors oui, il lui laisse de l'air.

Lenny et Joshua me fusillent du regard alors que j'essaie de me défendre :

— Je m'inquiète, je voulais m'assurer qu'elle allait bien.

— Laisse-lui du temps, continue Paloma. Elle a été blessée profondément par ce qu'a dit ta sœur, tu peux le comprendre non ?

Ma soeur ?

Qu'est-ce qu'elle a bien pu lui dire qui l'a blessée de cette manière ?

Au vu de ma tête, Paloma comprend que j'ignore totalement ce que ma sœur a pu lui dire et elle reprend plus calmement.

— Tu n'es au courant de rien ?

Je fais non de la tête et je me concentre sur ce qu'elle va dire comme les autres personnes autour de la table sauf Dennis qui doit déjà le savoir.

— Ta... ta sœur, commence-t-elle mal à l'aise, ta sœur a fait des recherches sur Prune et c'est des choses qu'elle essaie de surmonter depuis quelque temps et c'est compliquée pour elle, mais Anissa s'en est servie pour la mettre mal d'où le fait qu'elle soit partie. Tu devais te douter qu'il y avait quelque-chose, comme on dit en français : il n'y a pas de fumée sans feu.

On la regarde lui faisant comprendre qu'on ignore ce qu'elle a pu dire et elle nous traduit l'expression :

— There is no smoke without fire.

Effectivement, j'aurais dû m'en douter après la réaction qu'elle a eu juste après que ma sœur lui ai dit quelque-chose, mais j'étais tellement concentré sur mon nombril, sur ma vie, que je n'ai rien vu.

Je suis un abruti de première classe.