Chapitre trente-huitième : Quand l'absinthe s'en mêle...

Trois jours après les événements du chapitre suivant, quoique en soit personne ne puisse vraiment le confirmer si ce n'est moi, ce à quoi il vous faudra donc vous contenter d'une confiance sincère en mes dires et en ce cas présents mes écrits, car rédigés -je vous l'affirme- dans le très noble (c'est une certitude) objectif (c'est une affirmation) que la grande aventure de Vertiline Eunice March ne soit pas oubliée de mes contemporains et non-contemporains; voilà donc pourquoi ceci donne cela, à moins que, je vous donne dans le mille, cet interminable en-tête ne soit en foit qu'un coup du bébé narval qui viserait à me manipuler pernicieusement afin que mes longueurs affolantes ne créent la confusion dans votre esprit; et bref. 

Donc : 

Une foi n'est pas coutume, cette nuit, Vertiline avait décidé de sortir dehors non pas pour voler quelque chose, mais bien dans le simple désir de se promener. Hé! Mêmes les voleurs ont droit à des jours de congé! Ainsi donc, c'est au cours de sa promenade que notre héroïne fût alors témoin du plus terrible des spectacles. Il avait beau faire nuit noire, la scène où se déroulait l'acte fatidique était néanmoins largement éclairée grâce à la puissante lumière d'un lampadaire. Quoi que cet homme fasse perché sur la rambarde de ce pont, il allait mourir sous les projecteurs, à poser ainsi un pied dans le vide! Enfin ça, ce fût bien évidemment avant que Vertiline, dans un élan d'héroïsme nouveau chez elle, n'empêche le malheureux de chuter vers sa mort. 

"Vous êtes cinglé?! Vous auriez pu vous tuer!!" réprimanda-t-elle l'homme qu'elle avait attrapé et tiré en arrière. "Allons, qu'est-ce qui vous a pris? Quelle est la mauvaise idée qui vous a traversé l'esprit? Sauter d'un pont?! Inconscient! Inconscient! Allez-vous bien? Oh, répondez-moi, regardez-moi!"

L'homme aux longs cheveux frisés tourna la tête en direction de sa sauveuse : 

"V-vous?!" s'étonna Vertiline en apercevant le visage de son rescapé.

"Mary...? Mary est-ce bien vous?" balbutia Jeffrey (vous attendiez-vous sérieusement à ce que ce soit quelqu'un d'autre?), l'air hagard et éberlué. Sans même attendre la réponse de Vertiline, il se jeta dans ses bras comme un enfant le ferait avec sa mère. "Oh, Mary!" commença-t-il à gémir pitoyablement "Je ne sais si le destin vous amène vers moi une fois de plus, mais je crois bien que malheureusement, votre geste fût vain... 

-Vain?!" Vertiline se retint de crier trop fort, bien que ce n'était ni l'envie ni l'étonnement nécessaires qui lui manquaient. "Je vous ai sauvé la vie, sombre idiot!

-Elle ne mérite nullement d'être sauvée, c'est pour cela que je m'en vais réitérer la précédente opération de suite..." clama Jeffrey en regardant le canal où il avait manqué de se jeter il y a moins de deux minutes. Vertiline le retint immédiatement par le bras, le regard inquisiteur et les lèvres sévèrement retroussées :

"-Certainement pas!

-Mary, je n'en peux plus. Laissez-moi mettre fin à ce que je ne supporte davantage!

-Vous allez rester en vie, c'est moi qui vous le dit! Et votre haleine empeste! Ah, ça boit un verre de trop, et tout de suite ça nous sort les caprices d'adolescents! Bon. Geoffrey, si c'est bien votre nom, relevez-vous!

-Jeffrey...c'est Jeffrey. 

-Hé bien Jeffrey, sur vos jambes! Tout de suite!

-Aidez-moi.

-Je ne fais que ça, c'est vous qui n'y mettez pas du votre! Allons, du nerfs!

-Humm...

-J'ai dit DU NERFS! Bien! Maintenant, vous allez tenir mon bras très fort et nous allons marcher!

-Je n'ai guère la force de marcher, chère Mary...

-Je vais vous faire marcher, moi!" Ils marchèrent donc, un temps, le long du canal encore illuminé à cette heure-ci par les lumières des réverbères se reflétant dans l'onde nocturne. Puis, alors qu'ils étaient tout deux demeurés silencieux jusque là : 

"Est-ce que vous allez un peu mieux, maintenant?" demanda Vertiline sur un ton curieusement sincère.

"-C'est grâce à vous." répondit Jeffrey.

"-Vous répondez à peine à ma question! 

-Je vais...un peu mieux. Grâce à vous. Vous êtes...

-Je pense qu'il est plus important de parler de vous que de moi présentement." Les deux s'arrêtèrent. Le regard de Jeffrey se fit fuyant. 

-Je ne sais pas si...

-Pourquoi avez-vous tenté de mettre fin à vos jours?!" lâcha son interlocutrice de but en blanc.

-...Vous êtes directe." répliqua d'ailleurs le questionné, analyste. Vertiline croisa les bras en esquissant une petite moue, sans pour autant lâcher Jeffrey du regard. 

