Chapitre vingt-huitième : Accordéon, aéronef et tentacules

La Galerie des Monstres... en voilà une qui portait bien son nom ! Vertiline et Enoch n'eurent même pas besoin de suivre les indications de Zoé la pancarte : l'endroit se repérait tout seul. Difficile de ne pas le voir à moins d'être aveugle : l'entrée de la Galerie des Monstres n'était autre qu'un énorme visage à la bouche démesurée et grotesque; celle-ci ouverte en grand aux téméraires osant pénétrer dans la demeure des "Monstres"... Arrivés devant la gueule béante, Vertiline et Enoch aperçurent de nombreuses affiches (et appelons immédiatement les affiches Kim, voulez-vous ?) promettant des rencontres des plus originales au sein de la Galerie. L'une indiquait "Venez voir Adam, le torse vivant !", une autre "Venez à la rencontre de Madame Lulu, la seule et unique femme à barbe !", encore une autre "Venez découvrir Pongo, le garçon homard !", une suivante "Découvrez l'étonnante Marlene, la femme la plus grande femme du monde, et son mari Connor, l'homme le plus petit du monde !", etc. Mais plus que tout, une Kim se faisait plus grande et imposante que n'importe quelle autre, pour cause qu'elle couvrait à elle seule la moitié d'une des deux palissades construites entre les deux extrémités de la bouche géante. Celle-ci déclarait : "Venez découvrir les incroyables jumelles siamoises Evelyn et Evelyn !" Voilà qui pour sûr se promettait intriguant. Sans attendre plus longtemps, Vertiline et Enoch pénétrèrent dans la gueule du monstre.

Contrairement à ce qu'ils s'étaient imaginés, la Galerie des Monstres n'était ni un large espace où déambulaient des passants s'extasiant devant des curiosités humaines exhibées, ni même une galerie, en fait; car n'étant nul autre qu'un labyrinthe ! Rudimentairement construit avec des palissades en bois colorés, le but de l'attraction était de déambuler dans les couloirs en espérant croiser un des "monstres" qui s'y promenait pour faire peur aux passants. Tout en marchant, Vertiline se demandait quel devait être le but initial des gens qui venaient se divertir (ou plutôt s'effrayer) ici. Elle, avait une excuse : elle venait pour obtenir des informations. Mais qu'en était-il des autres ? Elle entendait plusieurs cris apeurés non loin, et avait même aperçue avant d'entrer dans la Galerie un couple en sortir en hurlant, sans doute effrayés par les monstres rencontrés. Mais dans ce cas, pourquoi être entrés là où ils se sauraient terrorisés par de simples humains difformes ? Elle se posait sans doute cette question en vain, voilà qu'au détour d'un couloir elle tomba face-à-face avec Pongo, le garçon homard. Sans même attendre, Pongo brandit ses mains toute biscornues et déformées semblables à des pinces de homard (d'où son surnom) en face de la demoiselle, mais la demoiselle en question n'en fit pas grand cas. Visiblement très surpris que la personne en face de lui ne se soit pas déjà enfuie en courant, Pongo hésita à demander timidement:

"Je ne vous fait pas peur...?"

"-Nullement, mon cher." répondit simplement Vertiline avec un gentil sourire en coin. Elle poursuivit : "Dites-moi, l'on m'a dit qu'ici, il était possible d'obtenir un ticket pour le Cirque Fisherman. Sauriez-vous par hasard où je pourrais m'en procurer ?" Pongo porta les deux uniques doigts de sa main droite à son menton, et adopta une expression pensive.

"-Humm... Vous ne faîtes pas dans la facilité, il est très difficile d'obtenir des tickets pour le Cirque Fisherman..." dit-il. "J'avoue que je ne sais absolument pas comment on y entre.

-Quel dommage..." soupira Vertiline.

"-Cependant -poursuivit Pongo- les jumelles qui nous ont rejoint il y a peu viennent du Cirque Fisherman. Je pense qu'elles sauront vous renseigner mieux que moi.

-Des jumelles ?" Vertiline fit un petit effort de mémoire pour se souvenir d'une Kim aperçue à l'entrée du labyrinthe. Si elle se souvenait bien, il était effectivement fait mention de jumelles siamoises, ou quelque chose dans ce genre...

"Vous devriez les trouver au milieu du labyrinthe si vous avez de la chance." continua le garçon homard. "Dites-leur que vous venez de la part de Pongo, elles accepteront peut-être de vous parler.

-Peut-être ?

