Très susceptibles...
Morgan se dirigea vers les trois seules personnes qui se trouvaient sur le parking désert. Non mais quelle idée de vouloir faire le point au beau milieu de la montagne !
Et pourquoi le regardaient-ils avec cette tête-là ? Ce n'est pas lui qui avait demandé à se lever aux aurores pour ensuite faire soixante bornes sur des petites routes tellement...tellement quoi au juste ?
Et le chauffeur de taxi qui, en plus, lui avait dit qu'il valait mieux ne pas se fier au GPS mais d'écouter les locaux. Quel comique celui-là ! Mais il est vrai que jamais Morgan n'aurait songé que les soixante-huit kilomètres qui séparaient son hôtel de ce parking paumé au milieu de nulle part, ne lui paraîtraient aussi longs. Au bout d'un moment, il en avait eu marre de regarder le ravin à côté de lui. Ah il allait se rappeler longtemps des petites routes corses : impossible de doubler, la plupart du temps deux voitures ne pouvaient se croiser, obligeant souvent celle côté ravin à serrer au plus près du vide,...
Heureusement qu'il n'avait pas le vertige et que les virages à n'en plus finir ne l'avaient pas dérangés.
Morgan se dirigea vers la jeune femme qui l'observait attentivement : elle était vêtue d'un t-shirt sans manches, d'un short de randonnée et elle avait de très grosses chaussures aux pieds. Elle avait également à ses pieds un petit sac à dos. Manifestement, elle s'apprêtait à partir : cela devait sans doute expliquer l'heure aussi matinale de leur rencontre.
- Monsieur D'Aumale ?
- Oui. Vous êtes Lena Capietti ?
- En effet. Hum...est-ce que vous avez bien reçu mon dernier mail ?
- Celui où vous m'indiquez comment me rendre jusqu'ici ? Oui bien sûr.
- Je crois que vous n'avez pas compris ce que je vous demandais. Je vais effectuer un test avec vous.
- Un test ? Mais...pourquoi ?
- Je n'accepte pas tout le monde pour effectuer le GR20. La randonnée aux lacs de Melu et Capitellu me permet de me rendre compte sur le terrain des capacités de mes clients.
- Ah. Je vois.
- Hum...j'aimerai partir assez rapidement. Vous...devriez vous changer.
- Me changer ?
- Vous avez bien pris avec vous des tenues de randonnée comme il était indiqué dans la liste que je vous ai transmis il y a quatre mois ?
- Ah...hum...oui. Mais...c'est vraiment nécessaire ?
- Au moins vos chaussures. Si vous voulez vous casser le pied...
- Oh mais ne vous fâchez pas ! Moi je n'y connais rien ! Bon, si vous insistez je vais me changer. Y a des toilettes dans cette cabane ?
Lena soupira en hochant la tête : ce mec semblait complètement à l'ouest. Dumé Scanzani qui n'avait encore rien dit, s'approcha de Morgan :
- La cabane, c'est un chalet. Et je l'ai construit de mes propres mains donc...un peu de respect jeune homme.
Morgan dévisagea Dumé presque ahuri : non mais ils étaient vraiment très susceptibles les Corses, quelle horreur ! Le Parisien s'excusa en grommelant puis il fit répéter au Corse sa question qu'il n'avait pas vraiment entendu :
- Je disais : vous n'avez pas été malade en grimpant jusqu'ici ?
- Non, pourquoi ?
- Vous êtes plus résistant que ce que j'imaginais.
Pour éviter une nouvelle parole malheureuse, Morgan saisit ses deux sacs et il se dirigea vers le chalet. La toilette étant trop petite pour qu'il s'y engouffre avec tous ses bagages, il fut contraint de laisser ses sacs à l'extérieur non sans se demander avec anxiété si les deux gars qui l'observaient sur le parking n'allaient pas fouiller dans ses affaires.
Morgan enfila rapidement un autre t-shirt et un bermuda de randonnée, puis, ne parvenant pas à mettre la main sur ses chaussures de randonnées, il prit des baskets de course que l'un de ses potes lui avait conseillé de prendre avec lui.
Il ressortit du chalet dix minutes plus tard et il demanda à Dumé s'il pouvait garder un œil sur ses sacs. Lena lui proposa alors de les mettre dans le coffre de sa voiture : ainsi, à leur retour des lacs, ils pourraient directement partir en direction de Calenzana où ils logeraient jusqu'au jour du départ effectif pour le GR20.
Avec une certaine appréhension, Morgan suivit ensuite Lena sur le chemin caillouteux menant au lac de Melu. Cette dernière lui expliqua alors le déroulement de la randonnée :
- Il y a une heure jusqu'au premier lac. Certains y arrivent plus vite, d'autres plus lentement. S'il vous faut plus de deux heures trente pour y parvenir, je ne suis pas certaine de vous prendre pour le GR20. Ensuite de Melu à Capitellu il y a quarante-cinq minutes. C'est plus raide et je verrai immédiatement si vous avez réellement les capacités sportives.
