Chapitre quatorzième : L'incroyable invention de Timothy Emett Oakley

Lorsque Enoch gara le tacot après que Norbert ait, comme à son habitude, manifesté son envie de mourir tout le long du trajet, le soleil était déjà haut dans le ciel,  dévoilant sous un rayon chaleureux le bucolique paysage de RedSmith, un compté réputé pour ses cultures et ses nombreuses fêtes agricoles. Abrêches, cidarines, pamplananes, pananommes, poirottes, navates, radicots, cépitrouille... Il n'y avait rien qu'on ne cultivait pas ici, tout comme il n'y avait rien qu'on élevait pas, en matière d'animaux (pucerons, cafards, papillons, vers de terre...); de l'élevage était assuré par de nombreux robots fermiers (robots planteurs de graine, traceurs de sillon, récolteurs de récolte, éleveurs de nuisibles...). RedSmith avait beau être un petit compté (peut-être un des plus petit de HighSmith avec PinkSmith), il alimentait en fruits et légumes une bonne partie des comptés voisins à lui seul. Les terres étaient ainsi presque toutes dédiées à la culture, et par conséquent, l'unique ville du compté n'était guère grande ou peuplée par rapport à celles des autres comptés, et habitée quasi-uniquement d'agriculteurs, éleveurs, fermiers, et apprentis-goûteurs (une profession qui battait un peu de l'aile depuis un certain temps). 

Vertiline et Enoch avaient décidé d'un commun accord de se rendre vers un territoire plus chaleureux que l'Orphelinat de YellowSmith, la grisaille polluée de GreenSmith, la saleté des Mines de GreySmith, ou bien la corruption voyeuriste de PinkSmith (croyez bien que nous reparlerons de la corruption voyeuriste de PinkSmith en temps voulu!). Pour se défaire de l'épisode de l'Asile, mieux valait pour eux, comme pour vous, comme pour moi, de passer à quelque chose de plus joyeux. RedSmith était donc la destination susnommée la plus apte à tous nous faire passer un AGRÉABLE, et JOYEUX moment. 

Vertiline, qui avait pris le temps de se changer durant le voyage, ouvrit la portière du tacot et descendit, sa large robe marron-crème heurtant légèrement les pavés de l'entrée principale recouverts partiellement de terre et de paille. Il n'y avait personne en ville, aussi bien dans les rues que dans les champs. Étrange? Oui, effectivement. Mais nos deux compères n'étaient pas nés de la dernière pluie, et ils devinaient bien à la musique que l'on entendait au loin que les habitants devaient être massés vers le bourg principal pour célébrer une de leur énième fête de la meilleure courge du mois, ou quelque chose comme ça. Déambulant à travers une ville calme et inerte, Vertiline et Enoch arrivèrent finalement au bourg où se tenait, comme ils l'avaient supposés, une grande fête de la meilleure courge du mois, ou quelque chose comme ça. 

La place était éclatante de couleurs et de rire, bien que rempli de gens qui vous bousculaient dans tout les sens sous l'excitation provoqué par l'atmosphère festive. Partout, des stands arborant des couleurs tape-à-l'oeil avaient été dressés, proposant des barbes-à-nana roses et blanches au goût de framboise et de crème, des sucrecarries directement importées de GreenSmith (la seule chose qui n'était pas locale), et bons nombres de beignets et autres viennoiseries tous fourrés à quelque chose de plus ou moins identifiable pour le meilleur comme pour le pire, dans la limite du raisonnable. Cependant, un stand en particulier se démarquait des autres, dans le sens ou un nombre absolument faramineux de personnes se pressaient autour. Lorsque Vertiline s'approcha pour voir de quoi il s'agissait, elle aperçut une grosse dame derrière un comptoir ne comptant que des verres vides. A l'arrière de son stand, l'on pouvait apercevoir un grand poster représentant un jeune garçon tout souriant tenant fièrement une étrange machine. Il était marqué au dessus dans une vive couleur jaune  :

"L'INCROYABLE JUS DE PRESSE-BEIGNET, UNE INVENTION DE TIMOTHY EMETT OAKLEY ! UNE SEULE GORGÉE VOUS EMMÈNERA AU SEPTIEME CIEL !