-Comprenez : elles ne sont pas méchantes, juste un peu timides. Enfin, c'est compréhensible... Sur ce, je vous laisse. Je suis rémunéré aux cris de terreur des clients, alors je pense que ma bourse ne se remplira guère si je reste plus longtemps en votre compagnie !" déclara Pongo en souriant sur un ton ironique avant de saluer son interlocutrice et poursuivre tranquillement son chemin. Ainsi en firent Vertiline et Enoch. Ils ne croisèrent pas d'autres "monstres" durant leur marche. Néanmoins, cela ne les dispensaient pas d'entendre les nombreux cris d'effroi des autres s'étant aventurés dans le labyrinthe. Vertiline avait bien du mal à comprendre comment les gens pouvaient avoir peur d'humains en se basant simplement sur un jugement physique. Certes, voir un garçon homard ou une femme à barbe pouvait être un peu surprenant, mais de là à en pousser de tels cris ! C'était vraiment exagéré... Et l'on vivait pourtant dans une société où l'une des plus grandes icônes de la littérature populaire n'était autre qu'une limace géante antropomorphique !

Enfin, après encore de longues minutes de déambulations aléatoires entre les palissades colorés de la Galerie des Monstres, Vertiline et Enoch se mirent à entendre de la musique provenant du couloir adjacent à celui qu'ils empruntaient actuellement. Plus ils avançaient en sa direction, plus se succédaient devant eux nombres de visages tout pâlis de terreur en faire de même, sans doute ravis de retrouver en plein milieu de la demeure des Monstres une ambiance festive semblable à celle qu'il y avait à l'extérieur. Enfin, ils pénétrèrent au cœur même du labyrinthe, où la musique que l'on entendait (de l'accordéon principalement) se faisait bien plus forte. Apparence modeste c'est s'en dire, car il ne s'agissait à première vue que d'une simple tente semblable à celles vues à l'extérieur. Néanmoins, celle-ci était recouverte de nombreuses Kim et pointée par moultes Zoé, toutes indiquant :

Venez à la rencontre des jumelles SIAMOISES EVELYN et EVELYN NEVILLE, pour la première fois à PinkSmith ! Spécimen UNIQUE AU MONDE, garanti 100% RÉELLES et VIVANTES !

(La direction de la Galerie des Monstres ne prends aucune responsabilité en charge en cas d'évanouissement, de choc interne et externe, de crise existentielle, d'allergie à la bicéphalité, de crise cardiaque, ou de mort)

Voilà qui était prometteur. Du moins, Vertiline et Enoch espéraient pouvoir s'entretenir avec ces fameuses jumelles. Mais à en juger le nombre de gens qui entraient dans la tente devant eux, la chose risquait d'être sans doute plus compliquée que prévu... Néanmoins résolus, nos deux protagonistes pénétrèrent à leur tour dans la tente.

Comparée à celle du professeur Elemental, celle-ci était étroite et mal éclairée. Une petite scène entourée de deux rideaux bleus rabattus sur les côtés prenait la majorité de la place, et les quelques sièges posés devant achevaient d'occuper tout l'espace, sans parler de touts les gens restés debout, étant donné que les sièges étaient tous occupés. Vertiline et Enoch se faufilèrent dans un coin encore libre et observèrent. Ainsi exposées au centre de la scène, les jumelles paraissaient plus que mal à l'aise, entourées d'autant d'inconnus. Bien qu'elles se forçaient à sourire et à jouer quelques notes d'accordéon pour le bon plaisir des visiteurs, il était plus qu'évident qu'elles auraient préféré être ailleurs. Mais personne ne s'en souciait. Vertiline doutait fort que dans de telles conditions, elle arriverait à ne serais-ce que leur poser une simple question. D'autant qu'il était compliqué de seulement s'approcher de la scène, avec tout le monde qui se bousculait autour et hurlaient leurs questions aux jumelles, ne se préoccupant absolument pas de leur performance et espérant que leur voix couvrirait celle des autres. Évidemment, c'était également sans mentionner tous ceux qui se pressaient de toutes les manières possibles pour tirer quelques photos floues et mal cadrées des deux sœurs.

"Evelyn ! Comment ça fait d'être toujours avec ta sœur ?"

"Hé, vous deux ! Quel âge avez-vous ?"

"Faîtes coucou à l'objectif !"

"Evelyn, Evelyn ! C'est vrai que vous étiez au cirque Fisherman avant ?"

"Vous êtes comme ça depuis la naissance ?"

Trop gênées pour répondre, Evelyn et Evelyn continuaient de sourire en jouant quelques accords à l'accordéon. Vertiline ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu désolée pour elles... Néanmoins, tandis que la musique des jumelles se faisait de moins en moins assurée au fur et à mesure que le temps s'allongeait, un homme exentriquement vêtu et installé tout près d'Evelyn et Evelyn donnait les réponses à ceux qui en posaient, sur le même ton qu'eux, dans un parfait ramdam entre la musique des sœurs, les cris des badauds, et les réponses aux cris des badauds.

