Chapitre treizième : Douces rêveries (et pendant c'temps là à GreenSmith)

Au moment même ou tout semblait perdu, quelque chose à laquelle vous ne vous attendiez pas...

Oh, et bref.

Enoch brisa la baie vitrée du laboratoire de Guideon à seulement une seconde du coup fatidique séparant son amie de la lobotomie. Le médecin en lâcha son marteau et son burin (et vous votre amour du bon sens) sur le coup de la surprise, tandis que Vertilne crût sur le moment qu'elle était entrain d'halluciner. Mais, avant même que Guideon ne commence à s'écrier à propos de son mécontentement sur son opération interrompue, Enoch, de deux violents coups de tentacules bien sentis, l'envoya au sol. Le docteur poussa un râle de surprise et de douleur, se relevant immédiatement pour entamer une joute avec le poulpe. La peau d'Enoch avait pris une teinte rouge peu avenante, et ses yeux, une expression tout aussi menaçante. S'élevant sur quatres tentacules pour se grandir, le céphalopode, semblant ivre d'un mélange de colère et de détermination, réitéra son attaque précédente, à grands coups d'excroissances ventousées sur la figure du docteur. Guideon tenta tant bien que mal de lutter, mais aussi curieux cela pouvait-il paraître, Enoch était étonnement costaud. Les poulpes en général, sont étonnement costauds. Il était donc normal que Enoch Jeffrey March ne fasse pas exception à la règle, tout comme il était normal que Phineas Benjamin Guideon ait bien du mal à lutter contre une telle violence. Ayant délaissé le marteau au sol pour rester armé seulement du burin, le Boucher, dont les yeux avaient adoptés une expression au moins aussi dangereuse que ceux d'Enoch, se rua sur le poulpe dans un grand cri. C'est à ce moment là qu'on pût remarquer la cavité dentaire encore sanguinolente à l'intérieur de sa bouche, preuve s'il en est que les gifles d'Enoch étaient particulièrement puissantes. Mais le docteur Guideon, qui jouait bien mieux le rôle de victimisateur que de la victime elle-même, se mangea méchamment le sol dans cet assaut irréfléchi, chose qui lui valut de s'assommer seul, unique responsable de sa stupidité. Le combat s'acheva ainsi aussi vite qu'il avait commencé. 

"E-Enoch? ...C'est vraiment toi...?" murmura Vertiline, affaiblie par le liquide que Guideon lui avait injecté. L'intéressé se retourna vers son amie, sa peau ayant repris sa teinte violacée habituelle. Hochant euphoriquement la tête (l'espace d'un instant, il avait craint très sérieusement pour la vie de son amie), il détacha la prisonnière. Voulant se mettre debout, Vertiline tomba comme une masse au sol en tentant de se lever, ses muscles étant encore tout atrophiés et faibles. Se précipitant pour la redresser, Enoch passa une tentacule autour de sa taille, et une autre derrière son dos pour l'aider. Et ainsi, bras-dessus tentacule-dessous, les deux compères quittèrent l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys sans se donner la peine de se retourner. 

Marchant encore plusieurs mètres pour s'éloigner au maximum de l'Asile et de ses mauvais souvenirs, Vertiline et Enoch s'arrêtèrent en haut d'une bute, par delà laquelle on pouvait voir les étoiles briller dans le ciel calme et dégagé. Les deux s'assirent au sol, contemplatifs face à une si belle nuit. Alors seulement, Vertiline s'autorisa quelque chose qu'elle avait pour habitude d'abhorrer. Mais ce soir était différent des autres. Car ce soir, non seulement Vertiline avait réussi à obtenir, grâce au courage de Clarisse et des autres, le second morceau de clé; mais également à s'échapper une bonne fois pour toute de l'Asile, où elle avait manqué il y a un instant encore de perdre toute sa santé mentale, à défaut de possiblement perdre la vie... Et pour cela, cette nuit seulement, Vertiline s'autorisa à pleurer en se jetant dans les tentacules d'Enoch, encore vive d'émotions très fortes. Juste un peu. Juste assez pour chasser toutes les idées noires des multiples rebondissements de la soirée de sa tête, et ainsi mieux apprécier le moment présent et tous ceux qui suivraient. 

