Chapitre neuvième : Le Boucher, le Hanté, et la Cinglée
Nom : BUTLER
Prénom : Zelda Amaryllis
Espèce : Femelle
Age : 26
Affiliation : Bourgeoisie (haute)
Fiancée à : CRUMBLEPIE Cyrrus Clinton
Taille : 1, 59 cm
Poid : 40,6 kg
Bonnet (oui c'est important, arrête de perdre ton temps à lire des choses entre parenthèse et remplit ce formulaire en silence, nomdenomdescrogneugneude...) : A
Détail physique surprenant : Cheveux verts, c'est suffisant pour la remarquer parmis les autres
Internée pour : Hystérie (et autres)
Médecin traitant : Docteur Gladys W. Scavenger
Imprimé le : 03/09/1882
A : Asile pour Filles Démentes de St Gladys, 8 avenue Littlechild, PurpleSmith
Par : Sophia I. Fordham, employée de l'accueil de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys, chargée des registres.
Signature des médecins principaux :
Gladys Winifred Scavenger
Phineas Benjamin Guideon
Elijah August Wyverstone
Signature de la chargée des registres :
Sophia Isolde Fordham
Signature de la patiente :
Zelda Amaryllis Butler
"Viens par là, Zelda." déclara la gentille Sophia, à la taille de guêpe façonnée par le port régulier d'un corset trop serré, et aux courts cheveux blonds, aériens et tendres; en lui prenant la main comme on le ferait avec une enfant. "On va te trouver de quoi te changer." Sans rien dire, Vertiline se laissa guider dans un large couloir bien moins entretenu que le hall d'accueil, par delà lequel elle entendait d'ors et déjà des cris, des pleurs et des gémissements qui n'avaient rien de rassurant. Sa fougue d'il y a quelques minutes dans les jardins avait fondu comme neige au soleil, et revenir à nouveau dans cet endroit la rendait terriblement anxieuse... Tout était exactement comme la dernière fois : les couleurs, les bruits, les odeurs, et partout ce constant sentiment de mal-être général qui aurait donné envie à la personne la plus joyeuse qui soit de pleurer à chaudes larmes. Quand on entrait à St Gladys, on avait généralement peu de chances d'en ressortir indemne (psychologiquement parlant), et encore moins de chance d'en ressortir tout court. Vertiline ne craignait pas pour sa santé physique. Les médecins, d'après ses souvenirs, pouvaient certes parfois se montrer violents, mais elle n'avait qu'à être sage pour ne pas avoir à subir de remontrances trop sévères. Là ou elle s'inquiétait plus, c'était pour sa santé mentale. Son dernier séjour à l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys avait sans conteste laissé une marque indélébile dans sa mémoire, qu'elle s'était tant bien que mal évertuée à oublier durant son séjour dans la prison municipale de GreenSmith. L'Asile avait de ça qu'en général, on en sortait plus fou qu'on y entrait, et Vertiline avait raisonnablement une très faible envie de devenir folle. Le tout allait être donc de conserver sa santé mentale. BIEN. Très très bien. C'était absolument terrifiant, mais hé! Il allait falloir faire avec !
Partout dans les couloirs sombres et mal isolés, des horloges tiquaient leurs tacs. C'était insupportable. "Tic tac ! Tic tac !" couinaient-elles. Non, c'était même terrifiant. Ce bruit avait hanté Vertiline bien après sa première escapade de l'Asile, et lui faisait faire, même encore récemment, des cauchemars pleins d'horloges et d'aiguilles, de tic et de tac, de bruit, de bruit, et de bruit. "Tic tac ! Tic tac ! T'aimes pas mon bruit, hein ? Tic tac ! Tic tac ! Héhéhé ! TIC TAC ! TIC TAC !"
-SOYEZ UN PEU MOINS BRUYANTES !" cria Vertiline à l'intention des horloges. Le bruit s'arrêta un cours instant dans sa tête.
Extase.
