Chapitre quarante-quatrième : Hermione a une épiphanie (et c'est un désastre...)

"Bonne et mauvaise nouvelle : la fille March n'a pas tué les soeurs Sterling! Par contre, elle court toujours..." déclara Vincent Théodore Archer en jetant un journal roulé dans les mains de Hermione Lisbeth Tinker.

 "Cela ne nous avance pas plus... Dans tous les cas, nous devons l'attraper, et elle nous file à chaque fois entre les doigts!" grommela la Shérif en se tournant vers la baie vitrée de son bureau, qui offrait une vue imprenable sur la ville et ses alentours. 

"-Cela rendra son procès un peu plus court lorsqu'on l'aura capturée!" argumenta Vincent, comme à l'accoutumé plus optimiste que sa partenaire. 

"-Oui! Et encore le faut-il!" s'écria Hermione en grinçant des dents, dans un bruit similaire à celui que feraient des ongles crissant sur un tableau noir. "Elle nous a humiliées à GreySmith, et comme tu les dis, elle court toujours! Comment peux-tu rester aussi sereine, Vincent?!" poursuivit-elle en jetant de rage le journal au sol. Contenant de plus en plus mal sa colère, Hermione se mit à faire les cents pas dans la pièce en maugréant tout bas d'imperceptible jurons, tandis que Vincent, vraisemblablement bien moins stressée qu'elle, s'alluma un cigare tout en allant ramasser le journal à terre. 

"Tu as lu l'article au moins?" demanda-t-elle en laissant un nuage de fumée s'échapper de ses lèvres. 

"-Juste le titre." articula rapidement Hermione d'une voix caverneuse. Dépliant les nouvelles du jour, Vincent commença à lire l'article concernant Vertiline à vois haute, accentuant sa lecture parfois de manière inutilement sensationnelle. 


"VOLEUSE EN CAVALE...SEULEMENT?

Rédigé par : Samson D. Gunn 

Edité par : Dinah A. Beggley

 La désormais célèbre voleuse Vertiline Eunice March, connue pour avoir tenté de s'emparer de la Couronne de Trafalgar il y a huit mois de cela s'est depuis peu échappée du pénitencier de GreenSmith, où la jeune criminelle purgeait une peine à perpétuité pour ses actes. Mais il semblerait pourtant qu'elle soit bien décidée à reprendre là où elle s'était arrêtée, quitte à avoir recours aux pires extrêmes! Vraiment? C'est pourtant ce que déclaraient encore il y a peu la jeune Shérif de la ville et du compté de GreenSmith Hermione Lisbeth Tinker et son acolyte, Vincent Théodore Archer. Celles-ci avaient en effet juré que Vertiline Eunice March, déjà voleuse  démasquée depuis l'affaire impliquant la Couronne de Trafalgar, s'était également révélée être une dangereuse meurtrière, ce en se rendant coupable du tragique assassinat des soeurs jumelles Scarlet Primrose Sterling et Vermeille Primrose Sterling, jusque là directrices de l'Orphelinat de YellowSmith. Mais la 'Fille March' n'aurait-elle été jugée trop tôt? C'est ce que clame Charles Amiel Winch, agent en chef de l'escouade Pasta de la maréchaussée de YellowSmith : "Nous avons eût de la part de Miss Elodie Aura Maxwell, l'épouse de l'une des victimes, la preuve que le meurtrier dans l'affaire des soeurs Sterling n'est aucunement la fille March." Un des anciens suspects, Richard Ted Chandler, lui aussi veuf d'une des deux victimes, s'est finalement rendu coupable de ce double meurtre atroce une fois la preuve de Mademoiselle Maxwell présentée, ce grâce à une étonnante invention dont les scientifiques ne tarissent pas d'éloges! (voir p. 6) Vertiline Eunice March semble donc blanchie de cette affaire, mais pour combien de temps...? Car si la fille March n'est certes pas garante de meurtre, elle n'en reste pas moins une voleuse hautement recherchée par les autorités, qui ne mérite ni plus ni moins qu'un emprisonnement à vie pour les plus cléments, si ce n'est la peine de mort pour les moins tolérants!

