Chapitre I, Luis

« Lèves toi du con ! »
Un oreiller me percuta de plein fouet, me réveillant brutalement d'un sommeil sans rêve. Je me redressais rapidement pour découvrir mon frère, une lueur sadique imbibée dans le regard et un sourire antipathique sur les lèvres. Ce gamin était vraiment un emmerdeur, je le disais tous les jours à mama et tous les jours elle hochait la tête en me répondant que j'étais pareil à son âge, sans m'accorder plus d'attention. Elle faisait ça tout le temps, ne m'écoutait jamais que quand je venais lui rapporter une mauvaise nouvelle du type : « Je me suis battu... ». J'avais souvent envie de l'attraper par ses épaules et de la secouer violemment jusqu'à ce qu'elle se réveille et se décide à enfin redevenir humaine. Mais non, elle prenait grand soin à ne pas se séparer de sa putain de carapace, qui la transformait en robot.

Je pris le coussin – reposant sur mon ventre – et le lançais tout aussi brusquement en plein dans la tête de mio fratello. Mon projectile atteignit sa cible dans le mille et le petit con ce mit à beugler comme un bébé. Bordel, ce qu'on pouvait être idiot à 14 ans ! En me cherchant il n'avait pas pensé une seule fois que je me vengerais ? Je me levais et étirais mes bras et mes jambes en adressant un sourire tout aussi déplaisant à mon frère. Celui-ci jura, essayant de rattraper le morceau de tissus qui nous servait d'arme, cependant je ne lui laissais pas l'occasion de répliquer et attrapais l'objet, le brandissant au dessus de sa tête tandis qu'il me lançait un regard outré. Ce crétin n'avait pas encore grandit et était très susceptible quant aux remarques qu'on lui faisait à propos sa taille... Mais j'en avait rien à foutre de la sensibilité de ce bambino. Il allait la faire sa poussée de croissance, alors pourquoi se monter la tête avec ça ? Comme à chaque fois qu'il était vexé, il sortit de notre chambre pour aller dans celle de Ilaria, notre sœur. Je savais déjà qu'il allait raconter une tonne de conneries pour qu'elle vienne me reprocher ces choses que je n'avais jamais faites. Mais de toute façon, je me fichais éperdument de ce qu'elle avait à me dire. J'aimais ma sœur, vraiment, mais quand elle me gueulait dessus sans rien connaître de l'histoire, ses phrases, je me les mettais là où je pense.

J'attrapais des vêtements au hasard dans le vieux tiroir grinçant qui me servait d'armoire, à moi, ainsi qu'à mes deux autres frères, puis fonçais dans la salle de bain avant qu'un de ces stronzi ne vienne ma la piquer pendant deux putains d'heures. Je claquais la porte derrière moi et enfilais un t-shirt noir et un jean. Je décidais de faire un effort niveau vestimentaire aujourd'hui et passais un coup de peigne rapide dans mes cheveux noires toujours en bataille. Après tout, aujourd'hui c'était la rentrée, fallait que je sois un minimum présentable ! Même si je savais que me ramener avec les capelli décoiffés plaisait pas mal aux filles. Je ne comprenais pas pourquoi mais elles adoraient ça, comme me l'avaient avoué la moitié des filles avec lesquelles j'avais couché.

Une fois mes dents lavées, je sortais, totalement conscient des tambourinements noiosi que ma sœur n'avait pas arrêté de faire sur la porte depuis que j'étais entré. Elle allait m'engueuler, ce qui ne changeait pas de notre quotidien merdique. À peine un pied dehors qu'elle était déjà sur moi en train de me crier dessus sans que je ne comprenne rien. Je hochais la tête, un air blasé plaqué sur la tronche et descendis les escaliers tandis que je l'entendais s'exclamer d'un ton excédé : « Tu m'as écouté au moins ? ». Je ne répondis pas à cette question inutile, elle connaissait déjà la riposta.

Une fois en bas, je retrouvais mama, Marco et ce deficiente de Ansielmo. Il me fixait comme si je venais de prendre un marteau et de détruire les 3 m2 di merda dans lesquels on vivait. Je m'affalais sur la chaise à côté de mama et en face de Ansé, tout en adressant un signe de tête en guise de salut à mon autre frère. Celui-ci fit de même avec moi et j'entamai une pomme qui se trouvait devant moi. Mia madre ne nous regardait pas, elle se concentrait sur un point non définit au dessus de la tête de Marco. Quelques semaines auparavant, elle avait fait une rechute dans sa dépression et elle était même plus capable de dire un mot. Elle passait ses journées les yeux dans le vide, à fumer un nombre de clopes astronomique qui pompait tout le blé qu'on rapportait de nos boulots après les cours. Pour payer ses médocs, Ila et moi allions devoir postuler pour un bar d'hôtel hyper chic et pretenzioso samedi soir, parce que le taudis dans lequel on servait ne nous rapporterait jamais assez.