"-Je ne vous oblige néanmoins pas à répondre. 

-Je suis accablé.

-Accablé, ou foudroyé comme la dernière fois?

-Accablé jusque dans ma chair d'avoir été foudroyé en de si sombres jours, foudroyé jusque dans mon sang par mon accablement permanent!

-Regardez-vous donc! Même en proie aux pires tourments, vous avez encore la force d'être un poète!" nota Vertiline en souriant.

"-Oh, mais poète n'est nullement ma profession.

-Ah, vraiment? J'aurai juré! 

-Vous m'honorez, car il est bien vrai que je m'adonne à cette noble pratique durant mes heures vagabondes. 

-Et dire que j'étais prête à vous surnommer 'Poète'!

-Vraiment? Jeffrey est-il un prénom trop compliqué à retenir?

-Il se confond aisément avec Geoffrey. 

-Vous en avez d'ailleurs fait les frais.

-Exactement. Mais revenons donc à la poésie.

-Mais puisque je ne suis pas poète...?

-Hé bien quelle est votre profession?

-Je suis...oh..." Le visage de Jeffrey, qui s'était légèrement détendu au fil de la conversation, adopta à nouveau une mine troublée.

"-Y-a-t-il un problème?" demanda la jeune femme à la vue de ce changement.

"-Je suis...patineur." confessa alors Jeffrey sur un ton plutôt dépité.

-Patineur sur glace?

-Oui, professionnel.

-Poursuivez.

-J'hésite à poursuivre...

-Je disperse cette hésitation!

-Comment?

-Pshhhht! Arrière, arrière, vile Hésitation! Laisse le Poète en paix! Allons, ne me regardez pas ainsi! J'ai chassé votre hésitation, alors dites-moi tout!

-Heum...hé bien... 

-Je ne vous forcerai pas à la dire si cela vous est trop pénible.

-Je n'ose plus patiner!" éclata soudainement Jeffrey sur un ton semblable à de la colère.

"-Vous...n'osez plus?" répéta Vertiline d'un ton cherchant à comprendre le pourquoi du comment. "Vous ne savez plus?

-Je n'ose plus!

-Y-a-t-il à cela un rapprochement avec l'accablement dont vous vous disiez victime il y a peu? 

-Ah ma chère Mary, si vous saviez...

-Dites-moi tout, je suis d'une oreille attentive." Jeffrey soupira, ravala sa salive, et dit alors :

"-Le fait est que, j'ai enchaîné ces derniers mois des événements plus désagréables les uns que les autres, certains dont je ne suis que partiellement sorti indemne, si ce n'est pas du tout. En conséquence de quoi, je n'ose plus mettre un pied sur la glace, je me suis aventuré à tester l'absinthe sous des proportions déshonorables, et voilà que, désespéré, j'étais prêt à en finir ce soir même avant que le Ciel ne vous envoie vers moi de nouveau... 

-Reprenons donc cette histoire du début..." proposa Vertiline avec plus d'expertise qu'un détective interrogeant un témoin. "...Qui êtes-vous, et que sont ces terribles mésaventures qui vous ont presque poussées dans les bras de la Faucheuse?

-Oh, j'ai bien peur que cela vous ennuie...

-Si je vous le demande, c'est parce que je suis prête à braver l'ennui! Allons, Poète! Contez-moi vos malheurs, j'y suis toute ouïe.

-Bon...soit. Premièrement, j'ai appris il y a quelques mois de cela que l'homme dont j'étais secrètement amoureux en aimait un autre...

-Oh... Et savait-il que vous l'aimiez?

-Certes non! Et c'est pour le mieux! Ensuite, Alma Alberto est décédée peu de temps après...

-Alma Alberto...la capitaine de la marine? Enfin Poète, elle est rentrée par le port de OrangeSmith tout juste hier! C'est en première page de tous les journaux!

-Non, non, il ne s'agit pas de cette Alma Alberto. Je parle de ma méduse. 

-Vous avez nommé votre méduse de compagnie Alma Alberto?

-Oui. Et mon poisson rouge se nomme Albert Alexander.

-Ah! Comme le miens!

-Vous avez nommé votre poisson rouge Albert Alexander? Comme le marin légendaire?

-Et pourquoi pas? Vous aussi, que je sache! Et vous avez même nommé votre méduse Alma Alberto! 

-Est-ce votre cas?

-Je n'ai guère plus qu'un petit Albert mécanique pour me tenir compagnie.

-Oh. Je vois.

-Quoi qu'il en soit, toutes mes condoléances...pour Alma. 

-Merci. Mais si ce n'était que ça...

-Que s'est-il passé ensuite?

-Ensuite, mes pauvres parents sont décédés...

-Oh non! Me permettez-vous de demander comment?

-Mon père a glissé sur une peau de banane Cavendish. Quand à ma mère, elle a glissé sur une peau de banane Plantain...

-Heu...

-La chute leur a brisé la nuque, ils sont décédés sur l'instant...

-Quelle horreur!

-Mon grand-père aussi, était décédé en glissant sur une peau de banane. Ma grand-mère aussi. Et même mon arrière grand-mère et mon arrière grand-père, d'après la légende. Et nous pourrions remonter loin...

