Chapitre vingt-deuxième : Miner, canailler, et toutes ces sortes de choses
Le silence était pesant, l'atmosphère lourde. Depuis leur départ de l'Orphelinat, ni Vertiline ni Hermione n'avaient prononcé le moindre mot. Les deux chevauchaient le dinosaure mécanique de la Shérif, Vertiline positionnée à l'avant sur la selle, et Hermione assise juste derrière elle, les rênes de la bête aux mains. Il faisait nuit noire et on n'y voyait goutte. Difficile d'y voir à plus de cinq mètres devant soi dans une telle pénombre. Ce qui, vous vous en doutez, faisait un cadre parfait pour quelque chose qui pourrait s'apparenter à...un échappatoire? Toute silencieuse qu'elle était, Vertiline ourdissait un plan pour se défaire de sa situation. Par exemple, elle pouvait très bien se laisser glisser de la selle pour tomber et ensuite détaler comme un lapin dans la nuit noire. Évidemment, il ne fallait cependant pas oublier que face à Hermione qui était non seulement armée et avait un grand avantage de vitesse sur elle, Vertiline, dont les mains étaient toujours menottées dans son dos, n'avait que peu de chance de ne pas se faire rattraper immédiatement par la Shérif. Autrement, elle pouvait tenter de désarçonner Hermione par un quelconque moyen, mais là encore, sa ravisseuse était armée... Si Enoch avait été là, les possibilités de Vertiline se seraient vues décuplées. Malheureusement, son cher céphalopode n'était pas à ses côtés. Et une fois de plus, elle allait lui causer bien du tourment... Pauvre Enoch! Lui qui allait encore s'inquiéter pour son amie, une fois de plus! Et cette fois-ci, il n'avait même pas l'avantage de savoir où était Vertiline. Comment allaient-ils seulement se retrouver? Comment allaient-ils faire, loin l'un de l'autre? Au simple fait d'y penser, le coeur de Vertiline se serrait d'amertume...
Tout à coup, alors qu'elle et Hermione chevauchaient depuis maintenant presque trois heures (ce qui était étrange au passage, puisque YellowSmith et GreenSmith étaient normalement très proches l'une de l'autre), un gigantesque bruit dont on jurait qu'il s'échappa des profondeurs de la terre surgit sans crier gare, affolant la monture de la Shérif, dont les circuits n'avaient sans doute pas été programmés pour supporter des sons aussi violents.
"Qu'est-ce qu'il se passe!?" s'écria Hermione en empêchant difficilement son dino de se cabrer.
"Oh oui les enfants! ÇA c'était de l'explosion! Pas de la gnognotte, mes chouchous! ÇA mes gaillards, ÇA c'est d'la bonne explosion! OH OUI!" s'extasia au loin une grosse voix enthousiaste.
"Tss! Encore des voyous! A tous les coups, ils s'amusent avec des pétards sans autorisation! Je m'en vais aller te remettre cette mauvaise graine à sa place moi, ça va chauffer!" soupira Hermione avec exaspération en se dirigeant en direction de la fumée provoquée par les explosions.
"Quelle EXPLOSION mes enfants! Hahahahaha! Voilà c'qu'il nous faut d'bien! Encore quelques explosions comme ça mes chéris, et on pourra à nouveau CREUSER (et exploser des trucs) de la CAILLASSE, du MINERAI! Hoy! Hoy! Hoy! On est pas les mineurs de minerai pour rien, ou bien? OH QUE OUAIS!" continua la voix extatique.
"Au nom de la loi, arrêtez votre beuglante! Qui êtes-vous et qui vous à donné l'autorisation d'utiliser des explosifs à GreenSmith?" demanda Hermione d'une voix irritée en s'approchant encore davantage, jusqu'à être complètement immergée dans la fumée.
"Qu'est-ce qu'elle nous veut la p'tite dame?" demanda la même voix fada des explosions. "Qu'est-ce qu'elle nous cause de GreenSmith? On est pô à GreenSmith! Bouahaha!" De terrifiants rires gutturaux s'échappèrent de derrière l'homme, dont la voix caverneuse contrastait avec son ton sympathique.
"C-Comment ça, nous ne sommes pas à GreenSmith?" demanda Hermione d'une voix glacée d'appréhension. L'homme à la beuglante caverneuse fit quelques pas dans la fumée, jusqu'à arriver en face de Hermione et sa monture. Il s'agissait d'un bonhomme bien en chair, grand gabarit, glabre, dont le bras gauche était entièrement mécanisé, ce qui rappelait furieusement son acolyte à la Shérif.