Une fois ma pomme finie, je me levais pour prendre mon sac et appelais Marco, aujourd'hui c'était Paolo qui servait de chauffeur et il détestait être en retard le jour de la rentrée. On quitta l'appart sans rien dire et on descendit les escaliers toujours dans ce silence. Une fois en bas, après avoir dû pousser la porte d'entrée tellement sale que quand on la touchait on avait les doigts collants, le pick up gris rouillé de il nostro amico apparut. Comme d'habitude, toute notre bande de potes étaient assis à six à l'intérieur, et nous allions devoir nous mettre derrière, dans le coffre. Tous nos amis étaient italiens. Fallait dire qu'ici, à Ploucville, soit tu traînais avec les snobs, soit tu trainais avec les gangs, soit tu trainais avec les ritals. Y avait pas d'autres choix. Et comme on était italien, notre bande était définie d'office. Quoique souvent, les gens nous confondaient avec les mecs des gangs, parce qu'on était tous pauvres et qu'on se battait souvent, sauf que y avait une putain de grande différence : les gangs trafiquaient et pratiquaient pleins d'autres trucs illégaux, pas nous. On était juste des paumés complets qui se laissaient pas marcher sur les pieds, pas des criminels. À cette dernière pensée je ne pus m'empêcher de tiquer, j'avais oublié une catégorie : il y avait une partie de notre famiglia qui faisait des trucs pas nets. Une partie que je connaissais et que je devais maintenant éviter. Une partie que j'avais abandonnée en comprenant la réelle nature de leurs actes, quelques semaines plus tôt. Une partie qui regroupait quelques uns de mes potes présents dans cette voiture. Et si mon fratello apprenait un jour ce qu'était cette partie, ce qu'on y faisait, et ma participation au délire, je signerai mon arrêt de mort. Comme pour me rappeler que justement je devais me montrer vraiment prudent et que je ne devais pas me laisser embrigader une nouvelle fois, je sentis le regard pesant de Paolo sur moi. Je ne relevai pas, s'il voulait me faire revenir, il perdait son temps ce stronzo, il ne savait pas quel problème m'avait fait vraiment déserter cette bande de malheur : il avait avalé les conneries que j'avais servies au reste du groupe. Je secouai la tête pour m'éclaircir les idées et brûler une bonne fois pour toute ces souvenirs merdiques de ma mémoire.

Le moteur gronda tandis que nous montions dans l'auto, prenant la couverture roulée en boule par terre et nous couvrant avec. Quand ça roulait et qu'on était à l'extérieur, on se les gelait. À peine nous avions fini de nous installer que nous foncions déjà vers le lycée. Comme ici il n'y avait que des sentiers, la voiture ne cessait de tressauter ce qui nous tuait le cul. Avant, on avait des coussins mais on se les était fait voler et personne ne pouvait se permettre de gâcher de l'argent juste pour les racheter. Alors on se contentait de subir sans se plaindre, même si c'était molto doloroso. Les arbres défilaient le long de notre chemin et je les fixais, rêvant de les quitter à tout jamais, eux, et cette ville miteuse perdue au milieu des montagnes de l'Oregon.

Le véhicule accéléra et je jurais intérieurement après m'être cogné le coccyx assez violemment. Marco se tourna vers moi et me lança un regard du style : « te plains pas, y a pire dans la vie ». C'était le genre de mec à toujours tout prendre au sérieux, sans jamais se laisser aller. Contrairement à moi, il se battait jamais, s'entendait avec tout le monde et ne baisait qu'avec une seule et même ragazza. On s'était souvent prit la tête pour ça : il voulait que j'arrête de foutre la merda, je voulais qu'il se lâche. Il voulait que je respecte les filles, je voulais qu'il se décoince et qu'il largue l'autre conne qui débordait de niaiserie. Le couple de mon frère était solide, quand il était avec la sua fidanzata, il était toujours chiant à souhait, perdant tout humour et refusant de blaguer avec nous, « les pauvres mecs ». Cette Rachel, fausse blonde écervelée qui allumait tous les mecs mais qui restait tout de même fidèle à mon sang, je pouvais pas la blairer. Je savais pas pourquoi mais les voir ensemble me gonflait, ils étaient romantici et ça me filait la gerbe. Lorsqu'on arriva devant le lycée défraîchi, mio fratello sauta hors de la voiture pour foncer vers le bâtiment scolaire, téléphone vissé à l'oreille – sûrement avec cette chieuse de bambina.