Des confettis multicolores ne cessaient de pleuvoir du ciel, tandis que des ballons aux couleurs toute aussi chatoyantes s'élevaient vers les hauteurs. A côté des stands de nourriture, des jeux avaient été installés. Petits comme grands, tous s'exerçaient ainsi joyeusement au lance-tout, au chamboule-le, à la corde à tresser, au tir à la tambourine, à la pêche aux fanfares, etc. Un peu plus loin, un grand carrousel avait été installé, garni de chevaux blancs, noirs et alezans qui montaient et descendaient en même temps que le manège tournait. Des banderoles rouges et blanches avaient été accrochées un peu partout, tant sur les stands que sur le clou de la fête : une grande scène où se produisait des musiciens, chantant une chanson à propos d'un certain docteur Franklyn, qui que ça puisse être. Même si il arrivait encore à Vertiline de tressaillir au simple mot 'docteur' au vu des événements récents, elle trouva la chanson plutôt entraînante, et se laissa même aller à claquer la mesure des doigts. Devant la scène, un grand panneau indiquait le nom du groupe qui se produisait : "Le Rouage Est Mort". Évocateur... 

"Merci, merci à tous!" s'exclama le chanteur principal une fois la chanson sur les proportions épiques du docteur Franklyn achevée. "Notre prochaine chanson est un peu spéciale!" poursuivit-il, la foule dès lors pendue à ses lèvres. "Vous êtes tous au courant de l'invention révolutionnaire qui as touché RedSmith il y a peu, je suppose." La foule approuva joyeusement. "Et vous connaissez tous notre cher petit Timothy Emett Oakley, maintenant!" s'extasia joyeusement l'homme. La foule ria et hocha la tête, commençant déjà à applaudir. "Hé bien, avec nos invités spéciaux venus tout droit de OrangeSmith, nous avons décidés de lui dédier une chanson!" La foule rit et applaudit à nouveau, absorbée par les festivités. En plus des deux guitaristes et de la batteuse déjà sur scène, trois robots montèrent sur l'estrade, acclamés par la foule. Vertiline crût les reconnaître : il s'agissait probablement de ces fameux robots-musiciens, ceux-là même qui faisaient de plus en plus parler d'eux depuis plusieurs années déjà. Pour une raison comme une autre, ils s'étaient depuis un certain temps déjà imposés dans le monde de la musique et avaient gagné en popularité au point d'être récemment partis en tournée dans tout HighSmith. Ils se faisaient appeler "Girafe A Vapeur", allez savoir pourquoi... Le premier robot, Colonne Vertébrale, était un grand spécimen au visage blanc et noir, poli et luisant, tenant à la main une guitare noire comme son chapeau. Le second, Lapin, au visage blanc également et de type féminin, avait des cheveux roses qui n'avaient rien à envier à ceux de Vertiline, et tenait un mélodica rouge et noir comme sa tenue entre ses mains mécaniques. Le troisième, Hatchworth, semblait fait dans une sorte de matière cuivrée, à en juger par le teint de ses composants. Il arborait une élégante moustache rousse, impossible de savoir si il l'avait obtenue naturellement, ou si son inventeur lui en avait collé une. Tout comme Colonne Vertébrale et Lapin, il était équipé d'un instrument : une basse, dans son cas. 

Les robots échangèrent un regard avec les membres de "Le Rouage est Mort", prêt à débuter la chanson. Et enfin oui, la chanson débuta. L'incroyable chanson de l'incroyable Timothy Emett Oakley, qui avait créé, je vous le donne dans le mille, l'incroyable presse-beignet, donnant ainsi naissance à l'incroyable jus de presse-beignet. Incroyable!

https://youtu.be/210TNyY6ClA

  "Depuis qu'il n'avait que trois ans
Un jeune et brillant garçon nommé Timothy
Avait de grandes ambitions, pour changer le monde.
Un génie et philanthrope,
Il avait fait une longue liste
De nouveaux modèles en attente d'être déployés.

  Il avait passé sa vie à créer des tas de choses,
Comme des chaussures spéciales qui rebondissent sur des ressorts
Et des toasters capables de cuire des couennes de porc au barbecue.
Mais bien que toutes ses inventions étaient géniales,
Il semblait ne pas avoir encore créé
Celle qui profiterai vraiment à l'humanité.

