Chapitre huitième : La Parade des folles
"Argh... J'ai la nausée rien qu'en repensant à cet endroit!" maugréa Vertiline à la vue de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys. Enoch venait de garer le tacot devant une imposante bâtisse, qui ressemblait à vu d'oeil davantage à une prison de haute sécurité qu'à un asile psychiatrique... Le bâtiment était entouré de grandes grilles munies de pointes tranchantes en leur sommet, sans doute pour empêcher aux patientes de s'échapper... La seule ouverture était un lourd portail qui, surprenamment, était aujourd'hui ouvert, bien que d'habitude fermé à double tour. Quelques passants y entraient et en sortaient d'ailleurs comme dans un moulin, le sourire au lèvre pour certains, les yeux exorbités et la voix affolée de surprise pour d'autres.
"Que c'est inopiné, darling! Voilà que les folles sont de sortie! Allons, darling, pressons! Je veux voir les Démentes de mes propres yeux! Et les Mélancoliques et les Hystériques! Cela promet d'être un fameux spectacle! Je me demande bien si elles sont aussi dangereuses qu'on le dit!" s'exclama un couple en passant devant Vertiline et Enoch. "Des folles, des folles...un pur concentré de ce que ce monde nous a offert de pire! Tenez, darling, j'ai voulu en toucher une, voir comment elle réagirait, quand bien même il était écrit près de la chaise sur laquelle elle était attachée 'Ne pas approcher - HYSTÉRIQUE-' Je l'ai pourtant fait, et devinez quoi? Elle a détourné les yeux! Quelle folie, n'est-il pas darling?" dit un autre couple en sortant. Vertiline fronça les sourcils, intriguée. Enoch lui tapota alors la jambe, pointant une tentacule vers une large banderole accrochée en haut de la grande porte en bois vieilli de l'Asile, sur laquelle il était écrit en rouge et blanc
"DU 02 AU 03 OCTOBRE 1882 : PARADE DES FOLLES DE L'ASILE POUR FILLES DÉMENTES DE ST GLADYS! UNE EXCLUSIVITÉ ANNUELLE POUR TOUTE LA FAMILLE! VENEZ ADMIRER LES PLUS ÉTONNANTS SPÉCIMENS DE LA FOLIE HUMAINE EN CHAIR ET EN OS!
DES DÉMENTES, MÉLANCOLIQUES ET HYSTÉRIQUES COMME VOUS N'EN AVEZ JAMAIS VU AILLEURS! VOUS N'EN CROIREZ PAS VOS YEUX! ELLES SONT CINGLÉES! ELLES SONT DÉPRAVÉES! ELLES SONT DÉSESPÉRÉES!
[TARIFS : 2 PIÈCES DE ROUILLE POUR LES ADULTES -- 1 PIÈCE DE ROUILLE POUR LES ENFANTS -- GRATUIT POUR LES ÉTUDIANTS ET LES MOINS DE 12 ANS]"
Vertiline déglutit péniblement. Ses souvenirs de l'Asile, du temps ou elle s'y était rendue pour obtenir le morceau de clé du compté de PurpleSmith, figuraient parmis les plus clairs et ineffaçables de ces derniers mois... Jamais elle n'avait eût vent de cette fameuse 'Parade des folles', mais elle connaissait suffisamment cet endroit, ses patientes et son corps médical pour savoir un minimum à quoi s'attendre... Et dire qu'il lui allait falloir s'aventurer dans un tel endroit! "Allons, ce n'est qu'un mauvais moment à passer..." se dit-elle courageusement. Tournant la tête vers Enoch, elle l'enlaça chaleureusement en lui souhaitant au revoir. Les animaux étaient interdits dans l'Asile. Et parade ou non, Vertiline allait devoir s'y aventurer seule... "Souhaite-moi bonne chance, mon ami. Et n'oublie pas notre plan!" dit-elle en étreignant une dernière fois son compagnon avant de marcher avec une assurance refrénée vers l'intérieur de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys.
