Chapitre 1

Un jour comme les autres ?

Automne 2193.

— Aïdan. Lève-toi, il est l'heure, dit ma sœur en me secouant comme un prunier.

— Huum... Encore un peu, s'il te plaît.

— Il y a une réunion importante aujourd'hui, il faut que tu sois là. Et les parties énoncées te concernent, qui plus est. Tu t'es préparé ? continua-t-elle.

— Oui, ne t'en fais pas... Soren ? Tu es là ?

— Oui, Aïdan. Que puis-je faire pour toi ? répondit-elle d'une voix légèrement robotique.

Soren, c'était ma chouette. Enfin, techniquement, un androïde que je développe encore aujourd'hui. J'avais commencé à la concevoir il y a quoi, huit ans ? Sans doute. Depuis, elle avait évolué de manière spectaculaire. Faut pas le dire, mais je lui ai fait passer la singularité. Personne n'est au courant, même pas ma sœur. Si ça se savait, je serais probablement exécuté sur-le-champ. Mais grâce à elle, j'avance bien plus vite sur mes projets. Les délais qu'on m'a imposés étaient absurdes, et les assistants qu'on m'a attribués sont des incapables. Suis-je trop intelligent pour eux ? Peu importe. Les seules personnes en qui j'ai confiance sont Anastasia, ma sœur, Soren et moi-même.

— Mon planning pour aujourd'hui ? demandai-je, encore groggy.

— Tu es fatigué ? intervint la chouette effraie en métal. Aujourd'hui, tu dois terminer le module des maladies. Et tu as une réunion à 10 heures. Mr. Walters sera présent en personne.

— Ha... Oui, je sais...

— Et va te laver. Ça fait combien de temps, Aïdan ? Tu travailles trop, ajouta Anastasia en quittant ma chambre.

À moitié grognant, je me dirigeai vers la salle de bain. Le futon de ma sœur était déjà plié et rangé. Le bain, lui, m'attendait, encore fumant. Je retirai mon pull avec difficulté à cause de mes bois, puis mon tee-shirt. Une douleur lancinante me rappela l'absence de mon bras gauche, remplacé par une prothèse bionique depuis un an. La chirurgie avait été complexe, plusieurs interventions ayant été nécessaires.

Je glissai lentement dans l'eau chaude, frissonnant au contact du liquide. En activant le système de remous, je projetai des hologrammes devant moi pour consulter les actualités des stations principales.

Sous Terre, dans ce qu'on appelle les Niveaux de Survie, la lumière du soleil est un mythe. Et pourtant, ici-bas, je suis encore sur la Terre, bien que cette planète soit officiellement déclarée invivable depuis longtemps. Je ne suis pas vraiment "sur" la Terre, mais "sous" elle. Tout est automatisé ou synthétisé, un isolement total. Mais bon, je préfère ça plutôt que d'interagir avec des BPI. Vous ne savez pas ce que c'est ? Bas Potentiel Intellectuel. Il y en a... tellement.

L'actualité mentionnait un incident sur une station orbitale : perte de stabilisateurs. Heureusement, la situation avait été maîtrisée sans victime. Ils auraient dû anticiper ça...

— Aïdan ! Tu es lent et en retard ! cria Soren.

À contre-cœur, je sortis du bain, me séchai rapidement et enfilai mes vêtements. En attrapant ma tablette et ma fiole de sirop d'érable, je m'équipai pour la journée. Une fois dans le couloir, le bruit de la pressurisation m'agressa les oreilles. Je baissai la tête pour éviter d'aggraver ma sensibilité sonore, saluant brièvement quelques collègues sur mon chemin vers l'ingénierie, au niveau -3.

Anastasia était déjà plongée dans son travail. Elle configurait un serveur pour un module de simulation. Je vérifiai les tâches prioritaires, corrigeai quelques bogues critiques, et consultai l'heure : il restait trente minutes avant la réunion.

Par curiosité (et défi personnel), je me connectai discrètement à la simulation via une faille que j'avais intentionnellement laissée. Une alerte de sécurité serait envoyée, mais qu'importe.

Un couple se formait ? Crimson et Confiture. Deux condamnés à mort ayant reçu une seconde chance ici. C'est bien, non ? Ils ont une nouvelle opportunité, malgré tout. Personnellement, j'avais eu la chance d'intégrer les orphelinats fédéraux au lieu de finir Rebut. Je n'ai pas un avenir éclatant, mais au moins je suis encore en vie.

Soudain, une notification holographique interrompit mes pensées : un rappel pour la réunion et l'itinéraire à suivre. Je fermai tout d'un revers de la main et me rendis aux locaux administratifs, au niveau -2.

La salle de réunion s'emplissait progressivement. Lorsque Jay Walters, le directeur du programme StarMaze, entra, tout le monde se leva pour le saluer. À ses côtés, Grace, froide et impitoyable, me lança un regard dédaigneux.

Je pris la parole en premier, projetant les nouveautés du programme sur les hologrammes. Confident et méthodique, je présentai les modules réalistes des maladies, les améliorations des capsules de dématérialisation et les corrections des principaux bogues. Jesse Ledger, chef de la sécurité, enchaîna avec un rapport sur les intrusions. Je hochai la tête en prenant note des recommandations, bien qu'il ignorât que la faille mentionnée était volontaire...

La réunion se termina. Alors que je rangeais mes affaires, une voix familière et acerbe m'interpella dans le couloir :

— Alors, jeune Wolf. Des progrès intéressants. Dommage que cela vienne de vous.

Grace. Elle me glaça le sang, comme toujours. Elle n'était pas humaine, j'en étais convaincu. Mais mes scans disaient le contraire.

— Et bien, répondis-je avec un sourire forcé, nous n'avons pas tous une intelligence à la hauteur de la mienne. C'est également dommage que vos progrès soient inexistants.

Elle plissa les yeux.

— Si vous saviez... vous seriez surpris. Laissez-moi passer. Les cervidés comme vous me répugnent.

— Hybridophobe, murmurai-je.

Au réfectoire, je sélectionnai un burger végétarien et des frites de patate douce sur le synthétiseur alimentaire. Assis seul à une table, je savourais le repas synthétique quand une voix résonna derrière moi :

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Oh non. Pas lui...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top