Bien qu'elle fit tout son possible pour chasser de son esprit la vision de sa propre situation d'il y a encore quelques minutes, Vertiline ne pût s'empêcher de penser à Clarisse. Et à Amethyst, Miss Harris, Aimée, toute les autres, en soit, qui avaient elles aussi connu l'horreur des laboratoires du 'bon' docteur Phineas Benjamin Guideon... Si l'on savait à PurpleSmith ce qu'il faisait subir à ses patientes, peut-être les avis sur lui seraient-ils enfin relativisés... Et dire que Clarisse...elle subissait de telles horreurs régulièrement, plus encore que toutes les autres patientes! Quelle femme... Huit ans de ces mauvais traitements... Non, de ces tortures, repensait Vertiline... Huit ans de cela, et Clarisse n'avait pas sombré dans la folie (la vraie, pas celle dont les patientes étaient supposément atteintes), ou le désespoir. Elle était celle qui avait gardé la tête sur les épaules, avait tout enduré, et en addition à cela, qui avait trouvé encore assez de force en elle pour sourire aux autres patientes. Les rassurer, se dévouer pour elles, tenter de toutes les libérer au moyen d'une rébellion (ambitieuse bien que ratée)... Oh, Vertiline se le jurait : jamais elle n'oublierait la brave Clarisse Virginia Payne! Et elle se jura également que, une fois revenue dans le passé, elle convaincrait Jeffrey; et eux deux s'activeraient pour faire fermer cet endroit et en libérer ses patientes...

Alors qu'elle enlaçait Enoch, le corps secoué par quelques larmes et soubresauts, le céphalopode lui rendit son geste, lui laissant seulement échapper quelques gouttes d'encre de ses yeux. Ils restèrent bien plusieurs heures à attendre que le soleil se lève, contemplant la voûte céleste et se laissant aller à d'indolentes rêveries... 

"Tu imagines, Enoch?" demanda Vertiline en admirant une constellation "Tout ce qu'on pourrait faire avec le pouvoir de la Couronne de Trafalgar? On pourrait... voyager n'importe où en un clin d'oeil! Même dans l'espace, au milieu des étoiles! Tu te rends compte?"

Enoch frétilla, tout émoustillé à cette idée. "Ou alors..." repris Vertiline "On pourrait... aller dans des terres mystérieuses encore inexplorées! Loin de HighSmith et de tous ses comptés! Les beaux voyages qu'on ferait! 

Nous irions découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles cultures...

Ou mieux! Encore mieux! On pourrait même demander... une puissance extraordinaire! Pour devenir des... des sortes de souverains maléfiques et... Enoch? Je plaisantais pour la dernière proposition, tu sais!" 

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(ET PENDANT C'TEMPS LÀ À GREENSMITH!)

"Bien. Tout est prêt." déclara Hermione en fermant une valise remplie non pas de vêtements mais bien d'accessoires policiers : menottes, matraque, munitions pour son fusil, etc. La Shérif achevait les derniers préparatifs de la grande chasse à l'homme dont l'annonce s'était propagée peu après l'interrogatoire de Zelda Amaryllis Butler. Le Maître de Justice, Harcourt Josiah Corney (vous savez, le tousseux, là...) avait déclaré ne pas avoir souvenir  d'avoir organisé une telle opération, mais la parole d'Hermione pesa heureusement autant que la sienne. Seulement quelques jours s'étaient écoulés depuis. C'est à peine si la Shérif avait eu le temps de reclasser la mer de dossiers (non sans en ouvrir aucun, même les très urgents) qu'il avait déjà fallu se démener à droite et à gauche pour arrêter un criminel évadé, signer un document apparamment officiel et important, superviser la directive des rondes quotidiennes... Encore une fois, Hermione n'avait pas eu un seul instant à elle... "Vincent, est-ce que tout est prêt de ton côté? Et au niveau administratif? Et... 