  Mais un matin brumeux il remarqua un policier
Manger des beignets dans un café.
Tandis que dégoulinait la garniture de sa pâtisserie,
Timothy a été frappé de sa meilleure idée !  

  C'est l'incroyable presse-beignet!
Il peut apporter tant de joie à tant de gens!
Il suffit de jeter dans un beignet dedans, tourner la poignée
Et ce délicieux liquide sortira,
Un régal pour n'importe qui!   

  Quand il eût construit son prototype,
Il espérait sincèrement qu'il
Se ferait remarquer à la  29ème Exposition Mondiale.

  Il avait attiré toute une foule autour de sa cabine :
De gens qui avaient faim de sucre,
De la crème de YellowSmith aux longs éclairs de PinkSmith. 

  Bientôt il fit la une des journaux,
Le monde voulait du jus de beignet
Et tout le monde s'arrachait sa machine!

  Le monde en devint complètement obsédé,
Siphonné de cette gelée glacée,
Le meilleur phénomène que vous n'ayez jamais vu !  

  Et lorsqu'il présenta son invention à un salon scientifique
Un homme d'une grande académie était là.
Il ne pris qu'une gorgée, écarquilla les yeux et dit : 
"Mon garçon, nous te donnons le prix Nobel!"

C'est l'incroyable presse-beignet!

Mais à chaque succès il vient un prix.
Et bien que ses rêves et intentions étaient nobles,
Le compteur de calorie, lui, était trop élevé.
Et il fit grossir tout le monde d'un coup!

Maudit soit l'incroyable presse-beignet!
Il peut engraisser tant de gens!
En avalant cette délicieuse mixture,
Tout le monde grossit et ils devinrent flasque comme des blobs!
Donc l'invention de Timothy fût un sacré échec (oh yeah!),
Mais il rentra chez lui pour recommencer du début!

La foule applaudit à tout rompre pendant un long moment, saluant la performance des chanteurs et des robots (qui eux s'étaient éteints sur scène aussitôt la chanson terminée). 

"Drôle d'histoire. Tu as compris cette histoire de blobs à la fin, toi?" chuchota Vertiline à Enoch, quand bien même le poulpe était encore trop occupé à battre vivement des tentacules pour l'écouter attentivement. 

"Aussi..." repris le chanteur en attirant à nouveau l'attention de la foule "J'en profite pour vous annoncer que l'incroyable presse-beignet..." il retint son souffle "L'incroyable presse-beignet, mesdemoiselles et mesdemoiseaux, mesdames et messieurs, fera l'objet de la deuxième partie de la fête des récoltes de cet automne!" De hauts chuchotements s'élevèrent alors au sein de l'assemblée, discutant du pourquoi du comment une machine aussi divine que diabolique pouvait être le sujet des festivités. 

"Et en quoi serais-ce si incroyable que ça d'obtenir cet engin?" demanda soudainement Vertiline d'un ton moyennement convaincu et suffisamment fort pour que tout le monde l'entende. 

"-Aah, ça mademoiselle, je peux garantir que l'incroyable presse-beignet changerai votre vie!" répondit le chanteur sur un ton enjoué. "J'en conclus à une telle question que votre palais n'a pas encore expérimenté les délices du nectar qu'offre cette fabuleuse invention! Aussi, je vous invite à venir constater par vous-même!

-E-Est-ce nécessaire?

-Allons, ne soyez pas timide!" Poussant un petit soupir à la fois gêné et indécis, Vertiline se dirigea finalement vers l'estrade, poussée par Enoch et les personnes à côté d'elle. Ce fût une sensation étrange pour elle que de se retrouver sur scène face à tant de gens. Vertiline n'aimait pas trop penser à cette période de sa vie, mais le fait d'être face à un public lui rappelait furieusement l'époque ou, âgée d'une dizaine d'années, elle avait tenté de faire de la danse sa carrière professionnelle. Elle ne serait d'ailleurs probablement pas ici même si, il y a seize années de cela, M. Di Hedgecog n'avait pas passé une bonne demi-heure à copieusement lui expliquer qu'une fille venant des quartiers mal famés de GreenSmith ne pourrait jamais se produire ailleurs que dans des bouges. Ce qui, au vu du tempérament...volcanique de la petite Vertiline, s'était avéré fâcheux par la suite pour M. Di Hedgecog. Mais vous savez quoi? Comme pour un bon paquet d'intrigues secondaires, le passé TUMULTUEUX et SURPRENANT de notre héroïne est remis au placard pour un prochain chapitre! Et maintenant, revenons-en à notre sujet initial! (Ce que je peux tergiverser, moi...) Nous disions donc : 