"Et comment qu'on est pas à GreenSmith! 'Zêtes à GreySmith, mes p'tites dames! J'paris qu'vous venez pour les postes, nan?
-Les...les quoi?" bredouilla Hermione, fort perturbée par le gênant constat qu'elle s'était vraisemblablement trompée de route.
"M'enfin, les postes à la Mine! 'Savez bien qu'c'est tout ce qu'on a, à GreySmith : des mines à n'en plus finir!" jubila M. Grosse Voix, dont le cou se gonflait comme celui d'une grenouille lorsqu'il avait tendance à parler trop grave. Le cou d'Hermione quand à lui s'enfonçait progressivement dans ses épaules.
-I-Il y a erreur, nous ne venons pas pour-
-DES EXPLOSIONS! Vous et l'aut' au cheveux bizarre qu'en dit pas une, vous v'nez pour des EXPLOSIONS! Hoho! J'le savais! Aaaallez, v'nez donc! J'vais vous montrer comment qu'on mine, moi! Ou mon nom est pô Hank Edmund Brewer!" Aussitôt, le dénommé Hank fit descendre Hermione et Vertiline du dinosaure, malgré les vives protestations de la Shérif.
"Monsieur Brewer, veuillez cesser tout de suite! Nous ne sommes aucunement venues ici pour-
-M'enfin, qu'est-ce que vous fichez donc avec cette horreur?!" la coupa Hank en saisissant le fusil de la Shérif. "C't'interdit ici! On est pour les explosifs, mais les armes? Oh que non!" Et il vida immédiatement le fusil de toutes ses cartouches, avant de le jeter dans la fumée, sous une nouvelle protestation vigoureuse mais infructueuse d'Hermione. Après seulement, il nota que les mains de Vertiline étaient toujours menottées, et que Hermione tenait encore la corde qui y était raccrochée.
"Heumm... le coup des menottes là, c'est une sorte de jeu coquin entre vous? Pas qu'je juge, hein. C'est juste que là, on est en public." déclara-t-il en se grattant le menton. Aussitôt, Vertiline et Hermione échangèrent un regard trahissant le plus puissant dégoût qu'elles n'aient jamais manifesté jusque là.
"Cette femme est..." commença Hermione.
"-En fait, nous serions on ne peut plus ravies de prendre part à vos...affaires d'explosions, monsieur Brewer!" la coupa immédiatement Vertiline.
"-Ahaha! Voilà c'que j'voulais entendre! Suivez-nous mesd'moizelles, on va vous assigner un poste!" s'extasia Hank en riant fort avec sa grosse voix. Sur ce, il s'appliqua lui-même à retirer les menottes de Vertiline (non sans avoir fait un clin d'oeil perturbant à Hermione en même temps) et entraîna les deux jeunes femmes en plein coeur de la fumée, malgré les protestations de l'une et l'entrain exagéré de l'autre. Derrière le nuage de fumée nauséabond se tenait une bonne quinzaine de bonhommes et quelques femmes, tous bien bâtis, et aussi bien crasseux. Ils étaient vêtus de gros vêtements épais couverts de traces noires. Leur tête était surmontée d'un casque muni d'une lampe frontale, et tous tenaient sans exception un engin qui était une pioche dans un sens et une pelle dans l'autre, dont un petit réservoir à vapeur avait été installé au centre. Certains avaient un oeil en moins, d'autres un bras ou une jambe. Des accidents de travail dus à la passion apparente de Hank pour les explosions?
"Au fait, c'est quoi vos p'tits noms?" demanda Hank à Hermione et Vertiline en les emmenant dans ce qui semblait être une caverne mal éclairée.
"Je m'appelle Carolle Hepzibah...Scarborough. Et l'autre grincheuse là, c'est ma soeur : Easter Hepzibah Scarborough!" déclara immédiatement Vertiline avant que Hermione n'ait pu dire le moindre mot.
"Quoi?!" articula la Shérif en grinçant des dents. "Vous ne...
-Allons soeurette! Il...ne faut pas discuter! Qu'est-ce que maman nous a dit à ce propos? Ecoutons plutôt ce que monsieur Brewer a à nous dire!" dit aussitôt Vertiline en passant son bras derrière le cou d'Hermione.