Puis il recommença, dégoûtant Vertiline. Sophia la fixa avec un regard mêlant incompréhension et compassion qu'elle avait dû arborer de nombreuses fois au cours de sa carrière. "Avançons, Zelda." dit-elle en détournant le regard et pressant le pas. C'était quand même fou qu'un seul et unique bâtiment puisse contenir une collection d'horloges aussi démesurée. Sur les murs, absolument tous les murs, des horloges ! Chaque minuscule recoin de quoi que ce soit, des horloges ! Au plafond ! Par le Crésus, des horloges ! TIC TAC ! TIC TAC ! Oh bon sang... A quelques mètres, Vertiline aperçut (sur une horloge, évidemment) des inscriptions peintes en rose indiquant 'Dépôt Vestimentaire'. "Est-ce ici que nous nous rendons ?" demanda Vertiline à son accompagnatrice. Sophia hocha doucement la tête. Lâchant alors sa main, Vertiline se boucha les oreilles et fonça en toute hâte vers le dépôt.
Il s'agissait d'une petite pièce grossièrement découpée en deux parties : la droite était encombrée d'un énorme tas de robes, jupons, corsets, chemises et autres de toutes les couleurs, et de plusieurs bijoux et accessoires. A gauche, siégeait un deuxième tas, lui uniquement fait de robes des plus curieuses. En effet : l'on pût deviner qu'elles furent initialement blanches et uniformes, dans une matière s'apparentant à du lin ou du chanvre. Mais les temps et d'autres choses indéfinissables (vraiment) étaient passés dessus et les avaient trouées, déchirées, saccagées, si bien que toutes étaient désormais recousues de toute part avec les moyens du bord. Ainsi, une robe de détenue (pardon, patiente) à l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys comportait au moins deux énormes et anarchiques lignes de couture où que ce soit, agrémentée ça et là de morceaux de tissus rayé, uni, coloré, à pois, en coton, en dentelle, en jute, en laine, en chagrin, en dentelle; en soit en tout ce que l'on récupérait. Les 'uniformes' ici n'en avaient que le nom. "Zelda, donne-moi tous tes objets de valeur : montre, bijoux, héritage ancestral... tout tes accessoires, en fait. Ensuite, donne-moi tes vêtements et enfile une robe du tas, là." Le doigt de Sophia pointa en direction de celui fait des robes de détenues. Vertiline ôta son collier, ses bracelets et ses bagues sans broncher. Après tout, ils appartenaient à la vraie Zelda, pas à elle. "Allons, déshabille-toi maintenant." dit Sophia en voyant que la patiente restait inerte. "...Ici ?" articula Vertiline d'une voix glaciale. "Il n'y a pas au moins un...rideau ? Non ? L'intimité est un luxe qu'on ne peut se permettre ici ?
-C'est exact. Je me tourne, je ne vais pas regarder." répondit Sophia calmement sans que Vertiline attendit une quelconque réponse. "J'enlève juste la jupe et le corset ? Ou vraiment...tout ?
-O-Non! Non, tu peux garder tes sous-vêtements.
-Peux ?
-No...Ou...Garde tes sous-vêtements !" Vertiline s'exécuta en ronchonnant quelque chose d'inaudible, faisant de son mieux pour garder une part de fierté. Puis, alors qu'elle tenait ses vêtements dans ses bras, elle demanda : "Pour vos tenues... quel genre de taille avez-vous?
-La taille unique. Toutes les robes étaient pareilles à la base, alors tu peux prendre la première ou la dernière du tas, ce sera exactement pareil.
-Ah...
-Désolé... J'essaie de faire en sorte d'améliorer au mieux la vie des détenues, mais les médecins ne me laissent jamais faire... J'ai demandé plusieurs fois de nouvelles robes avec au moins trois tailles différentes, mais ça n'a aboutit à rien...
-Hé bien persévérez !" déclara Vertiline en enfilant une robe deux fois trop grande pour elle, curieux alliage d'un haut recousu dans une matière blanche cotonneuse, d'un bas à rayures vertes, et d'un gros bout de dentelle bouffant dépassant sur le côté droit de se sa hanche, lui donnant l'impression de porter une crinoline mal placée. Sophia se retourna ensuite.
