Chapitre 31
Nous roulons maintenant depuis près de trente minutes et je ne sais toujours pas où nous allons. Jace ne m'a pas dit un mot depuis que nous sommes partis du restaurant et je commence à me demander s'il ne m'en veut pas. Je patiente encore quelques minutes puis je me lance, n'en pouvant plus de ce silence de plomb.
- Jace... je... tu m'en veux ? Je bégaie.
Il tourne vivement sa tête vers moi et un instant je crois qu'il ne va pas me répondre, mais il se détend vite et prend ma main, posée sur ma cuisse, dans la sienne.
- Non. C'est juste que je suis encore en train de me faire à l'idée que je vais retourner là-bas.... Il souffle.
- Là-bas ? Je peux savoir où tu m'emmènes ?
- On est presque arrivés.
C'est la seule réponse qu'il me donne avant que le silence retombe. Malgrés tout, il garde ma main dans la sienne et fais des petits cercles sur ma cuisse avec son index. Je sens des frissons me parcourir le corps mais je les cache du mieux que je peux, sachant parfaitement que ce n'est pas le moment pour ça. Nous arrivons dix minutes après devant un parc. Il fait nuit noire et seule la lumière des lampadaires nous éclaire. Jace gare la voiture sur une place libre et en sors, alors que je fais la même chose. Il fait rapidement le tour de la voiture et c'est toujours en silence qu'il vient prendre ma main et nous fais avancer vers ce que je crois être un kiosque. Alors qu'il nous place sous celui-ci, il lâche ma main et se dirige vers une des barrières pour s'y accouder. Après ça son regard se perd au loin et je sais qu'il ne faut pas que je le presse. Alors je m'appuis sur la barrière à côté de lui et fixe à mon tour, un point dans le vide.
Le kiosque est magnifique je dois l'avouer. Il est tout blanc et des guirlandes lumineuses sont accrochés tout autour des colonnes qui le soutiennent, écairant le faible espace. Des plantes vertes sont disposées devant chacunes des colonnes, mettant un peu de couleur dans l'espace. Le silence n'est pas pesant cette fois-ci car je sais que Jace cherche les mots pour m'expliquer pourquoi nous sommes là. Je le laisse prendre son temps et après quelques minutes, je l'entend prendre une grande inspiration et sa voix brise le silence.
- Lorsque j'avais quatorze ans, mes parents et moi avons déménagé pour nous rapprocher du centre-ville. Le jour-même du déménagement, alors que mes parents déballaient les cartons dans la maison, ils me voyait tourner en rond, alors ils m'ont dit d'aller au parc qui se trouvait juste à côté de chez nous...
- Celui là... J'observe.
- Oui. Lorsque je suis arrivé ici, le kiosque a été la première chose que j'ai vu. Je suis venu ici pour observer ce qui m'entourait. Les couples se promenaient main dans la main et quelques enfants donnaient à manger aux poissons du lac, me dit-il en pointant ce dernier du doigt, puis elle m'a remarqué. Au début, je ne comprenais pas ce qu'elle me voulait puis on s'est bien entendus et nous avons passé l'après-midi ensemble. Sa voix se fait plus rauque et je me sens mal de penser qu'il se sent forcé de me raconter tout ça.
- Jace... si tu ne veux pas en parler maintenant je comprendrai... Je souffle.
- Non. Je veux le faire. Ça me fera du bien d'en parler à quelqu'un qui ne l'a pas connue. Il m'explique.
- Je... qui était-ce ? Cette fille ? Je demande.
- Rose. Elle avait mon âge. Une petite brune aux yeux bleus qui avait un véritable talent pour la danse. C'est elle qui m'y a initié. Au début, nous étions des amis qui partageaient des cours de danse. Elle était le maître, j'étais l'élève et j'ai adoré ça. La danse est rapidement devenue une passion. Je pratique surtout ce que tu peux appeler le street dance mais maintenant mon champ de compétences est plus ouvert et je sais pratiquement tout danser.
Il affiche un sourire triste qui me donne l'irrépréssible envie de le serrer dans mes bras pour lui montrer mon soutien mais je me retiens, le laissant continuer.
- On ne s'est pas quittés pendant quatre ans. Elle a été ma meilleure amie, ma confidente puis ce qui devait arriver est arrivé et nous sommes tombés amoureux. À vrai dire, je l'étais depuis un an déjà, mais je ne lui avais jamais rien dit. Tout s'est bien passé entre nous. Nous étions inséparables; jusqu'à l'année d'après.
Sa voix se fait plus grave et je peux voir que ses yeux sont embués. Je pose ma main sur la sienne pour l'encourager. Il ferme les yeux à mon contact et prend ma main. Il la serre tellement fort qu'il me fait mal mais je sais qu'il en a besoin, alors je le laisse faire.
- Nous étions chez moi en train de regarder un film. J'ai... j'ai voulu m'amuser avec elle, alors je l'ai provoqué. Elle en avait l'habitude et elle m'a défié. Elle m'a traité de perdant et j'ai décidé de faire une course. Le gagnant était celui qui arriverait ici le premier. Il aurait alors le droit de faire ce qu'il voulait à l'autre. Il inspire et exerce une nouvelle pression sur ma main.
- Rien ne s'est passé comme prévu. L'un de nous devait gagner, mais ce jour-là, nous avons perdu tous les deux. Elle a perdue sa vie et moi, la personne que j'aimais par-dessus tout. Il pleuvait à grosses gouttes lorsque nous étions sortis et une voiture était lancée dans le brouillard. Elle ne l'a pas vue et...
Sa voix se brise et il pleure maintenant à chaudes larmes. Je me glisse entre lui et la barrière et passe mes bras autour de son cou pour le serrer contre moi. Il colle son corps au mien, me plaquant contre le bois. Son corps est secoué de sanglots et je lui dépose des baisers dans le cou et sur le visage pour essayer de le calmer. Il se détend de plus en plus, jusqu'à se détacher de moi et me laisser admirer son beau visage.
Les larmes sont toujours présentes sur celui-ci et je les efface avec mon pouce. Il me regarde dans les yeux quelques secondes avant de plaquer sauvagement ses lèvres sur les miennes. Lorsqu'il se détache de moi, il murmure des mots tout bas.
- Tu lui ressembles tellement... Promet-moi que tu ne me laissera jamais.
Je lui souris doucement et plonge mes yeux dans les siens.
- Jamais, tu m'entends ? Jamais je ne te laisserai. Je t'aime Jace, je réponds.
- Je t'aime aussi... tellement.
Nous sommes deux âmes brisées qui ne cherchent qu'à aller mieux. Le chemin sera long, je le sais, mais avec lui à mes côtés, je sais que j'y arriverai.
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