Il s'éloigna rapidement de nous, comme s'il avait honte de traîner avec sa propre famiglia. Mes potes et moi on l'observa partir d'un œil mauvais, je n'étais pas le seul à me méfier de questa relazione. Mais on pouvait rien faire – on avait déjà tout essayé – et on avait plus qu'à attendre que cette fille comprenne qu'elle préférait les snobinards ou que Marco comprenne que les filles coincées n'en valaient pas la peine. Il allait bien finir par s'apercevoir ce qu'il loupait en se privant de toutes ces ragazze qu'il pouvait se sauter. Une fois tous sortis du pick up, on avança vers ce trou à rats, tout en matant les meufs, pariant lequel réussirait à avoir unetelle ou unetelle dans son lit. Et toutes ces signore, nous regardaient. Même celles dont le fric coulait à flot dans leurs piaules. Toutes nous observaient parce qu'on les attirait. Je comprenais pas non plus pourquoi, mais cette image de Bad Boy plaisait aux filles. Et on le savait. La seule chose qu'on avait sans avoir besoin de travailler, c'était elles. Et ça, c'était le seul truc qui me plaisait dans ce liceo. Je couchais avec qui je voulais et c'était jouissif. Hélas, après mes deux années, j'en avais « connu » pas mal et c'était dur de trouver de la nouveauté. Les nuove ragazze, elles venaient forcément de pas loin, on les avait obligatoirement déjà rencontrées dans la ville, même si elles allaient pas à ce lycée public. Et j'avais envie de me taper quelqu'un que je ne connaissais pas, j'avais envie d'en charmer une, ça faisait longtemps.

Quand j'arrivai devant mon casier, Giuletta – une italiana qui n'avait pas froid aux yeux et avec qui je « m'amusais » souvent avant de partir du groupe, mais que je ne fréquentais plus du tout depuis – s'approcha pour me dire bonjour. Je sentis la colère monter et inonder mes veines : soit elle venait m'allumer pour me recruter ensuite ; soit elle venait pas, donc si elle était là, c'était qu'elle voulait essayer de nouveau de me faire changer d'avis, ce qui allait me gonfler.
— Tu veux quoi Giulia ? Demandai-je sèchement.
Elle me fixa intensément avant de sourire de manière provocante. Elle savait exciter n'importe quel tipo avec ça. Et elle en était totalement consciente : elle en profitait un max.
— T'es pas au courant ? S'exclama-t-elle.
Sa question me surpris, moi qui m'attendais à un : « tu veux vraiment pas revenir ? », j'étais loin du compte ! Je secouai la tête, m'efforçant de dissimuler mon agacement. J'avais pas envie de parler avec elle, elle restait ennuyeuse à en mourir et je n'avais toujours discuté avec elle que pour pouvoir la baiser après, or, maintenant que je ne faisais plus partie de leur gruppo il y avait peu de chance pour qu'elle accepte quoi que ce soit venant de moi. Si je n'avais pas bénéficié pendant un temps de cette « faveur » qu'elle me faisait, je l'aurais déjà virée plus tôt, je m'en serais débarrassé. Cette fille n'avait strictement aucune conversation et je disais ça en connaissance de cause : des filles inintéressantes, j'en avais connu des tas !
— Y a une nouvelle dans votre classe.
La phrase me réveilla d'un coup, éveillant brutalement ma curiosité, je me redressai et demandai plus d'infos. Si elle était belle, snob, coincée ? Je voulais savoir si cette fille allait être une de mes nouvelles conquêtes. Pero Giulia ne connaissait jamais les détails, elle commençait sans savoir continuer ce qui me faisait ouvertement chier. Mais voyant que cette nouvelle m'intéressait, elle reprit :
— Je la connais pas mais on m'a dit que c'était une de ces filles à papa coincées, aussi moches que leurs culs.
Même si je ne la croyais qu'à moitié, cette réplique calma mes ardeurs...