-Relax, Hermi'." souffla l'acolyte, sereine en toute situation. "C'est le maréchal Potter qui te remplacera durant notre petite excursion, j'ai déjà fait passer l'information." L'acolyte, quand à elle, s'activait depuis maintenant une heure à ranger, chose qui ne faisait ordinairement pas partie de son répertoire de compétences. Elle s'était appliqué à re-ranger l'océan de dossiers éparpillés par Hermione, eux-même préalablement remis en ordre de manière plus qu'évasive par celle-ci... Et comme Vincent avait sa propre définition du rangement, les choses étaient allées plus vite que prévu, ce qui l'arrangeait bien. 

-Mais...et toi? Qui va te remplacer?!" s'inquiéta la Shérif. 

"Hé bin! L'apprentie du maréchal, à ce qu'il parait. Une...Tricia Madeleine McFarmer si c'est bien son nom. 

-J'espère qu'ils sauront se débrouiller en notre absence...

-Ils ne courent pas après nos postes pour rien, Hermi'! Crois-moi, y's'ront bien contents de nous remplacer. 

-Mais motivation ne rime pas forcément avec compétence!" répliqua au quart de tour la Shérif d'un air inquiet. "Et si ils oubliaient de commander les patrouilles dans un quartier? Et si ils n'arrivaient pas à passer correctement les menottes à quelqu'un comme moi la première fois?

-Ah, notre premier jour de service... Il restera gravé dans mes souvenirs à jamais!" ria Vincent en passant son bras de chair par dessus l'épaule droite d'Hermione. "Allez ma grande, 'faut te déstresser un coup!

-Je n'y arrive pas!" lâcha soudain la Shérif sur un ton froid et sec. Hermione s'assit sur l'avant de son bureau, la tête penchée en arrière, et poussa un long et significatif soupir. C'est quand sa tête retomba que l'acolyte pu apercevoir à la volée les énormes cernes qui s'étaient appropriées le dessous des yeux de sa collègue. 

"Ma p'tite fleur, je sais que c'est pas trop le moment, mais il faut vraiment que tu essaye de te ménager, et...

-...'Petite fleur'...?

-Ah, mince, je dois aussi préciser la fleur? Bon ben... Ma...gentiane? Nan, ça doit pas être ça. ...Ma primerose? Ma pâquerette? Nan, trop FLEUR bleu, les pâquerettes! ... Ah AH! Ma FLEUR DE LYS! Ose me dire que c'est pas la fleur de lys!" s'extasia Vincent en adressant un clin d'oeil à sa partenaire. Hermione resta muette, les lèvres retroussées.

"Me dit tout de même pas que c'était pas la fleur de lys!" soupira l'acolyte d'une voix désemparée mal accordée au petit sourire qu'arborait en même temps son visage. 

"Ce n'était pas la fleur de lys." répondit nonchalamment Hermione, le visage figé dans la même expression que tout à l'heure. Vincent baissa les bras de dépit.

"Ah. Un indice, dans ce cas? 

-L'indice, c'est que les surnoms à base de fleurs font un peu tarte..." Les yeux de Vincent se firent gros comme ceux de ces poissons carapacés tout gonflés qu'on voyait parfois sur l'étal du poissonnier. 

"Oh, bon. Ce n'est qu'un détail!" acheva-t-elle de guerre lasse avant de vite reprendre : "Quoi qu'il en soit, madame la Shérif, rappelle-moi donc une dernière fois en quoi consiste cette charmante et bucolique escapade à laquelle nous sommes sur le point de nous adonner?

-Hin! Tu parles bien quand tu le veux! Enfin, le but est de retrouver la véritable Vertiline Eunice March, l'arrêter, et la ramener ici. Si nos sources et nos déductions sont exactes, elle va à nouveau tenter de récupérer les morceaux de clé de tout HighSmith, ce dans le même objectif que la dernière fois.

