Après, partie 1.

17 février.

Ça fait maintenant six mois qu'elle est partie. Je n'arrête pas de penser à elle. Il n'y a pas une seule fois où je ne pense pas à son sourire. A la façon qu'elle avait de me traiter d'idiot, ce qui était souvent plutôt bon signe. Je suis retourné voir ses parents plusieurs fois. Peut-être plus par culpabilité qu'autre chose, même si je ne suis pas le responsable direct de la mort de leur fille, je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir. Si seulement j'avais attendu quelques minutes de plus avant de m'engager, rien de tout ça ne serait arrivé...

Depuis que sa mère m'a remis la lettre qu'elle m'avait écrite, je ne fais qu'entendre ces mots en boucle dans mon esprit. Elle m'aimait aussi. Et si on avait pu arriver à bon port, elle aurait su que c'était réciproque. Elle est morte convaincue que je ne l'ai jamais aimée, ou du moins pas comme elle m'aimait. Rien que cette pensée me retient éveillé la nuit. J'aurais dû lui dire aussi tant de fois, rien que dans cette voiture, lorsqu'elle m'a parlé d'avoir une copine. Je brûlais d'envie de lui répondre que la seule fille que je voulais à mes côtés c'était elle... Mon père me répète sans arrêt que les regrets et les remords sont inutiles, que je n'arriverai jamais à avancer en restant figé sur ce genre de pensées. Mais comment faire autrement ? J'ai perdu l'une des personnes la plus chère à mon cœur. Comment faire pour ne pas ressasser sans arrêt les événements ?

Fatigué par cette nuit bien trop courte, je me souviens qu'aujourd'hui est un jour important. Après des mois de silence, le tribunal m'a enfin convoqué pour décider du sort du responsable et avoir ma version des faits même si les preuves m'ont innocenté.

J'enfile une chemise blanche et un pantalon noir. Mon père serre ma cravate et me donne une petite tape sur la joue en signe d'encouragement.



Je m'assois sur le banc des témoins. Le tribunal est si gigantesque, je ne sais pas où poser mon regard pour ne pas craquer. Je découvre un jeune homme, de quelques années notre aîné, sur le banc des accusés. A côté de lui, un autre gars, à peu près de son âge aussi. Je ne peux pas m'empêcher de les dévisager, furieux. Peut-être que tout ceci n'est qu'un « accident », je suis sûr que leur but n'était sans doute pas de causer un tel drame dans la vie d'autant de personnes. Pourtant, nous y voilà. Accident ou pas, ils sont coupables. Elle est morte par leur faute. Par la faute de celui qui a eu la brillante idée de rouler trente kilomètres heure au-dessus de la vitesse réglementaire.

Le juge écoute nos discours et sans grande surprise condamne le conducteur pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Il fera de la prison et doit payer une amende conséquente. La famille d'Alice n'affiche pas de soulagement, et je les comprends. On ne peut pas réellement se sentir soulagé par cette peine. Ce n'était pas volontaire, encore une fois, alors comment on pourrait se sentir apaisé ? Tout ce qu'on sait, c'est qu'on ne la verra plus jamais, elle et sa joie de vivre, son humour bien atypique, son sourire si communicateur, son rire qui mettait du baume au cœur...

On sort de la salle d'audience, et ma mère va automatiquement saluer la mère d'Alice. Je serre la main de son père, qui me dit que je suis très élégant avec cette cravate. Sa sœur me fait une accolade chaleureuse et me demande comment je vais.

Comment je vais ? Mon cœur lui appartient et il est parti avec elle... voilà comment je vais.

- Vous vous sentez mieux vous ? fini-je par lâcher, bouleversé.

Ses parents se jettent un regard, compatissants, et secouent la tête en guise de réponse négative.

- Tu sais Luke, le but n'est pas de se sentir soulagé ou d'aller mieux avec ce procès, c'était juste pour lui rendre justice. Signifier que même si c'était involontaire, on a quand même perdu quelqu'un et que le responsable doit répondre de ses actes, me répond sa mère, un sourire emphatique sur le visage.

J'acquiesce positivement en guise de réponse, quoi faire d'autre ? Je pense que peut-être que ça peut leur apporter un peu de paix, et ils en ont bien besoin.



3 mars.

Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. On se retrouve avec la bande et sa présence me manque. La colère à disparue pour laisser place à la nostalgie de tout ces moments merveilleux qu'on a passé tous ensemble. Comme à chaque fois qu'on se retrouve, on se rappelle le bon vieux temps. Les vacances passées au café, la fois où on est parti à Deauville ensemble, les batailles de boules de neige, les fous rires en cours, et au quotidien. On aurait tous voulus qu'elle sache à quelle point son existence nous était indispensable. Sans elle, nous n'aurions peut-être jamais été amis. C'est ce qui fait qu'on arrive encore à l'être. Aussi paradoxale que ça puisse être, se rappeler de tous ces moments et souvenirs, de sa vie, nous rapproche. On ne fait rien d'autre que se serrer les coudes, chaque jour.

J'aurais aimé qu'elle revienne, juste aujourd'hui, pour ce jour si spécial. Même si les filles me disent que c'est impossible, je pourrais mettre ma main à couper qu'elle était là, au réveillon. Je l'ai sentie tout près de moi. Et cette sensation me réchauffe le cœur, qu'elle puisse être là, quelque part, à veiller sur nous.

Alors parfois je lui parle, je lui dis combien je l'aime et comme elle me manque. Parfois, dans mes songes, elle me répond, elle m'enlace, m'embrasse... et on est heureux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top