"Haha! C'est beau de voir une famille qui s'aime!" ria Hank en les entraînant toujours plus profonds dans les couloirs souterrains. "De toute façon, les Mines, c'est souvent une histoire de famille! Ma femme et ma fille y travaillent également! Mon autre fille avait bien le profil, mais elle a préféré partir à GreenSmith... toute une histoire! M'enfin, on est pas là pour ça." Hank se retourna face aux deux 'soeurs'. Ils étaient maintenant profondément engouffrés dans la Mine : un lieu étroit et mal éclairé où régnait une désagréable odeur de souffre, et une chaleur étonnante. Hank les avaient emmenées jusqu'à une sorte de camp de repos en plein coeur de la Mine : on pouvait effectivement y voir quelques hamacs pendre ça et là, accrochés les uns les autres à seulement un mètre du bas plafond. Deux pauvres lanternes avaient été posées au sol et éclairaient modestement un petit bureau entièrement fait de matériaux de récupération (des bouts de tuyaux, des morceaux de caillasse, des roues dentées déformées...), au dessus duquel était épinglée à même la pierre une carte s'apparentant à un plan de la mine, ainsi qu'une photo représentant une femme nue cachant pudiquement ses seins et son bas-ventre avec des pièces de viande. On pouvait même lire au dessus de la photo "Boucherie Martin : On vous offre les meilleurs morceaux!" Suspendue près des hamacs, était nerveusement ballottée une petite cage contenant deux perroquets mécaniques à crête brune qui piaillaient sans interruption, et faisaient à eux seuls un vacarme monstre.
"INTRUS! INTRUS!" hurla un perroquet à l'approche de Vertiline et Hermione.
"Hé la! Calmos Albinos! Ce sont de nouvelles employées!" déclara Hank à l'attention du dénommé Albinos. Puis s'adressant deux femmes : "Bon, mesdames, que j'vous explique. Ici, c'est pas compliqué : on pioche, ou on canaille!
-On...canaille?" demanda Hermione, dubitative.
"Ouaip." repris Hank "'Fin, j'entends par là que si vous êtes pô mineur, vous êtes un canari.
-Très bien, vous m'avez perdue...
-C'est pô compliqué : les mineurs, ils minent. Rien d'plus simple! Toute la journée, on broie et on extrait de la caillasse, des roches, des pierres, et encore plein d'aut' trucs sympas! Pour ça mes chéries, on attrape une pioche -ce qu'il fit- et BANG! Dans la roche! REBANG! Dans la pierre! On pioche! On pioche sans s'arrêter! -Ce qu'il fit aussi, dans le vide.- ÇA, c'est un métier, moi j'vous l'dit! Et pis parfois, BAM! EXPLOSIOOOON! On pioche! On explose! Qu'est-ce que vous voulez faire de mieux dans une vie?! HA! J'vous l'demande!" Une brève pause. " 'Fin voilà. Et quand on pioche pas, on canaille. Les piocheurs ils piochent, et les canaris ils canaillent. Un canaris, c'est ultra important au bon fonctionnement d'une mine! Sans canaris, plus de piocheurs! Plus de piocheurs, plus de mineurs! Et nous, les fiers mineurs de minerai, on manque de canaris... Les canaris, comme j'vous l'dit, y sont super importants! Leur but, c'est de guider les mineurs, de les aider à transporter le minerai, et plus que tout, de transmettre EFFICACEMENT les infos de m'sieur McLogan à temps. C'pas donné à tout le monde d'être un canari. 'Faut être rapide, avoir une bonne mémoire, un bon sens de l'orientation, être de petite taille de préférence... Ici, on a qu'une seule canari. Mais elle est pô des plus réactives, donc comprenez qu'ça commence à devenir problématique...
-CANARI! CANARI, OUI!" cria soudain le second perroquet depuis la cage, à laquelle son agitation faisait effectuer de vifs mouvements pendulaires.
"Bin qu'est-ce que t'as Blanquette?" demanda Hank en se tournant vers ledit Blanquette.
"CHEVEUX VERTS! CANARI! CANARI, OUI!" s'égosilla le perroquet en battant des ailes. Hank tourna la tête vers Vertiline, puis vers Blanquette à nouveau.
"Tu penses qu'elle ferait un bon canari, mon p'tit gars?" demanda-t-il d'un air surpris au volatile.
"BLANQUETTE SUR! BLANQUETTE SUR, OUI!" argumenta le perroquet.
