Si je ne devais citer qu'un seul truc qui m'énerve dans la vie, je dirais les princesses.

Il y a celles qui adorent tout ce qui est rose et qui sont choquées quand j'affirme que je préfère le vélo à l'avion (on a pas tous les mêmes moyens de transport, sorry). Il y a celles qui pensent que tout leur est dû. Et puis il y a celles qui consomment.

Consommer, c'est dans notre nature, peut-être. C'est facile (quand on en a les moyens), et puis c'est habituel.

Et même, parfois, ne pas consommer peut être mal vu. J'ai une coloc qui se forçait presque à acheter des cadeaux pour Noël à tous les membres de sa famille. Je trouve ça assez malsain : on offre pour faire plaisir, mais ce doit alors être une action spontanée et non contrainte...

Je me suis toujours opposée à cette notion de fête et des "devoirs" qu'elle implique. Le temps d'une journée, d'une semaine, tout le monde il est content, tout le monde il est gentil, parce qu'il convient d'être gentil, mais la fête passée on en est toujours à se taper dessus. A quoi bon ?

Cela vaut autant pour les anniversaires que pour la fête des mères, la Saint Valentin, la journée de la femme, le mois des fiertés, et j'en passe... Je ne réprouve pas ces fêtes en soi, elles ont sans doute un sens, mais les convenance et les bons sentiments qu'elles imposent me dérangent.

Je veux dire : est-on obligé d'offrir à un anniversaire, et doit-on préférer attendre un jour spécial pour offrir ? Doit-on se regarder dans le blanc des yeux pendant le réveillon du 24 décembre (qu'as-tu préparé pour moi ? et toi, est-ce que ça va te plaire ? est-ce que cela répondra à tes attentes, ou repartiras-tu déçu ?) et attendre, attendre, attendre jusqu'au lendemain pour relâcher cette tension ?

Finalement, ce sont mes cousins qui ont résolu le problème. Ils sont si obsédés par les cadeaux (qu'ils connaissent pourtant déjà) que plus personne n'attend le 25 pour tout déballer...

Offrir est une norme sociale, qui nous pousse à la consommation.

Mais tout nous y pousse, à commencer par l'indifférence et à l'oubli (volontaire ?) de tout ce qui a été nécessaire à la production. Quel citadin, aujourd'hui, peut affirmer avec certitude savoir d'où vient ce qu'il mange ? Comment a-t-on fabriqué l'ordinateur sur lequel je tape ces quelques mots ? Qui est mort pour que je puisse me doucher à l'eau chaude ? (car il y a parfois des morts sur les chantiers, que personne ne le sait, mais que je me permets quand même de râler quand l'eau est froide à l'internat)

J'ai connu un animateur, grand cycliste, qui était plutôt végétarien. Pourquoi "plutôt" ? Parce qu'il préférait céder à ses principes et manger de la viande que de manger des fac-similés à l'avocat qui ont été importés de l'autre bout du monde. Mais il limitait cette consommation de viande à ce qu'il pourrait avoir produit lui-même. Il avait déjà tué et préparé une chèvre, et se limitait ainsi aux animaux de cette taille.

J'aime bien cette réflexion. On a tendance à consommer sans se préoccuper de la provenance de nos produits. On côtoie de la viande en barquette et du poisson panné, et on préfère oublier le petit cabri qu'il a fallu égorger et l'acte de vider un poisson. C'est facile de manger du poisson à la cantine, ça l'est moins quand ma mère le dépose entier sur la table et qu'un œil a roulé hors de son orbite pendant la cuisson.

J'hallucine toujours quand on me dit que certains enfants n'ont jamais vu de vache de leur vie. Ça me rappelle Ravage de Barjavel, cette humanité qui reçoit le lait directement par le robinet.

Et pourtant, la coloc qui courrait à la chasse aux cadeaux plus haut est fille d'agriculteurs. Il faut de tout pour faire un monde, les contre-exemples abondent et ne vont bien évidemment pas dans mon sens...

Et puis, outre l'habitude, outre l'ignorance, l'Etat lui-même nous pousse au vice. (là, je soutiens les théories conspirationnistes, c'est mal, je sais)

Qu'est-ce que le pass Culture ? Une invention diabolique. Il nécessite un smartphone (+1 dans la case conso). Il offre 300 euros à la majorité (+1). Et il n'est utilisable que dans les magasins qui l'acceptent... la grande distribution (+36). Et surtout : on invoque comme cause et excuse la culture.

Tenez les gars, amusez-vous, prenez vos habitudes, apprenez à consommer. Faites tourner le système. Goûtez à la tétine de la consommation, vous aurez moins envie de protester après.

Et moi alors ? Majeure et vaccinée, j'en ai bien profité ? Ma morale vaut du vent ?

Que nenni. Je n'ai pas de smartphone, tchao le pass Culture. C'est peut-être 300 balles à la poubelle. Tant pis.