🌺 Chapitre 14 : Qui es-tu ?

Une petite semaine vient de s'écouler depuis que nous nous sommes embrassés avec Ace.

Notre quotidien a un petit peu changé avec tout ça. On se cache de ses parents qui ne sont pas au courant pour le moment contrairement à Lenny, Joshua, Paloma et Dennis qui sont tout le temps avec nous et qui sont aussi nos meilleures excuses quand la situation peut sembler louche.

Désormais, on échange des baisers furtifs entre nous cours, on mange à côté le midi, sa main sur ma cuisse. Le soir, il vient voir un film avec moi alors que ses parents sont en bas et il m'abandonne quand ils vont se coucher en me volant encore un baiser avant de retourner dans sa chambre.

Alors aujourd'hui, on profite du week-end "quartier libre" que nous laissent Margaret et Claude, sans le savoir, en partant quelques jours à New-York pour une conférence de l'auteur préféré de Margaret.

Pour bien commencer la journée, la porte de ma chambre s'ouvre et Ace se glisse dans mes draps en m'enlaçant avant de déposer un baiser sur ma tempe, ma joue, puis la commissure de mes lèvres sans oublier de m'embrasser tendrement en me faisant rouler sur le dos et se mettant au-dessus de moi.

— Alors mademoiselle Ribot, on ne se réveille pas ? questionne-t-il.

— Excusez-moi, mais un énergumène se prénommant Ace Calden m'a attaqué et bloqué dans ma zone de sommeil donc difficile de se réveiller.

Il me sourit et glisse sa main le long de mon corps, je me fige avant de le repousser calmement alors que les souvenirs me reviennent.

— Je... je ne suis pas encore prête à ça.

— Aucun souci, je comprends parfaitement.

Il m'embrasse la joue et je me couche contre lui dans ses bras.

— Tu es une personne magnifique, Prune Ribot.

— Tu es un garçon remarquable, Ace Calden.


Je me tire du lit, il est presque onze heures, Ace n'est plus avec moi depuis un moment, il avait entraînement de baseball et je me suis rendormi comme une personne en manque de sommeil.

Je me douche, m'habille dans ma tenue de week-end : un short et un débardeur avec mes cheveux relevés en chignon pour éviter d'avoir trop chaud.

Et une fois prête, je descends dans la cuisine pour trouver de quoi manger. J'ouvre les volets qui étaient jusqu'à présent fermés et lorsque je me retourne, une assiette enveloppée de papier aluminium est posée sur l'îlot central et qu'il y a un papier dessus.


"Coucou la marmotte, je me doute que tu vas te rendormir et comme je ne rentre pas avant 14h et que j'avais préparé à manger en plus ce matin, voici une petite assiette pour toi. Passe une bonne matinée et à tout à l'heure ! ;)"


Je souris et soulève le papier. Et un festin se dresse sous mes yeux : des oeufs brouillés, du bacon, des tranches de pain tartinées de Nutella et des framboises comme je les aimes alors que ce n'est absolument pas la saison, elles doivent être surgelés, je ne vois que ça comme explication, mais c'est quand même la meilleure chose que j'ai pu voir aujourd'hui.

Je récupère donc mon téléphone et lui envoie un message :


Prune : Merci pour le petit-déjeuner/déjeuner, tu me sauves la vie, tu ne peux pas savoir.


Je repose mon téléphone, fait un peu réchauffer les oeufs et le bacon et m'installe à table, mon ordinateur en face de moi pour regarder un one man show français que j'adore et qui me fait rire à chaque fois.


Je rigole toute seule quand la porte de la maison s'ouvre, il n'est pas quatorze heures, ça ne peut pas être Ace. Je coupe le spectacle et observe la porte d'entrée avant d'entendre une voix de femme que je ne connais pas.

— Presque dix ans que je ne suis pas venue ici et je vois que la serrure n'a toujours pas été changée. S'ils se font cambrioler, qu'ils ne s'étonnent pas.

Je recule un peu dans la cuisine et m'approche du tiroir à couverts avant de l'ouvrir doucement et de récupérer un couteau.

Putain, mais rien a changé, j'ai l'impression d'avoir à nouveau vingt ans...