On se dirigea en classe, Carlos et moi. Il ne cessait d'envoyer des regards à toute la gente féminine. De tout nostro gruppo, Carlos était le pire avec les ragazze, autant moi j'aimais m'amuser, autant lui aimait les collectionner... Et si cette nouvelle était bella, je savais qu'entre nous ce serait la guerra : j'avais vraiment besoin d'un nouveau visage et lui il voulait veramente en ajouter une de plus à son compteur. Aussi, je préférais me la fermer, espérant qu'il ne la remarquerait pas si je ne lui avouais pas qu'elle était là. Après tout, ce mec n'était pas ce qu'il y avait de plus observateur... On débarqua dans la classe et comme d'habitude, toutes les filles nous regardèrent avec cette même moue intéressée. Mio amico réagit et leur sourit de toutes ses dents, moi j'ignorai, qu'elles me matent toutes, j'en avais rien à foutre. Je voulais solamente découvrir qui était cette fille que personne ne connaissait.

Je scrutais la salle, à la recherche de cette possible prochaine conquête, mais il n'y avait que des gens connus – avec qui je n'avais d'ailleurs pas perdu mon temps... J'avançai dans la classe et allai m'installer au fond, déçu. Cette deficiente de Giulia avait dû se tromper et ne faire que raconter des rumeurs dont elle n'avait même pas vérifié l'authenticité. Je soupirai puis ouvris mon sac, prenant tous mes cahiers et les balançant au milieu de ma table, un air contrarié certainement plaqué sur la gueule. Carlos me rejoignit bientôt avec un air intrigué :
— C'e un problema Luis ?
Je secouai la tête et sortis mon portable sans me préoccuper du prof. De toute façon, questo stronzo n'allait pas réagir : il avait trop peur de moi et de mia famiglia, étant persuadé que nous formions un gang. Je parlai quelques secondes avec Ila, fixant notre point de rendez-vous pour aller à l'hôtel et passer notre entretien ensemble. Tandis qu'elle me répondait, vibrations du téléphone à l'appui, la porte claqua et l'enseignant – un connard grassouillet à la quarantaine qui semblait plus se préoccuper de son midi que de ses enfants – tapa dans ses mains afin d'obtenir le silence et pouvoir débuter le cours. Je ne lui témoignais pas d'attention, sachant pertinemment que tout ce qui sortirait de sua bocca, je l'avais déjà appris en lisant mon manuel pendant les vacances.

Je me comportais peut être comme un Bad Boy, mais je tenais à mon diplôme et j'étais loin d'être con. Avoir un bon métier, je savais que c'était important et je refusais de vivre comme un povero tutta mia vita. Ce gros porc commença à parler, racontant un ramassis de merdes qu'il n'était même pas capable d'expliquer et je me concentrai plus intensément sur mio cellulare. C'est alors que quelqu'un toqua, je ne relevais pas, peu intéressé par ce qu'il se passait autour de moi. Le prof se déplaça lentement à cause de son poids mais parvint à ouvrir pour accueillir ce retardataire. Je l'entendis dire bonjour à cette personne non identifiée et l'inviter à entrer. C'est là qu'une voix féminine m'étant inconnue résonna dans la classe pour le remercier. Je ne regardais pas qui c'était, convaincu que questa ragazza n'était rien d'autre qu'une de ces coincées du cul qui ne m'intéressaient pas le moins du monde et avec qui j'avais pu coucher sans me rappeler de leurs visages le lendemain... Cependant, la main de Carlos se serrant autour de mon avant-bras comme un étau révéla autre chose. Je finis par lever les yeux de mon appareil et découvris la fameuse fille, peut à l'aise dans le coin de la salle, attendant certainement que l'autre toquard lui attribue une place. Dio mio, cette cagna de Giulietta avait raison ! Il y avait bel et bien une nouvelle ! Sauf qu'elle s'était lourdement trompée sur un point : la nouvelle n'était pas moche, pas du tout. Era una molto bella ragazza !