Le chanteur, qui s'était rapidement présenté sous le nom de John, John Sprocket (principalement pour ne plus se faire appeler 'le chanteur' par une certaine narratrice...), exposa le fameux presse-beignet devant Vertiline. "Voyez tout d'abord l'ingéniosité de l'engin!" s'extasia-t-il "Fait quasi-uniquement en matériaux de récupération! Notre petit Timothy est un vraie génie, cela va s'en dire!" Il frotta ses mains l'une contre l'autre avec engouement. "Bien! Pour procéder à l'expérience, il me faut un beignet. Quelqu'un? Oui? Non? Peut-être? L'on s'abstient?

-MOI! J'ai une tonne de beignets en réserve, m'sieur!" s'écria une voix dans la foule, qui était en fait celle de la grosse dame du stand de jus de tout à l'heure. Et sans demander son reste, elle monta les marches de l'estrade comme une fusée, apportant triomphalement le met requis. "Je connais bien vot' machine! C'est mon p'tit n'veu qui l'a faîte!" triompha-t-elle. Elle plaça alors la pâtisserie dans un orifice prévu spécialement à cet effet. 

"On met l'beignet!

-Et on tourne la poignée!" s'exécuta joyeusement John. Un petit grincement se fit entendre depuis la machine, celle-ci commençant à trembler légèrement en laissant échapper un peu de vapeur de ce qui semblait être une minuscule cheminé. Enfin, un épais liquide brun, gluant et visqueux sortit d'un tuyau installé à l'avant de la machine, coulant dans un petit verre à liqueur jusqu'à ce que celui-ci soit plein à ras-bord. 

"Goûtez, mademoiselle!" s'exclama John en tendant le verre à Vertiline. La jeune femme porta alors la boisson encore chaude à ses lèvres, trahissant dans son expression faciale une pointe d'appréhension. Dès que la première gorgée tomba dans sa bouche, ce fût comme si un océan de sucre fondu se déversa sur sa langue, éveillant tous ses sens. Le liquide semblait tapisser toute sa gorge de velours pour enfin se déverser dans son estomac, avec un goût si doux et raffiné que Vertiline aurait pu juger qu'il s'agissait là sans conteste de la meilleure chose qu'elle n'ait jamais bue. Ses yeux s'écarquillèrent sous l'incroyable sensation provoquée par le liquide, si bien qu'elle eût tôt fait de vider entièrement le verre de son contenu jusqu'à la dernière goutte. 

"Vous voyez? Une pure merveille!" ria John en lui reprenant le verre des mains. "On aurait tous envie de l'acquérir, n'est-ce pas? Hé bien! J'ai le plaisir de vous annoncer qu'aujourd'hui, ce rêve peut se réaliser! Pour vous, mademoiselle, comme pour chacun d'entre vous! Car aujourd'hui..." Il prit la machine entre ses mains et la souleva triomphalement afin que tout le monde puisse la voir. Les yeux de Vertiline s'écarquillèrent soudainement à nouveau. Sur l'engin... on aurait dit...

"Car aujourd'hui, j'annonce que, sous l'accord de Timothy Emett Oakley lui-même, l'incroyable presse-beignet sera le grand prix à gagner du Tournoi Saisonnier!" La foule, déjà bien excitée jusque là, ne pût contenir son euphorie à l'annonce d'une telle nouvelle, et applaudit à tout rompre. "Le...tournoi saisonnier?" murmura Vertiline tout bas, ne sachant absolument pas de quoi il s'agissait. 