Elle parle français et elle connaît cette maison, qui est cette femme qui doit avoir presque trente ans si j'écoute bien ce qu'elle dit depuis tout à l'heure.

Elle referme la porte et s'approche de la cuisine. Je resserre ma prise sur le couteau et quand elle entre dans la pièce, elle crit en français :

— Putain ! Mais tu es qui ? Sors d'ici !

— Toi t'es qui ? demandé-je sans lâcher le couteau et sans éloigner mon regard d'elle.

Elle lève les mains en l'air et réponds :

— Je m'appelle Anissa, je suis la grande sœur de Ace qui vit dans cette maison, et toi, tu es qui ?

Ace a une grande soeur ? Pourquoi est-ce qu'il ne m'en a pas parlé ?

— Prune Ribot, l'élève d'échange semestriel qu'accueillent vos parents apparemment.

— Ma mère seulement, Claude n'est que mon beau-père. Alors, tu poses ton couteau ?

Je le pose et elle m'observe tout le long de ma manœuvre.

— Alors comme ça ils accueillent des élèves d'autres pays ?

— Certainement et je ne serais pas la première de ce que j'ai compris. Tu vis en France ?

— Non, enfin si, mais pas en métropole, j'ai rejoint mon père à la Réunion. Apparemment ma mère a toujours aimé les francophones.

Elle me regarde et s'assoit en face de mon ordinateur.

— Baptiste Lecaplain. Très bon goût, ce spectacle est vraiment bien.

Je n'ose rien dire, je ne connais pas cette personne et elle me semble si mystérieuse.

— Tu viens de métropole toi, ça se voit, dit-elle.

— Oui, je viens d'Albi, pourquoi est-ce que ça se voit ?

— Je ne sais pas, les manières, l'accent français bien français de Paris.

— Je viens d'Albi, rétorqué-je.

Je déteste que l'on me traite de parisienne. Je suis tout sauf ça, je souris dans la rue, je dis merci quand on me laisse passer et plein d'autres choses. Désolé pour les clichés.

— Alors ça, je m'en fiche complètement. Tu sais où est mon frère ?

Je n'apprécie pas vraiment sa manière de parler, mais je ne dis rien.

— Ta mère et lui savent que tu es ici ?

— Non, je sais que ma mère est à New-York avec mon beau-père donc j'en profite pour venir le voir, ça fait neuf ans que je les ai quittés.

— Vous ne vous êtes pas vu pendant neuf ans ?

— Bravo, tu écoutes ce que je te dis.

Je remballe mes affaires et commence à monter dans ma chambre, un poil sur les nerfs, quand elle me lance :

— Mon frère n'est pas fait pour toi, la française, alors, laisse tomber l'affaire.

Je pose mes affaires et redescends me planter devant elle et lui dire droit dans les yeux :

— Écoute-moi bien, on ne se connaît pas toi et moi et il me semble que je ne te juge pas comme tu le fais. Alors je fais ce que je veux de ma vie et tu me laisses tranquille.

Je vais au niveau des escaliers, récupère mes affaires et monte dans ma chambre en m'y enfermant. Et décide de faire des recherches sur elle bien que je n'ai que son prénom et là où elle a habité pendant neuf ans.

Je ne trouve pas grand-chose à part un compte Instagram avec des photos d'elle à la plage, avec des amis, un homme qui doit être son copain et un enfant, un enfant d'environ trois ans à en croire le visage jeune, mais l'air déjà grand.


Ça fait peut-être une quinzaine de minutes que je fouille les réseaux et les articles sur elle quand j'entends du bruit en bas et déverrouille la porte pour mieux entendre.

— Prune ! Je suis rentré ! s'exclame Ace.

Je ne réponds pas et entends les talons d'Anissa taper sur le parquet alors qu'Ace semble fermer la porte. J'ouvre un peu plus ma porte et m'y glisse pour me percher en haut des escaliers sans que l'on me voit.

— Ace.

Un sac de sport tombe par terre et une voix grave retentit.

— Je peux savoir ce que tu fais ici ?

— Je suis venue voir mon petit-frère préféré, quelle question ?

— Et il t'a fallu neuf ans pour prendre un avion en sens inverse ? demande-t-il assez agressivement.

Elle ne répond rien et il continu :

— Où est ton mari ? Et ton fils ? Ils savent que tu es ici ?