-Voyez! Vous n'étiez sans doute pas destiné à mourir noyé!" Échange de regards perplexes, puis gênés, puis confus s'en suivit; après quoi Vertiline porta une main à sa bouche, les yeux ronds de honte et de stupeur face à ses propres paroles :

"-Oh, pardonnez-moi! C'était monstrueusement rude de ma part..." Ce à quoi Jeffrey hocha effectivement la tête pour approuver cette véridique remarque. Après quoi souffla-t-il, et reprit sur le même ton que tout à l'heure : 

"-Et ce n'est pas fini!

-Allons, racontez-moi.

-Mon précédent employeur m'a sommé de trouver un autre emploi...

-Pourquoi donc? N'était-il plus satisfait de vos performances? Nous parlons bien de celui qui vous employait en tant que patineur, n'est-ce pas?

-Celle, c'était une femme. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle a dit ça...

-Qu'a-t-elle dit?" son interlocuteur se refrogna quelque peu et adopta une voix perchée et pincée :

"-Jeffrey, je crois que vous avez atteint vos sommets. Pourquoi ne pas songer à autre chose, maintenant que vous êtes passé maître dans votre pratique?  AH! De belles paroles pour dire que je n'ai plus ma place sur la glace...!

-Enfin, elle vous a quand même dit que vous étiez probablement le meilleur patineur du compté, soyons fou, peut-être même de HighSmith! Vous êtes tout bonnement arrivé à un stade ou vous n'avez plus rien à apprendre." raisonna Vertiline, repensant brièvement à l'époque ou ses rêves se projetaient encore vers une profession de ballerine professionnelle. 

"-A un stade ou il m'est inutile de patiner à nouveau, vous voulez dire..." argumenta Jeffrey le Pessimiste.

"-Ah décidément, je vais commencer à croire que vous aimer voir le verre à moitié vide, vous! Vous êtes un expert! Alors patinez donc pour le rester! Patinez toute votre vie! C'est le seul moyen de rester à votre position suprême! Et qui sait, peut-être avez-vous encore des choses à apprendre! 

-Vous êtes bien optimiste, douce Mary. Je ne sais si j'aurais le courage de patiner à nouveau un jour...

-Ah oui? Hé bien je vais vous faire patiner, moi!

-Que...Mary? Que faîtes-vous?! 

-Debout, Poète! Allons, debout!

-Mais enfin, où m'emmenez-vous avec un tel empressement?

-Vous allez bientôt le savoir!" En effet! Vertiline avait beau ne savoir qu'à moitié pourquoi elle s'évertuait à remonter le moral de cet homme (peut-être se sentait redevable envers lui de l'avoir cachée de la maréchaussée? Au fond, elle ne savait pas vraiment...), elle avait bien l'intention d'honorer sa parole et de remettre Jeffrey sur la glace! Elle avait connaissance d'un lieu, un complexe des plus curieux construit en bordure de la ville de GreenSmith, ou elle se pressa d'emmener Jeffrey. Il s'agissait d'un lac artificiel, bâti de sorte à ce qu'il soit gelé toute l'année; et c'était également la patinoire principale du compté. Nul doute que Jeffrey devait connaître cet endroit mieux que personne. 

"Je ne vois pas ou vous voulez en venir." soupira-t-il à Vertiline sur un ton las une fois les deux devant l'étendue glacée.

"Ne faîtes pas celui qui ne sait pas!" lui répondit celle-ci. "Bon. Savez-vous où l'on pourrait trouver des patins à glace par ici? 

-Hé bien, il est effectivement une petite baraque qui en propose à la location. Voyez? (Il pointa son bras en ladite direction.) Juste là, près des bancs. Mais à une heure aussi tardive...

-Du combien chaussez-vous?

-Je vous demande pardon?

-Vous m'avez bien entendue!

-Du...du quarante-trois." Haussement de sourcils de la part de Vertiline.

"-Hé bien! Si on m'avait dit ce soir que j'allais croiser un géant!

-Sauf votre respect, n'est-ce pas vous qui êtes un peu petite? 

-Je suis peut-être petite, mais admettez que vous êtes tout de même plus grand que la moyenne, à chausser une telle pointure! Ou alors peut-être avez-vous juste de grands pieds. Tiens! Tenez-vous droit et mettez-vous à mes côtés.

-Heum...comme cela?

-Oui! ...Mince alors, mais vous êtes vraiment géant! 

-Je dois avouer de mon côté que votre taille n'est pas des plus ordinaire pour une adulte, sans vouloir vous offenser." Offense il n'y eût pas, ce qui aurait peut-être différé en d'autres circonstance et compagnie."

"-Mais là, tout de même..." poursuivit Vertiline sur le même ton estomaqué. "Simple curiosité, combien mesurez-vous?

-D'abord ma pointure, puis ma taille...

-Allons, cela vous dérange-t-il?

-N-Nullement! Je n'ai juste...pas l'habitude que l'on me pose de telles questions. 

-Ce sont pourtant des questions banales. Votre taille?

-Si vous le dites... Un mètre quatre-vingt dix-huit. 