 La prime pour quiconque la ramènera au commissariat de GreenSmith tient toujours, pour les plus vaillants et les plus téméraires! Le montant actuel de la prime s'élève à :

- 300 pièces de rouille, 8 gallions de bronze et 2 sacs d'or, si ramenée en morceaux

- 350 pièces de rouille, 9 gallions de bronze et  2 sacs d'or, si ramenée morte

-400 pièces de rouille, 9 gallions de bronze et 3 sacs d'or , si vivante mais nouvellement mentalement déstabilisée

-500 pièces de rouille, 14 gallions de bronze et 5 sacs d'or, si ramenée vivante


-Pour une fois que les journaux ne racontent pas qu'un tas de bobards sensationnalistes! C'est une première!" s'exclama sarcastiquement Hermione en s'asseyant dans un vieux fauteuil vert bouteille à quelques mètres de son bureau. Levant les yeux au ciel, Vincent s'approcha d'elle suffisamment pour que la fumée de son cigare ne vienne -bien malgré elle- s'écraser sur le visage de la Shérif. 

"-Et pour une fois, la situation est moins pire qu'on ne le pensait!

-Moins pire?! Tu veux rire, Vincent?! La fille March est encore en liberté que je sache! Nous sommes personnellement mises sur cette affaire, et l'affaire en question a déjà impliqué un membre de ma famille, et traîne en longueur!

-Oh, allons! Ce n'est pas comme si tu appréciais Zelda plus qu'elle ne m'apprécie!

-Là n'est pas la question! Si nous ne mettons pas très vite un terme à cette histoire... Raaah, mais comment peux-tu rester aussi calme?!" rugit Hermione en bondissant de son siège. Son visage avait lentement viré du blanc au rose, pour être maintenant bien rouge. Elle était dès lors hors d'elle même à un tel point qu'une grosse veine faciale se faisait maintenant visible au niveau de ses tempes; et le paradoxe voulu que plus son visage gagnait en couleur, plus la veine ressortait clairement sous sa peau. De moins en moins contrôlable, la Shérif recommença à tourner en rond dans la pièce, ses pas maintenant plus rapide, au même titre que son souffle rageur. Sa respiration se faisait plus rauque, et ses injures muettes de tout à l'heure s'étaient transformées en grognements étouffés. Bientôt, elle commença à porter ses mains à sa tête, et empoigna férocement sa chevelure désormais complètement démêlée. Vincent en enleva son cigare de sa bouche. Il lui était déjà arrivé de voir Hermione désemparée de bien des manières, dans la tristesse comme dans la colère, mais cette Hermione là lui apparût comme complètement inédite. Jamais n'avait-elle encore vue sa partenaire dans un tel état. La Shérif de GreenSmith, pourtant réputée pour son sang-froid et sa maîtrise de soi admirable, était aujourd'hui tout à fait méconnaissable. On aurait dit une furie.

"Ma grande, je sais bien qu'il faut qu'on termine cette enquête au plus vite, mais je ne pense pas que dans ton état actuel, nous arriverons à grand chose." soupira Vincent en s'approchant d'Hermione pour lui masser les épaules. 

"-Foutaises!" cria celle-ci en se dégageant aussitôt de sa partenaire. "Plus vite nous aurons attrapés la fille March, plus vite nous pourrons la jeter en prison, où j'espère bien qu'elle moisira le restant de ses jours! Non...la prison est une punition trop tendre... Il faut la mettre à l'échafaud!" Le visage de l'acolyte se raidit aussitôt, d'une expression semblable à de la crainte qu'elle n'avait guère l'habitude d'arborer.

-Hermi'...l'échafaud? Vraiment? Peu méritent une sentence aussi cruelle! Et bien que la fille March nous aient causé beaucoup de problèmes, je pense que même elle ne mérite pas ça.