-Persévérante, la fille March...

-A notre grand dam! Si notre théorie est bonne, elle devrait alors se rendre dans chaque compté. Le plus proche d'ici est YellowSmith, c'est notre destination. 

-Et si la fille March ne se trouve pas à YellowSmith?

-Nous l'y attendront et lui tendront une embuscade!

-Et si la fille March est déjà passée par YellowSmith, en a subtilisé le morceau de clé, et est parti vers d'autres comptés?

-Nous verrons bien!" déclara Hermione en croisant les bras et baissant la tête, la mine renfrognée, légèrement vexée que, maintenant qu'elle y repensait, son plan était rempli de failles... Vincent soupira légèrement en levant les yeux aux ciels. Hermione était complètement hors d'état de faire un voyage aussi fatiguant, il suffisait de regarder un instant sa posture avachie, et mollassonne, ainsi que ses yeux quémandant quelques minutes de sommeil pour le comprendre aussitôt. Pourtant, elle tenait bon. Souriant gentiment, l'acolyte s'approcha, et souffla sur une mèche de cheveux tombés sur le nez d'Hermione. Elle approcha son visage du siens, et Hermione l'embrassa; d'abord machinalement, puis langoureusement, puis passionnément.

Le soleil ne brillait jamais à GreenSmith, faute aux gigantesques nuages de pollution qui surplombaient la ville, et émanant pour la plupart des très nombreuses usines au coeur même de la ville. Il y avait toute sorte de fabriques en tout genre à GreenSmith, qui jouissait d'être le compté le plus industrialisé et mécanisé de tout HighSmith. Certaines produisaient des 'matières pures' comme de l'éther, de l'électricité ou de l'Elysium (une sorte de liquide fumant et fluorescent à usages très variés entre des mains ingénieuses), et les autres produisaient plus ou moins tout le reste : en particulier tout ce qui pouvait se lier de près ou de loin à la métallurgie, la mécanique, et en soit à tout ce qui concernait les machines en général. Et non contente d'être déjà privée de ciel, GreenSmith était en plus de cela entièrement imbibée à plusieurs endroits d'une étrange poisse verte, un brouillard épais et nauséabond provoqué par le mélange des différentes vapeurs qui flottaient partout dans la ville. On trouvait dans ce genre de brouillard les lieux et personnes les moins fréquentables de la ville : les bas quartier en particulier, l'Antre de Naomi Dorcas Sawyer... 

Mais pourtant, il arrivait à de rares exceptions près, lorsque l'air était étonnement pur suite à un grand vent ou une sous-production dans les usines, que les nuages se dispersent pour laisser passer à travers leur matière quelques rayons de soleil; un événement auquel tout le monde ne manquait jamais d'assister et qu'on nommait "Beau jour". Aujourd'hui n'était pas un Beau jour. Toutes les centrales, usines et fabriques tournaient à plein régime, et les lourds nuages gris couvraient comme à leur habitude le ciel déjà bien pollué de la ville. Pourtant, pourtant, l'on aurait juré aujourd'hui qu'un rayon du plus beau des soleils avait traversé la grande fenêtre en demi-arc de cercle du bureau de la Shérif, pour venir se loger sur la tendre fresque de son baiser échangé sur l'instant avec la femme qu'elle aimait. 


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Comme vous venez de le constater, chères lectrices, chers lecteurs,, il est parfois possible de se sortir de la situation la plus délicate qui soit, tout comme il est possible sans même le savoir de s'enfoncer vers un chemin si vaseux... que moi-même je vous le déconseillerai. Ainsi, Vertiline, heureuse d'être sortie vivante et saine d'esprit de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys, ne se doutait pas le moins du monde, perdue dans ses contemplations astrales avec Enoch, que désormais toute la maréchaussée de GreenSmith était à ses talons... 

Courage, Vertiline!


Découvrez vite la suite au chapitre suivant :"L'incroyable invention de Timothy Emett Oakley"!

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