-Hé bien! Mon petit mètre cinquante-neuf fait pâle figure en comparaison. Quoi qu'il en soit, avez-vous besoin d'une tenue spéciale pour patiner?

-Non. Mais je me permet d'en revenir à ma question initiale : que...

-Vous le saurez bien assez tôt! Patientez un instant. Et gare à vous si je vous retrouve encore au bord d'un pont!" Aussitôt ce drôle d'échange achevé, Vertiline partit comme une flèche vers le petit cabanon indiqué au préalable par Jeffrey et en revint à peine quelques minutes plus tard, une énorme paire de patins à glace à bout de bras. 

"La porte était restée ouverte?" demanda dubitativement Jeffrey en voyant Vertiline arriver.

"-Pas avant mon passage. Allez! Enfilez ça!" déclara la rouquine en lui jetant presque les patins dans les mains. Les expressions faciales de Jeffrey évoluèrent à cet instant d'une telle manière qu'il sembla s'exercer au yoga du visage. 

"Avec tout le respect que je vous porte Mary, je me vois obligé de refuser." dit-il finalement en baissant les yeux et bougeant légèrement la tête de gauche à droite.

"-Vous avez intérêt à ne pas refuser une seconde fois, ou je vous pousse moi-même sur cette glace!

-Je ne peux plus patiner.

-Oh que si, vous le pouvez! La grande différence, c'est que vous ne le voulez pas, Poète!

-Mais si, je ne demande que ça!

-Hé bien faîtes!

-Je ne peux pas!

-Nous n'allons pas continuer comme ça toute la nuit! Alors cessez de faire l'enfant indécis, et en piste!

-Mary, j'en suis incapable! 

-Vous en êtes parfaitement capable! Vous manquez juste de motivation!

-C-C'est non!" s'exclama Jeffrey d'une voix si affirmée que jamais Vertiline n'en avait entendue de pareille venant de lui. Le patineur déchu poursuivit : "Et pourquoi m'aidez-vous ainsi?! Je croyais que vous ne vouliez plus me voir!

-Ma foi, vous vous méprenez." expliqua calmement Vertiline en haussant légèrement les épaules.

"-En quoi? Je vous ai déclaré ma flamme, et vous avez sauté d'une fenêtre!

-Vous ne saviez pas ce que vous disiez! Et qui plus est, j'étais pressée!" Le voix de Jeffrey reprit tout à coup sa sonorité réservée et plaintive habituelle :

-Oh, Mary, tendre Mary, pourquoi avez-vous tourmenté mon coeur à ce point? 

-Ah, car maintenant c'est de ma faute?" s'insurgea Vertiline en élevant la voix. "Alors écoutez-moi bien, Po...écoutez-moi bien, Jeffrey. Allons, regardez-moi! Je ne contrôle pas vos sentiments, encore moins votre coeur. Si vous êtes tombé amoureux de moi alors même que vous n'aviez aucune connaissance de mon existence jusqu'à la nuit de notre rencontre, soit. Il n'en va pas de même pour moi, je vous le dit simplement et honnêtement. Maintenant, du peu que nous nous connaissons, je ne dis pas que votre compagnie m'est désagréable pour autant. 

-Vous dites cela pour me flatter...

-C'est pour votre bien! Maintenant Jeffrey, considérez-moi comme votre amie, et j'espère que cela sera réciproque. Et en tant que votre amie, je vous demande de ne pas bêtement abandonner un sport que vous avez si longtemps pratiqué à cause de quelques chagrins passagers! 

-La mort de mes parents n'était pas vraiment un chagrin passager... Et je ne peux pas m'empêcher de vous aimer, quoi que vous disiez. Vous m'en voyez désolé..." répliqua penaudement Jeffrey d'un air désespéré.

"-..Je ne vous en veux pas." conclût Vertiline en expirant un petit soupir. "Mais j'avoue avoir du mal à comprendre...

-J'éprouve des difficultés similaires. 

-Je veux dire...vous ne savez rien de moi. Tout comme je ne sais rien de vous!

-Je connais votre nom : Mary. Vous connaissez le miens : Jeffrey. Voilà un début.

-Oh, ça...

-'Ça'...?

-Bon, écoutez-moi encore, Jeffrey : je ne m'appelle pas Mary Theodeline Wick.

-Ah? Est-ce Theodeline Mary Wick, dans ce cas? 

-N-Non! Pour être honnête, je ne pensais pas vous revoir un jour. Étant donné que vous vous étiez montré insistant la dernière fois, j'ai inventé un faux nom. Je m'en excuse.

-Vous...vous êtes pardonnée." répliqua aussitôt Jeffrey, ses lèvres épaisses s'articulant néanmoins en une moue surprise. "Et dans les circonstances présentes, accepteriez-vous de me dire votre vrai nom?" Vertiline porta un doigt à ses propres lèvres, elles très fines.

"-Hum...

-Je ne vous oblige cependant pas à...

-Vertiline. Vertiline Eunice March. C'est mon vrai nom. 

-Vertiline, embrassez-moi!

-Non, Jeffrey. Bien tenté. 

-Alors vous ne m'aimez pas...