"Le Tournoi Saisonnier, mademoiselle!" lui cria presque John au visage, dans son excitation. Aussitôt, une gigantesque banderole se déroula sur la scène, derrière la batteuse du groupe. On pouvait lire dessus 

'GRAND TOURNOI SAISONNIER DE REDSMITH! DEUX EPREUVES, SIX CONCURRENTS, UN SEUL VAINQUEUR! AU PROGRAMME DE CETTE SAISON : RODEO ET MATCH DE LULLABY! 

"Comme vous pouvez le voir, repris John, les épreuves qui ont été choisies par le jury pour cette saison sont le rodéo, et le match de lullaby! Et maintenant sans plus attendre, je vais appeler nos quatres premiers participants, en proposant à une main innocente de tirer quatres papiers dans ce tonneau!" Un silence s'installa. "Hé bien? Où est le tonneau?" s'impatienta John. Il regarda près des escaliers donnant accès à la scène, là où deux personnes se démenaient tant bien que mal à monter un énorme tonneau en bois, sans succès. "Bon sang, il faut tout faire par soi-même de nos jours..." grommela John en sortant une grosse télécommande munie d'un unique bouton rouge en son centre. Il appuya sur le bouton et aussitôt, les trois robots qui étaient en arrêt jusque là s'actionnèrent dans un bruit de mécanique articulée et de pistons grinçants. "Aidez ces braves gens à transporter le tonneau ici." demanda John à leur attention. Aussitôt, les trois prototypes s'exécutèrent. Colonne Vertébrale, Lapin et Hatchworth descendirent de l'estrade et amenèrent ainsi ledit tonneau sans difficulté.

"A propos, je connais une chanson qui parle de tonneau!" s'exclama Hatchworth en dégainant sa basse, une fois la charge installée au milieu de la scène. 

"Ça doit être une histoire p-p-p-passionnante! Tu veux bien nous la chanter?" s'extasia Lapin en convulsant légèrement de la tête. 

"Hé bien quelle chance! Nous avons un public, c'est justement l'occasion!" fit remarquer Colonne Vertébrale en se tournant vers l'auditoire, prêt à se munir de sa guitare.

"Non, non! Nous avons déjà assez perdu de temps!" s'écria John en réappuyant vivement sur le bouton rouge de sa télécommande, entraînant l'extinction immédiate des trois robots. Il reprit, s'épongeant le front : "Bien bien bien... où en étions-nous?

-A la main innocente." fit remarquer Vertiline. Le visage de John s'illumina à nouveau, maintenant rendu tout luisant par la sueur.

"-Ah! Et bien mademoiselle, vous qui êtes ici, pourquoi ne pas procéder au tirage? Je suis sûr que votre main est la plus innocente qui soit!

-Heum... que suis-je sensée comprendre à cela?

-Que vous avez l'honneur de piocher quatres papiers dans ce tonneau pour déterminer nos quatres premiers participants! Allons! Faîtes donc, la ville entière s'est inscrite! Et maintenant, tout est entre vos mains innocentes!

-Cessez tout de suite de dire que mes mains sont innocentes!

-Ne le seraient-elles pas? 

-Qu...N-...Je... Bah! Je vais les piocher, moi, vos papiers!" Et aussitôt, Vertiline plongea non pas sa main (innocente), mais son bras entier dans le tonneau, avec une telle vigueur qu'on eût peur qu'elle se jetât dedans. Elle remua alors son bras si vivement que quelques feuilles griffonnées et pliées tombèrent au sol. Enfin, elle sortit du tonneau quatres petites feuilles de papier blanches, non sans en avoir fait tomber bien d'autres en s'extirpant de la mare épistolaire. Vertiline s'approcha alors du micro qu'avait utilisé John durant sa chanson, la foule maintenant pendue à ses lèvres. Lentement, elle déplia le premier papier, retenant le public au comble de son impatience. 