Le hall d'entrée était bien plus accueillant que dans ses souvenirs, dû à la présence des quelques bouquets de fleur à des feuilles de livre collées aléatoirement, mais non moins élégamment sur les murs, tapissés d'un papier peint crème sale aux motifs floraux encrassés. Le sol en parquet noir grinçait à n'en plus finir sous chacun de ses pas et de celui des badauds se pressant à travers les couloirs de l'Asile. Près de chaque porte menant à un couloir, siégeait en guise de panneau un tableau à la toile saccagée ou déchirée, sur lequel il était écrit une direction. L'on voyait par exemple marqué sur celui du premier couloir à gauche "Séance photo". Sur celui du premier couloir de droite "Accès au sous-sol". Sur un autre "Exposition libre", puis "Chambres sombres", "Jardins", "Laboratoires (/!\ Accès interdit au public /!\)", etc. Le bâtiment entier étaient remplis de couples se donnant du 'darling' à tout va, ou de curieux moqueurs, de fiers lubriques, et d'ingénus horrifiés. Voilà. Vertiline était dans l'Asile. Maintenant, il allait lui falloir y rester. Et pour cela, elle ne voyait pas d'autre solution que celle adoptée des mois plus tôt : se faire interner comme patiente... De là, elle pourrait enquêter au sein de l'Asile, et dérober le morceau de clé s'y trouvant. Un jeu d'enfant!
Ha...
Cela ne devrait pas être bien compliqué. A PurpleSmith, compté réputé pour être extrêmement arriéré tant dans ses moeurs que ses modes de pensées, les femmes n'étaient pas vraiment bien considérées, et pouvaient se faire interner à l'Asile pour un rien, quand bien même elles fussent parfaitement saines d'esprit. Elle ne l'étaient par contre plus du tout lorsqu'elles en sortaient, si compté que certaines en soient déjà sorties... Voyez, le compté de PurpleSmith avait de cela qu'il était plus ou moins en ostracisme par rapport aux autres. Sur les terres de HighSmith, l'autorité au sein d'un compté était exercée dans la quasi-totalité des cas par un ou une Shérif, épaulé(e) dans cette tâche par son acolyte. Son rôle était de faire régner ordre et justice, ce par tous les moyens possibles (et il était fort rare que n'importe quel Shérif fisse un jour preuve de petite vertu). L'autorité se divisait ensuite sous les ordres d'un Maréchal, puis de Généraux, de Colonels, de Capitaines, etc. Or, PurpleSmith se trouvait être le dissident de la bande, puisqu' étant l'unique compté faisant exception à cette règle adoptée par tous les autres; et celui-ci ne disposant en fait d'aucun Shérif à proprement parler. L'autorité, et à fortiori la mentalité adoptée en ces terres s'érigeaient surtout en la présence de l'Asile, et en la personne de ses deux dirigeants : à savoir les médecins Gladys Winifred Scavenger et Phineas Benjamin Guideon. Ce dernier, de loin le plus connu car mentionné jusque dans les comptés voisins, personnifiait presque à lui seul de l'esprit et des lois qui régissaient PurpleSmith. Aucune maréchaussée de nécessaire lorsque le pouvoir d'un savant ouvrage rédigé par un éminent médecin répands la sagesse en blâmant les filles et femmes (seulement) de folies responsables d'apparemment tous les maux pouvant perturber l'ordre du compté; et recommandait de ce faire non pas l'emprisonnement pour ces ennemies de la juste société, mais bien une 'guérison' au sein de l'Asile. Autant dire qu'il était très facile de s'y faire interner. Ici, l'on classait les supposées folles en trois catégories : les Hystériques et les Mélancoliques, dites guérissables; et les Démentes, dites complètement incurables... Mais bien sûr, il n'y avait qu'à PurpleSmith que ces mentalités rustiques étaient adoptées, chose assez curieuse lorsqu'on y pensait...