-Je vous l'ai déjà dit, alors ne faîtes pas l'enfant. Si vous m'aimez tant (allons savoir pourquoi!), alors agissez en gentleman plutôt qu'en prédateur lubrique!

-Vos mots sont sincères, bien qu'acérés comme des rasoirs...

-En sachant ce que vous avez tenté de faire il y a moins d'une heure, je préfère ne pas vous entendre parler de rasoirs! 

-Curieusement, je me sens apaisé. 

-Voilà qui est prometteur! 

-Je veux dire...pas totalement, loin de là, mais...je crois qu'un doute a disparu dans mon coeur.

-Que de mièvres paroles! Et ce doute était-il à tout hasard dû à un amour brûlant embrasant votre poitrine?

-Vous avez les paroles et la déduction justes, ma foi. 

-Ravie de l'entendre! Maintenant Jeffrey, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

-Quoi donc, Vertiline?

-Cela pend à vos bras." Jeffrey fixa la paire de patins que Vertiline lui avait presque jetée dans les mains il y a quelques minutes de cela. Laissant un sourire sincère (le premier de la soirée) se dessiner au coin de ses lèvres, il se déchaussa et enfila bien vite les patins à glace. Puis, effectuant quelques disgracieux pas de pingouin, il eût tôt fait de se jeter sur le lac gelé avec une vitesse et une aisance sans pareille. Semblant comblé de retrouver ces sensations qui l'avaient accompagné toute sa vie durant, Jeffrey commença par faire trois tours complets de piste à une vitesse prodigieuse, avant de s'approcher du centre du lac pour bondir dans les airs à une telle hauteur qu'il était difficile de croire qu'il n'avait pas des ressorts aux pieds. Toujours en l'air, il tourna deux fois sur lui-même avant de retomber gracieusement au sol pour s'élancer une seconde fois, encore plus haut que la précédente, bien qu'il ne tourna cette fois-ci qu'une fois sur lui-même. Après quoi, il poursuivit par de nombreuses démonstrations d'agilité, de dextérité et de souplesse, ce qui n'était pas sans rappeler à Vertiline l'époque ou elle dansait encore sur les toits de GreenSmith. Mais ça, c'était il y a douze longues années. Curieusement, alors que Jeffrey semblait enfin heureux, c'était maintenant elle qui se laissait étrangement aller à des pensées maussades. A voir cet homme qu'elle connaissait à peine batifoler sur la glace, Vertiline se surprenait à repenser à M.Di Hedgecog, et sa si grossière erreur de l'avoir considéré comme une bonne personne dans le temps. Après tout, n'étais-ce pas lui qui avait dit à une jeune Vertiline âgée d'à peine dix ans que ses années de dur entraînement ne l'emmèneraient pas plus loin qu'à se produire dans une Antre, le genre d'endroit où se rassemblaient joyeusement tous les parias, les arracheurs de dents et les lubriques du compté? Si, c'était bien lui. Et il en aurait probablement été tout autrement si Vertiline était née dans une famille bourgeoise (au minimum). D'ailleurs, plus elle y pensait, plus elle ne pouvait s'empêcher de jalouser Jeffrey. Il vivait à Cogwood, le quartier le plus opulent et luxueux de GreenSmith! Bien que son talent pour la danse sur glace était indéniable, n'avait-il pas rencontré des opportunités dans son art au vu de sa condition sociale visiblement aisée? En aurait-il été de même pour Vertiline si elle était née à Cogwood plutôt qu'à Popkin's? Avait-elle vraiment manqué de grandes opportunités dans sa vie seulement pour être née trois kilomètres trop au nord du bon endroit?!

"C'est grâce à vous que j'en suis là, maintenant. Je ne sais pas comment vous remercier!" s'extasia Jeffrey en patinant avec enthousiasme vers Vertiline, interrompant celle-ci dans ses lugubres pensées. 

"Je suis déjà satisfaite que vous ayez retrouvé le sourire. Inutile de me remercier davantage." répondit simplement Vertiline, surprise de s'exprimer avec une telle sincérité. Elle n'aurait même jamais pensé dire une chose aussi honnête en présence d'un inconnu, ce qui l'inquiétait quelque peu en son fort intérieur; elle qui jusque là avait fait du mensonge sa principale source d'expression (hormis avec Babel, à qui elle était capable de tout dire). "Et maintenant, Jeffrey? Qu'allez-vous faire?" demanda-t-elle finalement après un court silence. 

"Moi?" s'étonna l'intéressé "Hé bien...je suppose que je vais rester ici encore un peu. Patiner me vide agréablement l'esprit. 

-Voyez, vous avez trouvé un excellent substitut à l'absinthe." renchérit Vertiline avec un sourire que Jeffrey lui rendit aussitôt.

"-Grâce à vous!

-Cessons là les effusions. En ce qui me concerne, je pense que je n'ai pas besoin de m'attarder davantage. J'ai sauvé une vie aujourd'hui, je crois que ce sera ma bonne action de l'année!" Sur ce, elle s'apprêta à tourner les talons, mais...

"-Attendez! Ne partez pas si vite!" ...Évidemment que le damoiseau l'interpella.