"Ciel ! Mais c'est vrai que tu est petite !" s'exclama-t-elle en voyant le désastre vestimentaire : sur une patiente de taille normale, la robe était sensée arriver en dessous des genoux. Pour Vertiline, elle descendait bien jusqu'à ses chevilles. Les manches supposées courtes lui arrivaient aux coudes, et elle semblait plus nager dans sa tenue qu'autre chose.
"Tourne-toi, je vais bien serrer les ficelles. Ça devrait redresser un peu ta robe." dit Sophia. Vertiline obéit. Sophia serra, effectivement, bien fort les lacets au dos de sa tenue, si fort que notre héroïne crût qu'elle allait étouffer. Puis, laissant Vertiline seule un court instant, elle revint quelques secondes plus tard avec une étiquette, du fil, et une aiguille.
"Ne fais pas de mouvements brusques Zelda, il faut que je couse ton étiquette. Tu sera la patiente S51H. Ne l'oublie pas." dit-elle calmement en se mettant à l'œuvre.
-On dirait le nom d'un gaz toxique..." fit remarquer Vertiline sur un ton sardonique.
"Hé bien... Oui, maintenant que tu le dis... Arrête de bouger, je n'ai pas encore fini." Sophia, de quelques coups d'aiguilles experts, acheva en à peine vingt secondes de coudre l'étiquette de Vertiline. "Viens." Lui dit-elle tendrement. "Je vais te montrer ton lit, en attendant l'arrivée des docteurs.
-Les trois docteurs mentionnés sur ma fiche d'enregistrement ? Ne sont-ils pas occupés avec votre...Parade des folles ?
-C'est la procédure. Comme tu vas être traitée par ces trois médecins...oui, il faut que tu les voient tous avant de commencer ton traitement. Et puis, hormis ton intervention, la Parade s'est bien déroulée pour l'instant. Tous les médecins n'y sont donc pas réquisitionnés." Sophia et Vertiline s'apprêtèrent à sortir du dépôt quand soudain, la porte s'ouvrit en trombe, laissant entrer trois personnes -deux hommes et une femme- formant un véritable drapeau tricolore en se plaçant côte-à-côte. L'homme le plus à gauche se trouvait être d'une taille remarquablement grande. Vêtu d'un costume lilial strié de quatre attaches à cran qui lui barraient horizontalement le torse, d'un pantalon de la même couleur et de chaussures crème garnies de pointes, il arborait également un élégant mais non moins effrayant masque de corbeau blanc, surmonté d'épaisses lunettes de la même couleur, et sa tête s'ornait d'un long haut-de-forme écru et rapiécé. Habillé de la sorte, une canne dans ses mains gantées, ivoiriennes et griffues, il ressemblait davantage à un baron de la mort qu'à un docteur, un porteur de peste, en soit un sombre personnage ne trouvant sa place que dans les légendes les plus sordides...
Sans doute plus âgé qu'il n'en avait vraiment l'air, celui-ci regarda Vertiline avec, même à travers son masque, une certaine forme de dédain qui déplût fortement à celle-ci. Elle ne se souvenait que trop bien de lui, à son grand malheur! Cet homme, tout d'inspirations cauchemardesques qu'il était, surnommé "le Boucher" par ses patientes (un surnom qu'il n'avait pas volé), n'était autre que le célèbre et renommé docteur Phineas Benjamin Guideon; directeur en second de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys, ainsi que l'auteur renommé de 'L'introduction à la psychologie féminine'; clairvoyant ouvrage dans lequel il édifiait non seulement les bases de la médecine exercée au sein de l'Asile grâce à une approche rigoureuse et scientifique de, précisément, la psychologie féminine, mais également les fondements de ce qui devint avec le temps la mentalité même de la majorité des habitants et habitantes de PurpleSmith. Et d'ailleurs, le respect et l'influence qu'il recevait dans le compté n'avait d'égal que la crainte et la haine qu'il inspirait à ses patientes... A sa droite, se tenait un homme résolument plus jeunes, aux yeux cernés mais alertes, et à la chevelure noire ébouriffée. Son expression faciale dessinée sur un visage ne semblant guère avoir beaucoup côtoyé la lumière du soleil, sa tenue négligée, et sa posture quelque peu tordue, les mains dans les poches, et la tête dans les épaules, n'inspirèrent rien d'autre qu'un profond malaise à Vertiline.