Bien que non-résidente du compté, Vertiline, comme beaucoup d'autres, était au fait de tout cela. Et si la fiction transmise par les rumeurs et le bouche-à-oreilles, comme quoi PurpleSmith, son compté comme sa ville, étaient à eux seuls une sorte de petite dystopie vénérant un tyran en toute inconscience, la réalité n'en était que pire; encore plus au sein même de l'Asile. Ce qui pourtant ne semblait pas le moins du monde déranger les passants qui allaient et venait tranquillement par ses portes et ses couloirs. Choisissant une direction au hasard, Vertiline emprunta donc le couloir menant aux jardins. Ce qu'elle y vit dépassa tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Alors je me permet de vous le dévoiler, aussi écoutez bien et émerveillez-vous! Façon de parler... Hrm! Hrm! Elle arriva face à une grande pelouse verte fraîchement taillée, bordée d'arbres aux couleurs automnales, et dans laquelle avaient été plantées de grandes tentes blanches au poteaux décorés de spirales rouges vif. Difficile d'imaginer à première vue qu'il s'agissait d'une partie de l'Asile, tant ce lieu ressemblait davantage à une foire. Mais les attractions et les vedettes de celle-ci n'étaient guère conventionnels... Partout près des tentes ou des parterres de fleurs, de femmes, jeunes pour la plupart, toutes vêtues de guenilles bariolées et recousues de partout leur servant d'uniforme avec un numéro cousu sur la poitrine, étaient forcées de s'exhiber ainsi au passant. Que de misère, que de désolation dans ces visages damnés! Si la folie était synonyme de désespoir, alors oui; peut-être pouvait-on considérer ces pauvres filles comme atteintes... Les visiteurs avaient apparemment tous les droits sur ces femmes, qui n'étaient autre que les -fameuses- patientes de l'Asile : beaucoup n'hésitaient pas à leur toucher les mains, le visage ou les cheveux, examiner leurs yeux et leurs dents, mesurer la taille de leur poitrine ou de leur fessier, parfois plus, comme l'on examinait des animaux en cage; le tout couplé à des remarques fallacieuses, désobligeantes, ou tout simplement moqueuses... D'ailleurs, pas une seule patiente n'était libre de ses mouvement : certaines étaient attachées, soit à un arbre, une tente, ou un piquet dans le sol au moyen d'une laisse leur pendant au cou; d'autres étaient prisonnières de menottes, ou pire, d'une camisole de force, et surveillées de près par un membre du corps médical. Vertiline n'en revenait pas.
"Voici donc les folles! Elles ne sont finalement pas aussi sauvages que le dit la brochure!" scanda d'une voix affirmée un homme richement vêtu. Là dessus, il s'approcha d'une patiente attachée à une tente, la fixa d'un sourire mauvais, puis arracha quelques fleurs sur un parterre à proximité et les plaça dans les cheveux de la jeune fille (elle ne devait pas avoir plus de vingt ans à vue d'oeil), qui se laissa faire sans rien dire, tête baissée. Là dessus, il l'attrapa violemment par le poignet sans cesser de la fixer, et la força à avancer, malgré le collier et la laisse à son cou qui lui empêchaient de trop se déplacer. "Allez! Montre-moi ta folie! Je veux voir le vrai visage de ta Mélancolie! Allons quoi, tu est timide?" dit-il assez bruyamment pour que tout le monde l'entende. Désemparée, la patiente n'osait rien dire. Tremblante, elle détourna le regard de son interlocuteur, un pétale des roses qui avaient été placées dans ses cheveux (avec leurs épines) tombant sur son nez. "Sois folle pour moi! Allez, allez! Fais la folle! Montre-moi ce que tu vaux, espèce de Mélancolique!" dit l'homme en commençant à la frapper. Il lui donna un grand coup de ses chaussures hors-de-prix dans le tibia, et la patiente tomba au sol en se tordant de douleur. Le bourreau la força alors à se relever en tirant sur sa laisse, et la frappa à nouveau, jusqu'à ce qu'elle n'en pleure. Mais pourquoi ne se défendait-elle pas?! Les roses épinées dans ses cheveux étaient retombées sur son visage et le griffait. Ses yeux hagards semblaient chercher de l'aide là où ils savaient qu'ils n'en trouveraient jamais, et elle secouait désormais la tête pour ne pas croiser le regard dérangé de l'homme. (Qui était fou ici?) Celui-ci l'attrapa alors par le menton alors que, haletante, elle faisait tout pour fuir sa vision. "Oui...oui! C'est ça! Le visage de la folie! Il est ici! Cette fille est une vraie Mélancolique! Regardez ces yeux! Ils sont l'image même de la tristesse! Hein, gentille folle? Tu est une gentille folle, n'est-ce pas?" cria-t-il haut et fort, rameutant des curieux autour de la pauvre patiente.