"-Quoi donc?" demanda Vertiline en se retournant. Jeffrey s'avança au plus près, malgré les patins toujours à ses pieds.

"-J'aimerai vous revoir. 

-Jeffrey, si vous avez encore en tête la même idée que la dernière fois...

-Nullement! Jamais je n'oserais réitérer après votre refus si aimablement expliqué. Mais vous nous avez bien déclarés amis il y a peu, n'est-ce pas? En tant qu'ami, j'aimerai vous revoir." Le visage de Vertiline témoigna d'une certaine hésitation.

"-Êtes-vous sûr que ce soit une bonne idée?

-Y-a-t-il quelques choses qui pourrait nous en empêcher? 

-Aucunement. 

-Alors quoi?

-Jeffrey, comment regarderai-t-on un homme de Cogwood se promenant comme si de rien n'était avec une fille comme moi?

-Une fille comme vous? J'ai peur de ne pas comprendre...

-Enfin! Nous ne sommes pas de la même caste! Du même milieu. En ce qui me concerne, je m'en fiche ouvertement car je n'ai aucun compte à rendre à qui que ce soit. Mais vous? J'en doute!

-Fi des commérages! Le peuple peut bien chanter tant qu'il le veut, je n'en ai cure! Et puis, notre relation n'est après tout que strictement amicale, et je m'obstinerai personnellement à ce qu'elle le reste!

-Et bien dans ce cas! Très bien, Jeffrey! Alors nous nous reverrons!

-Au plus vite, je l'espère, Vertiline!"

Et ainsi, comme vous l'avez constaté, démarra la relation entre Vertiline et Jeffrey, bien que purement amicale en ses débuts. C'est sous couvert de cette même amitié qui se renforçait au fil des semaines que Vertiline comme Jeffrey en vinrent tout les deux à se découvrir un peu plus l'un l'autre. Bientôt, ils se virent tous les jours, et s'en complaisaient grandement. Ils en étaient arrivés à un stade ou l'un en savait plus que quiconque sur l'autre; pour preuve que Vertiline avait même confié à Jeffrey son enfance à Popkin's ainsi que sa relation particulière avec la danse, souvenirs qu'elle n'avait dévoilés à personne si ce n'est à Babel jusque là. Optimiste depuis sa rencontre avec la jeune femme, Jeffrey avait bien tenté à de nombreuses reprises de la faire danser à nouveau comme elle l'avait refait patiner; mais il n'en fût rien. 

Un jour, suite à une idée de Jeffrey, les deux furent d'un coup pris d'une envie de changer coiffure, allez savoir pourquoi ça leur avait pris si soudainement. C'est Vertiline qui s'attela à la tâche en premier, ayant remarqué que Jeffrey avait le même type de cheveux que ses deux petites soeurs Violine et Eulalia. Le crin de Jeffrey, long, crépu et épais, et qui lui descendait habituellement jusqu'aux épaules en de larges boucles éparses fût ainsi tressé et transformé en dreadlocks par Vertiline, qui avait elle-même fait cette coiffure à ses soeurs par le passé. Elle y avait également ajouté sa touche personnelle, et, satisfaite du résultat, demanda même à Jeffrey de poser pour qu'elle le prenne en photo (en faisant d'après elle une pose "charismatique, mystérieuse et assurée, même si ça ne vous va que moyennement"), ainsi nouvellement coiffé. 

Après quoi, c'est Jeffrey qui s'adonna aux cheveux de Vertiline, celle-ci ayant déclaré qu'elle commençait à sérieusement se laisser de sa rousseur héréditaire. Cela lui rappelait trop sa famille. Ainsi, quand Jeffrey lui avait demandé quelle couleur lui ferait plaisir, Vertiline, dans un souci d'originalité, avez simplement déclaré "Surprenez-moi!" Pour sûr que se retrouver alors avec les cheveux teints en vert fût quelque chose d'original et surprenant, c'est le moins qu'on puisse dire! Néanmoins, elle se mit après quoi à particulièrement apprécier cette couleur et jamais plus ne la changea, la faisant subsister comme un souvenir de Jeffrey. 

Voilà maintenant huit mois qu'ils s'étaient rencontrés, et connaissaient désormais tout l'un de l'autre, dans les limites raisonnables de l'amitié. Et voilà que par une orageuse journée de juin, nos deux protagonistes s'en étaient allés vagabonder sur les plages de OrangeSmith. Le ciel, d'un bleu éclatant à leur départ et à leur toute arrivée au compté, avait au fil des heures pris une teinte incroyablement sombre, et de menaçants éclairs commencèrent même à zébrer entre les lourds nuages noirs. Installés sur un rocher en bordure de la plage, Vertiline et Jeffrey fixaient silencieusement l'immensité des limbes aqueuses qui s'étendaient à l'infini face à eux; spectateurs éblouis devant la beauté du paysage à la fois lugubre, mélancolique et poétique qui se dessinait dans toute sa puissance face à leurs yeux. Cependant, Jeffrey décida soudainement de briser le silence : 

"Vertiline?" commença-t-il en tournant la tête vers son amie. 

"Oui?" répondit celle-ci sans quitter la mer des yeux. 