"Sachez qu'elles sont très contentes d'être aussi proches l'une de l'autre ! Vous n'avez pas besoin de connaître leur âge, mais elles ont plus de dix ans et moins de vingt ans ! Allez-y ! Elles adorent être prises en photo, pas vrai les filles ? Oui, elles étaient au Cirque Fisherman, n'en faisons pas tout un cas ! Parfaitement, elles sont nées ainsi !" Sans même penser que cela marcherait vraiment, Vertiline s'aventura alors à poser sa propre question, bien que celle-ci fût vite couverte par la voix d'autres curieux.

"Dites ! Comment obtient-on un ticket pour le Cirque Fisherman ?"

"Hé m'sieur ! C'est vous qui avez racheté les jumelles ?"

"Elles savent faire quoi à part de l'accordéon ?"

Titillant sa moustache bien fournie entre son pouce et son index, l'homme s'efforça de répondre sans perdre son calme :

"Tous les tickets pour le cirque Fisherman ont été vendus, il n'y en a plus ! Je n'ai nullement 'acheté' nos chers jumelles, elles nous ont rejoint d'elles-même ! Sachez que leurs talents sont multiples ! Elles jouent non seulement de l'accordéon, mais aussi du piano, de la guitare et du yukulele ! Et si elles veulent bien nous faire plaisir... peut-être nous chanteraient-elles une petite chanson ? N'est-ce pas Eva, Lyn ?"

Les deux sœurs extirpèrent une dernière note de leur accordéon et se turent, tandis qu' en même temps, les huées et les voix questionnantes se dissipèrent. La première ouvrit la bouche, semblant sur le point de dire quelque chose. Puis, elle se ravisa, murmurant quelque chose d'inaudible dans l'oreille de sa sœur. Alors qu'on croyait que la deuxième n'allait dire quoi que ce soit, celle-ci dit finalement à l'intention de sa jumelle :

"Quand il n'y a plus de ticket pour le Cirque Fisherman..." L'autre hocha la tête.

"Oui. Il n'y a plus qu'une solution.

-Hum. Hum.

-Il faut aller voir Indiana.

-Hum hum.

-Indiana Mercy Zeitgeist.

-Oui.

-De l'aérodrome.

-Effectivement.

-Car quand il n'y a plus de tickets...

-Indiana a peut-être une solution.

-Elle a toujours une solution.

-Elle a souvent une solution.

-C'est vrai.

-C'est juste.

-Il faut aller à l'aérodrome.

-Pour voir Indiana, c'est la meilleure chose à faire.

-Elle est peut-être dans..." Les jumelles furent coupées dans leur réflexion par l'homme qui avait répondu précédemment aux questions des autres.

"Mesdemoiselles, mesdemoiselles ! Et si au lieu de marmonner des inepties vous nous proposiez une petite chanson, hum ? Pourquoi pas cette jolie chansonnette sur les éléphants que vous affectionnez tant ? Vous aimez bien ça, les éléphants, je me trompe ?" demanda-t-il en faisant cette fois-ci un effort qui paraissait surhumain pour ne pas s'énerver (ce qui s'entendait particulièrement bien dans sa voix). Les jumelles acquiescèrent silencieusement. Alors qu'elles voyaient une jeune fille squelettique aux cheveux verts et son poulpe violet quitter la tente en prononçant quelque chose à propos d'Indiana Mercy Zeitgeist et de l'aérodrome de PinkSmith, elles agrippèrent fermement leur accordéon et se mirent à chanter.

https://youtu.be/zNILvKQO8zI

"Éléphant (éléphant) !
Grand et fort et doux et intelligent (intelligent).
Comment pourrais-je me sentir mal ?
J'ai ma sœur à mes côtés
Et un éléphant à chevaucher !
Éléphant (éléphant )!
Tu es triste et en cage,
Mais ce n'est pas pertinent (pas pertinent)
Parce que tout les autres sont jaloux quand ils nous voient passer
Sur un ami de si grande taille !
Les autres enfants ont des vélos.
(C'est la vérité).
Ou les papas les ramassent à l'école.
Mais ça ne me va pas, vous comprenez (comprenez).
Les autres enfants ont des chevaux.
-Les autres enfants ont des chiens.
-D'autres enfants ont des hamsters !
-D'autres enfants ont des grenouilles !
Mais l'animal de compagnie idéal pour moi est quelque chose de beaucoup plus grand.
-Et bienveillant...
-Et élégant...
-Et, hum...
-Et j'ai un...
Éléphant, éléphant !
Sur ton dos je suis dans mon élément (élément).
C'est vrai et c'est un fait : qu'il y a tant à apprendre
Quand on chevauche un pachyderme !
Oh, éléphant (éléphant) !
Mes pensées sont si mauvaises
Pour me donner un tel ami.
Oh, éléphant (éléphant) !
Je suis avec toi jusqu'au bout.
Éléphant, éléphant,
Je suis avec toi jusqu'au bout.