-Ah, ne va pas me dire que tu la défends maintenant!

-Je n'ai pas dit ça! Mais avant de songer à la sentence, il faut songer au procès. Et avant de songer au procès, hé bien, il faut songer à attraper la fille March. 

-Tu vois?! Nous en revenons toujours au même problème!" s'écria la Shérif, accélérant encore et toujours ses nerveux va-et-viens. Soupirante, Vincent tira sur son cigare et dit dans une bouffée :

"-On va l'attraper, ne t'en fait pas.

-Et dans combien de temps?! Dès que nous croyons la tenir, elle nous file entre les doigts et nous rie au nez! Cette peste provoque notre autorité et bafoue l'ordre et l'équilibre de ce compté!

-Je sais, ma belle, je sais. Mais nous avons passé notre temps à lui courir après depuis ces deux derniers mois. Dans tous les cas, tu l'as dit toi-même à chaque fois : elle nous échappe. Peut-être faudrait-il changer de stratégie.

-DAMNATION!" hurla Hermione en renversant le pauvre fauteuil innocent qui lui avait servit de siège il y a quelques minutes de cela. Son état ne cessait d'empirer, tout comme son attitude ne cessait d'inquiéter Vincent. Prise d'un accès de rage, la jeune femme commença à agresser le mobilier, retournant et jetant au sol tout ce qui lui passait sous la main : fauteuil, pots de fleur, dossiers administratifs (à moitié rangés depuis l'incident avec le Maréchal Potter), livres en tout genre, et même le raton-laveur empaillé qui trônait habituellement près de l'espace où siégeaient un canapé dépliable, et une petite table basse (ni elle ni Vincent ne se souvenaient vraiment comment elles en étaient venues à posséder un raton-laveur empaillé). Ayant finalement posé son cigare encore fumant dans un cendrier qui avait échappé à la fureur de sa partenaire, l'acolyte ne savait trop que dire, encore moins que faire. Elle avait cette bizarre impression que quoi qu'elle puisse dire ou faire, justement, cela ne ferait qu'énerver davantage Hermione; mais elle ne pouvait malgré tout pas rester là sans rien faire... Et la pauvre avait beau se creuser la tête, jamais la femme qu'elle aimait ne s'était mise dans un tel état en cinq ans, soit l'époque à laquelle elles s'étaient rencontrées suite à cette...fameuse invasion de zombies! 

"Au lieu de toujours courir derrière la fille March, peut-être pourrions nous la devancer." commença-t-elle avec une sagacité inhabituelle.

"Et comment?!" rugit Hermione sans même la regarder "C'est elle qui nous passe toujours devant! ...Oui! Nous croyons la prendre au piège, mais c'est en fait elle qui nous attire dans ses filets pour mieux se débarrasser de nous!" Soudain, elle se tût. Ses mains crispées contre son crâne se desserèrent peu à peu, et sa tête jusque là baissée se redressa d'un trait. Pendant un court instant, on n'entendit rien d'autre que le son du grand beffroi non-loin qui sonnait six heure du soir. Vincent était demeurée plantée derrière Hermione, hésitante. 

"La prendre au piège..." murmura faiblement la Shérif, si bas qu'on l'entendit à peine. Sa respiration s'accéléra encore. "La prendre au piège..." répéta-t-elle un peu plus fort. Un petit rire sournois et guttural s'échappa de sa gorge, tandis qu'une de ses mains revint vers son visage alors que l'autre se tendit vers l'horizon. De près, elle semblait même prise de légers tremblements. "Oui...oui, la prendre au piège! Je vais la prendre au piège...! Et cette fois, elle ne m'échappera pas...non, elle ne m'échappera pas... Elle va tomber dans mon piège et je vais...oui, je vais la tuer...!" Ces mots résonnèrent comme la plus puissante des bombes de GreySmith dans le coeur de Vincent. Là, c'était certain : Hermione n'allait définitivement pas bien. Sa compagne l'avait déjà vue avoir quelques accès de colère (qui généralement s'estompaient aussi vite qu'ils l'atteignaient), mais jamais au point de déclarer si euphoriquement une telle chose. Hermione avait déjà plaidé la clémence des juges lors de procès où les coupables se rendaient responsables de crimes encore plus graves que ceux de Vertiline Eunice March, alors pourquoi était-elle soudainement prise d'un désir si morbide?! 