"Il est un souci qui, depuis longtemps, m'accable avec vigueur. 

-Pourquoi ne m'en avez-vous pas fait part plus tôt, dans ce cas? 

-C'est que, je crains que le sujet ne soit délicat à aborder.

-Ayant connaissance de tous les sujets délicats que nous avons abordés ensembles, je ne vois pas ce qui vous retient tant. 

-J'hésite malgré tout.

-Allons, est-ce si grave que cela?

-Assez pour que cela puisse être amené à compromettre notre amitié...

-Voyons! Ne racontez pas de sottises! Quoi que vous disiez, je suis prête à l'entendre et à faire avec. 

-Oh, je ne sais pas...

-Mon cher Jeffrey, je vous croyais récemment moins couard que par le temps ou nous nous sommes rencontrés. Montrez-moi que je n'ai pas tort!

-J'ai honte de ce que je m'apprête à vous dire!

-Hé bien chassez cette honte comme je vous ai appris à le faire, et avouez-moi ce que vous avez de si important à nous dire!

-...Oh...oh, soit! Vertiline, vous souvenez-vous du jour de notre première rencontre?

-Vous tâtez un terrain nostalgique... Voilà qui ne me rassure guère. 

-J'avais déclaré vous aimer plus que tout, alors que nous ne nous connaissions même pas.

-Oui, alors que je venais de traverser votre plafond. Que de romantisme!

-Vous tâtez un terrain sarcastique... Voilà qui ne me rassure guère.

-Excusez-moi. Poursuivez, je vous prie. 

-Vous souvenez-vous du jour ou vous m'avez empêché de commettre l'irréparable?

-Jeffrey, bien sûr que je m'en souviens. Venez-en au fait. 

-Depuis ce jour, bien que je vous aimais encore passionnément, je me suis efforcé de contenir mes sentiments pour que notre relation soit la plus platonique qui soit.

-Vous dites cela avec une pointe de regret, je me trompe?

-Mais le fait est que...le fait est que...

-Vous m'aimez encore, n'est-ce pas?" Le franc parler de Vertiline cloua Jeffrey sur place, ses muscles se contractant d'un seul coup dans tout son corps, et sa gorge devenant soudainement très sèche. Vertiline n'avait pas décroché les yeux des sombres rivages depuis le début de leur conversation, chose qu'elle continuait de faire en ce moment même. Ses longs cheveux verts détachés flottaient délicatement sur ses épaules rachitiques, contemplation face à laquelle se perdit Jeffrey l'espace d'un instant. 

"...Oui..." murmura-t-il finalement sur un air désolé, comme si sa révélation allait enclencher la pire des catastrophes. Vertiline ne quitta pas les flots des yeux. 

"Je vois." dit-elle le plus simplement du monde. Jeffrey repris, avec cette fois-ci plus de vivacité dans la voix : 

"Je n'ai jamais cessé de vous aimer.

-Voilà qui nous met bien.

-Je suis confus... J'ai tout fait pour refréner mon amour, par respect pour vous et notre amitié qui m'est si précieuse. Mais j'ai beau me battre comme un diable, les démons reviennent sans arrêt me hanter...

-Et vous êtes resté silencieux tout ce temps...

-J'avoue ne pas savoir quoi vous dire d'autre... Vertiline, je vous aime!

-Oui, je le sais bien. Moi aussi, je vous aime.

-Comme une amie apprécie un ami...

-J'ai il y a peu constaté que le stade de l'amitié avait peut-être été dépassé dans mon esprit...et dans mon coeur.

-Je vous demande pardon?! Se peut-il? Vertiline, êtes-vous entrain de me dire que...

-Il faut croire qu'avec le temps, mon attachement autrefois simplement amical et platonique envers vous a atteint des dimensions que je n'aurai su soupçonner le jour de notre première rencontre...

-Vertiline, vous m'aimez donc?! Est-ce vrai? Vous m'aimez?! Car moi je vous aime! Je vous aime de toute mon âme, et je ne pourrai jamais cesser de vous aimer!

-Néanmoins, cet aveu mutuel pourrait conduire à des choses que nous ne soupçonnions jusque là." Un éclair déchira le ciel noir. Des vagues forcenées à l'écume pâle et mousseuse se jetèrent  férocement sur le rocher où demeuraient les deux amants avoués. Ignorant la dernière remarque de Vertiline, Jeffrey, dont un grand sourire à la fois comblé et bizarrement terrifié s'était greffé sur son visage, s'approcha de son amie et lui embrassa la joue. 

"Je vous aime!" déclara-t-il, presque euphorique. 

"-Et je vous aime aussi." renchérit Vertiline. "Mais vers quoi courrons nous? 

-Vers l'amour! Je vous aime!" Il lui redonna un nouveau baiser sur la joue, chose qu'il réitéra dès lors à chacune de ses phrases. Vertiline reprit : 

"Vous comme moi, nous ne savons absolument pas ce qu'est la vie de couple.

-C'est l'occasion de découvrir! Je vous aime!

-Nous qui sommes de si différentes conditions...

-Qu'importe! Je vous aime!