L'aérodrome de PinkSmith. Il ne fût aucunement compliqué à trouver une fois sortis de la Galerie des Monstres, pour cause que c'était la première chose que l'on voyait en arrivant dans la ville. Grossièrement, il s'agissait d'un grand terrain composé d'une piste et de gradins, où se déroulaient toute la journée des courses aériennes. L'amusante spécificité de l'aérodrome était que cependant, contrairement aux courses conventionnelles ou l'on concourait par catégorie, il n'y avait précisément pas de catégories ici. Ainsi, il était parfaitement normal de voir dans la même course un conducteur de vieux coucou affronter à jeux égal un pilote de B70, un conducteur d'aéronef, et un gars ayant construit un avion en papier géant.

Se dirigeant vers une des multiples entrée de l'aérodrome, Vertiline et Enoch se demandaient comment ils allaient bien pouvoir trouver une personne dont ils ne connaissaient que le nom dans un endroit aussi gigantesque. Alors qu'ils passèrent une porte d'entrée, ils pénétrèrent dans une salle aux murs couverts d'un peinture jaunâtre écaillée par endroits, au sol salit par d'innombrables traces de chaussure, dans laquelle figurait de grands panneaux sur lesquels étaient affichés respectivement l'ordre des courses à venir, les gagnants des précédentes courses, et les sommes pariées sur le dernier. De ce que Vertiline en voyait, quelques noms en particulier revenaient souvent vers le haut des classements, parmi lesquels :

-James "Force septuagénaire" Frank Stoner

-Aaron "Grand démolisseur" Grant Datchery

-Amélie "Jeunesse insouciante" Jojoe Ivern

-Marcellus "Esprit fugace" Emile Fuzzy

-Laurinda "Fougue septuagénaire" Felicia Spencer

-Clock "Coeur Volant"

"Pas facile de savoir sur qui parier, hein ?" interpella un homme dans le dos de Vertiline d'une voix rocailleuse. Il continua, pensif :

"Moi, j'suis sûr que parmi ces six là, Amélie peut tous les écraser ! Quoique, James est aussi doué dans son genre... et ça, c'est sans parler de Clock ! Mais qui sait, peut-être que Marcellus pourrait bien lui mettre la pâté ! A moins qu'il y ait Aaron, pour sûr, ça compliquerait tout. Sans parler de Laurinda si elle se retrouve face à James... Humm... Pas évident. Nan, vraiment pas évident...

-Excusez-moi monsieur, sauriez-vous par hasard où je pourrais trouver une certaine Indiana Mercy Zeitgeist ?" demanda simplement Vertiline sans se soucier des propos de son interlocuteur.

"-Ouais...Pour sûr que Aaron est un adversaire redoutable, mais Clock est quand même très douée dans son genre aussi..." continua de marmonner l'individu à la voix rauque, ne prêtant pas plus d'attention aux paroles de Vertiline qu'elle ne l'avait fait pour lui. Vertiline soupira.

"Alors selon vous, sur qui devrais-je parier ?" demanda-t-elle au même gaillard en lui cachant sa lassitude.

"Pour la prochaine course ?" répondit la gars, ravi que l'on s'intéresse à ce qu'il disait. "Ah, j'vous avoue que c'est compliqué de choisir... La course d'aujourd'hui va les opposer tous les six ! Du jamais vu !

-Les six en haut des classement ?

-Ouaip, ceux-là même ! James, Aaron, Amélie, Marcellus, Laurinda et Clock ! Hoho !" Extatique, il s'en frotta les mains. "Pour sûr, ça va être épique ! J'ai hâte, j'ai HÂTE que ça commence ! Mais là encore, la question se repose : sur qui parier ?

-Un choix cornélien que le vôtre." argumenta Vertiline sur un ton fort plat.

"-Vous ne pensez pas si bien dire ! Mais si je paris sur Amélie...mais qui me dit que Marcellus ne va pas gagner ? Ou Clock ? Aaah... Et vous ? Sur qui allez-vous parier ?

-Moi ? Heu... Je ne sais pas." L'homme laissa échapper un petit soupir embarrassé, tout en croisant ses bras et remuant la tête, les lèvres retroussées vers l'intérieur et faisant apparaître une partie de sa dentition jaunie.

"-Ah, nous sommes dans la même situation... Pourtant, il nous faut nous dépêcher! La course va commencer sous peu ! Mais qui choisir, qui choisir ?! En plus, c'est Indiana qui va commenter cette course ! Tout promet d'être absolument incroyable, et moi je n'arrive pas à me décider ! Malheur, malheur !" Ah ah ! Piquée au vif, Vertiline demanda aussitôt, avec un intérêt bien plus prononcé que les fois précédentes :

"-Tiens ! Vous ne sauriez pas où se trouve cette fameuse Indiana, par hasard ?" L'homme la toisa, étonné.

