Prologue

Le 22 février 2176. Une date qu'on m'a souvent rappelée, parce que je ne m'en souviens pas, évidemment. Ce jour-là, dans une petite station spatiale bondée de 250 000 âmes, mes parents, Tal et Andrew Wolf, ont donné naissance à un petit hybride cervidé qu'ils ont appelé Aïdan. Moi. Une nouvelle bouche à nourrir, un nouveau problème à gérer dans une vie qui était déjà bien compliquée. Ils m'aimaient, je n'en doute pas, mais on ne peut pas nourrir un enfant d'amour et d'eau fraîche, surtout pas dans la classe ouvrière.

Les premiers mois, ma mère m'a dit qu'ils avaient tout tenté pour s'en sortir. Elle travaillait de nuit, mon père faisait des heures supplémentaires, mais leur salaire ne suffisait même pas à couvrir le loyer d'une cabine minuscule sur la GS-0222. Alors, ils ont pris une décision que je ne pouvais pas comprendre à l'époque : ils m'ont confié, moi et ma grande sœur Anastasia, à un orphelinat. "Pour ton bien", qu'elle m'a dit plus tard dans une lettre quand j'ai eu l'age de lire. C'est ironique, non ? Abandonner ses enfants pour leur offrir une chance de vivre mieux. Je ne leur en veux pas, mais ça laisse des marques.

Anastasia, elle, faisait tout pour veiller sur moi. C'était ma seule ancre dans ce chaos. À l'orphelinat, il fallait apprendre à se débrouiller, et vite. J'ai découvert que si tu voulais exister là-bas, il fallait soit être fort, soit être malin. Moi, j'étais malin. J'écoutais tout, j'observais tout, et je passais mon temps à bricoler des petits trucs. Les autres trouvaient ça bizarre, mais ça m'allait.

À six ans, j'ai commencé l'école fédérale. Une prison déguisée en salle de classe. J'étais le gamin qui s'ennuyait au fond, qui finissait ses exercices en cinq minutes et passait le reste du temps à griffonner des plans sur ses feuilles de devoir. Les profs ont fini par remarquer, évidemment. Tests après tests, ils ont mis un mot sur ce que j'étais : HPI, TDAH, et un soupçon de TSA. Des lettres et des étiquettes qui voulaient juste dire que j'avais un cerveau un peu différent. Résultat ? On m'a envoyé dans une école spécialisée, avec d'autres gamins "comme moi".

C'est là que tout a vraiment commencé. Entre les cours, je me plongeais dans des vidéos sur le codage et la robotique. À huit ans, j'ai construit mon premier robot. Bon, c'était plus un tas de ferraille qui se déplaçait maladroitement qu'un vrai robot, mais pour moi, c'était une révolution. Un soir, après avoir vu un vieux film qui parlait de mondes virtuels, "Ready Player One" un truc comme ça, j'ai eu une idée : et si je créais un monde où je serais libre ? Un endroit où les règles ne m'écraseraient pas, où je pourrais être moi, sans retenue.

Je me suis mis à coder, jour et nuit. J'écrivais des lignes et des lignes de code, perdant parfois la notion du temps. Ce que j'ai créé, c'était un jeu, mais pas n'importe lequel. Un truc immersif, un peu brut, mais prometteur. J'ai balancé ça sur le spaceweb, sans trop réfléchir. Je voulais juste partager mon idée. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que ça attirerait l'attention de la Fédération.

Quand ils ont débarqué à l'orphelinat, je pensais que j'avais fait une connerie monumentale. Ils ont trouvé un gamin de huit ans, assis devant un ordinateur portable cabossé, entouré d'hologrammes de codes. Ils m'ont posé des tas de questions, essayant de comprendre comment un gamin comme moi pouvait écrire quelque chose d'aussi complexe.

Ils ne m'ont pas puni. Au contraire, ils m'ont offert une chance : rejoindre un programme expérimental, StarMaze. Je n'avais rien à perdre, alors j'ai dit oui.

À partir de là, ma vie a changé. Je vivais chez Anastasia, mais je passais mes journées dans les laboratoires. C'était à la fois exaltant et terrifiant. Les ingénieurs m'appelaient "le gamin prodige", mais beaucoup d'entre eux ne me prenaient pas au sérieux. Ils pensaient que j'étais juste un phénomène temporaire. Ça m'a poussé à bosser encore plus dur.

Mon robot, celui que j'avais construit à huit ans, était devenu bien plus qu'un tas de ferraille. Je l'avais transformé en une chouette effraie, avec une intelligence artificielle avancée. Elle était ma compagne, ma confidente. Quand je me sentais seul – ce qui arrivait souvent – je lui parlais. Elle ne jugeait pas, elle répondait avec une logique froide, mais réconfortante.

Puis, il y a eu l'accident. C'est dingue comme la vie peut basculer en une seconde. Une ingénieure avait mal fixé un composant, et il s'est détaché. J'ai vu la pièce tomber, lourde et rapide, et sans réfléchir, j'ai essayé de la pousser pour la sauver. Mais j'étais trop lent.

Quand je me suis réveillé deux jours plus tard, j'avais un bras en moins. Enfin, pas tout à fait. On m'avait greffé un bras artificiel, fait de titane et de carbone. C'était... étrange. Il était lourd, rigide, et je n'arrivais pas à m'y faire. Au début, je le détestais. Chaque fois que je cassais un verre ou que je serrais une main trop fort, je me sentais moins humain. Mais je n'avais pas le choix.

Pendant des mois, j'ai travaillé dur pour m'adapter. Rééducation, entraînements, tests... Je voulais prouver que cet accident ne me définirait pas. J'ai appris à utiliser mon nouveau bras, à l'accepter comme une partie de moi. Et aujourd'hui, à 16 ans, je suis toujours là. J'ai intégré l'équipe des ingénieurs de StarMaze, et je continue à construire, à coder, à rêver.

Ce bras, cette vie... Ce sont des défis, mais je ne suis pas du genre à abandonner. Après tout, je suis Aïdan Wolf, et ce monde virtuel que j'ai commencé à imaginer quand j'étais gamin, je vais le terminer. Pas pour moi, mais pour ceux qui, comme mes parents, ont été écrasés par ce système. Parce qu'au fond, tout ce que je veux, c'est leur offrir un endroit où ils pourront enfin être libres.

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