Chapitre trente-cinquième : L'agréabilité de Capriccioso (haha...)
Vertiline parcourût de sa main la pile de papiers divers qu'elle avait éparpillés. Voilà de bien jolis documents qui n'allaient sans doute pas lui servir pour la suite de son aventure. Et pendant ce temps, toujours pas le moindre indice sur le morceau de clé! Continuant de fouiller inlassablement, Vertiline tomba cette fois-ci sur...allons bon, quoi encore? Des partitions! Rien que ça! N'ayant jamais été une musicienne convaincue, Vertiline n'avait jamais appris le langage musical. Enfin...si, elle avait appris, mais quand elle était très jeune, approximativement vers sa deuxième année passée chez Babel. Depuis le temps, elle avait oublié. Néanmoins, malgré ces enchevêtrements savants de noires, de blanches, de croches à tout va et de mesure si complexe que l'on se sentait physiquement fatigué rien qu'en les lisant, Vertiline parvint malgré tout à reconnaître grâce au titre et aux paroles écrites en dessous des notes quelque chose qui ne lui était pas inconnu. Une mélodie pour accordéon nommée..."Éléphant Éléphant", signée au nom de Evelyn et Evelyn Neville. Vertiline observa rapidement les paroles, le chant des jumelles réapparaissant petit à petit dans sa tête sous la forme de souvenirs flous dont elle n'arrivait à saisir que de mélodieuses bribes.
Tout cela était bien beau, mais pendant ce temps, toujours rien sur le morceau de clé... Barnabas ne le possédait-il pas? Vertiline aurait-elle eût faux sur toute la ligne? Mais pourtant, lors de sa dernière venue au Cirque, le morceau n'était certes pas en possession de M.Fisherman mais dans la trompe de Bimbo et Kimbo, soit dans le Cirque de PinkSmith malgré tout. Mais les éléphants ne semblaient pas posséder un tel trésor à nouveau, et si Sir Barnabas ne l'avait pas non plus, alors qui? Capriccioso? Cela semblait peu probable... Il avait beau être important dans la hiérarchie circacienne, Barnabas était son supérieur. Et d'après ce que Vertiline avait constaté, c'était toujours la personne la plus importante du compté, plus importante même que le ou la Shérif, qui était en possession du morceau de clé... Guideon était le dirigeant en second de l'Asile pour Filles Démentes de PurpleSmith (d'ailleurs, pourquoi étais-ce lui plutôt que Gladys qui possédait le morceau?), Scarlet et Vermeille les directrices de l'Orphelinat de YellowSmith, Arthurus le gérant des Mines de GreySmith, Jebediah le prêtre de la Chapelle de BlueSmith, Cyrrus le propriétaire de la Fabrique de sucrecarries de GreenSmith... Alors pourquoi M.Fisherman, le grand directeur du Cirque de PinkSmith, n'avait-il pas le morceau?
A moins...à moins que, pendant tout ce temps, Vertiline n'avait aucunement envisagé la simpliste possibilité que le morceau puisse se trouver sur Barnabas. Tout simplement. Après tout, c'était avec un trousseau de clé trouvé dans la loge de Capriccioso que Vertiline avait réussi à accéder à celle de M.Fisherman (ce qui lui paraissait de plus en plus étrange au fur et à mesure qu'elle y réfléchissait). Peut-être que Sir Barnabas gardait justement le morceau à ses côtés pour éviter que des mains indésirables ne s'en emparent. En fait, c'était même assez logique! Tellement logique que Vertiline avait préféré passer une heure à fouiller la loge du directeur de fond en comble plutôt que de faire appel à la rationalité (ce qui était comble venant d'une fille qui prônait la rationalité des choses à toutes les sauces)! De toute manière, elle en avait fini avec le bureau de Barnabas et ses innombrables documents. C'est ainsi qu'après avoir tout rangé consciencieusement à sa place, Vertiline quitta la loge de son employeur, la tête pleine à craquer de questions auxquelles elle n'aurait peut-être jamais la réponse, referma la porte à clé derrière elle, et alla ranger le trousseau à son exact emplacement chez Capriccioso. Après quoi, elle retourna vers la piste comme si de rien n'était. Il était désormais aux alentours de neuf heures du matin.