"Hermi'...tu ne penses pas vraiment ce que tu dis, n'est-ce pas?" s'aventura à demander Vincent sur un ton appréhensif qui ne lui correspondait guère plus que tout à l'heure. Mais Hermione ne semblait pas l'entendre. Ses deux bras étaient maintenant tendus vers le ciel, comme si elle venait d'être sujette à une illumination divine. Tremblant maintenant très visiblement, elle ne cessait de répéter de plus en plus fort :

"Je vais la tuer! Je vais la tuer! Je vais la tuer!" Complètement euphorique, elle se retourna alors vers Vincent, les yeux exorbités et le visage gratifié d'un sourire terrifiant. De nombreuses mèches blondes éparses étaient collées dans tous les sens sur son front perlé de sueur, ne contribuant que davantage à lui donner cet aspect particulièrement dérangeant qu'ont ceux morbidement fixés sur une idée terrible; comme c'était présentement le cas de la Shérif. Dès lors, Vincent ne reconnaissait plus aucunement sa petite amie : c'était comme si la Hermione qu'elle avait connue et aimée jusque là avait été échangée avec une autre; complètement diabolique. 

"Personne ne va tuer personne, Hermione." articula-t-elle gravement en prenant la Shérif dans ses bras. Mais Hermione ne l'écoutait pas. Elle était ailleurs. Se laissant mollement enserrer par son amoureuse, elle ne daigna pas lui rendre son étreinte, car son regard vide divaguait désormais vers des plans sadiques et sordides.

"Je vais lui faire payer tout ça... Oh oui, elle va payer... Je vais détruire sa vie... Je vais l'attraper, je vais la torturer, et je vais la tuer...! La tuer...! 

-Non, tu ne la tueras pas. Ce n'est pas comme ça que les choses s'arrangeront!" murmura tristement Vincent, horrifiée d'être si impuissante face à l'accès de folie de son amoureuse. Hermione la repoussa soudainement et attrapa le visage de son acolyte des deux mains, affichant un magnifique sourire que Vincent aurait trouvé adorable si l'état de la Shérif n'était présentement pas aussi préoccupant. 

"Mais si, Vincent! Tout va s'arranger!" Elle l'embrassa langoureusement, puis ce fût à elle d'étreindre sa compagne. Maintenant, sa voix était tout simplement terrorisante. 

"Tout va s'arranger." répéta-t-elle doucement, sans expliquer davantage le plan tordu qui devait être entrain de se mettre en place dans son esprit. Après quoi, elle rompit l'étreinte et se dirigea vers la porte. 

"Où vas-tu?" appréhenda Vincent.

"-En bas." répondit sa petite amie sur un air particulièrement évasif. Et elle partit. Restant seule encore quelques minutes dans le bureau, Vincent demeura complètement immobile, la tête baissée et les poings serrés. Comment Hermione avait-elle pu tourner ainsi sans même qu'elle ne s'en rende compte...? Elle avait certes bien remarqué que sa compagne paraissait épuisée depuis quelques temps, avec toutes les affaires à résoudre et, ou à superviser qui s'amoncelaient sur ses épaules au fil des jours. Mais au point d'en devenir ainsi? Non...c'était impossible! Quand bien même elle avait cruellement besoin de repos, Hermione ne pouvait pas virer de bord d'une manière aussi imprévisible! Vincent la connaissait mieux que quiconque, toutes deux avaient partagées trop de choses ensembles pour que l'une soit incapable de prévoir comment allait agir l'autre. Les deux connaissaient respectivement tout de leur compagne, du caractère aux goûts de celle-ci jusqu'aux manières dont elle pouvait réagir à telle ou telle situation. En conséquence de quoi, Vincent connaissait trop bien Hermione pour savoir qu'elle ne réagirait normalement jamais comme elle venait de le faire. Hermione avait drastiquement changé sans même qu'elle ne s'en rende compte, comme si elle avait été frappée d'une sombre épiphanie il y a quelques minutes, et qui aurait consumé toute sa raison pour ne laisser à la place qu'une réplique glauque et méconnaissable de la femme qu'elle aimait...