"-Hein ? Mais pourquoi vous ne l'avez pas demandé plus tôt ? Elle doit être dans sa loge. Enfin, je suppose...

-Savez-vous où se trouve sa loge ?

-Aidez-moi à me décider et je vous le dirais.

-Sérieusement ?!

-Sérieusement. Cette course promet d'être unique ! Si je paris gros, je risque de gagner encore plus gros ! Mais vous comprenez, c'est un affrontement entre la crème de la crème qui va se dérouler d'ici...oh bon sang, une demi-heure ?! Vite ! Vite ! Dites-moi sur qui parier, le guichet des paris va bientôt fermer !

-Heu...hé bien..." Vertiline porta un doigt pensif à ses lèvres, bien incapable de savoir quel était le meilleur concurrent sur lequel son interlocuteur (qui la pressait avec véhémence) serait le mieux à même de parier sa fortune. Mais sans doute n'étais-ce pas d'une grande importance, qui plus est auprès de quelqu'un qu'elle venait à peine de rencontrer et ne reverrait sans doute plus jamais. Aussi trancha-t-elle parfaitement au hasard.

"Vous parliez d'Amélie tout à l'heure, non ? Pariez donc sur elle.

-Amélie Jojoe Ivern ? Vous êtes sûre ?

-Et vous? Êtes-vous sûr de laisser une inconnue choisir vos paris ?

-Oui ! Madame Soleil a juré qu'aujourd'hui, une inconnue allait faire ma fortune ! Si il s'agit de vous, ce qui, au vu de la tournure des événements, me paraît de plus en probable; alors je vais suivre votre conseil et tout parier sur Amélie." Clignement d'yeux très circonspect de la part de l'inconnue en question.

"-Pensez-vous qu'il soit raisonnable de parier tout votre argent sur quelque chose d'aussi hasardeux ?" demanda celle-ci, sagace.

"-Bien sûr que non." répondit celui-ci, clairvoyant.

"-Mais alors pourquoi...

-C'est amusant.

-Amusant ? De perdre tout votre argent ?

-Non, de le voir augmenter ou diminuer en des sommes faramineuses suite à une course dantesque !

-Vous devez avoir beaucoup d'argent à perdre pour le dépenser si futilement.

-Je vous avoue que oui.

-Sinon, concernant la loge d'Indiana ?

-Troisième porte à gauche en partant du couloir derrière nous.

-Merci bien.

-Tut tut tut ! Ne filez pas si vite !" Ho ! Hé ! Hein ! ...Bon !

"-Quoi donc ?" demanda Vertiline en grinçant des dents (elle eût beau avoir déjà tourné les talons, l'homme l'avait attrapé par l'épaule pour la ré-orienter vers lui, ce qui ne lui plût guère), d'une voix également plus incisive.

-Vous ne m'avez pas dit sur qui vous alliez parier." (!!!) Voix incisive feu, voix consterné devint :

"-Oh la la...

-Pardon ?

-Heum... Clock ! Disons que je parie sur Clock, cela vous convient-il ?

-Humm... Clock... Bon choix, bon choix... Bien ! Alors dans ce cas, que le meilleur gagne ! Sur ce, je vais partir, maintenant." Et il resta planté devant le tableau d'affichage. Presque toute la conversation s'était déroulée sans que l'un ne daigne tourner la tête vers l'autre, et Vertiline eut tôt fait de se retirer une fois son information obtenue. Suivie de près par Enoch, que beaucoup dévisageaient curieusement soit dit en passant (admettez que le poulpe n'est guère l'animal de compagnie le plus commun qui soit), Vertiline se dirigea alors dans le couloir indiqué par le parieur, jusqu'à la troisième porte du côté gauche. Effectivement, celle-ci incrustée d'une petite étoile cuivrée, était décorée au nom d'Indiana Mercy Zeitgeist. Vertiline doutait sérieusement qu'une personne visiblement importante de l'aérodrome ne veuille bien lui accorder un peu de son supposément très précieux temps. Néanmoins, ce n'était pas en restant plantée devant la porte que quelque chose allait se passer. Aussi, Vertiline toqua alors de trois coups francs, un peu appréhensive.

"J'arrive tout de suite !" dit une voix guillerette derrière la porte. Quasiment immédiatement après surgit devant nos deux protagonistes une femme qui ressemblait tellement à Hermione Lisbeth Tinker que s'en était plus que troublant. Par réflexe, Vertiline recula même d'un pas au même moment ou la femme fit son apparition.

"Que puis-je pour vous ?" demanda leur interlocutrice avec un grand sourire qui mettait Vertiline mal à l'aise.

"Êtes-vous...êtes-vous bien Indiana Mercy Zeitgeist ?" demanda-t-elle, surprise par l'amabilité de la personne en face d'elle.

"Mais oui, c'est bien moi ! Désirez-vous quelque chose ?" répondit chaleureusement Indiana en arborant toujours ce même sourire radieux.