La dernière personne, quand à elle, n'était autre que Gladys Winifred Scavenger, que Vertiline avait aperçue plus tôt en pleine prestation dans les jardins. Il aurait cependant été bien difficile de ne pas la reconnaître au premier coup d'œil, avec son apparence particulière et son sens de la mode singulier, qui a eux seuls révélaient beaucoup de sa personnalité que l'on devinait...unique.
Mais à l'instant ou l'homme pâlot aux cheveux noirs eut posé son regard sur Vertiline, son visage vira d'une expression plutôt nonchalante à une terriblement alarmée par quelque chose de terrible. Il se rua sur la jeune femme, l'attrapant violemment par les épaules en vociférant : "EDWINA ! TU... TU...?! EST-CE TOI ?" Il la secoua comme un prunier, ne lui laissant même pas le temps d' exclamer sa surprise. Le docteur Guideon s'approcha alors pour le raisonner, posant une main griffue sur son épaule :
"Allons Elijah, lâche donc cette pauvre petite chose ! Ne vois-tu pas que tu l'effraie ?
-Mais ! Cette chevelure !" répliqua l'intéressé "Il n'y a bien qu'Edwina pour arborer des cheveux pareils !
-Du courage, mon fringuant ami ! Ce qu'il est advenu, tu t'en est assuré toi-même. Comment pourrait-elle se tenir devant nous à cet instant ?
-Ou bien Edwina est tout simplement revenue te hanter, Elijah !" s'exclama le docteur Scavenger.
"Ne raconte pas de sottise, Gladys." répliqua Guideon sous son masque, vraisemblablement le plus calme des trois. "Allons, tous les deux ! Soyez un peu réaliste! Bien que le vert soit une couleur de cheveux peu habituelle, j'en conviens, nous savons tous ici ce qui est arrivé à Edwina..." Il se tourna vers Sophia "Tous. Alors arrêtons de suite ce ridicule quiproquo et concentrons-nous sur l'essentiel."
Il est important pour votre compréhension de cette scène, chères lectrices et chers lecteurs, de revenir quelque peu sur le passé de Vertiline Eunice March. Voyez-vous, lors de son expédition il y a sept mois de cela dans le but d'obtenir les morceaux de clé pour la première fois, celle-ci fût contrainte, pour de ne pas dévoiler sa véritable identité, d'utiliser moulte prénoms inventés et fausses identités en tout genre. Ainsi, pour beaucoup de gens ayant un jour vus une donzelle aux cheveux verts se balader aux côtés d'un poulpe, certains diront : "Mais oui! C'est Hortense Leah Bashford !" D'autres diront cependant : "Je m'en souviens ! Elle s'appelait Lilly Rufina Heaton !", alors que d'autres diront encore "Cette fille ? Oui, c'était Angie Evelinne Throgmorton !" Et dans le cas de sa première visite à St Gladys, elle avait ainsi adopté le nom de Edwina Ariel Crabb, internée pour Mélancolie. Cependant, l'escapade de l'Asile fût autant difficile que l'acquisition de son morceau de clé fut ridiculement simple... Mais le fait est que, par un "habile" stratagème, Vertiline -ou plutôt Edwina- parvint à simuler sa mort auprès des médecins, puis de se faire enterrer vivante avant de se faire déterrer à temps par Enoch, avec qui elle avait communiqué durant tout son séjour via des messages secrets. Quoi qu'il en soit, cette épreuve avait été aussi mentalement éprouvante pour elle qu'elle ne semblait l'avoir été pour son médecin traitant de l'époque : le docteur Elijah August Wyverstone, qui n'était nul autre que l'ancien apprenti de Guideon lui-même ! (Ce qui la surprenait beaucoup au passage, car Wyverstone était connu, en plus du fait de s'être spécialisé dans le traitement des femmes dites 'Mélancoliques', pour être l'empoisonneur attitré de l'Asile : celui qui préparait tous les 'remèdes' et poisons à destination des patientes. Son métier était littéralement de préparer de quoi tuer des innocentes ! Pourquoi le cas de Edwina Ariel Crabb, alias la patiente W23M, le perturbait-il alors à ce point ?).