Maintenant descendue au rez-de-chaussé du commissariat, où travaillaient les enquêteurs, ainsi que les agents en charge de la documentation et de la communication, Hermione se précipita vers l'accueil au pas de course, sans prendre en compte tous les regards étonnés qui se posèrent au fur et à mesure sur elle. Il faut dire qu'elle avait fière allure, la jeune Shérif de GreenSmith! Avec ses cheveux en pétard, son expression faciale peu avenante, sa grosse veine toujours visible sur la tempe et ses mains encore tremblotantes, difficile de ne pas être surpris! Si le Maréchal Irwin Zacharias Potter avait déboulé dans la pièce dans un tel état, personne ne s'en serait soucié, car tout le monde était habitué à voir le Maréchal ainsi. Mais la gentille et naïve Hermione Lisbeth Tinker? C'était une première! Traçant son chemin, la Shérif poursuivit sa route à travers le large commissariat, jusqu'à enfin arriver près de la grande porte d'entrée, où siégeait le bureau du p'tit Lew. 

Lew Micajah Corbyn de son nom complet, était, bien que jeune, un employé d'assez longue date au commissariat de GreenSmith. Embauché par l'ancien Shérif lui-même, le maintenant retraité Byron Charlie Ward lorsqu'il n'avait que quatorze ans, Lew travaillait comme homme-à-tout-faire depuis maintenant dix ans. Il avait d'ailleurs le privilège de posséder son propre bureau à l'entrée du bâtiment, sur lequel était posée une petite plaque noire vernie dont il était très fier, sur laquelle figurait en lettres dorées : 'Lew M. Corbyn, Homme-A-Tout-Faire'. 

"Lew!" cria Hermione en plaquant d'un coup ses deux mains à plat sur le bureau du p'tit. Celui-ci sursauta si brusquement qu'il en fit tomber le papier qu'il était entrain d'observer rêveusement, se perdant maladroitement entre une tentative de saluer la Shérif, une autre de ramasser la précieuse feuille tombée, et un 'zut', tous groupés dans sa bouche en un drôle de borborygme. En conséquence de quoi, il ne parvint à rien et se mélangea les pinceaux. Ce fût finalement Hermione qui se baissa pour ramasser le papier, celui-ci étant tombé près d'elle. L'attrapant entre deux doigts, elle l'observa un instant d'un air indécis : ce petit morceau de papier d'à peine dix centimètres de long sur dix centimètres de large n'était autre qu'un cliché la représentant! Elle ne se souvenait cependant pas avoir un jour posé pour une photographie de ce genre, et les rebords étaient légèrement flous. La photo avait dû être prise à son insu...

"M-M-Ma-Madame la Sh-Shérif...!" commença à bredouiller le p'tit Lew, dont le visage commençait à doucement prendre la teinte d'une coqurevisse fraîchement cueillie. 

"Mon cher Lew, j'aurais besoin de ton aide!" déclara Hermione avec un grand sourire. La gorge du jeune homme se resserra d'un coup. Cinq ans que Hermione travaillait au commissariat (dont deux en tant que Shérif), jamais il n'eût le souvenir qu'elle lui ait un jour adressé la parole. En fait, il était même surpris qu'elle connaisse son nom! (Ce qui n'était pas pour lui déplaire pour autant).

"-T-T-Tout ce que vous d-désirez...!" bafouilla-t-il en peinant de plus en plus à dissimuler la teinte que prenaient ses joues. Ses mains étaient maintenant toutes moites, et son front devenait aussi mouillé que celui d'Hermione. 

