Chapitre 2

Alice Nygard me zieute de ses prunelles vertes. Mon amie depuis l'enfance, qui est aussi ma voisine, m'aide depuis deux jours sur le problème gâteaux. Nous réfléchissons sur ce que nous aimons et sur les goûts de mes invités. Comment faire l'unanimité ? C'est impossible, nous avons tous des goûts différents. Néanmoins, je prends le risque.

L'année dernière le réveillon se déroulait chez mon amie. Tout était parfait. Décorations, musiques, repas et activités. Elle s'y était prise trois mois avant. Le résultat fut éblouissant.

Mon contraire. S'y prendre un mois avant est minable. Mais je n'avais pas le choix, être styliste n'est pas de tout repos. J'ai travaillé sur une future collection automne-hiver et je n'ai pas chaumé.

Le premier janvier, j'aurais trente ans. Si j'ai réussi à repoussé le moment fatidique, aujourd'hui je n'ai plus d'excuse.

Je vais me marier avec Kallen Wade, trente-cinq ans et ami de mon père depuis de nombreuses années. Ils se sont associé il y a moins de dix ans en tant que banquiers. Et un an après, un accord sur ma vie était passée. Je deviendrais sa femme. Le mariage était programmé à mes vingt ans. Mon excuse était que mes études me prenaient tout mon temps. Je pensais naïvement tomber amoureuse de cet homme. Ce qui n'est jamais arrivé, au contraire. Nous nous voyons très rarement et c'est suffisant.

— T'es dans la lune ?

Les doigts long et fins d'Alice passent devant mes yeux. Ils s'agitent et me sortent hors de mes pensées.

— Heu... non, je pense à Kallen.

Le visage contrit de mon amie témoigne de son mécontentement. Elle ferme ses paupières et s'adosse à la chaise en bois. Les bras croisées, elle soupire plusieurs fois pour se calmer. Alice n'aime pas que je parle de lui. Elle ne vient pas de mon monde et est contre ce mariage forcé. Chez nous, c'est récurant aux dires de mon père. Il est normal de marier sa fille à un homme de confiance. Mon père ne veut que le meilleur pour moi, il ne donnerait pas ma main à n'importe qui.

— Ce type est louche, siffle-t-elle, les lèvres pincées. Il te regarde comme un bout de viande.

— Alice, s'il te plaît. On a dû boulot pour demain.

La blonde ajuste ses longs cheveux bouclés derrière ses oreilles et se penche sur sa feuille. Dessus est inscrit les goûts de mes invités. Au total neuf. Mon père, Kallen, Alice, ma tante Rosie et son fils de trois ans Matt, trois amis de mon père et Mathieu le voisin veuf.

Pour ce dernier, j'ai dans l'idée de le présenter à Alice. Elle aussi est célibataire. Peut-être qu'elle tombera amoureuse ? Elle qui dit que son cœur est à prendre.

Quoi qu'il en soit, je me replonge sur le site du pâtissier. La liste de ses gâteaux me met l'eau à la bouche. Rien que l'éclair au chocolat me rend folle. Je note ce mets sur ma feuille, dans une écriture rapide et mal soignée.

— Et pourquoi pas une bûche roulée au chocolat ? proposé-je. C'est traditionnel et j'en ai marre des bûches glacées.

Alice est plongée sur la feuille, notant les derniers goûts. Elle relève sa tête, attache ses yeux verts aux miens.

— J'en sais rien, il en fait ?

J'avisais l'écran, faisant défiler le site. Mais rien. Aucune mention de bûche. Merde.

— Visiblement pas, je vais l'appeler, dis-je en attrapant mon téléphone.

Tant pis s'il est trop tard, il me faut une réponse. J'appuie sur l'écran tactile en recopiant le numéro inscrit en noir sur le site internet. Après trois tonalité, le pâtissier décroche. Ouf, il n'est pas parti !

— Rugby Thibault, oups, Ruby... Que me vaut cet appel à moins de trois minutes de la fermeture ?

Je l'entends rire à travers le cellulaire. Il est fier de sa bêtise, on dirait. Sa bonne humeur m'arrache un sourire, bien malgré moi. À mes côtés, Alice fronce les sourcils et désigne le téléphone de la tête. Je l'ignore royalement, n'ayant pas envie qu'elle se fasse des idées.