Sans que je ne puisse le contrôler, un intérêt grandit en moi. Je savais que j'avais besoin de renouveau et cette fille en était le plus grand symbole. Elle représentait le courant d'air frais dont j'avais tant besoin, et même si je prévoyais déjà de la charmer pour coucher avec elle puis passer à autre chose – comme le vrai connard que j'étais, je ne pus m'empêcher de la dévorer des yeux. Elle avait de beaux cheveux bruns en bataille qui lui arrivaient juste au dessus des épaules, des sourcils bien tracés et d'un noir de jet, tout comme ses longs cils délicats qui entouraient son regard foncé et mystérieux. Il suo nez était fin et bien tracé, finissant légèrement en trompette ce qui rajoutait une touche enfantine à ce visage si sensuel. Sa boca était composée d'une fine lèvre supérieur et d'une lèvre inférieur plus épaisse, qui abritaient toutes deux une dentition blanche et presque parfaite. Le tout formait un visage fin et doux, et paradoxalement, son expression maussade et renfermée changeait la donne et lui donnait des airs agressifs et brutaux. Le tout formait un mélange aussi explosif qu'excitant. J'avais déjà hâte de passer à l'action et de me la faire.

— Merda, c'est qui ce canon ? Souffla Carlos à côté de moi.
Bien que je le considérais comme étant un cousin, sa réaction m'agaça au plus haut point. Elle me semblait trop similaire à la mienne, je savais très bien que ce con pensait exactement à la même chose que moi en ce moment, ce qui voulais aussi dire qu'il la déshabillait du regard. Et si je ne voulais pas qu'il lui saute dessus, qu'il se croie tout permis, il allait falloir que je marque mon territoire dès la prochaine pause. Le prof rompit le brouhaha qui s'était formé dans la classe en tapant avec une règle métallique sur son bureau. Une fois le silence revenu, il s'éclaircit la gorge puis pris la parole :
— Comme vous pouvez le constater, nous accueillons aujourd'hui une nouvelle élève qui nous vient de loin. Voulez-vous bien vous présenter jeune fille ?
La bella considérait la classe avec réserve et tandis que son regard naviguait à travers la salle, elle hocha la testa. Merda, même ce putain de geste – aussi innocent soit-il – arrivait à augmenter mon désir de la faire mienne. Il était hors de question que je ne sois pas le premier à en profiter. Une fois que j'en aurais fini avec elle, je m'en foutais complètement. Mais en attendant, elle était à moi.

— Très bien, alors déjà, comment vous appelez-vous ? Lui demanda ce gros porc qui nous servait de prof ;
— Emma.
Sua risposta était courte et concise. Elle n'avait pas l'air de vouloir entrer en détail sur l'histoire de sua vita. L'enseignant parut gêné qu'elle ne continue pas et il se racla la gorge dans un bruit sonore qui me fila la gerbe, questo coglione avait apparemment un rhume ou une bronchite...
— Et donc d'où venez-vous ? Quelles sont vos origines ? Reprit-il, cherchant apparemment à la décoincer ;
— Je viens de Floride. Ma mère est française et mon père est américain.
De nouveau elle s'était contentée du strict minimum ce qui apaisa un peu mes ardeurs, je commençais à avoir la désagréable impression qu'elle nous snobait, nous les putains de petits campagnards de merde.
— Vous parlez donc couramment le français ? S'enquit le prof, ne se départissent pas de son écœurante bonne volonté ;
— Oui.

Peu à peu son comportement fini par m'énerver, mais pour qui elle se prenait ? Avec ses airs de diva qui la catégorisait dans la famiglia des salopes.
— Pouvez-vous nous dire quelque chose dans cette langue ? Personnellement je l'adore, Paris est ma ville préférée.
Putain de prof de merde, qu'est-ce qu'on en avait à foutre de cette langue ? Moi je parlais italiano et pourtant on ne m'avait jamais demandé de dire une phrase devant la classe ! Pourquoi il franchese était plus important que ma lingua maternelle ? Après tout, toutes deux venaient d'Europe !
— Je m'appelle Emma et je veux juste rentrer chez moi pour retrouver ma sœur.
Je réussis à déchiffrer les trois quarts de la phrase mais les quatre derniers mots m'échappèrent tout de même... J'attendis que le prof lui demande la traduction pour savoir. Ce qu'il ne fit pas. Sans réaliser vraiment pourquoi, cela m'ennuya. Le ton qu'elle avait utilisé, l'expression qui avait teinté son visage traduisait quelque chose... de spécial. Cette deuxième partie de la réplique représentait – je le sentais – le plus important. Et cette deuxième partie de la réplique piqua ma curiosité de nouveau. Cette fille avait quelque chose d'intéressant à dire, je ne savais pas quoi, mais cette simple moitié de phrase me fit comprendre qu'elle ne nous prenait peut être pas complètement de haut. Forse ce n'était pas du mépris qu'elle nous témoignait mais une sorte de rejet, forse elle essayait d'établir une distance. Ou forse je m'inventais des histoires de malades alors qu'elle était tout simplement snobinarde, une putain de grande prétentieuse. Quoi qu'il en soit, lorsque le prof la plaça, j'eus la soudaine envie d'assassiner Carlos et de me débarrasser du corps pour pouvoir l'inviter à côté de moi, souhait que je ne devais pas être le seul à partager puisque l'édit victime de mon meurtre imaginaire me lança un regard tout aussi lourd de sens.