"-Il faudrait que tu ailles faire quelques courses pour moi. On ne trouve pas tout à GreenSmith, et j'ai beaucoup de travail de mon côté. Est-ce que tu peux t'en charger?

-O-Oui! C-C-Comptez s-sur moi! 

-Bien! Alors prends une plume et note : la liste est longue.

-Je vous écoute.

-Il me faudrait une douzaine de boîtes de munitions pour fusil à percussion de calibre moyen, trois cylindres de gaz pestiféré, un vaporechargeur neuf, quelques kilomètres de fil barbelé, deux bombes Apocanlastyques, cinq tonneaux de vapeur brut, cinq autres de poudre à canon, deux bouteilles de chlorophorme, un flacon de poison, une grosse corde épaisse, un lot de menottes (je crois qu'il nous en manque dernièrement), quelques projectiles inflammables, deux litres de brouillard chimique, et...et passe aussi à la Boucherie Martin pour acheter une escalope. C'est bien, ça, les escalopes. Il faut toujours en avoir une sur soi en cas de blessure létale. Bien. Lew, as-tu tout noté? 

-O-Oui madame la Shérif. 

-Va à GreySmith pour les bombes et la poudre à canon. Pour le chloroforme et le poison, c'est à PurpleSmith que tu trouveras les meilleurs. Tu n'as qu'à passer à l'Asile. Tu devrais trouver le reste ici. Et dit que tu viens de la part de la Shérif de GreenSmith, je m'occuperai de régler les ardoises plus tard. Merci, Lew! Je compte sur toi pour faire vite!" dit vivement Hermione en se redressant du bureau où elle s'était appuyée. "Au fait, je pense que c'est à toi." ajouta-t-elle en lui rendant la photo la représentant. "Prends-en soin, surtout!" conclût-elle avant de se diriger vers la grande porte d'entrée du commissariat. 

"Vous comptez entrer en guerre avec tout cet armement?" déclara d'un air moqueur le Maréchal Potter, qui, comme tout les autres présents au rez-de-chaussé à cet instant, n'avait pas perdu une miette de la conversation entre la Shérif et l'homme-à-tout-faire. 

"Oui, contre les criminels!" lança Hermione d'un ton exaspéré avant de disparaître, fusil à l'épaule. 

"Hé bien, je ne sais pas quelle mouche l'a piquée, mais elle me paraît bien déterminée, notre petite Shérif!" se moqua Irwin assez fort pour que tout le monde l'entende. Quelques uns rirent, mais la majorité demeurèrent silencieux et retournèrent simplement à leur besogne. Puis, un bruit de pas tonitruant se fit entendre depuis les escaliers, jusqu'à parvenir au rez-de-chaussé. 

"Ah, mademoiselle Archer!" s'exclama le Maréchal Potter à la vue de l'acolyte, sur un ton de plus en plus désagréable. "Est-il arrivé quelque chose à mademoiselle Tinker? Nous l'avons d'abord entendue hurler depuis ici, et voilà qu'elle vient de partir après avoir confié à notre homme-à-tout-faire une liste de matériaux qui nous permettraient bien d'annihiler tout un compté! Savez-vous ce qui lui passe par la tête? Si elle n'est pas tombée dessus...

-La Shérif a eût un petit saut d'humeur, comme ça arrive à tout le monde." déclara Vincent en se forçant d'esquisser un sourire bien qu'elle n'en avait pas trop envie, surtout devant le Maréchal Potter! Irwin lui rendit son sourire, le plus mauvais qui soit. 

"Hé bien, j'espère que ce n'est qu'un petit saut d'humeur, comme vous dites. Après tout, c'est sur elle (et sur vous) que repose l'affaire March. Une affaire qui dure, et qui dure, d'ailleurs...

-Riez bien, Irwin! La fille March sera sous le verrous d'ici une semaine tout au plus, je m'en assure personnellement!