— Ils n'ont rien à voir avec mon absence, laisse-les en dehors de ça !

— Alors laisse-moi en dehors de ta vie comme tu le fais si bien depuis que tu es partie !

— Laisse-moi me rattraper s'il te plaît. J'ai eu des complications qui m'ont forcé à partir et tu le sais, je n'ai jamais voulu t'abandonner.

Je le vois à présent et me recule légèrement en me laissant un champ de vision libre. Il se tire sur les cheveux et il répond à sa soeur :

— Tu n'étais pas là quand mon père a été malade parce que tu n'as jamais pu l'aimer, tu n'étais pas là quand maman a perdue un enfant avant qu'il ne puisse voir le jour, pas là quand je suis entré dans une équipe de baseball avec James et tu n'étais pas là quand il est mort.

Le silence s'abat sur la pièce et j'entends un sanglot de la part d'Anissa.

— Il... il est...

— Oui, il est mort début Septembre. Alors maintenant, pars d'ici.

— J'ai trouvé un contrat sur Los Angeles, je suis là jusqu'à Noël et Tom, mon mari ainsi que Kaiden, mon fils, ton neveu me rejoignent d'ici deux semaines. J'espérais que l'on puisse reformer une famille soudée.

Il se dirige vers la porte d'entrée et l'ouvre.

— Pour le moment, rentre chez toi, c'est mieux pour tout le monde.

Elle regarde dans les escaliers, son regard croise le mien et elle dit seulement à Ace en sortant de la maison :

— Quant à la française Ace, un conseil, si tu l'aimes bien, ne lâche pas l'affaire, c'est une chouette personne, une qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, ça change de celles qui t'intéressaient il y a encore quelques années.

Elle sort de la maison, il claque la porte et je retourne dans ma chambre en refermant délicatement la porte de ma chambre. Il finira bien par venir me voir, il sait que je l'ai vu...


Il est bientôt dix-sept heures, je l'entend faire des allers-retours entre sa chambre et le salon, il semble être au téléphone plusieurs fois, mais je ne comprends pas tout ce qu'il dit, il parle vite et son accent Californien est décuplé à cause de ça.

Je décide donc de sortir de ma chambre et d'aller me baigner. Je me suis mise en maillot de bain il y a environ une heure et j'attendais que ça se calme pour sortir, mais comme ce n'est pas le cas, je sors quand même.

Il est là, il monte les escaliers et m'évite soigneusement.

Je ne dis rien et descends, je pose ma serviette de bain sur un transat avant d'avancer dans la piscine.

Je me glisse dans l'eau de la piscine, cherchant un réconfort dans sa fraîcheur apaisante. Les gouttelettes glissent le long de ma peau, créant un doux frisson qui éveille mes sens. Alors que je nage, les mouvements fluides me transportent dans un monde où je peux laisser derrière moi les soucis qui m'envahissent.

Pourtant, malgré l'environnement serein qui m'entoure, mon esprit est tourmenté par les récents événements. La rencontre avec la sœur inconnue d'Ace a été déconcertante, remettant en question ce que je pensais savoir de lui. Les pensées se bousculent dans ma tête, mêlées de confusion et d'incompréhension. Je ressens un mélange d'émotions complexes, une combinaison de tristesse, de frustration et d'inquiétude.

Et l'ignorance royale d'Ace envers moi après cette révélation est comme un poids sur mon cœur. Je me sens rejetée, abandonnée, laissée dans l'ombre de cette relation familiale inattendue.

Pourtant, dans l'eau, je trouve un refuge temporaire. Les mouvements réguliers de mes bras et de mes jambes rythment ma respiration, me permettant de trouver une certaine clarté intérieure. Les bulles d'air qui émergent à la surface semblent emporter avec elles mes pensées turbulentes, me libérant de leur emprise momentanément.

Je me sens à la fois vulnérable et forte dans cet instant de solitude. Les gouttes d'eau qui caressent ma peau deviennent des larmes silencieuses qui s'écoulent, libérant une partie de la douleur que je ressens. Dans la piscine, je peux pleurer sans retenue, laissant mes émotions s'exprimer dans l'intimité de cet espace protecteur. Je pense à ma famille à l'autre bout du monde avec qui je n'arrive pas à communiquer correctement, à la personne que je pensais connaître et sa vie si secrète encore et je n'arrive pas à calmer mon esprit qui fuse dans tous les sens.