"C'est à propos de..." commença Vertiline avant de se faire immédiatement couper la parole.

"-Oh, je manque vraiment de politesse !" s'excusa Indiana sans que Vertiline ne comprenne même pourquoi. "Venez, entrez plutôt et dites-moi tout !" A peine eût-elle finit sa phrase qu'elle pressa Vertiline et Enoch à entrer dans sa loge (si bien qu'ils ne purent s'y opposer) et referma la porte sur eux.

"Prenez place, je vous en prie !" dit-elle en présentant des petites chaises en bois à ses invités. La loge de Indiana Mercy Zeitgeist était bien moins luxueuse que ce à quoi Vertiline et Enoch ne s'étaient attendus. En fait, elle était même plutôt miteuse... recouverte d'un vieux papier peint à gris déchiré à de nombreux endroits, elle était remplie de vieilles photos sépias accrochées un peu partout.

"Que voudriez-vous savoir ?" demanda Indiana après s'être assise face à Vertiline, et avoir offert une friandise (un petit crabe séché) à Enoch. Vertiline commença donc l'énonciation de sa requête, les mains jointes sur ses genoux :

"Hé bien voilà : j'aimerai obtenir un ticket pour le Cirque Fisherman. Mais à ce qu'il paraît, tous ont été vendus. Seulement, je dois absolument y aller...

-Humm...j'ai bien peur que si vous ne vouliez assister à un spectacle, il ne faille attendre que le Cirque revienne, d'ici quelques mois." répondit Indiana en s'asseyant les jambes croisées sur sa chaise, face à son invitée.

"-C-Comment ça que le Cirque revienne ?" balbutia Vertiline d'une voix à la fois confuse et involontairement moqueuse. "Il ne s'est quand même pas envolé, non ?

-Mais bien sûr que si !" clama Indiana avec autant de certitude qu'une souris verte trempée dans l'huile puis dans l'eau vous fait un escargot tout chaud. Mademoiselle March argumenta, sur un ton prônant la logique des choses :

"-Non... Il ne s'est pas envolé, n'est-ce pas ?

-Mais puisque je vous dit que si ! Le Cirque Fisherman, du grand Sir Barnabas Newton Fisherman, est bien connu pour être le seul et unique Cirque volant de monstres et curiosités insolites en tout HighSmith.

-Mais...il ne volait pas la dernière fois que je suis venue dans le compté ! Il était ici ! A PinkSmith !

-C'est parce que le Cirque ne s'envole qu'une fois dans l'année. Par contre, quand il met les voiles, c'est pour plusieurs mois. En fait, il est même parti hier. Quel dommage ! Vous l'avez raté de peu..." Vertiline poussa un petit râle désappointé.

"-Aaah...c'est bien ma veine ! N'y a-t-il pas un moyen de le rattraper en cours de route ?

-Bien sûr que oui, ne vous inquiétez pas.

-Oh ! Vraiment ?

-Mais oui! Tant que vous avez de quoi le rejoindre en vol, cela va s'en dire. Un avion, un aéronef, une fronde propulseuse géante...

-Dans ces conditions, c'est moins sûr..." Pensive, Indiana se gratta le menton d'une main. Elle reprit :

"Humm... Cela dit, à défaut d'avoir un engin volant, vous pouvez en acheter un.

-Je doute sérieusement avoir l'argent nécessaire... Quel est le prix moyen d'un petit avion ?

-Je dirais autour de six-cent pièces de rouille, soit à peu près huit-cent cinquante pièces de cuivre, donc onze galliums...

-Oh, misère... Même une vie entière à travailler honnêtement ne me permettrait pas d'amasser une telle somme !" murmura Vertiline dans son esprit.

"Cela dit..." continua Indiana "Je pense que vous êtes plutôt chanceuse, mademoiselle!" Le visage de Vertiline s'éclaircit.

"-Oh ! Pourquoi donc ?

-Hé bien ! Vous n'allez pas me croire -au mieux vous allez rire- mais vous êtes sans doute au fait que d'ici seulement une vingtaine de minute, la course du siècle va commencer ici même, dans cet aérodrome.

-Certes, mais je ne vois pas le rapport.

-J'y viens : voyez-vous, énormément de gens parient sur les concurrents. A force, la direction de l'aérodrome en a eut assez de donner de grosses sommes d'argents à ceux qui gagnaient les paris, en plus de devoir financer les athlètes. Alors depuis quelques temps, au lieu d'offrir de l'argent, elle offre des cadeaux.

-Et ?" Les doigts de Vertiline tapotaient maintenant ses cuisses avec nervosité.