Je la scrutais, admirant cette démarche féline qui faisait défaut à de nombreuses filles. Elle se déplaçait avec une grâce envoûtante, frôlant les bureaux de ses fines hanches. Malheureusement pour moi – « pour nous » devrais-je plutôt dire, présence de Carlos y obligeant – elle alla se poser bien loin, à l'autre bout de la classe, au fond, à côté d'un de mes anciens potes, avec qui je ne voulais surtout pas renouer : Antonio. Lui aussi faisait partie de la bande. Un sicilien pur qui aimait bien le revendiquer, sachant que ses origines rappelaient le pouvoir de sa fratrie. C'était un des pires du gruppo, un des meneurs, un des plus dangereux et je l'évitais pas tous les moyens depuis que je les avais tous lâchés. Je ne devais plus l'approcher, parce que lui, lui il n'était pas crédule, c'était le premier à comprendre et le dernier à accepter. Il aimait les punitions, les corrections, les menaces. Ce mec était pas clair et s'il apprenait un jour pourquoi j'étais parti, la véritable raison, j'aurais de gros problèmes. Des problèmes qui pourraient même suspendre mon avenir et amener la possibilité d'une mort précoce. À peine la jolie brune fut assise que je me détournais. Je n'espérais pas croiser le regard de ce bastardo, et pour cela, je devais la laisser un peu, cette bella. De toute façon, si tous les mecs étaient sur elle, j'allais devoir attendre un peu avant de pouvoir décrocher son attention. Et si elle acceptait les avances des autres alors que nous n'étions que le premier jour, cela voulait dire que c'était une fille facile et ce n'était pas vraiment ce que je cherchais en ce moment. Je m'enfonçai finalement dans mon siège, sortis mon cahier, et commençai à tracer des lignes sur les pages vierges. Rien de tel que la réalisation du schéma d'une ville pour se détendre ! Je laissais aller ma tête en même temps que les rues qui bordaient mes trottoirs habillés de marronniers. Le cours ne pouvait pas m'intéresser. Pas quand j'avais déjà un niveau de plus. Depuis toujours, j'étais fasciné par la construction, par l'idée qu'un jour je réaliserai des tableaux, des fresques entières sur des villes, des pays, et depuis toujours, je cherchais tous les livres, manuels, toutes les brochures et tous les liens pour pouvoir connaître plus d'informations sur la manière dont on esquissait ce genre de travaux. Mes doigts formaient des lignes droites et distinctes, calculées rapidement dans ma tête afin de laisser la possibilité aux voitures de passer et également de libérer un espace pour les caniveaux. Tout était logique, tout était concis. Et pourtant, lorsque j'avais envoyé mes travaux à l'école d'art la plus prestigieuse des environs quelques mois plus tôt, on m'avait refusé la bourse, prétextant que quelque chose manquait. Je ne trouvais pas quoi. Malgré tous mes efforts, il m'était tout simplement impossible de produire plus, d'ajouter cet éclat qu'ils cherchaient. J'avais tout essayé. Mais il fallait croire que je n'étais pas assez talentueux et que j'allais moisir ici tous le reste des pauvres jours de ma longue existence. Ce qui était bizarre, c'était que quand je dessinais, je perdais tout, j'oubliais l'italien, j'oubliais les histoires, j'oubliais le fric... tout ce qui pouvait poser problème était effacé par la mine charbonneuse de mon crayon.