Le docteur Wyverstone, semblant encore troublé, acquiesça néanmoins, alors que Gladys semblait déjà, comme à son habitude, complètement ailleurs. A ce moment, après avoir un certain temps hésité à prendre la parole, Sophia repris maladroitement la fiche de registre de Vertiline (enfin, Zelda Amaryllis Butler...), qu'elle avait si bien tenue dans ses mains qu'elle s'en était retrouvée toute froissée.
"V-Voici la patiente S51H." articula-t-elle légèrement penaude. "Elle se nomme Zelda Amaryllis Butler, elle a vingt-six ans, et...
-Sophia, le jour ou on vous sonnera, la fin du monde sera proche !" la coupa froidement le docteur Guideon en lui arrachant la feuille des mains, avant de se la faire lui-même immédiatement voler par Gladys.
"Gladys ! La feuille !" s'impatienta-t-il.
"Oh mais Phineas ! La nouvelle Edwina est pour moi ! Haha ! Coïncidence ? Hé ! 'S51H' ! Elle est Hystérique ! HAHA !" C'était si drôle qu'elle s'en tapa la cuisse dans un fou rire non-contrôlé.
"Il suffit, Gladys !" s'indigna le docteur Guideon en reprenant la feuille dans sa main crochue. Puis, une fois avoir fini de la lire à voix haute, il n'adressa rien d'autre à sa patiente qu'un regard médisant et dit sur un ton aussi glacial que le blanc neigeux de sa tenue :
"Je suis le docteur Guideon, en charge des Démentes. Sois une gentille fille, et tout devrait bien se passer entre nous." dit-il assez sèchement, mais d'un air un peu moins terrifiant que ce à quoi Vertiline ne s'était attendue. Elle hocha nerveusement la tête, et le plus jeune des trois médecins poursuivit :
"Docteur Wyverstone, en charge des Mélancoliques." dit-il dans un échec de sobriété (car il aurait préféré ne pas montrer de signe d'une quelconque faiblesse devant une patiente, même une qui ne lui était pas assignée). Il se fit alors pousser par la dame aux cheveux rouges, celle-ci qui exécuta une ridicule et pompeuse révérence :
"Je suis Gladys Winifred Scavenger, ma petite. Avec moi, tu apprendra tout ce qu'une femme doit savoir pour se comporter décemment en société !" Vertiline la dévisagea en silence. Il suffisait de regarder les yeux de Gladys un seul instant pour savoir qu'aucune sanité n'habitait son esprit perturbé, chose assez ironique venant de la directrice d'un asile psychiatrique ! Il était d'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait, assez étrange de trouver une femme à un poste aussi important au sein d'un Asile destiné uniquement à la gent féminine. Et, par le chapeau du détective Luthier, pourquoi le personnel soignant de cet endroit semblait bien plus dérangé que n'importe qui d'autre au sein de cet établissement ?! Entre le Boucher Guideon et son apparence peu avenante, Wyverstone l'emo hanté par on ne sait trop quel mauvais souvenir, et Gladys la fofolle, tu parles d'une belle brochette de cinglés ! Gladys repris la parole :
"Sophia, aimable fille, avez-vous pris les mesures de notre pensionnaire ?
-O-Oui, sa taille et le reste, comme vous l'exigez, madame... Tout est sur la fiche, mada...mademoiselle Scavenger." bredouilla nerveusement Sophia en triturant ses mains les unes dans les autres.
"Bien, bien !" s'exclama Gladys d'un air ravi. Elle fit alors un pas engagé vers Vertiline, sous le regard appuyé de Guideon et Wyverstone. "Voyons voir tout ça..." dit-elle en commençant à palper le visage de sa patiente, avec un manque de pudeur qui ne plût guère à celle-ci... Elle tâta ses joues, examina sa dentition, le reflet de ses prunelles, puis arrangea une mèche de ses cheveux en souriant, posa ses mains glacées sur le cou de Vertiline, caressa ses épaules, posa une oreille contre sa poitrine pour vérifier si le cœur y battait bien, puis posa ses mains là où les poumons se trouvaient, pour vérifier si ils poumonaient bien, colla soudainement sa patiente à elle, l'étreignit, et déclara après cela que le check-up était terminé, que tout était bien comme il fallait là où il fallait, excepté la taille, à qui dix bons centimètres supplémentaires n'auraient pas été les malvenus.