Vertiline avait observée toute la scène sans pouvoir bouger, horrifiée et paralysée par la cruauté exercée sur les patientes de l'Asile... Dire que si elle était venue se faire interner quelques jours plus tôt, elle aurait très bien pu prendre part à la 'Parade des folles', et être traitée avec autant de considération que la pauvre patiente dont elle venait d'assister à l'humiliation... Cette simple pensée glaça tout son sang. Prenant une longue inspiration, Vertiline continua de déambuler à travers les jardins. La vision de toutes ces filles et jeunes femmes, parfaitement saines d'esprit mais traitées comme de dangereuses folles, n'avait de cesse de la mettre mal à l'aise. Elle ne pouvait que compatir avec les autres patientes, tout en étant terrifiée à l'idée que d'ici quelques heures, elle serait elle-même traitée exactement comme elles...
Poursuivant sa marche, elle arriva jusqu'à une petite scène placée au grand air, qu'elle n'avait même pas remarquée auparavant, trop occupée à s'inquiéter de son futur sort, et de celui des patientes actuellement... La représentation qui y avait lieu était des plus étranges.... Sur la scène : quatres patientes surprenamment libres de leurs mouvements, parmis lesquelles l'une, aux joues creusées et aux cheveux courts, rappelait fortement à Vertiline une patiente qui lui avait été d'un grand soutient lors de son premier séjour à l'Asile... Qu'elles étaient curieuses, les quatres supposées folles, dans leurs haillons colorés et numérotés (celle aux cheveux courts, Vertiline pût apercevoir qu'elle portait le numéro G04D, ce qui ne fit qu'agrandir ses soupçons), leurs jambes couvertes de bas rayés et déchirés de toute part, leur taille resserée d'un vieux corset blanc et rouge, et avec des plumes et des fleurs odorantes dans les cheveux! Et au centre, hé bien, c'était là ou Vertiline fût le plus surprise, car il n'y siégeait ni plus ni moins que (la mal nommée) 'Sainte' (autoproclamée) Gladys Winifred Scavenger, directrice de son état de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys! Vêtue d'une longue robe blanche aux formes et décorations étonnamment complexes, garnie de fanfreluches, mousseline, crinoline, perles et autres bazars, ses longs cheveux rouges vifs emmêlés coiffés d'un petit haut-de-forme en cuir brun, elle semblait à elle seule avoir bien moins l'usage de la raison que n'importe quelle autre supposée folle de cet Asile! Et que faisait-elle au milieu de cette scène? Pensez donc! Elle chantait! Et visiblement, faisait de ce faire la promotion de son établissement, tout en mettant en garde les visiteurs contre le danger que représentait ses pensionnaires, le tout assistée par les quatres autres sur scène d'une chorégraphie digne des cabarets les plus renommés!
https://youtu.be/c5E4W1G2S4I
Quel étrange spectacle! Gladys semblait mettre un entrain prodigieux dans son chant, sans doute hautement persuadée de toutes les énormités justifiées au nom de la science qu'elle déblatérait sous un public ravi. Quand aux danseuses, hé bien, l'on ne pouvait pas dire que l'entrain était le maître mot pour qualifier leur prestation, mais sans doute s'efforçaient-elles de faire de leur mieux sous crainte d'une sévère sanction. Tout en se pinçant les lèvres, Vertiline détourna le regard et tourna les talons. Elle en avait assez entendu.
Tout en marchant, elle croisa soudainement le regard suppliant d'une femme attachée à une chaise et entravée d'une camisole de force; et ne pût s'empêcher d'être prise d'une immense pitié pour elle... "Ne l'approchez pas au delà de la limite, mademoiselle. C'est une Hystérique! Il est recommandée à quiconque de ne pas approcher les malades dans son genre." lui dit un médecin alors qu'elle s'apprêtait à s'avancer vers la patiente.
"Et pourquoi donc?" répliqua Vertiline sur un air hautain tout en croisant les bras.
"-Qui sait ce qu'elle serait capable de vous faire! Une Hystérique, pensez! Vous n'êtes pas en sécurité à ses côtés!" expliqua le médecin sur un ton moralisateur, comme si c'était l'évidence même. Quelle folie!
"Ca n'a pas de sens!" s'indigna Vertiline, qui commençait à avoir une idée de comment se faire interner. Le médecin la fixa de l'air le plus médisant qui soit.
"-Bien sûr que si...!" dit-il en grinçant des dents. "Les Hystériques ne se contrôlent pas et son sujettes à des fréquents sauts d'humeur, autrement ce ne serait pas indiqué dans 'L'Introduction à la psychologie féminine'. " Évidemment! Vertiline ne l'avait que trop attendue! La fameuse excuse du "C'est dans 'L'Introduction à la psychologie féminine', alors justifions notre barbarie sur ces faits!" Ne vous en faîtes pas, chères lectrices et chers lecteurs, nous reviendrons en temps voulu sur ce...merveilleux ouvrage, ainsi que sur son...merveilleux auteur. Mais revenons-en à nos moutons pour l'instant.