—    Mec, ça a sonné.
Je relevai la tête et pus découvrir Carlos, les yeux dirigés droit vers le fond de la classe, tandis que tous les élèves formaient un attroupement sur ce même lieu, cherchant apparemment à en apprendre plus sur la ragazza. Un bon milliers de jurons apparurent dans ma testa quand je compris que je ne pourrais toujours pas approcher cette fille. Cependant il fallait bien s'y faire : elle était nouvelle et elle était bonne. Forcément que tous les mecs de la salle fonçaient sur elle !
—    Viens on s'en va, elle sera toujours là demain ta bella, et pour l'instant tu vas devoir passer ton tour ! Dis-je à mon amico qui affectait une moue agacée.
Il se tourna vers moi et me lança un regard signifiant qu'il s'était déjà approprié la bambina. Cette réaction me rappela qui il était vraiment et quelles étaient ses activités favorites. Si seulement je pouvais lui confier ce que je savais... Je me levais, fourrais toutes mes affaires à la va-vite dans mon sac et lui fis signe de me suivre tout en quittant la pièce. Cette année allait être particulièrement éprouvante, sachant ce que je devais à tout prix dissimuler à mes meilleurs amis, à ma famiglia.

La journée passa rapidement. Les cours restaient tous aussi chiants et le fait que Emma, la nouvelle, soit l'attraction du lycée, m'avait empêché tout contact. Cette difficulté de pouvoir l'approcher m'avait tout d'abord frustré, mais plus j'y pensais, et plus je me disais qu'elle n'en valait pas le coup : je devais me trouver un boulot, je devais dénicher une école et la bourse qui allait avec, et si je voulais de la compagnie, j'avais toute l'école, si ce n'est pas toute la ville à ma disposition. Car oui, sans vouloir me vanter, mon beau petit cul – et le fait que je sois conscient de le posséder – me permettait de charmer toutes les ragazze que je voulais.

J'étais devant l'établissement scolaire, attendant ma sorella qui était en retard. Ça faisait environ une demi heure que je patientais et je commençai à m'énerver. Non pas que rester à glander sous une pluie glaciale ne me plaisait pas, mais que notre entretien commençait dans 10 minutes, ÇA c'était préoccupant bordel ! Je sortis mon cellulare, afin de l'appeler une dixième fois néanmoins le raclement des freins sur le bitume me fit relever la tête : pas de doutes possible, ce son magnifiquement insupportable ne pouvait provenir que de la vieille macchina rouillée de Ila. Celle-ci débarqua en trombe dans le parking qui entourait le bâtiment et s'arrêta brusquement devant moi, m'envoyant au passage une gerbe d'eau boueuse. Je criais de colère et me jetai sur la portière afin de l'ouvrir et de pouvoir enfin me réfugier de ce déluge. Une fois abrité à l'intérieur de l'habitacle, je pivotais lentement vers ma sœur, lui administrant un regard assassin :
—    Putain Ila tu te fous de qui là ? Il pleut des cordes et t'arrives trente minutes en retard ? Comment tu veux que je fasse bonne impression aux mecs ? Tu viens de m'arroser de terre, tu fais vraiment chier !
Je tendis les bras devant moi pour lui exposer l'ensemble des dégâts : mon t-shirt avait pris une nuance marron peu naturelle – pour ne pas dire complètement crade, mes mains étaient couvertes d'une substance grumeleuse de la même couleur et je pus constater en baissant les yeux que mon jean détenait un physique tout aussi laborieux.
—    Non mais vraiment si fa merda ! Je peux pas y aller comme ça ! Me plaignis-je avec une certaine haine débordant de ma voix.
Ma sœur me lorgna distraitement, gardant son champ de vision concentré sur la route pour nous éviter un accident, puis elle passa son bras droit sur la banquette arrière tout en tâtonnant ce qui se trouvait derrière elle, à l'aveugle.
—    Je me doutais avec ce temps que tu ne serais pas habillé convenablement pour l'embauche alors je suis passé vite-fait à la casa pour te prendre quelques trucs.
Sa main se matérialisa tout-à-coup sur mes genoux, empoignant une chemise blanche et un pantalon beige que je ne portais qu'à de rares occasions.
—    Et je me change où ? Demanda-je avec un ton condescendant que je ne pouvais retenir ;
—    Dans la voiture, pas d'autres choix.

SUPER !