"Vous êtes encore là ? Allons messieurs, une Parade ne se gère pas sans personnel qualifié !" dit-elle d'un ton soudainement très pincé en se retournant brusquement vers les docteurs Guideon et Wyverstone. "Sortez donc, laissez-moi seule avec ma patiente !" s'impatienta-t-elle en trépignant comme une enfant prise de sauts d'humeur. Wyverstone laissa échapper un petit "Humpf !" médisant d'entre ses lèvres gercées, tandis que Guideon parût avoir beaucoup plus de mal à encaisser cette pique. Scrutant le docteur Scavenger d'un regard que l'on devina noir charbon sous son masque blanc crème, il s'en alla finalement, saccadant sa marche du son agressif que l'impulsion de sa canne faisait gémir au sol à chacun de ses pas. Quoique, la perspective d'être seule avec Gladys ne la rassurait pas plus...
"Vous aussi, Sophia !" dit-elle en claquant le derrière de celle-ci et la lorgnant jusqu'à ce que la douce Sophia Isolde Fordham n'ai quitté le dépôt vestimentaire. "Oh, nouvelle Edwina !" s'exclama-t-elle alors en se tournant vers Vertiline et lui prenant les mains. "Veux-tu que je te présente mes amies ?" dit-elle de but en blanc sans aucune raison, sur le ton qu'elle emploierait avec une amie de longue date. Vertiline hésita un instant à la questionner sur la nature de ses 'amies', car elle s'attendait presque à ce que Gladys ne fasse allusion à des amis imaginaires.
"D-D'accord." dit-elle sans aucune conviction, pour rester polie.
"-Aaah ! Je vois ! Tu veux voir mes petits chéris, Edwina...Zelda ?" demanda alors Gladys, semblant avoir entendu complètement autre chose que ce que Vertiline venait de lui dire. Aussitôt, elle souleva légèrement sa grande robe bouffante et en sortit un bocal tout ensanglanté rempli...rempli...[je vous conseille personnellement d'arrêter momentanément votre repas si l'idée vous aurait prit de manger en lisant ce chapitre]...d'yeux humains, glougloutant et bloblotant, mous, flasques et visqueux qu'ils étaient, dans un liquide rougeâtre, probablement pas du jus de groseille... (Mais comment pouvait-elle marcher avec ça entre les jambes ?!) Vertiline se retint de vomir.
"Tu veux les toucher ?" demanda Gladys, très enthousiaste à la vue de ses 'petits chéris'. Le cœur de Vertiline se mit à battre de plus en plus fort, à tel point que ce fût un miracle selon elle qu'il n'explosa pas. D'un seul coup, une accumulation de toutes les choses malsaines et dérangeantes de l'Asile commençai à se faire sentir dans tout son corps.
Trop, c'est trop.
La Parade, les horloges, les cris, les médecins, les yeux (bon sang, des yeux humains !!), le fait d'être loin d'Enoch, un souvenir inopportun et soudain de Jeffrey... (bon sang, ce n'était pas le moment de penser à Jeffrey !)
Trop, c'est trop.
Un mal violent se mit à lui cogner le crâne de plus en plus fort. Sa vue se fit trouble, et son ventre accueillit une boule déplaisante. Gladys avait sortie un œil du bocal. Celui-ci avait gigoté quelques secondes dans sa main dans un bruit gélatineux, avant de lui glisser finalement des doigts pour rouler, rouler jusqu'à ce que la pupille ne fasse finalement face à une Vertiline aussi pâle que le corps rétinien désormais à ses pieds.
"Ils sont tous fous ici..." Pensa-t-elle avant de s'évanouir à même le sol.
Découvrez vite la suite au chapitre suivant : "L'interrogatoire de Zelda Butler (la vraie cette fois-ci)"!
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