"Nicodemus Alan Forger!" cria-t-elle tout haut. Un hurlement de joie se dégagea parmi les spectateurs, laissant monter sur la scène à toute vitesse un rouquin moustachu qui ne manqua pas d'exprimer sa fierté par de nombreuses poses et autres curieux mouvements de bras et de hanches. Une fois Nicodemus un peu calmé, elle déplia aussitôt le second papier : 

"Andy George Sixkiss!" annonça-t-elle. Un homme tout penaud surgit alors de la foule, visiblement plus que surpris d'avoir gagné le droit de participer au Tournoi. Celui-ci s'installa alors modestement à côté de Nicodemus. Vertiline déplia le troisième papier : 

"Bartholomew Elias Norris! Et... attendez, il y a un second nom d'inscrit... Anthony Elias Norris!" Des protestations commencèrent à se faire entendre dans le public, comme quoi il y avait tricherie, et ce genre de choses. Deux jumeaux montèrent sur scène à côté de Andy, si identiques l'un vis-à-vis de l'autre qu'il était impossible de dire lequel était Bartholomew, et lequel était Anthony lorsqu'ils étaient côtes-à-côtes. 

"-Hé bien, voilà pour nos quatres concurrents locaux! Pas de présence féminine pour cette saison, apparemment." affirma John en se réemparant du micro, sans se soucier des jaloux et de ceux criant à la triche des frères Norris. "Maintenant, comme le veux la tradition, il nous faut deux étrangers pour prendre part au tournoi aux côtés, et contre nos valeureux candidats RedSmithiens! Alors!" il écarta les bras à l'intention de l'assemblée. "Quelqu'un parmis notre public n'est-il pas originaire de RedSmith?" Un long silence s'installa immédiatement, tous les membres de la foule jetant des regards furtifs pour voir si quelqu'un s'annonçait. Le mutisme du public dura environ une bonne vingtaine de secondes quand SOUDAIN, une timide tentacule s'éleva parmi les têtes chapeautées. 

"Ah AH! Je vois que nous avons finalement un visiteur de notre beau compté! Approchez, approchez, cher monsieur!" s'exclama John. Son expression faciale changea néanmoins quelque peu lorsqu'il vit non pas un être humain avec une petite difformité physique comme il l'avait pensé, mais bien un poulpe frétillant monter sur scène. "Oh... Hum... Voila qui est pour le moins...inattendu." déclara le chanteur, surpris. "Et... quel est votre nom, cher...monsieur poulpe? D'où venez vous? 

-Il s'appelle Enoch!" rétorqua Vertiline en se tournant vers John. 

"-Enoch..." répéta John, toujours décontenancé. "Seriez-vous par hasard... sa propriétaire, mademoiselle?

-Son amie, oui.

-Vous n'êtes donc pas de RedSmith, tous les deux?

-Non, effectivement.

-Et bien je crois que nous avons nos deux candidats manquants, dans ce cas!" s'extasia John en serrant vigoureusement la main de Vertiline, qui elle afficha de suite une mine pus que circonspecte.

"A-Attendez une minute! Je ne sais pas si..." commença-t-elle.

"-Quel est votre joli nom, mademoiselle?" la coupa le chanteur.

"-Z-Zelda Amaryllis Butler." 

"-Et d'où venez-vous, Zelda?"

-De PurpleSmith." mentit Vertiline. 

"-Alors c'est décidé! Mesdames, et messieurs, voici la liste des heureux participants à notre grand Tournoi saisonnier : Nicodemus Alan Forger! Andy George Sixkiss! Les frères Bartholomew et Anthony Elias Norris! Et nos deux visiteurs de PurpleSmith : Zelda Amaryllis Butler, et Enoch...

-Jeffrey March.

-Zelda Amaryllis Butler et Enoch Jeffrey March! Applaudissons-les bien fort!" La foule ne se fit pas attendre, éclatant d'un tonnerre d'applaudissement à destination des six concurrents. Tous furent contraints de saluer l'audience plusieurs fois, multipliant les courbettes à n'en plus finir, tels des acteurs de théâtre. 

"Enoch? Enoch!" chuchota Vertiline alors que le poulpe était très absorbé dans ses salutations "Regarde la machine!" lui souffla-t-elle. Détournant le regard, le céphalopode s'exécuta, remarquant alors, étant plus près que tout à l'heure, la même chose qui avait surpris Vertiline il y a peu. Il s'agissait de la poignée de l'incroyable presse-beignet. Et quelle coïncidence coïncidente qu'elle ressemblait à s'y méprendre au morceau de clé que nos deux compères recherchaient."


Découvrez vite la suite au chapitre suivant : "Le grand Tournoi saisonnier de RedSmith"!

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top