"-ALBINOS APPROUVE! ALBINOS APPROUVE!" s'écria le second. Hank s'en frotta les mains. "Les perroquets on l'oeil pour dénicher les canaris." dit-il en souriant. "Alors, heum... Carolle, c'est ça? 'Faut croire que tu vas être not' nouveau canari, désormais! Haha! Ça va faire plaisir aux autres, ça! Ça fait...allez, des décennies? Des DÉCENNIES qu'on a pas eu de nouveau canaris! Enfin, sans mentionner Gracy Grace, pour sûr. Mais ça, c't'une autre histoire. Attends une seconde, je vais appeler l'autre, qu'elle t'explique les bases du métier." Hank se munit alors d'une petite cloche posée sur le bureau. Et au lieu de la secouer pour émettre un son, il parla (ou plutôt cria) dedans, gutturalement : "HOY! HOY! HOY! GRACY GRACE! VIENS AU CAMPEMENT! ON A UNE NOUVELLE CANARI POUR T'AIDER!" Sur ce, il reposa la cloche là où il l'avait prise comme si de rien n'était.
"Et...et moi dans tout ça?" demanda Hermione qui était restée silencieuse jusque là.
"Toi?" dit Hank en se retournant vers son interlocutrice. Il saisit aussitôt une pioche-pelle-à-vapeur et un casque incrusté d'une lampe frontale sur un énorme tas plein de ces choses là, et mis l'un dans les mains d'Hermione, et l'autre sur sa tête. "Toi ma grande, tu vas apprendre à MINER! OH OUAIS!" s'écria-t-il plein d'enthousiasme. "Allez! Viens Easter!" Et il lui pressa le pas dans les profondeurs de la mine, sans qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit davantage. Alors que Hank l'entraînait toujours plus loin, la Shérif se retourna néanmoins quelques secondes face à Vertiline avant de disparaître et la foudroya du regard.
"Bonne chance, soeurette!" dit Vertiline en lui faisant un signe d'au revoir, savourant pleinement de voir la Shérif de GreenSmith perdre le contrôle de la situation. Maintenant seule dans le campement, Vertiline s'assit sur un des hamacs, attendant l'autre canari. Et autant était-elle curieuse de savoir à quoi pouvait bien ressembler un 'canari' humain, autant commençait-elle également à se demander où elle pourrait bien trouver un minuscule morceau de clé dans des kilomètres et des kilomètres de dédales souterrains. Maintenant qu'elle était à GreySmith, autant en profiter! Et échapper vite à la Shérif, au passage...
En peu de temps, des bruits de pas vifs et saccadés par une marche rapide se firent entendre non loin. Vertiline se retourna, curieuse de voir si il s'agissait d'un simple mineur ou de la fameuse canari. Sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi, son coeur se mit à battre plus vite au fur et à mesure que les pas se rapprochaient. Ils étaient proches. De plus en plus. Chaque pas semblait se faire plus rapide que le précédent, comme si la personne qui en était responsable courait à travers les étroits couloirs de la Mine. Soudain, une grande silhouette fit irruption dans le camp sans crier gare, ne manquant pas de faire sursauter Vertiline sur le coup. Et franchement, il y avait de quoi avoir peur : la femme qui se tint devant elle faisait presque deux fois sa taille (elle avait l'habitude de cela, mais celle-là était vraiment très grande), arborait une chevelure bouclée et brunâtre en pétards semblable à une crinière de lion, ainsi qu'un inquiétant masque qui lui cachait la bouche, duquel s'échappaient quatres longs tuyaux qui semblaient rattachés à une sorte d'engin dans son dos et sa nuque. Son teint jaunâtre, ses yeux cernés et ses mains crasseuses laissaient supposer qu'elle n'avait vu ni la lumière du soleil, ni le savon, ni même un lit depuis longtemps. Curieusement, elle était vêtue d'une tenue 'de ville' (soit une longue jupe et un corset, marrons dans son cas), contrairement aux autres quelques femmes mineurs que Vertiline avait aperçu tout à l'heure, qui elles portaient un vêtement plus rudimentaire et confortable pour les travaux physiques. Enfin, comble de ce qui contribuait à faire de cette femme un personnage d'apparence résolument peu rassurante, elle portait à la main droite une grosse lanterne poussiéreuse à l'intérieur de laquelle dansait une flamme qui menaçait de s'éteindre à tout moment.
L'Inquiétante balaya le campement du regard, n'ayant pas remarqué Vertiline au début.
