Idylle improbable

Fourchette: Toi, je t'ai aimé dès le moment où j'ai senti vibrer ta lame éblouissante entre mes pics. Je ne t'avais jamais remarqué auparavant, nichés dans nos tiroirs compartimentés.

Couteau: Toi, je t'ai aimée avec tes quatre dents, moi qui ne possédais qu'une langue acérée. J'ai aimé la façon dont tu m'as fait danser, comme une valse joyeuse et folle, lorsque nous avons taillé de concert une bavette.

Fourchette: Toi, j'ai aimé ton corps finement ciselé. J'ai encore en moi le souvenir de cette danse envoûtante où la pointe de ta lame venait s'insérer entre mes pics énamourés et me faisait tournoyer sur moi-même. Je crus en perdre la tête.

Couteau: J'ai adoré quand nous sommes restés seuls, à la fin du repas, à la lumière unique des bougies du candélabre, posés délicatement sur une serviette en lin très doux et moelleux. J'étais ivre de bonheur.

Fourchette: Mais un jour, j'ai fini par te détester malheureusement quand tu as réclamé, voire exigé, qu'on me sépare de mes compagnes. Je ne voulais pas partager le même lit que toi. J'étais une fourchette libre et j'ai revendiqué ma liberté. J'ai refusé catégoriquement ce que je considérais comme un caprice de ta part. J'ai eu en horreur ton chantage quand tu m'as dit qu'entre nous, ça n'allait pas pouvoir durer.

Couteau: Quand j'y repense avec nostalgie, je me dis que j'avais pour nous deux des projets d'avenir que tu ne partageais pas. Tu étais fière et indépendante. J'étais pourtant de sang noble : un Laguiole, et je ne t'ai jamais manqué de respect ni traitée comme une inférieure à moi. Nous appartenions à deux mondes différents. C'est ce fossé qui a tué notre idylle. Tu as choisi ta liberté, quant à moi, je redoutais la solitude. Te retrouverai-je un jour ma belle dulcinée d'un soir pour entamer un tango lors de prochaines festivités ? Je suis patient. Je t'attendrai, dussé-je attendre toute ma vie.

Fourchette: Je mesure à présent le mal que j'ai dû infliger à ton cœur distingué. J'espère que tu comprendras ma philosophie de vie. Je redoute l'asservissement inhérent à ma condition féminine. J'espère que tu me pardonneras. Je t'ai aimé le temps d'une danse. Tu étais très élégant mais je n'étais pas en quête d'un prince charmant.

Le thème imposé amicalement par @MiladyCoulter était : fourchette

Dédicaces supplémentaires à @Millysouris, @LaetiSweetie, @piochons, @WafaBabin et @Swannarchie

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