"Quelle folie!" s'exclama Vertiline sur un ton pédant au possible en portant sa main près de sa bouche, qui esquissait un sourire volontairement malhonnête.
"-Je vous demande pardon...?" marmonna l'homme, qui semblait avoir du mal à contenir sa consternation.
"-Humpf! Si vous emprisonnez et maltraitez des femmes pour la seule raison qu'elles soient elles-mêmes, vous devriez, avec tout le respect que je ne daigne vous accorder, revoir vos médecines et sciences, arriérées qu'elles sont!" s'écria-t-elle suffisamment haut et fort pour que tout le monde la regarde. Ce qui ce fit. Bientôt, tous les visiteurs, patientes et médecins, n'avaient d'yeux plus que pour la petite femme aux cheveux verts qui contestait les très justes principes médicaux sur lesquels se basait la médecine de l'Asile. Vertiline se retourna alors face à son auditoire, qui avait petit à petit formé un cercle autour d'elle à force de l'entendre déblatérer de telles choses. Et ce n'était que le début! Ayant maintenant l'attention de tous, Vertiline défit son chignon et laissa sa longue chevelure d'émeraude flotter au vent, ce qui surpris les uns et intrigua les autres. Pourquoi cette drôle de femme se mettait-elle en spectacle de la sorte? "Et vous basez toutes vos méthodes et pratiques barbares sur les enseignements d'un seul livre écrit par un seul homme?" poursuivit-elle en écartant les bras et tournant dans le cercle formé par les passants autour d'elle. "Car oui, je vous le dis : vos méthodes sont barbares! De la science? De la médecine? Peuh! Apellez ça de la déraison! De la torture! Si ces femmes que vous enfermez et maltraitez sont folles, comme vous dites, alors dans ce cas, nous sommes tous fous! Vous, madame, vous, vous et vous, et moi! Puisque c'est comme ça, nous sommes folles aussi!" s'enflamma-t-elle en pointant un doigt inquisiteur vers quelques femmes au hasard dans la foule, qui s'indignèrent de sa fougue. Des chuchotements de moins en moins discrets s'élevaient au sein du cercle, et de plus en plus de médecins avaient quittés leur poste pour mieux observer la scène, perplexes et révoltés à la fois.
"Espèce d'hystérique!" cingla un type assez fort pour que Vertiline et d'autres l'entendent. Beaucoup parurent acquiescer ce clairvoyant diagnostic.
"Si être hystérique revient à reconnaître et s'indigner des vérités choquantes, alors je suis encore plus hystérique que vous ne le dites!" dit-elle en continuant son manège, les cheveux maintenant complètement emmêlés et lui donnant l'air d'une furie. "Allez-y, dites-le encore une fois! Si vous pensez que je suis folle, alors grand bien vous fasse! J'ai plus de raison que vous tous ici, idiots que vous êtes!" rugit-elle en affichant un sourire dément en en provoquant son interlocuteur d'un regard embrasé tout en s'approchant volontairement de lui à une distance qu'il ne toléra pas.
"Ne m'approchez pas, pauvre malade!" s'écria-t-il en la repoussant violemment, tandis que deux médecins-gardes (ils n'avaient pas vraiment l'air de l'un ou de l'autre, avec leur chemise à beige sale et leur béret en cuir) vinrent immédiatement prendre le relais. Et, saisissant Vertiline par les bras (avec sa force de crevette, elle ne fût guère en mesure d'opposer ne serais-ce qu'un semblant de résistance), ils la traînèrent, alors qu'elle proférait de dérangeantes paroles, vers l'intérieur de l'Asile.
Mission réussie... Quelle cruelle ironie cependant, que Vertiline fût internée et traitée comme folle pour avoir simplement dit la vérité...!
Hé...est-ce moi, ou l'histoire vient de connaître un brusque changement de ton? Enfin, vu le contexte, j'imagine que cela peut s'expliquer. Allons! Que va-t-il advenir de notre héroïne au sein de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys? Pour le savoir, empressez-vous de découvrir la suite au chapitre suivant : "Le Boucher, le Masqué, et la Cinglée"!
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