-Cela va bouleverser nos considérations l'un envers l'autre.

-Au mieux! Je vous aime!

-Vous comme moi, nous n'avons aucune expérience dans ce domaine si particulier!

-Tant pis! Je vous aime!

-De plus, nous serons peut-être même amenés à aller à l'encontre de la pudeur...

-Nous le ferons en temps voulu! Je vous aime!

-Nous irons d'ailleurs à l'encontre de bien des choses, vous venant de Cogwood et moi de Popkin's!

-Depuis quand cela vous affecte-t-il? Je vous aime! Vous êtes toujours la première à briser les conventions de notre société exigeante! Je vous aime!

-Et il se peut que...

-Ah Vertiline, je vous aime! Regardez-moi dans les yeux si il en va de même pour vous! C'est la première fois que je vous voie si inquiète pour une chose aussi triviale!

-L'amour n'est pas une chose triviale, Jeffrey. 

-Regardez-moi, je vous en prie!

-Voilà.

-Et maintenant?

-Hé là! C'est vous qui vouliez que je vous regarde!

-J'en conviens, mais...qu'allons nous faire?

-Vous n'aviez pas prévu?!

-J'ai tant rêvé de ce moment que j'étais persuadé qu'il était destiné à ne rester qu'un songe..." murmura rêveusement Jeffrey.

"-Et que faisiez-vous dans ce rêve?

-Hé bien...vous savez...ce que les couples font..." Aaaaaaaattention!!! Est-il possible qu'un visage ait jamais pu être aussi rouge de colère (et sans doute aussi de gêne)?! Oulah! Vertiline se redresse!

-"OH! COQUIN! SATYRE! SOMBRE LUBRIQUE QUE VOUS ÊTES!

-Non! Non! Vertiline, calmez-vous! Je crains m'être mal exprimé!" se défendit bravement Jeffrey en portant aussitôt deux bras protecteurs devant son visage raisonnablement inquiet de la tournure de la conversation.

"-Vous avez intérêt!" rugit l'incarnation de ses présentes craintes, de la vapeur semblant presque jaillir de ses narines.

"-Je voulais dire que dans mon rêve, je vous...je vous...

-Je vous sied de choisir vos mots avec la plus grande des parcimonie...

-Je vous embrassait." La fureur du dragon rouge et vert s'apaisa progressivement.

"-Sur la joue? Comme maintenant? 

-Non, Vertiline. Là où...

-Vous m'embrassiez sur la bouche?

-Oui...

-Bien. Et maintenant?

-Vous me renvoyez ma question de tout à l'heure...

-Dans ce cas, je vais vous suggérer une réponse.

-Ah oui? Laquelle?

-Je vais vous embrasser sur la bouche.

-Vous...me...n-ne...je...ne préférez-vous pas que...je le fasse à votre place?

-Hé bien. Un baiser est un acte partagé. Donc si vous pouviez y mettre du vôtre, je suppose que cela rendrait les choses plus faciles. 

-Bien. A-Alors embrassons-nous.

-Oui. Embrassons nous." Ils s'embrassent, donc, de la manière la plus expéditive qui soit. Vertiline reprends, portant sa main à ses lèvres. 

"Je crois que ce baiser était le plus expéditif qui soit." Jeffrey renchérit : 

"Je le crois aussi... Nos lèvres se sont à peine effleurées...

-C'est parce que vous aviez peur! Vous n'avez même pas fermé les yeux!

-Vous aussi, vous aviez peur! Vous n'avez pas fermé les yeux non plus!

-C'était en soit plutôt pitoyable, comme premier baiser...

-Je partage votre avis...

-Bon! Alors recommençons! Cette fois-ci, fermons les yeux, et tâchons de faire durer la chose un peu plus longtemps!

-Très bien! Voyons ce que cela va donner." Ils s'embrassent donc à nouveau, alors qu'un éclair torture le ciel d'un atroce rugissement. Le baiser est plus long, plus honnête. Jeffrey tremble un peu des paupières, et Vertiline a les sourcils très froncés sur le moment. 

"Vous n'embrassez pas bien." conclut Vertiline sur un ton légèrement supérieur, une fois leurs lèvres décollées.

"-Vous n'êtes pas une experte non plus..." se défendit Jeffrey.

"-Et comment suis-je sensée savoir faire ce genre de choses?! Vous êtes la première personne que j'embrasse!

-Mais il en va de même pour moi, très chère!

-Et dans vos rêves, comment étaient nos baisers?

-Encore pire. Une fois, vous m'avez mordu la lèvre, et je me suis réveillé avec la lèvre inférieure en sang!

-Elle venait donc de là, cette fameuse cicatrice!

-Haha...oui.

-Hé bien aujourd'hui, je ne vous ai pas mordu la lèvre.

-Oui. C'est un agréable progrès!

-Je suis sûre que nous aurons davantage l'occasion de progresser d'ici là. Vous êtes d'une agréable compagnie, Jeffrey. Je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance. Je... Je vous aime.

-Il en va de même pour moi, Vertiline. Je vous aime."


Découvrez vite la suite au chapitre suivant, qui se promet moins long : "Illégale, mais légalement blonde"!



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