"-Et c'est là que ça devient croustillant! Car -vous n'allez pas en revenir- le cadeau qui sera distribué au parieur vainqueur...c'est un aéronef !" Les jambes de Vertiline se resserrèrent contre les pieds de la chaise. Une idée on-ne-peut plus claire venait de traverser sa tête, et elle devina au moyen d'un simple regard échangé avec Enoch que son compagnon avait pensé la même chose. C'était décidé : ils devaient coûte que coûte obtenir cet aéronef pour rejoindre le Cirque ! Néanmoins, une autre question tarauda immédiatement son esprit :

"Mais mettons que plusieurs personnes parient sur le même concurrent et que ce concurrent gagne la course... Comment peuvent-ils se départager le prix ?

-Cela se joue à celui qui a parié la plus grosse somme.

-Ah..." Vertiline et Enoch échangèrent un nouveau regard. Tous les deux savaient aussi bien l'un que l'autre que Vertiline était fauchée depuis plus ou moins le début de sa vie, et ce n'était pas aujourd'hui que cela allait changer...

"Jusqu'à combien peuvent s'élever les sommes pariées ?" demanda-t-elle. Indiana continua de sourire en répondant :

"Hé bien, je dirais qu'il n'y a pas vraiment de limites. Pariez autant que vous voulez et priez pour gagner ! C'est notre modo ici, à l'aérodrome.

-Et si je parie sur un concurrent, qu'il gagne, et que ce soit moi qui ait misé la plus grosse somme d'argent pour la course d'aujourd'hui...

-Dans ce cas, l'aéronef est à vous !

-Et vous me garantissez qu'avec, je peux rejoindre le Cirque Fisherman ?

-Pour peu que vous sachiez conduire un aéronef, oui. Mais cependant...

-Quoi donc ?

-Vous savez, loin de moi l'idée de vous paraître impolie, mais je doute que M. Barnabas n'accepte à bord un passager sans ticket.

-Ah oui, il y a cette histoire de ticket...

-Mais...

-Mais ?

-Si vous vous présentez en tant qu'artiste, j'imagine qu'il pourrait bien...quoique non, mieux ne vaut peut-être pas.

-Pourquoi ? Je ne dis pas être jongleuse ou acrobate, mais je dois bien savoir faire quelque chose qui ravira le directeur !" Plus la conversation se poursuivait, plus le sourire d'Indiana s'estompait petit à petit.

"Comment vous dire... M.Barnabas a...des critères d'appréciations très...particuliers.

-Dit comme ça, vous me faîte imaginer le pire.

-Disons qu'il...hum..." la jeune sosie de la Shérif de GreenSmith porta une main à côté de ses lèvres et murmura : "M. Barnabas recherche des...des monstres, pour ses spectacles.

-Des monstres ?

-Pas si fort ! Mais...oui.

-Hé bien... c'est parfait !" déclara Vertiline après avoir réfléchit à toute vitesse. "Je ferai parfaitement l'affaire !" Indiana et Enoch la dévisagèrent tous deux d'un regard interloqué.

"Vous ?" demanda Indiana en souriant avec peine "Je ne sais pas si cela vous déçoit de l'apprendre, mais vous n'avez rien de monstrueux, mademoiselle.

-Ah ça, c'est parce que vous n'avez encore rien vu !" s'enorgueillit Vertiline en bombant le torse.

"-Que voulez-vous dire par là ?

-Hé bien ! Ça ne se voit pas, mais en fait je...je suis une...hybride...mi-femme, mi...poulpe.

-Heu...

-Oui, je lis dans votre regard que vous n'êtes pas convaincue. Mais voyez vous, je suis femme des hanches à la tête, et poulpe des pieds aux hanches. Impossible de voir mes tentacules sous mon actuelle robe!

-Je ne vous croie pas. J'ai vu vos jambes au moment ou vous vous êtes assise !" sourit victorieusement Indiana en croisant les bras.

"-Pensez donc !" repris Vertiline avec assurance, se demandant jusqu'à quel niveau elle allait étoffer son mensonge. "Si on me voyait me balader tentacules à l'air, je serai déjà dans un cirque ! Ces jambes là sont des fausses, faîtes en bois." Indiana leva légèrement la tête, yeux écarquillés, et la bouche laissant échapper un grand "Ah." muet.

"-Je vois, je vois..." répéta-t-elle comme pour s'en persuader. "C'est néanmoins très curieux.

-Et pourtant! Pourquoi suis-je accompagnée de mon brave ami céphalopode ici présent, à votre avis ? Sans lui, je... je ne saurais pas comment...entretenir mes tentacules !

-Aah, maintenant que vous le dites ! C'est vrai que d'après ce que j'ai lu dans un livre, si les tentacules des octopodes ne sont pas soumises à des soins particulier, elles peuvent noircir et tomber !

-E-Et oui !

-Vous vous êtes donc entourée d'un expert en la matière !

-C'est peu de le dire !