-Vous ne prenez pas cette décision avec votre chère Hermione?

-Hermione n'est pas en mesure de prendre des décisions aujourd'hui.

-Ha! Elle est belle, la Shérif de GreenSmith!" Un petit groupe de badauds s'était progressivement formé autour de l'acolyte et du Maréchal. Bien que Vincent était techniquement la supérieure de Irwin de part sa position plus importante, elle sentait parfaitement que celui-ci prenait un malin plaisir à lui tenir tête, ce qui l'énervait profondément; elle qui était d'habitude calme et détendue (parfois même trop) en toutes situations. Ça, les 'spectateurs' à cette dispute qui n'en était pas une l'avaient bien compris. Il est vrai qu'il suffisait d'observer un bref instant les deux adversaires pour deviner la tension explosive qui grandissait entre eux à vitesse grand V. De toute façon, ce n'était un secret pour personne : Irwin avait longtemps convoité la place de Shérif (ou même d'acolyte, mais Shérif c'était quand même mieux), et l'arrivé d'Hermione et Vincent avait tout bousculé dans ses plans. Difficile de blâmer sa jalousie, mais il ne manquait jamais depuis le jour ou Hermione et Vincent étaient devenues Shérif et acolyte de se montrer le plus désobligeant possible face à elle, sans compter le fait qu'il jugeait en particulier Hermione complètement inapte à sa position actuelle. 

"Dans une semaine jour pour jour à l'heure ou je vous parle, Vertiline Eunice March croupira au pénitencier de GreenSmith sous la surveillance la plus absolue. La Shérif et moi-même nous en assurerons personnellement." acheva Vincent sur un ton plus sec qu'à l'accoutumé avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte, les poings serrés et les sourcils froncés. 

"Lew, quoi qu'Hermione t'ai demandé d'aller acheter, n'y va pas, compris? Ordre de l'acolyte!" tonna-t-elle sans se retourner avant de passer à son tour les portes du commissariat. 

Sans trop discuter de ce qu'il venait de se passer, les employés se remirent silencieusement au travail, à l'exception du Maréchal. Après avoir gratté sa barbe deux fois de haut en bas et ajusté son haut-de-forme une fois de bas en haut, il se dirigea à son tour vers le bureau du p'tit Lew, à qui décidément beaucoup de personnes importantes venaient s'adresser aujourd'hui. 

"Lew, j'ai besoin de tes services." demanda Irwin en passant derrière lui, observant d'un oeil suspicieux la photo que le jeune homme s'était remis à dévorer des yeux. 

"-Oui monsieur le Maréchal?" répondit Lew, n'ayant même pas remarqué que le Maréchal en question louchait sur le cliché. 

"-J'aurais besoin que vous vous rendiez à cette adresse." dit Irwin en lui tendant deux petits papiers, dont il était noté sur l'un l'adresse suivante : 96 rue du Borgne, Antre de Miss Sawyer. 

"-Une...Antre, monsieur?" demanda le p'tit Lew dubitatif.

"-Oui, une Antre." répéta placidement le Maréchal. "J'aurais besoin que tu le transmette ça. -Il pointa du doigt le papier sans adresse.- Demande à voir la propriétaire, Naomi Dorcas Sawyer. Dit que c'est le Maréchal Irwin Zacharias Potter qui t'envoie, elle comprendra. Allez, pas de discussion. Vas-y immédiatement! File!

-Oui monsieur!" Enfilant rapidement la veste et le béret restés sur son siège, Lew plia ensuite les notes du Maréchal en deux et les glissa dans la poche avant de son veston. Après quoi, il attrapa à son tour un petit morceau de papier et griffonna dessus 'Occupé pour le moment' qu'il installa sous la plaque à son nom, de sorte à ce que les mots soient visibles. 

Après quoi bien que la lune commençait doucement à poindre, il quitta d'un pas élancé le commissariat, et on ne le revit pas avant le lendemain matin...


Découvrez la suite au chapitre suivant : "La crainte de Betty Crocker"!

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