Tout le reste de la matinée durant, Vertiline chercha Sir Barnabas, en vain. Bien sûr, elle doutait fortement que celui-ci accepte de lui donner des informations sur le morceau de clé si elle venait à le enfin mettre la main sur lui, mais quel autre choix avait elle? Maintenant que les recherches chez Capriccioso et M.Fisherman c'étaient avérées plus ou moins infructueuses (ce n'était pas faute d'avoir obtenu des documents intéressants, mais ce n'était malgré tout pas ce que recherchait Vertiline), sur quelle piste se diriger? Hé bien quoi de meilleure transition que la piste elle-même, celle de sable et de terre, pour commencer? Vertiline fût loin de passer inaperçue en se pointant à une heure si tardive, là où tous les artistes répétaient depuis déjà un certain temps, la plupart déjà en costume de scène. Tous la dévisagèrent, elle et ses tentacules, avec un regard avoisinant un mélange d'amusement, de curiosité et de mépris : l'amiopris. Il suffisait d'ailleurs de les regarder pour voir immédiatement que personne ne souhaitait la présence d'un monstre ici, qui plus est d'un monstre de la première génération. Vertiline aperçut soudain Louise, Alyosius, Violine et Garou (en costume de scène eux aussi), tous complètement excentrés de la piste par rapport à toute à l'heure. Elle reconnût facilement Violine sous son maquillage clownesque, mais il lui fallu plusieurs secondes avant de comprendre que l'homme à la perruque blonde et au maquillage grotesque dont le queue-de-pie noir était complété d'une longue écharpe en fourrure de renard était en fait Alyosius, accoutré de la sorte pour une raison que seul M.Fisherman semblait connaître (et ne daignait évidemment pas expliquer). Quand à Louise et Garou, ils étaient facilement identifiables même avec leurs tenues respectives : Louise était encore moins habillée que d'habitude, et son corps avait été recouvert de nombreux tatouages tribaux dont on voyait bien à la couleur que l'encre desdits tatouages lui agressait furieusement la peau et semblait la démanger terriblement. Garou, lui, était affublé de guenilles multicolores qui lui donnaient, disons-le, un air ridicule...
"Mikrí! Où étais-tu?! Le patron était furieux en voyant que tu n'étais pas sur la piste!" s'écria Louise en saisissant Vertiline par les épaules et la secouant vigoureusement.
"-Je...je..." commença à balbutier Vertiline en réfléchissant à un mensonge à toute vitesse.
"-Surtout ne t'aventure plus je-ne-sais où sans rien dire!" repris la charmeuse de reptiles en l'étreignant. "Si tu recommence et que M.Fisherman ou Capriccioso le remarquent à nouveau, tu vas passer un sale quart d'heure! Ici, ils ne sont pas prosforá avec les gens comme nous...
-Je suis désolée, je...je me suis perdue en voulant aller à notre chambre." déclara rapidement Vertiline pour en finir au plus vite avec cette conversation.
"Le plus important, c'est que tu sois là. Maintenant, ne file plus à l'improviste avant ce soir!" renchérit sèchement Violine, qui était définitivement peu avenante avec son maquillage de clown.
Se fiant aux conseils de ses partenaires, Vertiline passa la journée à 's'entraîner' en prévision du spectacle de ce soir, bien qu'aucun numéro ne lui ait véritablement été attribué jusque là. Ayant aperçut un accordéon dans un coin, elle se sentit soudain l'envie de s'y exercer, bien qu'elle n'avait jamais joué d'un seul instrument de sa vie. Un jour, Jeffrey avait bien essayé de lui apprendre à faire du violon (un des nombreux instruments qu'il jouait à a perfection), mais Vertiline était bien loin d'avoir la patience d'apprendre la maîtrise d'un instrument aussi exigeant. La preuve : elle s'était contentée d'un premier essai, et avait complètement délaissé la musique après cela. Ce manque de pratique musicale se fit d'ailleurs vite sentir chez elle. Voyant que coordonner ses mains sur le clavier droit et sur le clavier gauche, le tout en bougeant correctement le soufflet était beaucoup trop dur pour elle, elle confia finalement l'instrument à Enoch, dont les agiles tentacules commencèrent à jouer une gigue si bien exécutée qu'elle surprit tout le monde. Vertiline saisit alors un tambourin laissé dans une caisse non loin, et commença à l'agiter plus ou moins aléatoirement pour accompagner la musique professionnelle de son ami. Les deux firent sensation. Bientôt, ce fût l'ensemble des artistes qui commencèrent à les regarder effectuer une mélodie endiablée qui attira tous les regards sur eux. Au moment ou la musique s'arrêta, tout le monde -même ceux qui ne voyaient en Vertiline alias Victoria qu'un monstre de foire- était convaincu qu'il n'était plus besoin de lui chercher un numéro : elle jouerai de la musique sur la piste ce soir!