-Et bien après réflexion, c'est vrai que vos propos font sens." déclara résolument Indiana, ayant entre temps retrouvé son habituel sourire. "Je ne sais pas si M.Barnabas sera prêt à vous engager sans entretien, mais je peux néanmoins lui rédiger une lettre de recommandation pour vous.

-Vraiment ? Vous seriez d'accord pour faire cela?

-Mais bien sûr ! A seulement une petite condition. Vraiment, trois fois rien !" Ce fût au tour de Vertiline de perdre le léger sourire qu'elle venait d'arborer sous la généreuse proposition d'Indiana.

"-Humm...dites toujours.

-J'aimerai que vous m'assistiez pour commenter la prochaine course qui va avoir lieu... -elle regarda sa montre- oh ! D'ici seulement un quart d'heure ! Nous devons nous hâter !" Fichtre ! Si Vertiline s'était attendue à ça !

"-Que je...commente la course ? Avec vous ?

-C'est cela ! Comprenez, je suis toujours accompagné d'un assistant ou d'un fan pour commenter les courses. Mais...oh, je suis passionnée par mon métier, hein ! Mais disons que à force d'être entouré des même gens, avec les mêmes commentaires, les mêmes réflexions...et bien c'est un peu moins passionnant, à la longue. Mais vous, vous n'y connaissez rien, je me trompe ?

-Au monde des courses ? Je vous avoue qu'effectivement, j'y suis complètement étrangère.

-Hé bien moi, je ne suis absolument pas contre un peu de sang frais ! Ne l'interprétez pas mal, je veux juste changer un peu de partenaire. Alors voici ce que je vous propose, mademoiselle : vous commentez cette course avec moi, et en échange, je vous rédige une lettre de recommandation que j'enverrai à M.Barnabas juste après." déclara promptement et clairement la jeune présentatrice.

"-C'est tout ce que vous voulez que je fasse ? Commenter une course ?" demanda Vertiline, étonnée de cette singulière demande.

-Exactement ! Vous avez l'air surprise.

-Oh, c'est juste que...non, rien. C'est d'accord ! Et vous me garantissez que je pourrai rejoindre le Cirque sans problème, après cela ?

-Hé bien, tant que vous pariez et gagnez l'aéronef, oui !

-Il faut quand même que je parie ?!

-Bien sûr ! La lettre que je vous rédigerai vous promet une admission au Cirque, pas un accès. A vous de bien miser vos revenus et de prier pour gagner !" Bon. Hé bien soit !

"-Et bien soit !

-Ohoho ! Vous vous décidez vite! Savez-vous sur qui vous allez parier ? Les concurrents du jour sont James, Aaron, Amélie, Marcellus, Laurinda, et Clock. (Elle récitait déjà ces avec une voix ne tarissant pas sur l'aisance naturelle qu'elle avait à annoncer des noms avec la touche de sensationnalisme propre et nécessaire à son métier).

-Je parie tout sur...Clock." dit Vertiline en se souvenant de ce qu'elle avait dit au gars à la voix rocailleuse devant les panneaux d'affichage. Indiana continua de sourire. Plus Vertiline la regardait, plus elle se disait que la femme en face d'elle ressemblait beaucoup trop à son goût à la Shérif de GreenSmith...

"Clock, hein ?" repris Indiana. "Oui...c'est un bon choix. Mais personnellement, je mise sur Laurinda. Attendez de le voir sur le peloton, et vous allez comprendre pourquoi !" Elle claqua ses deux mains l'une contre l'autre et se releva énergiquement de sa chaise. "Dans ce cas mademoiselle...pardonnez-moi, nous sommes nous présentées ? Je ne crois pas connaître votre nom.

-C'est, hum...Victoria...Prismall. Je suis la sœur d'une personne trèèèès influente, alors comprenez que j'ai beaucoup d'argent à parier !

-Haha ! Si vous le dites, mademoiselle Victoria ! Votre pari sera enregistré, faîtes-moi confiance. Combien misez-vous ?

-Toute ma fortune.

-Hé bien hé bien ! Vous êtes déterminée ! Mais c'est vrai que Clock reste un très bon atout... Enfin quoi qu'il en soit, n'oubliez pas que vous perdrez tout si Clock n'arrive pas première. Et en plus, vous n'aurez pas l'aéronef.

-J'en suis consciente.

-Dans ce cas, puisque vous êtes si sûre de vous! Venez avec moi, Victoria ! Allons à la cabine des commentateurs, la course va commencer sous peu! Et votre poulpe peut venir aussi, ne vous inquiétez pas." Vertiline et Enoch se levèrent à leur tour, suivant Indiana qui franchit la porte de sa petite loge pleine d'entrain.

La fameuse Clock avait intérêt de gagner. Car désormais, c'était sur elle que reposait la suite des pérégrinations de nos deux protagonistes !


Découvrez vite la suite au chapitre suivant, qui sera plus court : "De bien curieux volatiles"!


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