"Ici. Je suis ici." dit Vertiline en attirant son attention. Il fallut finalement que la Masquée penche sa tête à un certain degré vers le bas pour apercevoir la petite femme qui se tenait devant elle. De près, elle n'en paraissait encore que plus grande... Cette dame était littéralement géante! Même en portant un chignon et des talons, Vertiline ne lui arrivait guère qu'au nombril! La Géante la dévisagea avec ses gros yeux jaunes avant de pousser un grognement dans son masque, dont la signification échappa totalement à Vertiline. Miss JeFaisTroisFoisTaTaille fit alors un bref signe de la main à son interlocutrice, lui demandant par ce geste de la suivre. Vertiline s'exécuta. Madame MasqueTerrifiant l'emmena à seulement quelques pas derrière le campement, jusqu'à une grande fiche où étaient marqués tous les prénoms des employés de la Mine. La fiche se présentait sous la forme d'une sorte de pyramide, allant des noms les plus aux moins importants. Tout en haut, figurait le nom de Arthurus Rex McLogan. Vertiline avait un très bref souvenir de lui, de l'époque ou elle s'était déjà rendue aux Mines pour y rechercher la première fois le morceau de clé qui y demeurait. D'après ce dont elle se souvenait, il était le régisseur des Mines, ou quelque chose comme ça... Néanmoins, figurait juste en dessous de celui de McLogan un nom qui, pour le meilleur ou le pire, n'était pas étranger à Vertiline : Cole Ormus Missing. Missing. MISSING! Quel curieux hasard qu'un employé visiblement important des Mines porte le nom de son petit frère qu'elle n'avait pas vu depuis maintenant dix-sept ans? Ah! Quelle saugrenue COINCIDENCE! Mais bon : si ça ce trouve, il s'agissait tout simplement d'un autre Cole Ormus Missing! Certes ça ne se trouve pas à tous les coins de rue, mais bon! On pouvait toujours espérer! En dessous, figuraient les multiples noms, de tous les employés des Mines. Vertiline aperçut d'ailleurs celui de Hank vers les hauteurs de la feuille, et en bas avait déjà été ajouté le nom de sa 'soeur' : Easter Hepzibah Scarborough. Mademoiselle JeCausePasBeaucoup émit un grognement rauque et pointa un nom figurant entre celui de Cole et de Hank : Grace Fidelia Wolff. Elle pointa ensuite son doigt sur elle, indiquant ainsi son prénom. Après quoi, elle tendit une craie noire et pointa successivement son doigt sur Vertiline, puis sur un petit espace sur la feuille situé à côté de son propre prénom. Comprenant le message, Vertiline inscrivit alors à côté de Grace Fidelia Wolff le nom de Carolle Hepzibah Scarborough.
Grace s'attarda sur la feuille, analysant l'écriture de Vertiline. Après quoi, elle se retourna vivement et tendit son énorme main à sa nouvelle partenaire, non sans avoir émit un petit bruit guttural du fond de son masque. Vertiline empoigna sa main, chose qu'elle regretta très vite, car Grace la Géante manqua de la lui broyer en la serrant et la secouant. Après ces poignantes connaissances, Grace fit signe à Vertiline de la suivre à nouveau, et les deux s'engagèrent dans les dédales souterrains, éclairées par la seule lanterne de Grace. Sous terre, le plafond était particulièrement bas. Une personne de taille normale pouvait à peine se tenir droite, alors ne parlons même pas de Grace! Elle était si grande (approximativement dans les deux mètres trente) qu'elle devait courber son dos dans un parfait angle à 90° pour pouvoir avancer. Quand à Vertiline, elle remercia pour une fois sa petite taille et ne pût s'empêcher d'avoir une légère pensée pour le pauvre dos, et la colonne vertébrale de Grace. Si elle travaillait ici depuis longtemps comme Hank l'avait laissé suggérer, elle devait tenir une scoliose d'enfer! D'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait...Grace...elle avait sans doute entendu ce nom il y a peu, mais où...? Curieusement, il ne lui paraissait pas anodin.