La journée s'écoula à toute vitesse, et jamais Vertiline n'eût l'occasion de ne serais-ce que croiser Sir Barnabas. Il était tout simplement introuvable! A la fin de la matinée, lorsque la session d'entraînement prit fin, touts les artistes affamés se dirigèrent vers le mess (les monstres passèrent évidemment en dernier) pour s'y rassasier avant de retourner une heure, et une heure seulement dans leur loge pour se reposer en prévision de ce qui les attendait cet après-midi. Même les monstres en avaient le droit, c'est vous dire! Car après l'heure de repos, c'était la préparation du spectacle de ce soir qui était à l'ordre du jour! Tous les passagers du Cirque logeant dans la petite tour reliée au chapiteau viendraient assister à la représentation, alors la perfection était de rigueur. Vertiline fût assignée au balayage du Cirque, avec Violine, et deux autres gars qui se plaignaient de faire ce travail en compagnie des monstres. Les quatres balayeurs furent répartis de la façon suivante : les deux 'normaux' étaient chargés du nettoyage vers les locaux des spectateurs, histoire de ne pas effrayer ceux-ci si l'envie leur prenait de sortir faire un tour sur la promenade environnante. Violine devait balayer tous les couloirs et continuer dans la petite ferme où sa grande soeur s'était rendue hier soir. Quand à Vertiline, elle fût chargée de nettoyer la piste et les gradins. Et apparemment, on avait confiance en ses capacités, car on lui confia pas moins de cinq balais! Un pour ses deux mains, et quatres pour ses huit tentacules. De leurs côtés, Louise et Garou furent assignés à d'autre tâches, comme l'installation des lumières, la préparation de popcorn saveur caramel des glaciers volcaniques au beurre de dinosaure et de barbes à nana en quantités démentielles, etc.
Aux alentours de vingt heure, le public commença à descendre de ses loges pour se diriger vers la piste, conduits jusqu'aux gradins par des artistes 'normaux' (les monstres étant en quelque sorte le clou du spectacle, il ne fallait pas les exposer si tôt aux spectateurs pour ne pas gâcher la surprise, et aussi pour ne pas les effrayer). Vertiline fût donc sommée d'attendre le début du spectacle dans les coulisses, au même titre que Louise, Alyosius, Garou et Violine. Cependant, la demoiselle ne pût s'empêcher d'observer discrètement les gradins depuis sa position, grâce à un petit trou dans le grand rideau rouge. A sa grande surprise, le public était très varié, et composé de toutes les classes sociales (les plus pauvres devaient voyager en classe économique, ou quelque chose comme ça). Beaucoup d'enfants étaient assis vers les premiers rangs. Sur les sièges plus élevés, c'étaient toutes les tranches d'âge et toutes les conditions qui se rassemblaient convivialement en discutant avec entrain de leurs attentes pour ce spectacle.