- Dites, vous êtes quand même stricte. Au prix où les gens vous paient...
- Justement. Je ne veux pas d'accident. On ne fait pas le GR20 comme on va faire une marche de cinq kilomètres le long de la plage à Aiacciu. D'ailleurs, vous pourriez m'expliquer pourquoi vous vous retrouvez ici ?
- Un pari entre potes. Je l'ai perdu. Je n'ai pas vraiment envie de m'étendre là-dessus. De toute façon, nous ne sommes pas ici pour parler de ma vie privée n'est-ce pas mademoiselle Capietti ?
- J'aime connaître les motivations de mes clients Monsieur D'Aumale. Mais il y a aussi quelque chose que vous devez savoir : je n'aime pas du tout la manière dont vous vous comportez avec moi. Ici c'est moi qui dirige, vous êtes sous ma responsabilité. Si vous n'êtes pas prêt à l'accepter, vous pouvez reprendre un avion pour Paris.
- Oh mais vous êtes vraiment susceptibles vous alors ! Je débarque, je me prends des remarques désobligeantes d'un chauffeur de taxi, y a absolument pas de réseau je ne peux même pas contacter mes collèges et là, vous m'annoncez que vous m'emmenez dans la montagne alors que je croyais que nous allions simplement discuter du programme, je suis un peu sur les nerfs vous comprenez ?
- OK, stop. Arrêtez-vous. Vous êtes ici contre votre gré si je comprends bien et moi, je n'ai pas envie d'avoir pendant seize jours quelqu'un qui se lamente à mes côtés. Alors soit vous rentrez chez vous et vous m'évitez de perdre mon temps soit vous...
- Ok ok calmez-vous. Je vais le faire votre truc ! Et je fermerai ma gueule. De toute façon, vu comment ça monte par ici, je risque de ne plus pouvoir parler lorsque nous serons arrivés à votre lac. Bon, et si vous m'expliquez ce que vous voulez me faire faire ce matin ?
- Nous allons d'abord nous rendre au Lac de Melu. Notre point de départ se situait à 1370 mètres d'altitude et lorsque nous atteindrons le lac de Capitellu, nous serons alors à 1930 mètres. Lorsque nous serons à mi-chemin de Melu, nous prendrons l'itinéraire le plus sportif. Nous allons surtout avoir des chemins rocailleux, vous n'aurez pratiquement pas de plat, sauf près des prairies et il n'y a pas de forêt donc nous serons toujours exposés au soleil. C'est pour cela que j'ai insisté pour que vous portiez une casquette. Je ne veux surtout pas que vous risquiez l'insolation. Je vous conseille de regarder où vous mettez vos pieds car nous allons traverser quelques ruisseaux : les pierres seront donc glissantes et la moindre inattention peut causer une chute. Je ne vous explique pas la suite, nous ferons le point lorsque nous aurons atteint Melu. Normalement il ne faut pas plus d'une heure pour une personne sportive. Vous m'avez bien dit que vous vous étiez entraîné ?
- Ouais. J'ai même cru un moment que le coach que j'avais engagé pensait que je voulais gagner le marathon de Paris tellement il m'en a fait voir. Il a dit que pour lui, j'avais les capacités.
- Nous verrons bien. Vous fumez ?
- J'ai arrêté il y a six ans.
- Des problèmes respiratoires ? Cardiaques ?
- Non. Je suis en pleine forme. Si vous voulez je vous file le numéro de portable de ma dernière copine, elle pourra vous le confirmer.
- Euhhh non, sans façon.
Lena indiqua alors à Morgan qu'ils allaient se remettre en route. La jeune femme essaya de ne pas montrer son exaspération au Parisien : elle savait qu'il ne fallait pas rester bloqué sur des stéréotypes mais celui-là il remportait la palme du pinzutu parisien haut la main. Et dire qu'ils n'avaient même pas entamé les choses sérieuses !
En soupirant, Lena se demanda comment le jeune homme allait réagir lors de sa première nuit dans un refuge en pleine montagne...
Au moins, il n'avait pas menti : pour un gars qui s'était mis au sport sérieusement seulement quatre mois auparavant, il avait une belle cadence de marche, une respiration régulière et son visage ne trahissait aucun signe de fatigue. Ou alors il était très bon comédien.
Après une heure et dix minutes de marche, Lena et Morgan se retrouvèrent au bord du lac Melu. Le jeune homme observa avec un certain intérêt les alentours en songeant que les articles sur le net disaient vrais : ce pays était quand même magnifique. Il n'y avait que ses habitants qui étaient un peu...bizarres.
Média : le lac de Melu
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Hop, les choses sérieuses commencent pour Morgan. Je pense que ça va être explosif entre lui et Lena...
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