Après presque vingt minutes de déambulations souterraines, Vertiline et Grace arrivèrent jusqu'à un lieu légèrement surélevé, puis de plus en plus. Arrivé en fin de destination, le dos de Grace n'était courbé plus qu'à 30°. Devant elle s'ouvrait au milieu même de la terre et de la roche une pièce à mi-chemin entre le laboratoire d'un scientifique fou et la salle des machines d'une usine. L'endroit, dont la porte demeurait entr'ouverte, était éclairé à la lumière industrielle : un luxe au coeur de la Mine. Sans même signaler sa présence, Grace entra; ainsi en fit Vertiline. Des pièces mécaniques compliquées assemblées les unes aux autres en des machines infernales s'agitaient, vrombissaient, crissaient et laissaient s'échapper de la fumée dans tous les sens. Partout, au sol comme au plafond, des maquettes de l'anatomie humaine (majoritairement féminine néanmoins), ainsi que de nombreux prototypes mécanisés d'éléments corporels humains étaient disposés dans un désordre qui à lui seul réinventait le sens même du mot 'désordre'. Il y avait ainsi des bras en cuivre, des jambes rouillés, des yeux en saphir, des dents en or, des colonnes vertébrales en titane qui trônaient littéralement partout, donnant à cet endroit une atmosphère pour le moins unique.
Grace slaloma agilement à travers ce bazar qu'elle paraissait connaître par coeur. Cet espèce de laboratoire s'étendait sur bien plus d'espace que Vertiline ne l'avait pensé. Enfin, les deux femmes arrivèrent jusqu'à un cul-de-sac, qui se trouvait être l'extrême centre de la pièce et des Mines en général. L'endroit prenait ici une forme parfaitement circulaire, et le plafond avait été creusé de sorte à former une sorte de coupole, auquel étaient suspendus par des ficelles les nombreux éléments anatomiques susnommés plus tôt. Au centre, se tenait une grande table opératoire munie -oh malheur- de BGSECPDTR. Vous souvenez-vous des BGSECPDTR, chères lectrices, chers lecteurs? C'est exact! Des Bonnes Grosses Sangles En Cuir Pas Du Tout Rassurantes! Celles-là même qui rappelaient dangereusement à Vertiline son expérience sur une table de ce genre à l'Asile, en compagnie de ce cher docteur Guideon...! Mieux valait espérer que M. McLogan ne soit pas de la même trempe que celui-ci, sans quoi Vertiline allait avoir beaucoup de mal à le regarder en face sans avoir envie de le frapper (au même endroit que M. Di Hedgecog, car tel est l'endroit où il est préférable de frapper les hommes pour leur donner un agréable et délicat souvenir de vous, mesdemoiselles; car je tiens moi-même cette analyse d'expérimentations personnelles).
La table n'était pas vide, mais les BGSECPDTR n'étaient pas utilisées pour autant : en effet, une fille s'apparentant à un robot très réaliste était allongée dessus, ses yeux en malachite fixant le vide. Elle ne bougeait pas d'un millimètre. Peut-être avait-elle été désactionnée? Ou alors était-elle en réparation? Elle avait des cheveux blonds ondulés en d'élégantes boucles à l'anglaise, et le reste de son corps était fait d'une matière s'apparentant à de la porcelaine, lui octroyant une grande pâleur. Néanmoins, ses joues étaient mises en valeur par quelques tons plus rosés, ne faisant que renforcer l'apparence de poupée qu'elle inspirait. Ses lèvres arboraient le même teint clair, mais étaient néanmoins ponctuées d'un coeur rouge en leur centre, et s'étendant légèrement au dessus et en dessous desdites lèvres. A la commissure de celles-ci, on apercevait également deux fines césures descendant jusqu'à son menton, avant de se rejoindre au niveau de son cou. Sans doute le mécanisme lui permettant de parler (si compté qu'il s'agissait d'un spécimen parlant). Curieusement (et cela rappela à Vertiline les paroles de Miss Elodie), elle était vêtue de la même tenue que portaient les patientes de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys : une robe bariolée et rapiécée de toute part sur laquelle était cousu, en son cas, le numéro G25D. Toujours sur la table et juste à côté du robot étaient éparpillés quelques papiers couverts de notes soignées et aisément lisibles. Sur l'un notamment, figurait un schéma très complet représentant la fille-robot. On pouvait cependant voir que dessus, elle était munie d'une grande clé sensée être en bronze plaqué or (selon les parenthèses), qui manquait sur le prototype physique. En guise de titre, le dessin arborait :
"Année(s) 1880-1881-1882. Par Arthurus R. McLogan. // LA FOLIA : POUPÉE HUMAINE AUTONOME (P.H.A)"
Découvrez vite la suite au chapitre suivant : "Et La Folia fût"!
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