Bon, je ne vais pas faire la susceptible face à cette fausse erreur. J'ai merdé la première et puis, un homme de ce genre est bien mieux que tout ces pervers ou de types imbus d'eux-même. Combien d'homme m'ont prise pour une idiote, se pavanant devant moi et me donnant des leçons ? Malheureusement, beaucoup trop. Même Kallen le fait.

Ce que j'apprécie – déjà – chez cet nouvelle rencontre est son attitude. Il ne me considère pas comme une bourgeoise et ne se donne aucun genre. Alors qu'il le pourrait ! Il est séduisant et intelligent.

— Monsieur Laso, j'ai juste une question à poser.

J'entends un soupir. Moi aussi je peux jouer à ce jeu. Il ne sera pas déçu.

— C'était aussi urgent ? Vous auriez pu attendre demain.

Il n'a pas l'air si énervé que ça, même si son timbre grave laisse penser le contraire.

— Non, affirmé-je sur un ton strict. Est-ce que vous faites des bûches de Noël ?

Un silence gênant prend place. Je pince mes lèvres et ignore le regard insistant d'Alice.

— J'ai commencé, oui. Venez demain, on avisera des goûts. Bonne soirée.

Oh, il n'est pas enclin à la discussion. Tant pis, j'ai ma réponse.

— Merci beaucoup. Dites, comment saviez-vous qui j'étais ?

La réponse ne tarde pas. La voix de mon interlocuteur est désespérée.

— Il existe une merveilleuse touche qui enregistre les numéros dans un répertoire. Vous devriez essayer, ça sauve des vies ! Bonne soirée, Madame.

Je roule des yeux, un brin agacée. Là, il me prend pour une conne. Pourtant, je me contente d'un petit salue et raccroche.

Le téléphone sur la table, je fixe l'écran de mon ordinateur. Le pâtissier se plie déjà en quatre pour moi, il n'était pas obligé d'accepté. Peut-être a-t-il un rendez-vous ? Ou sa famille à retrouvé ? Bref, je ne dois pas m'y attarder. J'ai encore des choix importants à faire et plus que vingt jours.

Pour la décoration, l'aide d'Alice n'était pas de trop. Une déco sobre, noire et dorée a été choisi. Dans deux jours, j'irais aux magasins acheter ce dont j'ai besoin. En attendant, je continue mes recherches sur le repas. Puisque aucuns traiteurs n'est libre, je me débrouillerais seule. J'ai juste un souci avec la dinde. Je n'en ai jamais cuit ! Si c'est un problème, pour l'accompagnement c'est plus facile. Je ferais des ravioles aux gambas.

— Le pâtissier, je suppose ? me questionne Alice.

Au son de sa voix, je vois déjà les idiotes questions arriver. À ses dires, je trouverais l'âme-sœur et que mon mariage avec Kallen devrait être annulé.

Jusqu'à présent, Alice m'a été d'une grande aide. À l'adolescence, elle m'a soutenue et m'a ouvert les yeux. C'est grâce à elle que je ne suis dans ce monde si étriqué. Je me suis interdit des milliers de choses pour être bien vue. Et malgré ça, on me fout toujours dans des mauvaises cases. Alors je veux vivre, comme j'en ai envie.

Mais ça, je ne l'avouerai jamais. Encore moins à mon père. S'il apprenait ma rébellion, il me tuerait. Alors je vais continuer ce rôle, espérant qu'un jour, je m'épanouisse avec Kallen. Ce dernier n'est pas si mal. Un brin surprotecteur et hautain, mais je m'en accoutumerai. Sur ce point, je n'ai de toute façon pas le choix. Autant l'accepté le plus tôt.

— Oui, il fait des bûches. Je passerais demain.

Le regard en biais de mon amie me décroche un fin sourire.

— Des bûches... mmhh... Il est sexy, le gars ?

Automatiquement, je mordille ma lèvre inférieure en retenant un rire. La réponse est simple ; oui. Je n'ai pas arrêté de repenser à nos mots ces deux jours. À chaque fois, j'en riais. Ce n'est pas tant rugby ou caillou que j'ai en tête. Mais diamant. La raison est bien plus simple que le constat de sa beauté, il est amusant. Ok, attrayant.

— Très, parfait pour toi, rié-je en lui donnant un coup de coude.

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