XVIII
– Nous ne sommes pas aussi cruels que toi, Antonio, fit remarquer Eflinntak. Seulement, nous venons de perdre plusieurs des nôtres.
– Jusqu'à aujourd'hui, nous ne connaissions que notre forêt, poursuivit Rilaan qui expliqua à Antonio leur existence.
– Nous n'étions qu'une seule famille de trois générations. Un jour, notre père découvrit l'existence d'une autre tribu. Mais nous n'avons pas voulu nous mêler à elle. Récemment, il en a découvert une autre. Dans celle-ci, il y avait un homme qui avait appartenu à la nôtre, à l'époque où elle était plus grande. Il lui a dévoilé l'histoire de notre famille. Quelques jours plus tard, notre grand-mère est tombée malade. L'homme a fait une découverte, et nous sommes allés la voir : la forêt s'arrêtait, il existait un au-delà. Alors vous avez mis le feu à notre forêt. Nos grands-parents sont restés et notre père a sauvé une tribu. Puis vous l'avez capturée.
Antonio ne savait plus quoi penser. Le but de Comemos Nuestra Propia Madre était d'aller à l'encontre de la population qui tentait de ralentir et d'arrêter le réchauffement climatique, de la choquer en salissant la religion. Antonio l'avait reniée, comme tous ceux qui étaient de leur côté. Les gens avaient tellement peur d'eux, qu'ils les désignaient par les dernières lettres de leurs quatre mots : mostrapiadrE. Mais il ne s'était pas engagé pour tuer des personnes, des humains comme ses ravisseurs disaient être. La vérité, c'est que le grand Eldorado était fou de la religion. Il disait qu'on ne pouvait y croire que s'il y avait des preuves. À cette époque, il y avait un autre groupe qui disait tout le contraire : qu'il n'y avait aucune preuve pour nous mettre à l'épreuve. Le grand Eldorado ne s'arrêtait jamais de chercher, il suivait une dizaine de pistes à la fois, épaulé par d'autres singes ralliés à sa cause. Puis il a disparu, sans qu'on ne sache où, quand ni comment. Quand le réchauffement climatique a empiré, le Pape a dit que Mère Nature souffrait et qu'elle nous priait de la soigner. CoNuMa fut définitivement contre la religion et s'opposa aux actes contre le réchauffement climatique. Jamais de toute leur vie ils n'avaient voulu atteindre la forêt Amazonienne, l'incarnation de Mère Nature. Et lui-même fit partie du groupe qui mit le premier pied dans la forêt.
Alors, Antonio eut une pensée qui lui traversa l'esprit à la vitesse d'un éclair. Et si le grand Eldorado avait pénétré dans la forêt, et avait rencontré des humains ? Peut-être l'ont-ils tué ? Il devait mener son enquête. Il devait interroger ses prisonniers avant que le gouvernement ne les réquisitionne. Mais pour cela, il fallait convaincre ses ravisseurs.
– Ils vont observer vos copains en laboratoires, mais...
– C'est quoi "laboratoire" ?
– Eh bien... Vous aurez beaucoup de choses à apprendre, on dirait. C'est comme si on vous mettait en cage et qu'on essayait toutes sortes de choses sur vous, tout en essayant de comprendre comment vous fonctionnez. C'est horrible, croyez-moi.
Chacun déglutit difficilement. Mais c'était forcément pire que ce qu'ils étaient en mesure d'imaginer. Ils ne pouvaient avoir aucune idée de ce qui existait dans le vrai monde.
– Je disais que c'était leur but. Mais ce n'est pas le mien.
– Et pourquoi tu serais différent des autres ? Qu'est-ce qui nous prouve que nous pouvons te croire ? intervint Apuuntak qui était revenu, appuyé contre le mur.
– Vous avez raison. Je ne peux pas vous demander de me croire en disant que vous verrez bien à la fin si vous êtes morts ou vivants. Mais si je vous expliquais mes intentions, vous pourriez peut-être m'aider et donc garder un œil sur moi.
– Nous t'écoutons.
Antonio leur raconta l'histoire de sa communauté, essayant tant bien que mal d'adapter ses mots à son public, et leur soumit son hypothèse toute neuve concernant le grand Eldorado.
– L'homme aurait très certainement pu t'aider. Malheureusement, rétorqua Apuuntak, tu l'as tué.
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