"Espressivo!" rugit soudain une voix à la fois agressive et monotone (curieuse combinaison...) dans le dos de Vertiline. La jeune femme se retourna aussitôt, pensant une fraction de seconde que cette voix était celle de Barnabas, mais fût néanmoins beaucoup moins enthousiaste dans l'instant qui suivit son retournement; car celui qui lui avait adressé la parole se révéla n'être autre que Capriccioso. Lui-même en costume de scène, il arborait une combinaison blanche garnie d'une rangée d'étoiles rouges s'étendant sur toute la partie gauche de sa tenue, et était en plus maquillée d'une identique étoile rouge tout autour de son oeil gauche. Celui-ci repris sur un ton las mais autoritaire (allez savoir comment c'était possible):
"Cesse immédiatement de bâiller aux corneilles! Le spectacle va débuter dans dix minutes, nous ne te voulons pas, toi et tes tentacules, dans nos jambes! Où sont tes instruments? Va les chercher! On m'a signalé que tu faisais de l'accordéon et du...tambourin? Tu pourras toujours jouer quelque chose quand ce sera ton tour. Allons, presse-toi!
-Heu, à propos...
-QUOI?
-M.Fisherman est-il dans les parages par hasard?
-Qu'est-ce qu'un vulgaire monstre de la première génération comme toi peut bien lui vouloir? Enfin de toute façon, il s'est absenté.
-Absenté? D'un cirque volant?
-Il a prit un jetpack à vapeur.
-Un jetpack à vapeur...
-Cesse de répéter ce que je dis et va chercher tes fichus instruments avant que je ne m'énerve! Si tu tiens tant à retrouver Sir Barnabas, je t'en prie : saute par dessus bord et cherche-le à travers les nuages! Et...je rêve ou tu n'est pas maquillée?
-Maintenant que vous le dites...
-Alors qu'est-ce que tu fais encore ici? Court voir Crescendo, c'est elle qui maquille les monstres! Allons! Hâtes-toi!" Et Capriccioso disparût aussi vite qu'il était arrivé. Pour qu'il soit vêtu d'une telle tenue, Vertiline se demandait bien quel pouvait être son numéro (elle était même surprise qu'un homme avec autant de fonction que lui doive en plus se produire sur la piste). Cherchant Violine quelques minutes, elle finit par la retrouver tout au fond d'une rangée de petits sièges colorés et de miroirs brillants où de nombreux artistes peaufinaient les derniers détails de leur tenue. Se faisant bousculer par à peu près tout le monde alors qu'elle avançait, Vertiline parvint enfin jusqu'à sa petite soeur (oh, allait-elle seulement lui avouer?), qui était sur le point de ranger son nécessaire de maquillage. Et après quelques secondes à expliquer la raison de sa venue, Vertiline Eunice March se retrouva donc à désormais se faire maquiller par Violine Eunice March.
"Humm...qu'est-ce qu'on va bien te faire?" murmura Violine, un petit pinceau et des cotons colorés imbibés d'un étrange liquide dans les mains. Elle sembla avoir une idée, se ravisa aussitôt, tenta quelque chose , puis, insatisfaite de son résultat, tenta encore quelque chose de nouveau, avant de finalement revenir à son idée initiale qui au final n'était pas si mal. Alors que Violine poudrait sans rien dire le visage de sa grande soeur, Vertiline triturait ses mains en silence, une question la taraudant furieusement : "Dois-je lui dire? Dois-je lui dire? Est-ce vraiment important si je ne le dit pas? Et si je lui dit, comment le dire?" Avouer son identité à sa soeur revenait non seulement à faire face à une réaction incontrôlable de Violine (quelle qu'elle puisse être), mais aussi à expliquer qu'elle n'était pas vraiment une femme-poulpe, et qu'elle ne s'appelait pas vraiment Victoria Prismall...
"J'ai fini." dit simplement Violine alors que Vertiline sembla sur le point de dire quelque chose. La femme au cheveux verts se tourna vers un miroir pour observer le travail de sa soeur : Violine avait blanchi son visage (comme si il n'était déjà pas assez pâlot d'ordinaire), et avait accordé le reste à ses cheveux : lèvres, paupières et sourcils, tout avait été coloré en vert. Bien que cela aurait sans doute fait extrêmement étrange sur quelqu'un d'autre, les deux soeurs s'accordèrent finalement sur la pensée qu'un tel accoutrement allait plutôt bien à Vertiline. Au moment même ou la session maquillage s'acheva, les applaudissements fusèrent de l'autre côté du rideau.
Le spectacle venait de commencer.
https://youtu.be/bj1Da1vaAv8
Découvrez vite la suite au chapitre suivant : "Mais que fait le bébé narval?"!
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