Je soupirai de résignation et lui pris les vêtements. De toute façon, comme elle l'avait si bien répliqué, je n'avais pas le choix. C'était soit ça, soit pas d'argent à la maison. Et si on manquait de denaro à l'appart, alors maman sombrait dans sa dépression et c'était pire que tout. Déjà que son état n'était pas forcément beau à voir, quand elle passait le niveau au dessus, la vie se transformait en un cauchemar insurmontable qui donnait envie de mettre fin à nos jours. J'étais donc obligé de décrocher ce job si je voulais éviter toute pensée suicidaire à ma famiglia. Le trajet fut moins long que ce que j'avais prédit et notre vieille bicoque déboucha – après avoir traversé de longues plaines de gazon vert de golf – sur une jolie cours avec des graviers blancs où étaient garées des Mercedes, Lamborghini, Porsche... Notre engin faisait vraiment tache dans cet amas de voitures friquées.
—    T'es sûre qu'on peut se garer là ?
Je préférais poser la question au cas où. Parce que vraiment, je voyais pas notre épave se positionner entre toutes ces autos, qui coûtaient la peau du cul. Ma sorella ne réagit même pas et alla se placer dans un endroit un peu retiré, après avoir traversé ce parking-musée : quand on roulait quelques minutes vers la droite, le chemin sablonneux se transformait en sentier de forêt et nous amenait dans un autre petit parking, caché par les arbres et entouré de terre. Lorsque le moteur finit par s'éteindre, le bercement que produisait le vrombissement se tût et on se retrouva dans une putain de silence inconfortable. Je levais les yeux vers elle, une montagne de fringues sur les genoux et un agacement prodigieux montant dans ma gorge. Pourquoi fallait-il que je me sappe comme un premier de la classe de merde ? J'étais intelligent, sans vouloir frimer c'était la vérité, et je ne voyais pas en quoi ma tenue allait changer quelque chose : il existait dans le monde de vrais demeurés qui s'habillaient bien !

Ila quitta la voiture sans un mot et claqua bruyamment la portière avant de me tourner la dos et de s'appuyer contre la vitre, il était temps que je me change, et je n'avais pas mon mot à dire quant aux codes vestimentaires de ces riches stronzi qui géraient cet endroit prétentieux. Je me débarrassai tout d'abord de mon jean – devenu affreusement collant à cause de l'humidité – puis je glissai les manches de mon t-shirt le long de mes bras. En étirant ma main, mon poignet se cogna violemment contre la fenêtre et un bruit strident retentit en même temps que la douleur immergea mes veines.
—    PUTAIN DE BORDEL DE MERDE, FAIT CHIER !
Ma sœur sursauta mais heureusement pour moi, ne se retourna pas. Cependant son geste me réveilla et je m'activai, de façon à terminer cette tâche le plus rapidement possible. Mettre la chemise fut véritablement un jeu d'enfant comparé à la terrible galère que fut l'enfilage du pantalon. Je dus faire apparaître une bonne centaine de traces caoutchouteuses sur le siège, mes chaussures représentants les seuls suspects. Lorsque finalement, j'ouvris ma porte pour sortir, il devait s'être écoulé une bonne dizaine de minutes et nous étions en retard. Géniale pour faire une bonne impression ! Quand je fermais derrière moi, je croisai le regard de ma sœur, j'en profitai alors pour lui adresser le regard le plus noir que j'avais en stock tout en exprimant le fond de ma pensée :
—    PLUS JAMAIS JE NE ME CHANGERAIS DANS UNE VOITURE ! C'est clair ?
Peu impressionnée par ma colère et mon comportement nerveux qui – je devais bien l'avouer, même si j'en avais honte – était habituel et quotidien, elle me lança un sourire entendu avant de verrouiller la macchina puis de traverser le chemin en sens inverse. Je restai deux secondes sonné par son calme olympien, qui lui, était totalement anormale, puisque Ilaria détestait que je lui parle comme je venais de le faire. Celle-ci se rendit compte que je ne la suivais pas au bout de trois ou quatre pas et pivota pour me dévisager avec un certain agacement :
—    Quand t'auras fini de chouiner tout voudras bien me rejoindre ? On a un entretien d'embauche à passer je te rappelle !
Son ton provoquant eut le don d'amplifier mon énervement mais je restai serein d'extérieur, calme de façade et allai la rejoindre : elle disait vrai, nous avions un entretien d'embauche à passer et nous devions impérativement le réussir. Aussi, je mettais tout mon mauvais caractère de côté pour placer sur mes lèvres le sourire le plus artificiel que j'avais jamais affecté.

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Hey ! Ecrire les chapitres de cette série me prend énormément de temps aussi, je n'en publierais sûrement qu'un par mois pour l'instant, peut être que si j'ai moins de travail à l'avenir cela sera plus rapide mais pour le moment c'est impossible ...
:( J'espère tout de même que vous apprécierez, n'hésitez pas à me le faire savoir en petites étoiles et en commentaires,

Baci, Ellecey ❤️

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