Mais malgré la tristesse qui m'envahit, je ressens aussi une force intérieure qui émerge. Je suis déterminée à ne pas me laisser abattre, à ne pas me laisser définir par cette situation compliquée. Je nage avec une détermination renouvelée, utilisant chaque mouvement pour me connecter avec ma résilience et ma volonté de surmonter les obstacles.

Alors que je sors de la piscine, mes pensées sont encore empreintes de doutes et de tristesse, mais je me sens également renouvelée. La fraîcheur de l'eau sur ma peau est comme une caresse réconfortante.

Je m'assois quand une main se pose sur mon épaule. Je me tourne et tombe face au visage d'Ace.

— Hey... commence-t-il timidement.

— Salut.

— Je suis désolé pour tout à l'heure, continue-t-il. J'étais encore sous le choc, ou les nerfs si tu préfères, du retour de ma soeur, enfin ma demi-soeur.

Je ne dis rien et il pose sa main sur la mienne.

— Raconte-moi, dis-je. Raconte-moi cette histoire qui te fait du mal.

Je serre sa main dans la mienne, il s'installe correctement sur le fauteuil puis commence.

— Anissa et moi, nous avons grandi ensemble dans cette maison à Los Angeles. Nous étions inséparables, deux âmes soudées par un lien fraternel indéfectible. Elle était mon modèle, une source d'inspiration. Anissa était forte, ambitieuse, prête à conquérir le monde à bras ouverts. Mais à vingt ans, tout a changé. Anissa a pris la décision de partir rejoindre son père à la Réunion, ne supportant plus la présence de Claude, mon père. Cela a été un choc pour moi. J'ai vu ma sœur, mon pilier, partir sans un mot, sans explication. Les jours se sont transformés en semaines, les semaines en mois, et nous n'avons reçu aucune nouvelle d'Anissa. Ma mère était dévastée, ne comprenant pas pourquoi sa fille était partie si soudainement. Les seules traces qu'elle laissait derrière elle étaient des cartes postales, qu'elle m'écrivait de chez son père deux fois par an : pour mon anniversaire et Noël.

Il respire et je resserre légèrement sa main pour l'inciter à poursuivre.

— Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander ce qui avait pu se passer, ce qui avait poussé Anissa à partir ainsi, sans prévenir, sans regard en arrière. J'étais perdu, déchiré entre l'amour que je ressentais pour ma sœur et la douleur de son absence. Pendant toutes ces années, j'ai gardé les cartes postales, les relisant encore et encore, cherchant des indices, des réponses à mes questions sans fin. J'espérais qu'un jour, elle reviendrait, que nous pourrions retrouver notre complicité d'avant, que nous pourrions nous soutenir mutuellement comme nous l'avions toujours fait. Le pire moment a été quand j'ai perdu James lors de l'accident, à l'époque où il était encore dans le coma. Je venais de perdre la deuxième personne la plus importante de ma vie, mon frère de cœur, mon seul pilier restant depuis son départ. J'espérais qu'elle revienne, qu'elle passe la porte, me prenne dans ses bras et me dise qu'elle ne partirait pas, qu'elle ne me laisserait plus seul. Et puis, un jour, le miracle s'est produit. Anissa est revenue, elle est là, à mes côtés, dans cette pièce, en chair et en os. Mes émotions sont un mélange de joie et de tristesse, de colère refoulée et du bonheur pour moi de retrouver ma sœur.

Il me regarde droit dans les yeux sans me laisser dire quoi que ce soit à ce qu'il vient de me raconter et ajoute avant de partir :

— J'ai besoin de temps pour retrouver ma sœur, me retrouver, pour accepter tout ça et je ne veux pas te faire souffrir. Alors, je suis désolé si je m'y prends mal avec toi.

— Je ne t'en voudrais jamais, écoute-moi bien, jamais je ne pourrais te reprocher d'essayer de renouer des liens avec ta famille, mais n'oublie pas que je suis là pour toi.

Je prends ma respiration du mieux que je peux avant de lui dire :

— De toute façon, tout le monde a son jardin secret et règle ses problèmes du mieux qu'il le peut.

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